Bilan des violences et de l’insécurité au Sahel : Près de 2000 morts en deux mois, selon OCHA 

Malgré une diminution continue des incidents sécuritaires, les populations du Sahel central subissent encore les conséquences de la violence, des conflits et de l’insécurité. Un rapport récent du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA) révèle que, pour les mois d’août et septembre 2024, 569 incidents ont été enregistrés, entraînant la mort de 1 946 personnes.

À titre de comparaison, les mois de mai et juin 2024 avaient vu 2 864 décès liés à des violences. Depuis le début de l’année, le nombre total d’incidents sécuritaires a atteint 10 599, selon la même organisation.

Au-delà des pertes humaines, les conflits au Sahel central continuent de provoquer des déplacements massifs de populations. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur des frontières du Burkina Faso, du Mali et du Niger s’élève désormais à 2,7 millions, soit une augmentation de 3 % par rapport à juin 2024. En parallèle, le nombre de réfugiés a légèrement diminué de 2 %, totalisant 319 500 individus.

Les populations déplacées, souvent les plus vulnérables, sont confrontées à une insécurité alimentaire sévère et à des niveaux critiques de malnutrition. L’accès aux services de base est limité, avec un impact aggravé par les inondations survenues pendant la saison des pluies de 2024. Le rapport précise que 8 218 écoles sont non fonctionnelles dans la région et que 494 centres de santé ne sont plus opérationnels. Le Burkina Faso est le pays le plus durement touché par ces fermetures.

Bien que les violences persistent et que les accès sont de plus en plus restreints, 310 organisations humanitaires demeurent actives sur le terrain, apportant une aide aux populations affectées. Cependant, les financements disponibles sont encore insuffisants pour répondre à l’ampleur des besoins. À ce jour, 885 millions de dollars ont été mobilisés, ce qui ne représente que 38 % des fonds requis pour soutenir 9 millions de personnes ciblées par les programmes d’aide.

Il convient de noter que ce rapport, publié par le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA), repose sur des données collectées auprès de sources variées, telles que ACLED, l’UNICEF, l’OMS, ainsi que les gouvernements nationaux concernés.

 

CSP-JNIM : les conséquences d’un pacte « réchauffé »

Depuis la réunion qui a consacré son changement de dénomination et l’assignation de nouveaux objectifs, fin avril dernier, le Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-PDA) a entamé des discussions de « coexistence pacifique » avec le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM) d’Iyad Ag Ghaly. Ce rapprochement, aujourd’hui à un stade « avancé », pourrait impacter la situation sécuritaire sur le terrain et redéfinir les priorités des différentes entités en guerre.

Dans un message audio qui circule sur les réseaux sociaux depuis le 17 mai 2024, Algabass Ag Intalla, « Chargé de la réconciliation, de la cohabitation et des relations avec les autorités traditionnelles » au sein du CSP, demandait aux combattants du Cadre de ne pas s’opposer aux discussions en cours avec le JNIM. Selon ses propos, le haut cadre touareg avait déjà obtenu certaines avancées par ce biais et en espérait d’autres avec le groupe terroriste.

À en croire le porte-parole du CSP, Mohamed Elmaouloud Ramadane, dans des propos relayés par un quotidien étranger, ce rapprochement entre les deux entités n’est pas pour autant une alliance, mais « un pacte tacite de non agression ».

En effet, selon une source au Cadre, Alghabass Ag Intalla, qui présidait le Cadre jusqu’au changement de nom fin avril, a été mandaté par le Directoire du CSP pour obtenir un pacte de non agression afin de permettre non seulement la libre circulation des combattants, mais aussi un partage d’informations sur les mouvements de « l’ennemi commun », l’armée malienne et ses partenaires.

« Il n’est pas question d’une réconciliation à proprement parler, mais de mettre en place des mécanismes pour éviter la confrontation et de pouvoir coexister sur un même territoire », a confié un cadre du CSP à un média étranger. Joint par nos soins, le Porte-parole du Cadre n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Une  « coexistence » redéfinie

Si aujourd’hui les rebelles du CSP-PDA et les terroristes du JNIM sont en discussion pour ne pas en venir aux affrontements, un pacte de non agression existait déjà entre les deux entités depuis 2012, selon plusieurs observateurs, lorsque les groupes armés contrôlaient une grande partie du Nord du Mali. En effet, pendant les années où la CMA tenait Kidal, aucun affrontement n’a opposé les deux camps.

La « coexistence » pacifique entre le CSP-DPA et le JNIM a été seulement mise à mal le 5 avril 2024, lors de combats à Nara entre les deux entités. Les terroristes du JNIM avaient enjoint aux rebelles du CSP de ne pas mener des opérations dans le centre et le sud du pays, zones qu’ils considèrent comme étant leur « terrain ».

Mais, dans leur tentative de riposte à l’armée malienne après leur long silence depuis qu’ils avaient été défaits à Kidal en novembre 2023, les groupes armés rebelles du CSP ont tenté d’attaquer un camp des FAMa à partir des environs de la forêt du Wagadou, à la frontière entre la Mauritanie et le Mali. Ils sont tombés sur des combattants du JNIM et des affrontements s’en sont suivis entre les deux camps.  Bilan, une dizaine de morts de part et d’autre.

C’est suite à cet accrochage qu’une médiation a été lancée entre les deux groupes, dès le lendemain. Leader du Haut conseil pour l’unicité de l’Azawad (HCUA), dont le mouvement figurait parmi ceux du CSP à s’être alignés sur la demande du JNIM de ne pas mener des opérations sur leur « terrain », et anciennement proche d’Iyad Ag Ghaly au sein du groupe Ansar Dine, Algabass Ag Intalla a été tout naturellement  chargé de mener les discussions pour éviter de nouveaux affrontements et éventuellement  obtenir la libération de prisonniers et la restitution de véhicules.

« Il nous faut nous concentrer sur les ennemis qui menacent notre existence, en l’occurrence les mercenaires de Wagner et l’armée malienne. Nous n’avons pas de temps à perdre avec d’autres conflits parallèles », affirme un cadre du CSP, cité par le média étranger précité.

Quel impact sur le terrain ?

Selon des sources au CSP, le rapprochement avec le JNIM n’inclut pas des attaques conjointes de la part des deux entités. « Éviter la confrontation avec le JNIM ne signifie pas coopérer sur le terrain avec lui. Nous n’avons pas la même idéologie que lui », clarifie d’ailleurs le cadre cité plus haut.

En quoi ce pacte de non agression et ce rapprochement entre le CSP-PDA et le JNIM pourrait-il impacter la situation sécuritaire sur le terrain, notamment les rapports de force avec l’armée malienne, « l’ennemi commun » des deux entités ? Cette nouvelle donne constituerait-elle une menace pour les Forces de défense et de sécurité maliennes engagées depuis plusieurs mois dans une dynamique offensive sur le terrain ?

Pour Soumaila Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité, les réponses à ces interrogations sont négatives. « Je ne pense pas que ce rapprochement puisse avoir un impact assez décisif sur les actions de l’armée malienne. Le JNIM et le CSP ne sont pas dans la même logique. Même si tous les deux décident d’aller à ce rapprochement, leurs agendas ne concordent pas au point de faire évoluer les deux camps ensemble », argue-t-il.

« L’impact est plutôt à rechercher du côté du CSP, qui a adopté une nouvelle stratégie et qui, pour la mener à bien, doit chercher des accompagnements. Ce type d’action vise plutôt à avoir l’aval du JNIM pour se déplacer dans des parties du territoire considérées comme des chasses gardées du JNIM. Le CSP cherche à minimiser les risques en terme de déplacements de ses troupes », poursuit cet analyste.

Nouvelle marge de manœuvre ?

Après la reprise de Kidal en novembre 2023, même si globalement tous les groupes armés terroristes actifs sur le territoire national sont dans le viseur des FAMa, les offensives de l’armée semblent beaucoup plus cibler l’État islamique au Sahel (EIS) dans son fief de la Zone des trois frontières. Plusieurs chefs terroristes de l’EIS ont d’ailleurs été neutralisés ces derniers mois, tandis que certains combattants ont été contraints à la reddition. Le 26 mai, les FAMa ont toutefois neutralisé une trentaine de terroristes du JNIM qui avaient attaqué leurs positions.

Sur le terrain, un affaiblissement de l’EIS, qui subit des frappes ciblées de l’armée malienne, pourrait dans une certaine mesure offrir une nouvelle marge de manœuvre au JNIM et au CSP-PDA, tous deux ennemis déclarés de l’État islamique, qui pourraient se libérer d’éventuels nouveaux affrontements avec l’EIS et concentrer leurs différentes actions entièrement contre les FAMa.

« Ce sont des groupes qui ont la capacité de s’adapter par moment aux réalités du terrain et de se réinventer. Aujourd’hui, ils sont dans une logique de repositionnement et le fait de pouvoir tirer profit d’un éventuel affaiblissement de l’EIS va dépendre de l’évolution du contexte sur le terrain », estime Soumaila Lah.

Par ailleurs, selon Mohamed Elmaouloud Ramadane, la priorité du CSP est de « combattre l’État malien et Wagner » en déplaçant les combats vers le sud, « pour se rapprocher du cœur du pouvoir de l’ennemi, c’est-à-dire de Bamako ».

Pour M. Lah, cette progression annoncée du CSP-PDA, vers le sud du pays sera très difficile pour les rebelles touaregs, même avec l’aval du JNIM pour leur « libre circulation ».

« Je ne pense pas que le CSP et le JNIM soient suffisamment outillés pour mener des actions de grande envergure vers le sud. Je pense que c’est possible sur une partie du nord et du centre, mais au sud je les vois mal prospérer », glisse le spécialiste des questions sécuritaires.

Confédération de l’AES : les défis de la concrétisation

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger viennent de franchir une nouvelle étape dans la mise en place de l’architecture de la Confédération regroupant les trois États. Réunis à Niamey le 17 mai 2024, les ministres des Affaires étrangères des trois pays ont adopté les textes de création de la future entité. En attendant la validation des textes par le sommet des chefs d’État, les défis et les attentes sont déjà grands pour cette future alliance.

« Nous pouvons considérer très clairement que la Confédération des États de l’Alliance des États du Sahel (AES) est née », s’est réjouit le ministre malien des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Abdoulaye Diop, à l’issue d’une rencontre avec le chef de l’État du Niger. En effet, le ministre Diop et ses homologues du Burkina Faso et du Niger ont été reçus par le Président de la Transition au Niger après la réunion ministérielle qui a adopté les textes de création de la Confédération de l’AES, le 17 mai dans la capitale nigérienne. Quatrième du genre, cette rencontre des ministres des Affaires étrangères était une étape supplémentaire vers la concrétisation de la Confédération. « La phase d’organisation de la nouvelle entité confédérale se déroule bien », assure un spécialiste.

L’alliance stratégique incarnée par l’AES prendra bientôt forme et la préparation des « documents-cadres donne satisfaction », poursuit notre interlocuteur. Il ne reste plus aux chefs d’État que de « valider leur volonté politique de mettre en place cette Confédération, qui porte les espoirs de la renaissance africaine ». Ainsi, plus qu’une entité politique destinée à répondre à des défis communs, cette Confédération est aussi, pour certains analystes, le début d’une nouvelle ère.

Opportunités

L’Alliance des États du Sahel est le point de départ d’une nouvelle Union africaine, estime pour sa part Ousmane Bamba, modérateur du « Forum du Kénédougou », et invité du plateau du Débat du dimanche sur la chaîne de télévision Africable. Selon lui, quand la Confédération aura démontré ses avantages, elle pourra devenir une fédération. Il suggère ainsi que le traité fondateur de la Confédération soit assez « contraignant », afin de diminuer l’impact des droits de réserve des États, qui pourraient dépouiller l’alliance de son essence. Il doit aussi rester « ouvert » afin de permettre des adhésions futures.

Face aux défis communs, notamment sur le plan sécuritaire, les États de l’AES ont vite envisagé une synergie d’action, concrétisée par l’adoption de la Charte du Liptako Gourma le 16 septembre 2023. Une dynamique poursuivie lors de la 1ère réunion des ministres des Affaires étrangères des trois pays à Bamako, le 30 novembre et le 1er décembre 2023. Elle s’est traduite par la « mise en place de la synergie d’action pour prendre en compte les aspirations profondes des 3 peuples », a expliqué le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakary Yaou Sangaré, dans le communiqué sanctionnant la réunion ministérielle. Le but de la Confédération est de mutualiser les forces afin de résoudre les problèmes communs, auxquels les États pris individuellement ne peuvent faire face. Une réalité que les États de l’AES ont déjà expérimenté sur le plan sécuritaire avec des résultats probants, admettent les observateurs. Appelés à aller au-delà de cette « architecture de défense collective et d’assistance mutuelle », les États de l’AES veulent désormais bâtir une « unité militaire et économique plus poussée ».

Conditions de la réussite

Condamnés à réussir la prise en main de leur destin commun, les États de l’Alliance ont l’obligation de financer leurs propres projets pour ne pas finir comme le G5 Sahel, avertissent les observateurs. L’un des avantages de la future Confédération, comme pour toute intégration, est la mutualisation d’un certain nombre de moyens et l’élaboration de certaines politiques communes », note le Professeur Abdoul Karim Diamouténé, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences économiques et de gestion (FSEG). Ces politiques peuvent permettre l’élimination de certaines contraintes, dans le cadre par exemple de la libre circulation des biens et des personnes. Et, à ce titre, les entraves à la libre circulation dans le cadre de la CEDEAO sont des expériences à capitaliser, ajoute-t-il.

Sur le plan de l’énergie, la décision du Niger de fournir les pays membres de l’AES en carburant est un atout qui n’existait pas forcément entre les pays de la CEDEAO. Ces facilités pourraient aussi permettre la mutualisation de certains investissements, conséquence d’une prise de conscience qui se concrétisera dès que le processus actuellement en cours sera formalisé.

Suite logique du départ des pays de l’AES de l’organisation commune, la CEDEAO, la création de la Banque de l’AES, qui se chargera de certains investissements, est aussi une étape à envisager pour consolider la future alliance. Elle sera en tout cas différente de celle qui existe déjà. Parce que, dans l’ancien espace, la politique et les conditions administratives « nous échappaient ».

La nouvelle Banque de développement devrait donc faciliter la prise de décisions au niveau des pays, avec une prise en compte réelle des critères, ce qui représenterait « une belle perspective » par rapport à ce qui existait auparavant. Les États de l’AES constituent donc un marché pour les pays côtiers qui en dépendent, et non le contraire, soutient M. Diamoutènè. Les résultats dépendront donc de l’efficacité des actions à mener.

Après les menaces et les sanctions suite au départ des pays de l’AES de la CEDEAO, les leaders de l’organisation tentent une médiation pour le retour en son sein des trois États du Sahel. Un retour qui n’est pas souhaitable et qui serait même une régression, estime l’économiste.

Désormais, il faut envisager l’existence de deux entités qui seront donc contraintes à négocier de nouveaux accords. Disposant de ressources naturelles et d’un marché intérieur de 70 millions d’habitants, les pays de l’Alliance peuvent envisager l’introduction de barrières tarifaires à leurs frontières pour développer leur capacité industrielle, en deçà de celle de la zone, et de protéger leurs marchés. Une opportunité qui amènerait plutôt certains pays de la CEDEAO à rejoindre l’AES. Une « autre CEDEAO, qui prendrait mieux en compte les aspirations des pays de l’AES et même de certains de la CEDEAO ».

La panacée ?

La réunion de Niamey a permis la validation des textes du Cadre d’intégration politique, économique et social, à savoir le Traité portant création de la Confédération de l’AES et le Règlement intérieur du Collège des chefs d’État, et constitue la dernière ligne droite vers la tenue de la première session du Collège des chefs d’Etat. Mais le chemin vers la réalisation des ambitions de l’organisation reste semé d’embûches. La principale condition au succès de l’Alliance « est la réalisation de la souveraineté, qui inclut la sécurisation intégrale », note notre analyste. Les autres sont relatives à la définition de politiques adaptées aux problèmes existants déjà dans les pays qui ont créé l’AES, la rigueur dans la mise en œuvre de ces politiques, grâce à des acteurs très engagés, et la garantie du temps long des transformations, ce qui suppose une continuité dans le processus. Parce que, même si l’essentiel est disponible, une volonté politique et un leadership affirmé qui ont permis de franchir des étapes importantes, le chemin vers la prospérité sera long.

Pour le ministre Diop, « le travail principal aujourd’hui est d’avancer pour finaliser et formaliser les actes nécessaires pour permettre à cette Confédération de fonctionner ». Il faut surtout « prendre la juste mesure des défis », suggère un observateur.

La Confédération ne doit pas être une réponse ponctuelle à des défis existentiels mais une solution pérenne aux aspirations de populations déjà intégrées, grâce à des mécanismes de gestion adaptés. Une dynamique des peuples qu’il faut désormais respecter, selon Boubacar Bocoum, analyste politique.

Bandiagara : jusqu’où ira le mécontentement ?

Depuis plusieurs années, la région de Bandiagara fait face à des enlèvements de bus de transport en commun sur l’axe Bandiagara – Bankass de la  RN15. De nouveaux  enlèvements, le 16 avril 2024, sur le même axe ont provoqué l’ire des forces vives de la région, qui ont depuis entamé plusieurs actions dont l’arrêt est conditionné à la satisfaction de plusieurs doléances qu’elles ont soumises aux autorités.

Suite à un mot d’ordre de désobéissance civile, les populations du cercle de Bankass étaient dans les rues le 18 avril 2024, bloquant par la même occasion l’axe Bandiagara – Bankass sur la RN15. Plusieurs véhicules dont des cars, des camions et des minibus se sont ainsi retrouvés bloqués à l’entrée de la ville pendant deux jours, avant la levée du blocus dans la matinée du 20 avril 2024.

« Nous avons décidé de lever le blocus  à la demande d’un grand leader religieux de notre région. Mais les autres décisions que nous avons prises sont maintenues », explique Mamoudou Guindo, Président du Conseil local de la jeunesse du cercle de  Bankass.

En effet, ces jeunes ont décidé de boycotter la phase régionale du Dialogue inter-Maliens et de maintenir le mot d’ordre de désobéissance civile jusqu’à la prise en charge totale de leurs doléances. Même la levée du blocus de la route est temporaire, comme l’explique M. Guindo. « Le blocus est levé juste pour quelques jours. Si nous n’avons pas de réactions des autorités, nous nous réunirons le 24 avril pour nous mettre d’accord sur la conduite à tenir pour la suite ».

L’État interpellé

En plus des actions entamées dans le cercle de Bankass, l’ensemble des forces vives de la région de Bandiagara est monté au créneau dans un communiqué en date du 19 avril 2024, en dénonçant la persistance des attaques terroristes dans la région, les récents enlèvements et prises d’otages de civils au niveau de Parou  Songobia sur la RN15, le nombre croissant de déplacés dans les grandes agglomérations de la région, « l’inaction » des forces armées et de sécurité dans la région, « malgré la montée en puissance de nos vaillantes armées », et la lenteur dans le processus de dialogue avec les différents groupes armés. « Plusieurs rencontres et dénonciations ont été faites et des promesses ont été tenues par les plus hautes autorités du pays, mais le constat demeure amer », soulignent les forces vives de la région de Bandiagara.

Dans le même communiqué, transmis au Gouverneur de la région, elles demandent aux autorités de la transition d’installer un camp militaire au niveau de Parou Songobia sur la RN15, d’engager une patrouille mixte d’envergure sur tout le territoire de la région de Bandiagara, de libérer la route Koro – Ouahigouya, de diligenter les actions en vue de la libération de tous les otages et d’accélérer le processus de dialogue pour faciliter le retour des déplacés.

Enlèvements récurrents

Selon des sources locales, au moins 110 civils sont retenus en otages par des terroristes présumés suite à l’enlèvement des bus du 16 avril 2024 sur l’axe Bandiagara – Bankass. C’est la 4ème fois depuis 2021 que des enlèvements ont lieu  dans cette zone.

« Le 10 novembre 2021, 3 de nos cars ont été enlevés et jusqu’à présent les otages ne sont pas libérés, parmi lesquels un maire adjoint, un chef de village et le premier Vice-président du Conseil local de la jeunesse », raconte Mamoudou Guindo.

Pour rappel, deux ans plus tard, le 7 novembre 2023, 3 véhicules appartenant à différentes compagnies de transport avaient été également enlevés sur le même axe.  Les assaillants avaient libéré toutes les femmes à bord, avant d’amener avec eux tous les hommes. Un véhicule et ses passagers avaient été par la suite libérés sous caution. Quelques jours plus tard, un autre car avait été à nouveau intercepté au même endroit et ses passagers masculins emmenés vers une destination inconnue.

Bandiagara : insécurité accrue

Après une relative accalmie ces derniers mois, la région de Bandiagara, au centre du pays, fait face à une nouvelle montée de l’insécurité depuis quelques semaines. Elle se caractérise par des enlèvements ciblés de bus et des prises d’otages sur l’axe Bandiagara – Bankass.

Selon des sources locales, depuis le début du mois de novembre, au moins 7 véhicules ont été enlevés sur l’axe Bandiagara – Bankass. En plus de ces enlèvements, des villages de la région sont également pris pour cibles. Le 11 décembre 2023, le village de Barassoro, dans le cercle de Bankass, a été attaqué. Bilan : 3 morts et des dégâts matériels importants. Moins d’un mois plus tôt, le 25 novembre, 6 personnes ont été tuées, des biens emportés, des boutiques incendiées et des motos brûlées lors d’une attaque perpétrée contre le village d’Allaye Kokola, dans le cercle de Bandiagara.

« On peut dire que du mois de juin à maintenant il y a eu plus de 17 villages attaqués, pas moins de 50 morts et une cinquantaine de personnes enlevées », affirme Adama Diongo, Porte-parole du Collectif des associations de jeunes du pays dogon.

« Depuis un moment, la région de Bandiagara est secouée », a reconnu à la télévision nationale le 5 décembre dernier Sidi Mohamed El Béchir, Gouverneur de la région, lors de la visite de terrain dans la localité du Commandant de la Zone de défense N°6. Le même jour, un minibus avait sauté sur une mine dans le cercle de Bankass, entre Garou et Doundé, faisant 2 blessés.

Quête de financements

Les enlèvements répétés de bus et les prises d’otages sur l’axe Bandiagara – Bankass suscitent des interrogations sur une éventuelle nouvelle stratégie adoptée par les groupes armés terroristes dans la zone. Selon Adama Diongo, c’est clairement une « nouvelle stratégie pour se faire financer ». « D’après nos informations, depuis plus d’une année, les financements extérieurs ne viennent plus. Le fait aussi d’enlever le bétail et de le vendre ne donne plus satisfaction comme avant. Pour ces groupes armés terroristes, une autre façon de se financer est d’enlever des personnes et de demander aux parents de payer pour renflouer leurs caisses », explique-t-il. « Les enlèvements se font de façon ciblée. Ils ont des informations sur le visage de certaines personnes, soit des personnes importantes dans leurs communautés, soit des jeunes influents, soit des grands commerçants, entre autres. Derrière, ils demandent des rançons », poursuit-il.

Une population excédée

Face à la résurgence de l’insécurité dans la région, une marche des femmes et des enfants a eu lieu le 5 décembre 2023 dans la commune de Dimball, dans le cercle de Bankass, aboutissant à un blocus de la RN15 dans les deux sens, Bandiagara – Bankass et Koro – Bankass.

Dans un mémorandum adressé au ministre de la Sécurité et de la protection civile, les responsables de la société civile ont demandé la libération des otages, l’arrestation des hostilités et l’installation « dans un bref délai » d’un poste de sécurité permanant entre Songobia et Parou pour protéger les personnes et leurs biens. Le blocus a été suspendu 2 jours après suite à des négociations entamées par les autorités locales.

Pont dynamité

Le 11 décembre, le Gouverneur de la région a été reçu par le ministre de la Défense et des Anciens Combattants, pour discuter des mesures « rapides et efficaces » à prendre pour restaurer la sécurité et amener la reprise normale des activités dans la région. La veille, dans la nuit du 9 au 10 décembre, le pont de Parou, qui se trouve sur l’axe Bandiagara – Bankass, ciblé à plusieurs reprises par les groupes armés terroriste depuis le début de la crise au Centre, avait été de nouveau dynamité, coupant les localités de Koro, Bankass et Bandiagara du reste du pays.

« Nous avons pris des dispositions et nous sommes en train de tout faire pour que les gens puissent circuler. Pour le moment, beaucoup empruntent la route des falaises. Pour le reste, nous sommes en train de voir avec les plus hautes autorités comment trouver les solutions adéquates pour que la population soit soulagée », assure le Colonel Aly Sidibé, Préfet du cercle de Bankass.

JNIM : le groupe terroriste veut-il couper le nord du reste du pays ?

Le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM, acronyme arabe) cible de plus en plus les différents moyens de transport, laissant penser à la mise en œuvre d’une stratégie visant à couper le nord du reste du pays.

En se prenant au bateau « Tombouctou » le 7 septembre et à l’aéroport de Tombouctou 4 jours plus tard, le JNIM semble être dans une stratégie globale d’isolement des régions du nord du reste du pays.  

« L’objectif est clairement de couper le nord du pays. Je pense que contrairement à 2012, où ils ont massivement et brutalement occupé les régions du nord jusqu’à Konna, cette fois-ci ils sont en train de reconquérir les mêmes zones, avec beaucoup plus de subtilité », estime le journaliste Tiégoum Boubèye Maiga.

« Le blocus au niveau de Léré, qui va jusqu’à Nampala en passant par Konna et Douentza, signifie, qu’on le veuille ou non, que le Mali est coupé est deux. Le bateau était le seul moyen ces derniers temps, les routes sont coupées et maintenant les avions sont menacés. Cela veut dire que quelque part aujourd’hui la mobilité est inexistante », poursuit-il.

L’analyste politique et sécuritaire Soumaila Lah est du même avis. « Il y a le nord aujourd’hui qui est au centre de toutes les préoccupations. Je pense que le fait de s’attaquer à ces moyens de transport dénote de la volonté du JNIM de s’affirmer d’une part et d’envoyer un message clair à Bamako de l’autre, pour dire qu’ils ont toujours une certaine préséance et qu’ils se battront jusqu’au bout », analyse-t-il.

Ces attaques surviennent par ailleurs dans un contexte où le groupe d’Iyad Ag Ghaly a placé la ville de Tombouctou sous blocus depuis quelques semaines, arrêtant les approvisionnements de l’extérieur, en provenance notamment de l’Algérie et de la Mauritanie.  

Dans cette stratégie, le JNIM a visiblement un allié de taille, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), déterminée de son côté à ne pas céder les zones sous son contrôle à l’armée malienne, qui est en train de reprendre toutes les emprises de la MINUSMA.

Pour M. Lah, la collusion entre la CMA et le JNIM dans les attaques récentes est avérée. « Ce n’est pas un fait nouveau. En 2012 il y avait déjà cela. Je pense que le fait d’être aujourd’hui en position de faiblesse oblige ces organisations à cheminer ensemble pour éventuellement prendre le pas sur les FAMa », souligne le Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité.

Réserve des forces armées : sonner la mobilisation

Le 13 septembre 2023, le Conseil des ministres a adopté un projet de décret fixant le Statut particulier de la Réserve des Forces armées et de Sécurité, concrétisant une dynamique de participation citoyenne à la défense de la patrie en cette période de crise. Si l’initiative salutaire permet de mobiliser les citoyens pour la défense du pays, les modalités de la mobilisation restent des questions à définir.

Alors que les choses semblent s’accélérer pour la mise en œuvre de la Réserve des Forces armées, tout reste encore à définir sur un plan pratique. Selon Fousseynou Ouattara, Vice-président de la Commission Défense du Conseil national de Transition (CNT), interrogé sur la chaîne TM1, il s’agit de permettre aux forces armées d’utiliser de façon optimale tout leur potentiel en cas d’agression ou de catastrophe. 

Le projet de décret, initié conformément à l’article 24 de la Constitution, dispose que « la défense de la Patrie est un devoir pour tout citoyen. Tous les citoyens âgés de 18 ans au moins peuvent être mobilisés aux côtés des Forces armées et de Sécurité pour la défense de la Patrie », précise le communiqué du Conseil des ministres

Son élaboration fait suite à l’application des dispositions de l’Ordonnance n°2023-015/PT-RM du 21 mars 2023 portant Statut général des Militaires, ainsi que de celles de la Loi n°2016- 038 du 07 juillet 2016 portant institution du Service national des Jeunes. N’appartenant pas à l’armée d’active, la Réserve est constituée de personnes appelées réservistes et formées pour renforcer ou apporter un concours aux Forces armées maliennes dans le cadre de la défense nationale. Le décret adopté précise les deux types de réserve, la réserve stratégique et la réserve opérationnelle.

La réserve stratégique est constituée des personnels du contingent du Service national des Jeunes ayant accompli le service militaire, des militaires dont la démission a été régulièrement acceptée, des militaires admis à faire valoir leurs droits à la retraite durant le temps où ils sont soumis à une obligation de disponibilité, qui est de cinq ans, des volontaires ayant souscrit un engagement et de toute autre personne ayant accompli le service militaire.

Lorsque la réserve stratégique est mise à la disposition du Chef d’État-major des Armées, elle est dite opérationnelle. Les réservistes mobilisés sont soumis au Statut général des Militaires et à toutes autres dispositions législatives et règlementaires en vigueur régissant les militaires. L’adoption du décret fixant le statut des réservistes est une nouvelle étape qui permettra désormais de déterminer l’état des réservistes et les conditions de leur mobilisation, d’assurer les garanties d’un renfort capital en cas de crise, de catastrophe naturelle ou de guerre, d’apporter un haut niveau de compétences supplémentaires aux Forces armées et de Sécurité et d’encourager les jeunes à contribuer à la Défense de la Nation.

Renfort naturel

Cet encouragement des jeunes à participer à la défense de la Nation est d’autant plus normal que ces derniers constituent les forces vives dont l’engagement est indispensable à sa vie, remarque Ousmane Abou Diallo, Président de l’Amicale des anciens du Service national des Jeunes (AMA- SNJ). « Le pays a besoin de tous ses fils et filles. La défense est un devoir pour tous parce que nous traversons des moments difficiles et que tout le monde doit jouer sa partition ».

Institué en 1983, le Service national des Jeunes ambitionnait de former des citoyens modèles, compétents et au service de la Nation.  Avec comme devise « Apprendre, servir et défendre », il constituait un véritable creuset pour fortifier l’esprit national civique et inspirer les jeunes générations, selon l’Amicale. De 1985 à 1991, le Service a formé 6 contingents ordinaires et 2 spéciaux, pour un effectif de plus de 6 000 personnes.

Après une interruption de 24 ans, le service a été de nouveau institué en 2016 avec d’autres objectifs. L’une de ses missions est de « contribuer à parfaire l’éducation, la formation physique, civique et professionnelle des jeunes en vue de leur participation effective et entière au développement économique, social et culturel du pays et de leur mobilisation pour les besoins de la défense nationale ». Entre 2018 et 2021, une cohorte de 1 300 jeunes a été formée et une autre, constituée exclusivement des admis au concours de la Fonction publique, également. La dernière promotion est constituée de ceux admis au concours de la Fonction publique en 2022.

Cette deuxième génération doit permettre de former des citoyens pétris de valeurs et capables d’assurer et d’assumer la souveraineté, espèrent les autorités. Souhaitée par l’Amicale des Anciens du SNJ, l’institution de la Réserve des Forces armées complète le dispositif de défense citoyenne voulu par les autorités pour impulser une nouvelle dynamique et former les ressources humaines indispensables à la mise en œuvre du Mali nouveau appelé de tous les vœux.

Devoir citoyen

En contrepartie de ses droits, il est attendu du citoyen l’accomplissement de ses devoirs envers sa patrie. Et l’un des premiers est celui de sa défense, surtout lorsque son existence est menacée. Parce qu’ils seront appelés à diriger le pays, les jeunes doivent en assurer aussi l’existence, car « pour diriger un pays, encore faut-il qu’il existe », note le Dr Bréma Ely Dicko, sociologue et membre de la commission de rédaction de l’avant-projet de nouvelle constitution (juillet-octobre 2022).

Appelés à travailler dans un environnement différent, les réservistes sont invités à compléter leurs connaissances « civiles » par des connaissances « militaires ». Une sollicitation en fonction des compétences, tient à expliquer M. Diallo, le Président de l’Amicale des anciens du SNJ. Il s’agit d’un devoir de servir que tout citoyen doit être fier de remplir. La défense de la patrie est un devoir et il incombe à tous.

« La Réserve n’est pas seulement pour ceux qui ont fait le service militaire », ajoute-t-il. Si tout le monde peut être mobilisé, ce n’est pas tout le monde qui « ira sur le front ». Lorsque le pays traverse les moments difficiles, c’est chaque Malien qui doit jouer sa partition, poursuit-il. Parce qu’à côté des fonctions de combat, d’autres fonctions sont également nécessaires à la défense.

Ce décret, « pris au bon moment », est une occasion pour tous les citoyens de se sentir concernés par la défense de la patrie. Assurant qu’au SNJ, ils « sont prêts » à répondre, il explique que même après leur période de mobilisation, les militaires à la retraite, par exemple, peuvent encore servir. En termes de formations, de conseils ou d’autres types d’appui.

Les jeunes ont suffisamment de droits et un des devoirs est de sauver le pays, renchérit Dr Bréma Ely Dicko. Donc mettre à disposition ces forces permet de créer le cadre officiel qui permettra d’identifier qui de droit le moment venu. C’est une mesure salutaire, parce qu’elle permettra d’anticiper d’éventuels besoins en réservistes.

Cela permettra aussi de raffermir le patriotisme chez les jeunes et de leur faire mieux comprendre comment fonctionne l’armée. « Nous avons besoin de développer l’orgueil national », estime pour sa part le Dr Amadou Traoré, sociologue, Chef de département à la Faculté des Sciences sociales de Ségou (FASSO). Et, pour ce faire, il faut du patriotisme. Ceux qui ont fait la formation militaire sont dotés de ce sens de la responsabilité et de l’amour de la patrie. Déplorant que, malgré la situation de guerre, certains ne se sentent pas concernés, il estime que « tous les Maliens sont des soldats », à différents degrés. Il faut donc construire une « mentalité commune ».

Sur le plan politique, cette formalisation de la Réserve peut constituer un espoir, parce qu’elle peut interpeller les citoyens sur la prise en compte des services régaliens que chacun doit rendre. Selon le Dr Traoré, l’idéal se construit, et pas en un jour. Il faut donc concrétiser notre devise « Un Peuple, Un But, Une Foi » à travers le patriotisme et la confiance en soi. « C’est d’abord aux Maliens de défendre leur patrie ». Si le pouvoir et la liberté appartiennent au Peuple, il doit les assumer au bout d’efforts à capitaliser.

 

Repères

Institution du SNJ : 1983

Suppression : 1991

Re Institution SNJ : 2016

Adoption Statut Réservistes : 2023

 

Léré : la CMA attaque deux camps de l’armée

La CMA a revendiqué hier dimanche l’attaque de deux camps militaires à Léré dans la région de Tombouctou. Les combats ont débuté vers 15h30 et ont duré plus de deux heures selon des sources locales qui ont affirmé que la CMA a pris possession des deux camps. Certaines des sources affirment que c’est une alliance CMA-JNIM qui lancé l’assaut contre les camps. Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux montrent les séparatistes dans les camps. Ils affirment également avoir abattu un avion de l’armée, un Albatros-L39.  L’armée a annoncé dans la soirée qu’une riposte était en cours et appelé les populations à rester sereines et éviter tout mouvement près des emprises. Ce lundi, dans un communiqué, l’armée assure que les FAMa sont actuellement mobilisés dans le secteur n°3 suite à l’attaque de Léré pour défendre ses positions et maintenir la paix et la paix et la sécurité des populations. « Notre mission principale dans cette opération est une fois de plus de détruire l’ennemi, de le dissuader de commettre tout acte d’agression et de protéger nos populations » peut-on y lire. Cette nouvelle attaque représente une escalade entre les principaux signataires de l’accord pour la paix de 2015. La CMA avait déjà revendiqué une attaque contre une position de l’armée à Bourem dans la région de Gao le 12 septembre dernier. L’état-major dans son communiqué n’a pas mentionné la CMA mais plutôt une attaque terroriste qui a causé la mort à 10 soldats et en a blessé 13. L’armée assure dans le même communiqué avoir neutralisé 46 terroristes. Ces combats interviennent alors que la MINUSMA doit bientôt rétrocéder ses camps situés dans des zones sous contrôle de la CMA à l’armée. L’attaque de Bourem visait notamment à empêcher de prendre possession des emprises de la MINUSMA. Le détachement de l’armée destiné à la région de Kidal y est basé.

Sécurité : la guerre entre dans une nouvelle phase

La situation sécuritaire dans le nord du pays s’est considérablement dégradée depuis le début du mois de septembre, avec la multiplication des attaques terroristes visant des positions des Forces armées maliennes (FAMa) mais aussi des civils. Par ailleurs, alors que l’armée s’apprête à reprendre les camps de la Minusma dans la région de Kidal, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), de son côté, est déterminée à garder les zones sous son contrôle.

49 civils et 15 militaires tués, des blessés et des dégâts matériels. C’est le bilan provisoire donné par le gouvernement de la double attaque terroriste revendiquée par le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM) le 7 septembre 2023, contre le bateau « Tombouctou » reliant Gao à Mopti et la base militaire des FAMa à Bamba, dans la région de Gao.

407 rescapés de cette attaque sont arrivés le jour suivant à Gourma-Rharous, où dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, ils appelaient les autorités de la Transition à l’aide. « Tous mes enfants sont morts, ma famille entière, il ne me reste plus que mon petit-fils, que vous voyez avec moi », se lamente un vieil homme devant un groupe de rescapés qui scande : « nous voulons quitter ici ». « Nous avons perdu beaucoup de personnes, des enfants tout comme des adultes et des personnes âgées. Nous sommes fatigués. Nous n’avons ni à manger ni à boire, nous avons tout perdu dans cette tragédie. Nous voulons rentrer chez nous », confie, très remontée, une femme. Ce sont les affres, les dernières d’une guerre qui s’étend et devient de plus en plus meurtrière.

Le 8 septembre, au lendemain de cette double attaque, le camp militaire de Gao a été à son tour la cible d’une attaque terroriste faisant une dizaine de morts et des blessés parmi les Forces armées maliennes, suivie 3 jours après, le 11 septembre, de tirs d’obus à l’aéroport de Tombouctou occasionnant des dégâts matériels dans le camp de la MINUSMA s’y trouvant.

Guerre ouverte

Au même moment où les attaques du JNIM se multiplient, la CMA, de son côté, mène des actions dans le but d’empêcher la perte des zones qu’elle contrôle dans le nord du pays. Dans un communiqué en date du 10 septembre, le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), regroupant la CMA et d’autres mouvements signataires de l’Accord pour la paix, « tout en désignant la junte au pouvoir à Bamako comme seule responsable des conséquences graves qu’engendrera sa stratégie actuelle de rompre le cessez-le feu », déclare « adopter dorénavant toutes mesures de légitime défense contre les forces de cette junte partout sur l’ensemble du territoire de l’Azawad ».

« Le CSP-PSD appelle les populations civiles à s’éloigner au maximum des installations, mouvements et activités militaires et les assure que ses forces feront de la sécurisation des personnes et de leurs biens leur priorité contre toutes sortes de menaces », poursuit le communiqué, signé du Président Alghabass Ag Intalla. Mais le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) et la Plateforme des mouvements du 14 juin d’Alger s’en sont désolidarisés pour n’avoir pas été associé à la rédaction de la déclaration.

Le 11 septembre, dans une « communication en temps de guerre », la cellule d’information et de communication des affaires militaires de l’Azawad, créée quelques jours plus tôt, demandait « à tous les habitants de l’Azawad de se rendre sur le terrain pour contribuer à l’effort de guerre dans le but de défendre et protéger la patrie et ainsi reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire national azawadien ». Pour concrétiser ses menaces, la CMA est passé à l’acte le 12 septembre en s’attaquant à une position de l’armée malienne à Bourem, dans la région de Gao. Selon certaines sources, le dispositif de l’armée malienne qui doit reprendre les camps de la MINUSMA dans la région de Kidal est stationné dans cette zone. Les combats violents ont duré plusieurs heures et la CMA s’est repliée suite à l’intervention des vecteurs aériens de l’armée, qui ont effectué de nombreuses frappes. L’État-major général des armées, qui n’évoque pas la CMA dans son communiqué, parle « d’une attaque complexe aux véhicules piégés de plusieurs terroristes à bord de plusieurs véhicules et motos ». Bilan, « 10 morts et 13 blessés dans les rangs des FAMa et 46 terroristes neutralisés, plus de 20 pickups détruits, y compris ceux équipés d’armes ». Signe que la collusion réelle entre la CMA et le JNIM, comme ce fut le cas en 2012, est désormais bien intégrée dans la communication de l’armée. Ces affrontements directs entre les deux principaux protagonistes signent aussi la « mort cérébrale » de l’Accord pour la paix signé en 2015, du moins en l’état, à moins que la communauté internationale, en l’occurrence l’Algérie, chef de file de la médiation, jusqu’alors silencieuse, ne tente de faire rasseoir les parties autour de la table.

Nouveau tournant

En attendant, pour l’analyste politique et sécuritaire Moussa Djombana, la montée des tensions dans le nord s’explique par une combinaison de facteurs, notamment la volonté d’occupation de l’espace laissé par le départ progressif de la MINUSMA et le renforcement des capacités militaires des FAMa, qui envisagent des offensives, y compris dans les zones couvertes par le cessez-le-feu de 2014. « Cela a provoqué la colère de la CMA, qui interprète cela comme une violation du cessez-le-feu et une agression », souligne-t-il.

La reprise des hostilités, qui semblait inévitable entre les deux camps, fait basculer la situation sécuritaire dans le pays dans une nouvelle phase depuis la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation en 2015.

À en croire M. Djombana, elle risque de se détériorer davantage par la suite. « Pour les autorités maliennes, les opérations visent les groupes armés terroristes, pas la CMA. Cependant, pour la CMA, la violation du cessez-le-feu de 2014 et la caducité de l’Accord pour la paix sont une réalité depuis quelque temps. Les FAMa ont pris Ber grâce à une opération militaire d’envergure, un bastion de la CMA depuis 2012, ce qui augmente la probabilité de nouveaux affrontements », analyse-t-il.

Même son de cloche chez le géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel Dr. Alpha Alhadi Koïna. « On sait qu’aujourd’hui les groupes armés ne veulent pas du tout laisser l’armée s’installer confortablement dans certaines zones qu’ils prétendent être leurs fiefs. Ber était l’une d’elles. Aujourd’hui, l’armée est aussi déterminée à occuper Aguelhok, Tessalit et plus tard Kidal. S’il n’y a donc pas de négociations, il est fort probable que des affrontements aient lieu », avance-t-il.

Pour Dr. Koïna, la position et la posture actuelle des groupes armés s’expliquent par le fait que la MINUSMA étant en train de partir, « ils essayent d’occuper le plus tôt possible le terrain et d’harceler l’armée avant qu’elle ne puisse se positionner. Pour y parvenir, il est important pour ces groupes armés et terroristes de terroriser la population et de faire peur à l’armée ». « La CMA a tout à perdre si l’armée malienne récupère Kidal. Il est tout à fait normal qu’elle essaye de tout faire pour rester sur ses positions », glisse-t-il.

JNIM : le lucratif business des enlèvements

Même s’il n’en détient pas le monopole, le JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) a érigé au fil des années les enlèvements au Sahel en modus operandi. Depuis que sa rivalité s’est accentuée, à partir de février 2020, avec l’EIGS (État islamique au grand Sahara), le groupe d’Iyad Ag Ghaly a multiplié les rapts. Expatriés européens, nationaux de divers profils, la liste des otages passés, ou qui sont encore dans les mains du JNIM au Mali, est longue. Que tire ce groupe terroriste de ces enlèvements ?

Officiellement, pour la libération le 20 mars 2023 de l’ex-dernier otage français dans le monde, Olivier Dubois, détenu pendant près de deux ans par le JNIM, et de l’humanitaire américain Jeffrey Woodke, enlevé au Niger en 2016, les autorités françaises et américaines sont catégoriques : aucune rançon n’a été versée et aucune libération de prisonniers n’a servi de monnaie d’échange.

Mais difficile de s’en tenir à ces versions quand on sait que dans la plupart des enlèvements d’Occidentaux en Afrique, la libération n’intervient qu’après des paiements de rançons et/ou la remise en liberté de terroristes prisonniers. À en croire certaines sources issues du renseignement malien et relayées par des médias locaux, au moins quelques millions d’euros auraient été versés pour obtenir la libération des deux ex-otages.

L’ancien Président François Hollande reconnaissait en 2016  que des rançons avaient été payées pour certains Français retenus en captivité, en l’occurrence les journalistes Hervé Ghesquière et Stéphane Taponnier, enlevés en Afghanistan en 2009 et libérés en 2011, et  Florence Aubenas, enlevée en 2005 en Irak puis libérée quelques mois après.

Comme pour Olivier Dubois, près de 3 ans plus tôt, Paris a toujours démenti avoir payé, en plus d’échange de prisonniers,  pour la libération de Sophie Pétronin, autre otage française longtemps détenue au Mali et libérée en octobre 2020 en même temps que l’ancien Chef de file de l’opposition malienne Soumaïla Cissé et 2 Italiens, Nicola Chiacchio et Pier Luigi Maccalli.

Dans la foulée, sur RFI, Ahmada Ag Bibi, ancien membre d’un groupe djihadiste qui sert quelquefois d’intermédiaire lors des négociations, affirmait que 2 millions d’euros avaient été versés comme rançon au JNIM  pour l’ancien Président de l’URD, décédé depuis.

De l’argent et des concessions

La manne financière que le JNIM et les groupes terroristes tirent des enlèvements est très importante. Une source spécialiste de ces mouvements djihadistes l’estime à « 40 à 50 milliards de francs CFA perçus de 2003 à aujourd’hui ». « La prise d’otages européens  a fait des djihadistes au Sahel des milliardaires en francs CFA, cela ne fait aucun doute », avance cette source, qui a requis l’anonymat. De son point de vue, c’est d’ailleurs pour cette raison que les Occidentaux, et plus particulièrement les Européens, sont les cibles privilégiées du JNIM, parce que les pays d’où ces derniers sont originaires entament vite des négociations pour obtenir leur libération.

« Lorsqu’ils prennent des Européens et des Africains, ils libèrent plus rapidement les Africains pour deux raisons. D’abord, parce que ces derniers n’ont pas de valeur marchande, leurs États n’ont pas d’argent pour payer. Ensuite parce qu’ils font attention à ne pas enlever des locaux dans les zones qu’ils occupent. Cela pourrait amener des relations difficiles entre eux et les autochtones », explique notre source.

En dehors de l’argent qu’il perçoit à travers les rapts, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à Al Qaeda, tire d’autres avantages. « Les enlèvements rapportent soit de l’argent, soit une occasion de négocier pour aboutir à des concessions ou obtenir des accords. Souvent, ils enlèvent des chefs de villages pour faire un forcing afin d’obtenir un accord local ou un avantage quelconque », affirme un ex-otage malien.

« Dans le centre du Mali, quand le JNIM enlève des personnalités locales, politiques ou influentes dans un village ou dans une ville, il négocie des concessions qui peuvent être endogènes. Si, par exemple, on les empêche de se ravitailler en carburant dans un village qui fait de l’autodéfense, s’ils y enlèvent quelqu’un ils poussent les pions pour qu’on leur ouvre la route, qu’ils puissent quelquefois venir à la foire se ravitailler en denrées, acheter des engins ou vendre leur bétail », confie celui qui a passé deux mois au centre du Mali en 2018 dans les mains d’un groupe affilié au JNIM.

Selon lui, d’autres profils en dehors des Occidentaux intéressent le groupe dirigé par Iyad Ag Ghaly. Administrateurs civils, militaires, politiques ou encore journalistes, « dès  qu’ils jugent pouvoir tirer contrepartie d’une cible, ils n’hésitent pas ». Dans plusieurs cas, les libérations d’otages interviennent aussi après celle de prisonniers, de certaines voies ou encore l’obtention d’une garantie de non coopération avec l’armée de la part des populations.

Manque de ressources ?

C’est inédit. Quatre vidéos de revendication d’otages enregistrées et diffusées sur les réseaux sociaux en l’espace de quelques jours (entre le 28 et le 30 mai 2023). Jamais le JNIM n’avait autant « exhibé » ses captifs dans un délai aussi court. Comme à l’accoutumée dans ce genre de vidéos, le message de fond reste le même. Les otages, 1 Sud-africain et 3 Maliens, appellent les autorités de leurs pays et leurs familles à négocier leur libération.

Dans deux vidéos enregistrées le 26 mai et diffusées deux jours plus tard, le Sud-africain Gert Jacobus van Deventer, 48 ans, demande d’urgence de l’aide ou toute forme d’assistance pour faciliter ou activer toute action qui puisse conduire à sa libération.

Pour sa part Abdou Maïga, ancien député, et proche du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga selon certaines sources, appelle également le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, et le Chef du gouvernement à tout faire pour négocier sa libération, affirmant souffrir de glaucome, de diabète et de tension.

« J’ai été arrêté par les djihadistes le 18 mars 2023 entre Koala et Nara et actuellement je suis en vie. J’étais blessé le jour où l’on m’a arrêté. Actuellement, je suis en bonne santé. Je veux que le gouvernement m’aide pour que je rentre à la maison », implore de son côté, dans une autre vidéo enregistrée le 28 mai, le Caporal Oumar Diakité, élément du 34ème Bataillon du Génie militaire.

Tout comme lui, le même jour, Abdoulaye Kanté, garde forestier enlevé fin mars dans un poste à Kita, demande dans une autre vidéo de l’aide des autorités, à ses collègues et à sa famille pour recouvrer la liberté.

La nouvelle méthode employée par le JNIM, d’autant plus avec des otages relativement peu connus, suscite des interrogations. Le groupe est-il en manque de ressources financières et est-il en train d’activer des leviers de négociations pour le combler ? Est-il en train d’expérimenter une nouvelle stratégie ? Pour l’analyste sécuritaire, spécialiste des groupes djihadistes du centre et du nord du Mali, Yida Diall, la réponse à ces deux interrogations est négative.

« Pour moi, ces vidéos ne sont  pas pour chercher de l’argent, parce que en général les otages africains ne sont pas susceptibles de faire gagner beaucoup aux terroristes. Je pense qu’ils sont en train de le faire pour un autre motif, un échange de prisonniers. Ces derniers mois, ils ont eu certains lieutenants importants arrêtés, certains, pendant que Barkhane était encore là et d’autres avec la montée en puissance de l’armée ».

Quelques otages occidentaux, dont la « valeur marchande » est réputée plus grande, sont toujours aux mains du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans. Parmi eux, entre autres, le quadragénaire roumain Iulian Ghergut, enlevé en avril 2015 au Burkina Faso puis transféré vers le Mali, et trois Italiens, Rocco Antonio Langone et Maria Donata Caivano, 64 et 62 ans, et leur fils Giovanni, 43 ans, capturés au Mali  le 19 mai 2022.

Forum de Bamako : développement local, paix et sécurité au cœur de la 23ème édition

C’est un rendez-vous devenu important au fil des années pour mener des réflexions et proposer des solutions dans plusieurs secteurs d’activités au Mali et en Afrique. La 23ème édition du forum de Bamako s’est ouverte jeudi 18 mai dans la capitale malienne, réunissant  pendant 3 jours, comme chaque année depuis son institution, d’importantes personnalités autour de différents panels.

« Développement local comme facteur de paix et de sécurité ». C’est le thème retenu pour cette 23ème édition du Forum de Bamako, dont l’ouverture des travaux s’est déroulée à l’Hôtel Azalai en présence de nombreuses personnalités.

« Le développement local signifie donner aux citoyens la possibilité de maitriser leur propre développement en apportant des solutions partagées à des problèmes existentiels concrets. Il n’est plus question de dire à nos populations dans nos contrées éloignées : Je vous développe, cela ne vous regarde pas ! », a souligné Abdullah Coulibaly, Président de la Fondation Forum de Bamako dans son allocution d’ouverture.

« Ce développement autocentré s’appuie tout normalement sur un dialogue permanent entre toutes les composantes de nos sociétés. Agriculteurs, pécheurs, éleveurs, jeunes, moins jeunes, femmes, hommes, tous unis, mobilisés dans un même élan, animés par une volonté commune de vivre en commun », a-t-il poursuivi.

Dans sa conférence inaugurale, Pr. Alioune Sall, Directeur exécutif de l’Institut des futurs africains, est longuement revenu sur le concept, expliquant ses contours et en mettant en exergue son importance et sa place primordiale dans une bonne gouvernance des Etats.

Programme diversifié

Au menu des échanges pendant les 72h de durée du forum, différents thèmes en lien avec le développement local, seront abordés à travers 8 panels de haut de niveau.

Deux de ces panels, respectivement sur l’ « Aménagement du territoire, de la gouvernance territoriale et du développement local en Afrique : sens, enjeux et défis » et « Dividende démographique, croissance urbaine et dynamiques socio-spatiales des territoires » se sont tenus le premier jour du forum.

La « Disponibilité des services sociaux de base et du capital humain », les  « Enjeux et défis de l’accès à la santé », l’ « Intégration de la dimension genre dans le processus de développement local » et les  « Projets structurants et innovants et leurs impacts sur le développement régional et local », seront au cœur des échanges le 19 mai.

Deux autres panels prévus le 20 mai, dernier jour du forum, sur  les Approches  « sécuritaire, prévention et de paix et  « gouvernance territoriale et locale » clôtureront les échanges du forum avant leur synthèse suivie d’une  présentation des recommandations et propositions  à l’adresse des autorités de transition.

D’ores et déjà, M. Youba Ba, Ministre de l’élevage, représentant le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga, a assuré  que le gouvernement ne ménagerait aucun effort dans la prise en compte des recommandations qui seront issus des échanges du forum.

Axé sur les enjeux du développement de l’Afrique, le Forum de Bamako est un lieu et un temps d’échange d’idées et de dialogue où se rencontrent depuis 23 ans, chefs d’entreprise, hommes et femmes politiques, décideurs publics, universitaires, experts, représentants de la société civile et des médias, du continent africain et des autres continents. Il a pour ambition de favoriser le métissage de connaissances et le partage des savoirs dans une approche participative.

Opération Kapidgou 2 : quel impact à la frontière Burkina – Mali ?

C’est l’une des premières retombées du renforcement en cours depuis quelques mois de la coopération bilatérale militaire entre le Mali et le Burkina Faso. L’opération Kapidgou 2, menée conjointement par les armées des deux pays, a été officiellement lancée le 21 avril dernier. Entre ratissages de villes et traque des terroristes, peut-elle contribuer à une sécurisation complète le long des deux frontières ?

L’objectif de Kapidgou 2 est double : augmenter d’une part la pression sur les groupes armés terroristes (GAT) qui sévissent le long de la frontière Mali-Burkina en détruisant leurs bases et d’autre part faciliter le retour des populations et de l’administration tout en promouvant le développement socio-économique de la zone.

Pour le Commandant Abdoul Wahab Coulibaly, chef de Kapidgou 2 côté malien, cette opération diminuera de manière significative l’insécurité dans cette région, parce que « les groupes armés terroristes se trouvent maintenant pris au piège entre deux déluges de feu qui les contraindront à abandonner leur dessein ».

Concernant un premier aperçu des actions menées sur le terrain quelques jours après le début de l’opération, la Direction de l’information et des relations publiques des Armées du Mali (Dirpa), que nous avons contactée à Bamako, n’a pas souhaité communiquer. Il ressort des explications fournies que le PC (Poste de commandement) conjoint qui mène l’opération n’a encore fourni aucun rapport.

Par contre, côté burkinabé, où une première phase était en cours depuis le 3 avril 2023, on en sait un peu plus. Selon une source proche de l’opération, plus de 800 combattants issus du 5ème BIR (Bataillon d’intervention rapide), du 23ème RIC de Koudougou (Régiment d’infanterie Commando), d’un bataillon mixte de marche composé de soldats et de VDP (Volontaires pour la défense de la patrie) et d’une compagnie de marche, le tout appuyé par un vecteur aérien en QRF (Force de réaction rapide), sont mobilisés pour l’occasion.

Roquettes lancées depuis 30 ou 40 km sur les bastions terroristes, ratissages et fouilles systématiques des villes et villages de la zone transfrontalière, démantèlement d’engins explosifs improvisés (EEI), l’armée burkinabé déploie de gros moyens. Résultats, plusieurs localités ont été reprises, des suspects appréhendés et des terroristes neutralisés, selon elle. Toutefois, ces dernières semaines, plusieurs militaires et VDP sont tombés suite à des attaques de GAT dans le pays.

Efficace ?

Les opérations conjointes entre le Burkina Faso et le Mali n’en sont pas à leurs débuts. Elles avaient été arrêtées il y a plus d’un an avant de reprendre en 2023, avec la nouvelle dynamique insufflée par les Présidents de transition des deux pays, le Colonel Assima Goïta et le Capitaine Ibrahim Traoré. L’analyste politique et sécuritaire Siaka Coulibaly, pour lequel la pertinence de l’opération en cours n’est plus à démontrer, est quand même inquiet sur son efficacité finale.

« Les deux pays ne semblent pas se rendre compte de la nature réelle du phénomène terroriste à son stade actuel. Au Burkina Faso, beaucoup plus qu’au Mali, les terroristes, après la destruction de leurs grandes bases, sont rentrés dans la population. C’est cela la dimension communautaire du conflit, qui en appelle plus à un travail de police que d’armée classique », avance-t-il.

« Les deux pays doivent faire preuve d’adaptabilité pour terminer le conflit, sinon il durera longtemps, d’autant que certains acteurs sont préparés à soutenir les irrédentistes », poursuit l’analyste.

Selon un spécialiste des questions sécuritaires qui a requis l’anonymat, pour plus d’efficacité dans cette traque commune des terroristes, essentiellement du Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), dans la zone transfrontalière, il faut mettre l’accent sur le partage des renseignements et aboutir à des canaux d’échanges assez dynamiques entre les deux pays, sans oublier les formations communes d’éléments des deux armées.

Siaka Coulibaly est du même avis. « Les opérations relèvent maintenant plus du renseignement social que des affrontements directs avec des groupes armés. Si l’on continue avec l’approche militaire, on aura des cas dramatiques parce que l’adversaire est fondu dans la population », prévient-il.

En juin 2021, le Burkina Faso et le Mali s’étaient joint à la Côte d’Ivoire pour mener une opération tripartite dans les zones frontalières des trois pays. Dénommée Tourbillon vert, elle avait permis de de neutraliser 4 terroristes, de détruire 3 motos, d’interpeller 64 personnes et de récupérer des téléphones portables et des matériaux explosifs.

MINUSMA : 10 ans après, à la croisée des chemins

Le 25 avril 2013, quand le Conseil de sécurité de sécurité des Nations unies adoptait la résolution 2100 créant la Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation au Mali (Minusma), il misait sur un retour rapide à la paix dans un pays en proie à une instabilité sans précédent. 10 ans après, la Minusma est toujours présente, soumise aux multiples évolutions d’une crise à rebondissements qui, à bien des égards, ont fini par impacter son efficacité. Entre avancées et doutes, retour sur une décennie de présence onusienne au Mali.

L’histoire entre la Mission onusienne et le Mali pourrait se résumer aujourd’hui à celle d’un couple au bord du divorce. Le grand amour des débuts d’un « mariage en grande pompe » s’est dissipé au fil des années, sur fond de malentendus qui ont fini par faire voler en éclats la confiance mutuelle. Résultat, après 10 ans de chemin commun, jamais les deux partenaires n’ont autant frôlé la séparation. Renouvellement du mandat en juin dernier sur fond d’incompréhensions entre le gouvernement malien et le Conseil de sécurité, restrictions de la liberté de déplacement de la Mission sur le territoire national, contestations publiques des rapports à la tribune des Nations unies, entre autres.

D’ailleurs, une certaine opinion publique malienne favorable à un départ pur et simple de la Mission onusienne du Mali n’a cessé de se faire entendre ces dernières années, même si elle contraste avec le soutien que continue de lui apporter une partie des populations du Nord auprès de laquelle la Minusma intervient principalement, notamment à Gao ou à Tombouctou.

Le Mouvement Yèrewolo Debout sur les Remparts, après sa lettre adressée en août 2022 aux responsables de la Mission et d’autres petites actions menées, entend hausser le ton lors d’un meeting ce 28 avril 2023. Le slogan demeure le même, « Minusma dégage ! ».

L’analyse, par ailleurs, des résultats de l’enquête d’opinion « Mali-Mètre 2022 » de la Fondation Friedrich Ebert montrait que plus de la moitié de la population malienne n’était pas satisfaite de la Minusma, avec « 14% plutôt insatisfaits et 45% très insatisfaits ».

Un bilan « mitigé » 

La Minusma est poussée vers la sortie par certains Maliens et doit aujourd’hui faire avec les restrictions de mouvements imposées par les autorités de la Transition. Environ 24,1% des autorisations de vols d’hélicoptères et drones ont été récemment refusées. Le gouvernement l’impute au non-respect des procédures convenues. Elle aura pourtant réussi durant cette décennie de présence dans le pays à atteindre des résultats.

« Pour moi, le bilan n’est pas négatif. Quand on parle de la Minusma, il ne faut pas seulement voir le volet sécuritaire. Il y a d’autres volets, comme le politique, le judiciaire, l’humanitaire, entre autres », soutient Abdoulaye Tamboura. Pour ce géopolitologue, le bilan de la Mission onusienne au Mali durant ces dix dernières années est plutôt mitigé. Si certains Maliens estiment qu’il est négatif, ce n’est pas le cas des acteurs de la Minusma, même si beaucoup reste à faire. Le sentiment d’insatisfaction des populations maliennes vis-à-vis de la Minusma, explique-t-il, est lié à son mandat, jugé non adapté mais qu’elle ne peut pas outrepasser.

Hamadoun Touré, ancien ministre et ancien Porte-parole de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) abonde dans le même sens. « Ce qui est fait dans le bilan de la Minusma ne correspond pas avec ce qui était attendu de la part des populations maliennes. Ces dernières pensaient que la Minusma allait venir tout régler, remettre juste les  clés du Mali au Maliens et partir, ce qui ne s’est pas passé durant ces 10 ans », glisse-t-il. Les deux  analystes s’accordent sur un  acquis important à mettre à l’actif de la Mission onusienne : la fin de la belligérance entre l’État malien et les ex-rebelles. En effet, depuis le cessez-le feu de 2014, les armes ont été mises de côté pour laisser une chance à l’Accord pour la paix signé en 2015, même si celui est de plus en plus fragile ces dernières semaines.

Pour la Porte-parole de la Minusma, Fatoumata Sinkou Kaba, le bilan de ces 10 ans de  présence au Mali est positif sous l’angle de la mise en œuvre des mandats successifs, malgré « une conjoncture internationale défavorable, avec des ressources humaines et financières de plus en plus réduites pour répondre aux besoins de plusieurs foyers de tension ».

« La mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation a permis de stabiliser les régions du Nord. Il demeure l’instrument par excellence pour le retour de la paix au Mali. Aujourd’hui, dans des villes comme Gao et Tombouctou, les habitants jouissent à nouveau de leur liberté de circulation, y compris au-delà, notamment les jours où des foires hebdomadaires se tiennent dans les localités environnantes. La reprise du commerce est un signe d’un retour relatif de la paix », argue-t-elle. Outre cet aspect, la nouvelle Porte-parole liste les réalisations de la structure, qu’elle a rejointe en février dernier, en remplacement du Français Olivier Sagaldo, expulsé du Mali quelques mois plus tôt.

Réduction des violences entre communautés au Centre du Mali, sécurisation des routes principales, notamment la RN15, revitalisation des Commissions foncières (COFO) dans les régions du Centre pour réduire les violences liées au foncier, mise en œuvre de projets à impact rapide et d’autres, plus structurants, financés à travers le Fonds fiduciaire pour la paix et la sécurité au Mali, formation des Forces de défense et de sécurité maliennes… La liste est loin d’être exhaustive.

Avenir fragilisé ?

À deux mois d’un éventuel renouvellement de son mandat pour une année supplémentaire, difficile de prévoir la durée de vie restante de la Minusma. Autant les signaux d’une « mort programmée » de la Mission onusienne sont réunis depuis quelques mois, autant, les différentes parties (l’État malien et le Conseil de sécurité des Nations Unies) ne semblent pas prêtes à « l’enterrer ».

Mais le retrait des forces internationales, qui avaient contribué à la protection des camps et des secteurs, et le fait que les moyens aériens critiques prévus dans le plan d’adaptation de la force « continuent de faire défaut », ainsi que les « restrictions non déclarées » font débat. À cela il faut ajouter le retrait imminent de plusieurs pays contributeurs, dont l’Allemagne, la Côte d’Ivoire, le Bénin ou encore l’Égypte, qui a suspendu sa participation. Dans un récent  rapport soumis au Conseil de sécurité pour un examen interne de la Minusma, le Secrétaire général António Guterres fait trois propositions pour une reconfiguration future de la Mission. Selon le document, la première consiste à augmenter les capacités (Soit environ 2 000 ou 3 680 membres du personnel en tenue supplémentaires), de manière à permettre à la Mission d’exécuter son mandat dans son intégralité dans tous les secteurs où elle est déployée.

La seconde veut continuer de se concentrer sur les priorités stratégiques, avec une présence consolidée pour soutenir les priorités actuellement prescrites dans le mandat de la Mission ou alors dans les limites de l’effectif maximum autorisé, l’accent étant mis principalement sur le soutien à l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Enfin, la troisième proposition, plus drastique que les deux premières : retirer les unités en tenue et transformer la Mission en mission politique spéciale, parce que « l’élargissement du mandat de la MINUSMA en 2019, sans que des capacités supplémentaires lui soient accordées, a mis la Mission à rude épreuve. La situation actuelle est intenable », alerte  António Guterres.

« En l’absence d’une composante Personnel en tenue, la Mission ne serait pas en mesure de maintenir une présence civile hors de Bamako, en raison des menaces asymétriques. Elle consoliderait en conséquence sa présence à Bamako et pourrait continuer d’apporter son soutien au dialogue politique et à la réconciliation, au renforcement des capacités de gouvernance et à la surveillance, à la promotion et à la protection des droits humains et encourager le rétablissement de l’autorité de l’État », explique le Secrétaire général.

Une telle reconfiguration pourrait bien permettre à la Minusma d’échapper à sa perception par les populations de « force d’occupation », résultat selon l’ancien porte-parole de l’Onuci, Hamadoun Touré, de sa longue durée, « ennemie de toute mission de paix ».

Banamba : des milliers d’enfants privés d’école

Plus d’une quarantaine d’écoles sont fermées dans le cercle de Banamba à cause de l’insécurité. Il s’agit notamment de huit écoles de la commune de Sébété, dix-sept dans la commune de Toubacoro, douze dans la commune de Toukoroba, quatre dans la commune de Kiban et deux dans la commune de Toubacoura. Cette information a été donnée par les Comités de gestion scolaire (CGS) du cercle de Banamba, qui se disent préoccupés et interpellent les autorités pour une solution rapide.

Cette situation, qui prévaut depuis 2018, préoccupe les parents d’élèves, qui craignent pour l’avenir de leurs enfants, des milliers, privés d’école. Ils demandent aux autorités d’intervenir pour renforcer la sécurité dans la zone et freiner les djihadistes dans leur élan. En effet, depuis cette date, les hommes armés auteurs  de ces incursions ont demandé la fermeture des écoles qui dispensent le programme classique. Seules les écoles d’enseignement coranique sont autorisées à fonctionner.

Malgré la tenue fin 2019 d’un Cadre de concertation présidé par le Préfet du cercle, pour informer les acteurs de l’Éducation de la fermeture de plus d’une vingtaine d’école, la situation persiste dans les localités du cercle Banamba, dans la région de Koulikoro. Cette dégradation, qui entrave le droit à l’éducation de milliers d’enfants, touche aussi une centaine d’enseignants, qui se retrouvent au chômage à cause de ces fermetures.

Mopti : le Premier ministre Choguel Maiga en visite de trois jours

Le Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maiga est arrivé cet après-midi à Mopti pour une visite de 72h. Le chef du gouvernement arrive dans une région qui souffre d’un manque d’eau et d’électricité depuis plusieurs jours. Selon des locaux, ce problème a paralysé les activités économiques et scolaires de la ville.  Ces problèmes viennent s’ajouter aux problèmes sécuritaires de la région. Deux jours avant la visite, le 14 mars, le Premier ministre a reçu une délégation des forces vives de la région de Mopti. La délégation lui a fait un rapport de la situation difficile dans la région.

Opération de sécurisation du Nord: quel impact dans la zone des 3 frontières ?

Depuis Anéfis, au sud de Kidal, les groupes armés du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement  (CSP-PSD) ont lancé le 20 février une vaste opération de sécurisation des régions du Nord, deux semaines après la fusion en une seule entité militaire et politique des mouvements de la CMA. Objectif : contrer la récurrence d’attaques de groupes armés terroristes et de bandits armés dans les zones sous leur contrôle. Cette opération pourra-t-elle stabiliser la Zone des 3 frontières, en proie à l’insécurité depuis plusieurs années ?

C’est une grande première : près de 2 500 hommes et plus de 300 véhicules mobilisés. Les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015 issu du processus d’Alger ont déjà mené des patrouilles communes dans certaines régions du Nord, mais jamais ils n’avaient mobilisé autant d’hommes et de moyens. Tous les mouvements de la CMA, de la Plateforme du 14 juin d’Alger et de certains Mouvements de l’inclusivité y prennent part et ont fourni chacun du matériel roulant et des hommes armés. Avec pour centres de gravité Anéfis dans la région de Kidal et Ber dans celle de Tombouctou, l’opération couvrira particulièrement les endroits où les mouvements évoluent et les différentes localités sous leur contrôle.

« C’est pour faire face à toute menace ou inquiétude, que ce soit lié au banditisme ou aux groupes terroristes. Obligatoirement, l’opération  va aller dans les zones où il y a un peu plus de populations, qui font face à des menaces, laissées à leur propre sort », précise  Mohamed el Maouloud Ramadane, porte-parole du CSP-PSD. Quant à la durée des patrouilles, cela va s’étaler sur plusieurs mois, assure-t-il.

« Vues l’étendue territoriale et la distance qui sépare les bases des mouvements, l’opération va prendre du temps, d’abord pour les regroupements et puis pour les départs à partir des points de regroupements », dit-il, n’écartant pas la possibilité qu’elle soit prolongée pour atteindre ses objectifs si le temps qui lui a été accordé n’était pas suffisant.

Freiner l’avancée terroriste

L’opération de sécurisation a été lancée pour freiner l’avancée de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), qui mène une offensive dans la Zone des 3 frontières, notamment dans la région de Ménaka, où plusieurs civils ont été tués depuis bientôt un an. Elle vient suppléer la riposte que tentaient de mener les combattants du MSA et qui avait occasionné à plusieurs reprises des affrontements avec les terroristes de l’EIGS, sans l’implication de l’armée malienne.

Le CSP-PSD espère contribuer à l’amélioration de la situation sécuritaire dans les régions concernées pour créer un climat de tranquillité au sein des communautés de ces différentes zones. Mais « le danger reste un affrontement armé qui pourrait coûter des vies humaines de plus. Nous avons déjà perdu beaucoup de vies humaines dans ce conflit », craint Abdoul Sogogodo, Vice-doyen de la Faculté des Sciences administratives et politiques de Bamako.

En effet, de son côté, le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) se prépare à des combats dans la région de Tombouctou. Dans une récente lettre adressée au chef du village d’Acharene (30 km à l’ouest de Tombouctou), l’émirat de la région appelle les habitants de la zone à s’éloigner de 10 km des bases militaires et à ne coopérer en aucune façon avec l’armée ou d’autres groupes armés « ennemis ».

Selon Abdoul Sogogodo, malgré les bonnes volontés affichées de certains groupes armés, le CSP-PSD ne dispose pas des ressources humaines et économiques nécessaires pour engager une lutte à long terme contre les groupes terroristes. « Il faut que l’État malien et ses partenaires s’appuient sur les groupes engagés dans la lutte pour le retour de l’État, mais ces groupes armés n’ont pas pour vocation de se substituer éternellement aux forces maliennes de défense et de sécurité », tranche cet analyste.

Selon lui, les actions récentes des groupes armés signataires de 2015, y compris le lancement de l’opération de sécurisation, sonnent comme un appel à la négociation pour la mise en œuvre de l’Accord.

Sécurité : les groupes armés de la CMA fusionnent

Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad, les trois groupes armés regroupés au sein de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), viennent de fusionner en une seule entité politique et militaire.

La cérémonie de signature de la déclaration consacrant cette fusion s’est déroulée hier mercredi 8 février au stade Mano Dayak de Kidal en présence des responsables des mouvements.

Pour concrétiser cette nouvelle étape selon le directoire de la CMA, les trois mouvements ont décidé de mettre en place un comité technique chargé des modalités pratiques de la fusion, et d’organiser dans les meilleurs délais un congrès qui fixera les orientations et mettra en place les organes de la nouvelle organisation.

En attendant l’aboutissement du processus, le Bureau exécutif de la CMA continuera la gestion des affaires de la Coordination, précise la déclaration qui invite par ailleurs les autres mouvements à se joindre à l’initiative d’union.

Si cette fusion des trois mouvements de la CMA répond, selon ses initiateurs au besoin d’union face aux défis pour parvenir au bien-être socio-politique et celle de l’amélioration de la situation sécuritaire dégradante dans la zone, elle devrait également donner plus d’épaisseur à la CMA face au gouvernement dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015 issu du processus d’Alger.

La CMA et d’autres groupes réunis au sein du CSP ont suspendu depuis le 21 décembre 2022 leur participation au sein des mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord jusqu’à la tenue d’une réunion avec la Médiation Internationale en terrain neutre.

Ces groupes envisagent de lancer le 20 février prochain, une grande opération de sécurisation des populations des régions du Nord.

Extrémisme violent : sortir de l’engrenage

Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a lancé ce 7 février 2023 son rapport sur le « Voyage vers l’extrémisme violent ». Il s’agit non seulement de résoudre les atteintes qui peuvent conduire certains à choisir cette voie mais aussi de faire sortir ceux qui ont été pris dans l’engrenage. Dans cette quête, l’organisation travaille non seulement avec les dirigeants et responsables politiques, mais également avec les acteurs locaux, confessionnels et la jeunesse, qui sont « les gardiens des solutions nationales à l’extrémisme violent ».

Phénomène assurément mondial, l’extrémisme violent ne connaît pas de frontières, selon le rapport. Et partout ce sont les mêmes facteurs qui contribuent à son expression : pauvreté, inégalités, exclusion, manque d’opportunités et perceptions d’injustice.

Face à ce fléau dont l’ampleur ne cesse de s’étendre, le PNUD préconise une approche différente, basée sur « les solutions de développement ». En effet, des alternatives complémentaires doivent être trouvées au « tout sécuritaire » afin que ceux qui sont censés être protégés contre le recours à l’extrémisme violent ne soient pas les victimes de « mesures de sécurité excessive ». Le rapport, qui estime que les personnes radicalisées sont aussi souvent celles qui se sentent en insécurité, redoute qu’elles ne soient davantage marginalisées et donc plus vulnérables à la radicalisation.

Alternatives positives

En Afrique subsaharienne, le PNUD mène des programmes dans 25 pays pour essayer de contrer les facteurs d’émergence de « la région comme nouveau épicentre de l’extrémisme violent ». « Au Mali, le projet a contribué à renforcer la radio communautaire en tant que plateforme pour défier les stéréotypes, résoudre les tensions et diffuser des messages de cohésion sociale ».

Pour recruter de nouveaux adhérents, les groupes extrémistes surfent sur les échecs des politiques de développement. En effet, le manque d’emplois ou d’opportunités de subsistance, les inégalités ou l’exclusion sociale sont autant de maux exploités par ces groupes.

C’est pourquoi, le PNUD a entrepris de « travailler avec 40 pays pour améliorer la gouvernance et la prestation de services et renforcer la confiance entre les gouvernements et les citoyens ». Prévenir l’extrémisme violent, c’est aussi donner la chance à ceux qui ont basculé d’en sortir. « La réintégration, bien que difficile », semble être la voie la mieux indiquée pour la réconciliation et une stabilité à long terme, selon le rapport.

Pour faciliter le processus, le PNUD encourage les autorités dans la sensibilisation des communautés aux défis des rapatriés. Ces « survivants », grâce au partage de leurs expériences, peuvent aider à travers des informations cruciales sur les déclencheurs et les signes avant-coureurs.

Mali : Les ex-rebelles fusionnent

Des observateurs redoutent que ce nouveau développement ne complique davantage le processus de paix actuellement au point mort.Les différentes composantes de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) ont décidé de fonctionner sous une seule bannière, le mercredi 8 février. C’était au cours d’une cérémonie qui s’est déroulée dans un stade plein à craquer à Kidal, une localité du nord malien qu’ils contrôlent depuis près d’une décennie.

Depuis 2019, au cours de différentes assises qu’ils ont tenues, les ex-rebelles de la CMA n’ont cessé d’exprimer la volonté de fusionner leurs mouvements armés en une seule entité politico-militaire. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) – l’une des trois parties signataires de l’Accord de paix en 2015 – avait trois principales composantes en son sein. Il s’agit du Mouvement National pour la Salut de l’Azawad (MNLA), du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) et du Mouvement Arabe de l’Azawade (MAA). La déclaration de fusion a été signée par les secrétaires généraux des trois mouvements armés respectifs, Bilal Ag Acherif, Alghabass Ag Intalla et Ibrahim Ould Handa.

En posant cet acte, ces responsables admettent la disparition de leurs mouvements armés au profit d’une seule entité politico-militaire. Pour le moment, aucun nom n’a été donné à celle-ci et les emblèmes de son nouveau drapeau n’ont pas encore été dévoilés. Il reste également à déterminer le nom de celui qui aura en charge de prendre la tête de l’aile politique et militaire de cette nouvelle structure ainsi que la durée de son mandat.

Avant cette fusion, les composantes de la CMA avaient leur propre autonomie de gestion et de prise de décision sur tous les plans. Elles étaient surtout organisées en un regroupement disposant d’un bureau exécutif dont le président est nommé pour un mandat de six mois non renouvelable ainsi qu’un chef d’état-major qui est censé faire un an.

Le président en exercice présidence de cette coordination était le secrétaire général du HCUA, Alghabass Ag Intalla. Ce dernier a récemment nommé un nouveau chef d’état-major en la personne du colonel Hamad Rhissa Ag Mohamed qui avait comme adjoint Alhousseini Ag Ahmedou. Ces personnes resteront en place jusqu’à la mise en place des organes de cette nouvelle entité politico-militaire prévue au cours d’un congrès dont l’organisation est annoncée pour bientôt.

Les initiateurs ont également adressé une invitation aux mouvements armés membres d’autres regroupements impliqués dans le processus tels que la Plateforme et l’Inclusivité afin qu’ils adhèrent à leur projet.

L’Accord d’Alger en sursis ?

Des observateurs redoutent que ce nouveau développement ne complique davantage le processus de paix actuellement au point mort à cause de la décision prise en décembre dernier par les ex-rebelles de suspendre leur participation aux différents mécanismes de mise en œuvre de l’Accord. Ils ont conditionné la levée de cette suspension à la tenue d’ « une réunion d’urgence » sur « un terrain neutre » avec la Médiation internationale dont le chef de file est l’Algérie pour faire une évaluation de l’Accord signé en 2015 dont l’application se fait en dent de scie.

La Médiation internationale a accepté cette initiative tout en voulant l’élargir aux autres parties signataires de l’Accord comme la Plateforme du 14 juin 2014 et les autorités maliennes. Ces dernières à travers le chef de l’Etat, le Colonel Assimi Goïta a refusé de participer à une quelconque réunion autour de l’Accord de paix en dehors du Mali. Avec cette situation, nombreux sont ceux qui craignent une reprise imminente des hostilités entre parties signataires de l’Accord de paix dans la mesure où chaque camp ne fait que renforcer ses positions militaires sur le terrain.

Accident meurtrier au Bénin : quatre personnes en attente de jugement

Les dirigeants de la compagnie de transport impliquée dans l’accident ont été arrêtés et placés en détention préventive.La justice béninoise veut voir clair dans l’accident qui a fait 22 morts le 29 janvier dernier. Quatre responsables de la compagnie de transport « Baobab Express » feront face à la justice le 27 février prochain. Ils sont poursuivis pour « homicides involontaires, blessures involontaires, faux certificats et faux et usages de faux certificats ».

Une collision entre un véhicule appartenant à cette société de transport et un camion avait fait 22 morts et une vingtaine de blessés dont certains, brulés au troisième degré, sont toujours entre la vie et la mort. L’accident s’est produit à Dassa-Zoumè dans le centre du Bénin à environ 200 kilomètres de Cotonou.

En plus du directeur général, Paguiel Houémavo, le superviseur de la compagnie de transport, le responsable logistique et le chef garage sont concernés par la procédure en question. Ils ont été placés en détention avant la tenue du procès.

Selon les premiers éléments livrés par le gouvernement suite à l’accident, le bus roulait à vive allure quand l’accident est survenu. Un pneu du véhicule a éclaté avant qu’il n’aille percuter un camion qui roulait en sens inverse. Le choc a provoqué un violent incident qui a entièrement consumé les deux véhicules.

Les autorités béninoises ont également révélé que quelques heures avant le choc, le conducteur, lui-même décédé dans l’accident, a été verbalisé pour excès de vitesse.

Pour lutter contre les accidents de circulation, le gouvernement a décidé en conseil des ministres, d’installer des caméras de surveillance sur les routes.

Burkina-Mali-Guinée : un mini-sommet à Ouagadougou

Ces trois pays sont dirigés par des militaires, arrivés au pouvoir à l’issue de coups d’Etat.Les ministres des Affaires étrangères Malien Abdoulaye Diop et Guinéen Morissanda Kouyaté participent à un mini-sommet, ce jeudi 09 janvier 2023, à Ouagadougou, auprès de la cheffe de la diplomatie Burkinabè, Olivia Rouamba, a appris APA.

Les trois pays en transition en Afrique de l’ouest organise cette rencontre tripartite « dans le cadre des consultations politiques sur des sujets d’intérêt commun », rapporte une source diplomatique à APA.

« L’objectif est de fédérer les idées, les énergies et les moyens pour mieux se faire entendre par les organisations sous régionales, régionales et internationales. Il s’agit de parler d’une même voix, partager les expériences et discuter chacun en ce qui le concerne de sa transition », explique le ministère des Affaires étrangères Malien, dans un communiqué lu à la télévision nationale.

« Coalition » contre la Cédéao

Pour certains observateurs, il s’agit d’une « coalition » pour faire face aux injonctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) que ces pays accusent d’être à la « solde de la France ».

Le Burkina, le Mali et la Guinée sont dirigés par des militaires, arrivés au pouvoir à l’issue de coups d’Etat, condamnés par l’instance sous-régionale. La Cédéao avait imposé des sanctions contre les trois pays en avant de les lever, après avoir obtenu un « engagement clair » des autorités du Burkina Faso, de la Guinée et du Mali sur la durée de la transition et l’organisation d’élections crédibles et transparentes.

Burkina : Des employés de Médecins sans frontières tués dans le nord-ouest

L’organisation suspend ses activités médicales dans la région.Un véhicule MSF (Médecins sans frontières) « clairement identifié transportant une équipe médicale de quatre personnes sur la route entre Dédougou et Tougan, a été pris pour cible, ce mercredi 08 février 2023, par des hommes armés qui ont fait feu sur l’équipage », affirme l’Organisation humanitaire, cet après-midi. 

« Deux employés ont été tués, tandis que deux autres ont réussi à prendre la fuite », déplore MSF qui précise que les deux victimes, âgées de 39 et 34 ans, sont tous de nationalité burkinabè. 

MSF a condamné le meurtre de ses employés et suspendu ses activités médicales dans la Boucle du Mouhoun, dans le nord-ouest pays. 

« Nous sommes bouleversés et indignés par cet assassinat. Il s’agit d’une attaque délibérée et intentionnelle sur une équipe humanitaire clairement identifiée, dans le cadre de sa mission médicale » , explique le Dr Isabelle Defourny, présidente de MSF.

À lire aussi : Sahel : pourquoi les humanitaires sont ciblés ? 

Elle ajoute que la priorité de son organisation est d’apporter son soutien aux collègues qui ont survécu à l’attaque, et de soutenir les familles et proches des disparus. 

Le Burkina fait face à une crise sécuritaire et humanitaire sans précédent, entraînant le déplacement de près de deux millions de personnes suite aux violences et combats opposant groupes jihadistes et forces  étatiques et leurs supplétifs.  

MSF indique que ses équipes présentes dans quatre régions du pays ont ont fourni entre juillet et décembre 2022, près de 400 000 consultations de santé primaire et aidé à l’accouchement de près de 4 300 femmes.

Éthiopie : les attaques contre des chrétiens orthodoxes font 37 morts

Depuis quelques temps, des évêques se rebellent contre l’Église orthodoxe éthiopienne Tewahedo, l’une des plus anciennes au monde.La tension est vive au sein de l’Église orthodoxe éthiopienne Tewahedo qui compte environ 40 % de fidèles parmi les 115 millions d’Éthiopiens. Dans le Sud du pays, plusieurs religieux ont fait scission avec l’institution accusée « de discrimination, mais aussi d’hégémonie linguistique et culturelle » en faveur des Oromo. Les dissidents, excommuniés par la suite, occupent de nombreux lieux de culte.

Samedi dernier, deux jeunes chrétiens orthodoxes ont été tués à l’église Saint-Michel que se disputaient les deux camps à Shashemene, dans la région d’Oromia d’où est originaire le Premier ministre Abiy Ahmed. Ce qui porte à 37 le nombre de morts dans ces violences confessionnelles, d’après Abune Petros, le Secrétaire de l’Église orthodoxe éthiopienne Tewahedo. Celle-ci dénonce l’ingérence de l’État dont les forces de sécurité auraient ouvert le feu sur ses fidèles.

« La répression s’est poursuivie dimanche et des dizaines d’autres personnes ont été tuées », a déclaré Abune Petros avant de signaler que « les archevêques des diocèses de Jima et d’Arsi ont été arrêtés par les autorités d’Oromia et envoyés à Addis-Abeba. Les choristes des églises des villes entourant la capitale ont aussi été arrêtés en masse ».

Somalie : les Nations Unies exigent une enquête sur des affrontements mortels

Au moins treize personnes ont été tuées, lundi dernier, lors de combats entre les forces du Somaliland et des membres armés d’un clan à Las Anod, dans le Nord du pays.Las Anod se situe dans la région de Sool revendiquée par l’enclave autonome du Somaliland alors que l’État semi-autonome du Puntland lorgne Sanaag. Dans ces zones, des groupes armés du clan Talabhanti rejettent l’administration locale du Somaliland.

Leurs affrontements avec les forces gouvernementales ont causé la mort d’une dizaine d’individus. « Au moins 20 personnes tuées et environ 119 blessées dont des enfants  », selon Volker Türk, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme. Ce dernier a appelé les autorités somaliennes à garantir l’ouverture d’une enquête indépendante.

« Ces violences surviennent un mois à peine après qu’au moins 20.000 personnes ont fui Las Anod. De nouveaux déplacements pourraient se produire. Ce qui aggraverait la situation humanitaire déjà fragile dans la région », a déclaré le fonctionnaire des Nations Unies.

« La Russie est ici à la demande du Mali » (Abdoulaye Diop)

Le ministre malien des Affaires étrangères assure que le séjour de son homologue russe, Sergueï Lavrov, découle de la volonté de Moscou et Bamako de renforcer leurs relations diplomatiques.Abdoulaye Diop, qui recevait mardi matin Sergueï Lavrov, a souligné « le caractère historique » de cette visite de 48 heures au Mali. C’est en effet la première fois que le chef de la diplomatie russe foule le sol malien.

Selon le ministre malien des Affaires étrangères, ledit séjour « s’inscrit dans le cadre de la nouvelle dynamique, enclenchée par le gouvernement, consistant à élargir et diversifier les partenariats du Mali en vue d’une réponse efficace, et dans la sincérité, aux défis auxquels nous sommes confrontés ».

Pour le diplomate, son pays a fait le choix de « renforcer » sa coopération avec la Russie pour « démontrer » qu’il est libre de décider avec qui cheminer sur la base des piliers essentiels définis par le président de la transition : « le respect de la souveraineté du Mali, le respect des choix stratégiques et le choix des partenaires du Mali, mais aussi la prise en compte des intérêts du Mali dans toutes les décisions ».

Ainsi, le ministre malien des Affaires étrangères a insisté sur le fait que « la Russie est ici à la demande du Mali ». Et elle « répond de façon efficace aux besoins du Mali en termes de renforcement de capacités de ses forces de défense et de sécurité » dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Car ce qui importe, a ajouté M. Diop, c’est de voir « comment travailler ensemble pour lutter contre le jihadisme », rappelant que « dans certains cas, le terrorisme est fabriqué pour déstabiliser nos pays ».

Dans ce sens, il a déploré l’instrumentalisation et la politisation des droits humains pour des « agendas cachés » ou « à peine cachés » visant souvent « à renverser le régime pour pouvoir atteindre un certain nombre d’objectifs ».

La veille de la visite de Sergueï Lavrov, le Mali a expulsé le directeur de la division des droits de l’Homme de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) à qui il est reproché d’avoir choisi Aminata Dicko pour parler au nom de la société civile malienne lors du récent examen du rapport du Secrétaire Général des Nations Unies sur le Mali. Celle-ci, dans son intervention par visioconférence, a dénoncé les exactions commises contre les civils peuls par l’armée et ses supplétifs russes.  

Dans sa communication, le ministre malien des Affaires étrangères a aussi tenu à se féliciter de « l’intérêt » que la Russie accorde à « l’approvisionnement régulier du Mali en produits de première nécessité dans un contexte particulièrement difficile ».  

« Vous avez pris des décisions importantes afin de permettre au Mali d’accéder à des quantités importantes d’engrais, de blé et aussi d’hydrocarbures », a salué l’hôte de Sergueï Lavrov, non sans dire que « nous comptons travailler de façon générale pour renforcer la coopération économique et commerciale ».

Pour finir, Abdoulaye Diop a exprimé sa solidarité à la Russie subissant des sanctions des pays de l’Ouest en réponse à la guerre qui l’oppose à l’Ukraine. « Les sanctions ne règlent pas fondamentalement les problèmes. Il faut s’asseoir pour dialoguer. Il faut identifier les causes des problèmes et y apporter des solutions, mais aussi éviter la sélectivité dans le traitement des questions internationales », a-t-il préconisé.

Burkina : une vingtaine de pèlerins en partance pour le Sénégal tués dans l’Est

Alors que des sources accusent l’armée burkinabè, le gouvernement estime que cette tuerie répond au nouveau « mode opératoire » des groupes jihadistes.Que s’est-il réellement passé à Ougarou, dans la région de l’Est du Burkina Faso, où des citoyens nigérians y auraient trouvé la mort ? Des sources concordantes ont rapporté que le bus transportant des pèlerins musulmans du Nigeria, en partance pour la célébration de la naissance de leur guide religieux, Cheikh Ibrahima Niasse à Kaolack, dans le centre du Sénégal, est tombé en panne à Ougarou, village situé dans la commune de Matiacoali, dans la région de l’Est du Burkina, le mercredi 1er février 2023.

Pendant que des passagers étaient assis dans le bus, d’autres ont choisi de rejoindre le premier village à pieds, a appris APA de sources locales. Au nombre de 16, ces passagers auraient croisé, chemin faisant, des hommes armés, habillés en tenue militaire burkinabè. Les « assaillants » ont ouvert le feu, tuant, selon nos sources 16 passagers de nationalité nigériane sur le coup.

Elles ont aussitôt pointé l’unité de l’armée, chargée de l’escorte d’un convoi de la mine de Boungou, accusée par le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) d’avoir tuée près d’une trentaine de personnes sur son passage dans les villages de Piega, de Sakoani, de Kankangou.

Le gouvernement a démenti ces allégations, arguant « pour le moment, aucune information concrète ni élément n’a été enregistré sur le terrain qui prouve la véracité des faits ».

Au cours d’une audience avec l’ambassadrice du Nigeria au Burkina, Misitura Abdulraheem, la ministre des Affaires étrangères a qualifié l’armée et ses supplétifs de « responsables, sensibilisés au Droit International Humanitaire et au respect des textes et des consignes en la matière ».

Olivia Rouamba a fait remarquer également que le mode opératoire des groupes terroristes au Burkina Faso a changé encore depuis quelques mois. « Acculés au front, ils opèrent par la manipulation. Ils s’en prennent aux populations civiles en se faisant passer pour des FDS burkinabè », a insisté la diplomate.

Dans un communiqué publié samedi 4 février, la cité religieuse de Médina Baye, fondée par Cheikh Ibrahima Niasse, l’un des fils du créateur de la branche soufie tidiane des « niassène », El Hadji Abdoulaye Niasse, attribue la tuerie à des « bandes armées non identifiées ».

Médina Baye où les victimes devaient se rendre, établit un bilan de 18 morts et s’insurge contre « l’emploi des termes jihad et de djihadistes en rapport avec l’assassinat de civils innocents », attribuant ainsi la tuerie aux insurgés islamistes qui écument le nord et l’est du Burkina Faso. Pour la cité religieuse de Kaolack, « un tel acte est aux antipodes des recommandations du Coran », qualifiant « les personnes qui commettent des actes « comme ceux qui ont fait dix-huit victimes le 1er février, sont tout simplement des bandits et des criminels de la pire espèce ».

Exhortant les musulmans à se conformer aux recommandations de leur religion, Médina Baye appelle les gouvernements de l’Afrique de l’Ouest à veiller à l’adoption des mesures préconisées par la Cédéao pour « éradiquer le terrorisme dans la région et à y garantir la libre circulation des personnes et des biens, dans la sécurité ».

Le Burkina Faso est confronté à une insurrection jihadiste depuis 2015. Elle a fait plusieurs milliers de victimes et entraîné le déplacement de près deux millions de personnes.

Ethiopie: envoi de fonds gouvernementaux à Mekelle

Le gouvernement éthiopien a annoncé ce week-end avoir commencé à envoyer de l’argent dans le nord, dévasté par des années de guerre.C’est une mesure qui vise à faire revivre les services bancaires à Mekelle, capitale de la région du Tigré (nord), théâtre d’une guerre depuis novembre 2020 entre l’armée éthiopienne et les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).

« La Banque nationale d’Éthiopie a commencé à envoyer 5 milliards de birrs (93 millions de dollars) à Mekelle, qui seront distribués à partir de lundi », a déclaré Redwan Hussein, conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre Abiy Ahmed.

Cette annonce intervient après une réunion historique entre les responsables du gouvernement fédéral et ceux de la région du Tigré. Addis-Abeba a déjà commencé à rétablir les services bancaires dans la région du Tigré, touchée par la guerre.

L’argent à envoyer a été revu à la hausse, alors qu’il était jusqu’à présent de 20 millions de birrs (un peu plus de 370 mille dollars), a ajouté M. Hussien.

Le conseiller à la sécurité nationale a également déclaré que la compagnie aérienne Ethiopian Airlines a augmenté le nombre de ses vols quotidiens à destination de Mekelle de 3 à 5 dès aujourd’hui (samedi).

Vendredi, M. Ahmed a eu son premier tête-à-tête avec les dirigeants du TPLF depuis qu’un accord de paix a été conclu en novembre dernier pour mettre fin à deux années de conflit dévastateur dans le nord de l’Éthiopie.

« Le Premier ministre Abiy a pris des décisions concernant l’augmentation des vols, les services bancaires et d’autres questions qui renforceront la confiance et faciliteront la vie des civils », a déclaré M. Hussein dans un tweet.

Mali : Sergueï Lavrov attendu à Bamako ce lundi

Le Mali s’est rapproché de la Russie, sur fond de brouille diplomatique avec la France. Le Ministre des Affaires Etrangères de la Fédération de Russie, Sergueï Lavrov sera en visite d’amitié et de travail, à Bamako, à partir de ce lundi 6 février.

Pour son premier déplacement dans la capitale malienne, le chef de la diplomatie russe y passera quarante-huit heures. Il répond ainsi à une invitation qui lui a été adressée par son homologue malien, Abdoulaye Diop lors de son séjour à Moscou, en mai 2022.

Durant son séjour au Mali, outre son homologue malien, Sergueï Lavrov rencontrera également le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga et le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta.

Pour les autorités maliennes «cette visite de haut niveau s’inscrit en droite ligne du choix politique opéré par le Gouvernement de la Transition d’élargir et de diversifier les partenariats stratégiques, conformément aux principes clés guidant désormais l’action publique au Mali. A cet égard, elle matérialise la volonté ferme des deux Chefs d’Etat malien et russe d’impulser une nouvelle dynamique aux relations d’amitié et de coopération bilatérale, avec un accent particulier sur le renforcement du partenariat dans les domaines prioritaires, notamment de la défense et de la sécurité ainsi que de la coopération économique, commerciale et culturelle ».

De plus, elles estiment que cette visite permettra « de renforcer le dialogue politique de haut niveau entre les deux pays et de renouveler l’engagement mutuel de consolider le partenariat stratégique en faveur de la paix, de la sécurité et du développement ».

Le renforcement des liens russo-maliens intervient après que les relations avec l’ex-puissance coloniale, la France, s’est nettement détériorée depuis l’arrivée des nouvelles autorités à la faveur de deux coups d’Etat en août 2020 et mai 2021.

Cette brouille diplomatique avec Paris a été marquée par l’expulsion en janvier 2022 de l’ambassadeur de France au Mali et les forces françaises de Barkhane et Takuba. Une situation qui fait suite aux nombreuses accusations formulées par les autorités françaises contre celles de Mali d’entretenir des relations avec « les mercenaires de la société privée de sécurité russe Wagner ». Des accusations reprises par d’autres pays occidentaux ainsi que des organisations internationales. Cependant, Bamako continue à nier ces accusations, affirmant entretenir avec la Russie une coopération d’Etat à Etat qui remonte aux années de l’indépendance en 1960. Une coopération axée selon les autorités maliennes sur l’instruction et l’équipement de l’armée malienne, justifiant notamment les récentes nombreuses acquisitions de matériels militaires par les autorités maliennes de la part de la Russie.

Après Bamako, Sergueï Lavrov se rendra à Nouakchott et à Khartoum.

Déclaré « persona non grata » Guillaume Nguefa sommé de quitter le Mali dans 48 heures

L’annonce a été faite dans l’édition du Journal télévisé de 20 heures sur la chaine nationale par un communiqué lu par le porte-parole du Gouvernement, le Colonel Abdoulaye Maïga.Le Directeur de la division des droits de l’homme de la MINUSMA, Guillaume Nguefa-Atondoko ANDALI a été déclaré « persona non grata ». Par conséquent, il est sommé « de quitter le territoire national dans un délai de 48 heures ».

Le gouvernement l’accuse de s’adonner à des « agissements déstabilisateurs et subversifs (…) en violation flagrante des principes et obligation que doivent observer les fonctionnaires des Nations Unies et tout diplomate accrédité au Mali, conformément aux conventions internationales pertinentes ».

Parmi les griefs retenus contre M. ANDALI figure la sélection « des usurpateurs s’arrogeant le titre de représentant de la société civile malienne en ignorant les autorités et institutions nationales (…) à l’occasion des différentes sessions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le Mali ». Le gouvernement indique que M. ANDALI « n’a jamais réussi à prouver les critères qui lui ont permis d’identifier les représentants de la société civile qu’il a utilisés ».

Le communiqué fait notamment allusion au dernier examen du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Mali, le 27 janvier dernier, au cours Aminata Cheick Dicko, membre de l’Organisation Kissal, est intervenue pour attirer l’attention de la communauté internationale sur les exactions contre les civils peuls commises par les jihadistes et les forces armées régulières et leurs partenaires russes.

A en croire le communiqué, ce rôle avait été confié à une première personne par M. ANDALI qui l’a refusé.

Selon les autorités « la conspiration est d’autant plus grande que l’organisation dont se réclame l’usurpatrice est une association étrangère non déclarée et ne disposant d’aucun droit d’exercer au Mali. A titre de rappel, ce forfait a été dénoncé respectivement par plusieurs acteurs dont le Conseil national de la société civile et la coordination des associations et ONG féminines du Mali (CAFO) ».

Tout en réitérant « sa disponibilité à maintenir le dialogue » le gouvernement entend « poursuivre la coopération avec l’ensemble de ses partenaires, conformément aux 3 principes de Goïta à savoir : le respect de la souveraineté ; le respect des choix stratégiques et des choix de partenaires opérés par le Mali ; la prise en compte des intérêts vitaux du Peuple malien dans les décisions prises » souligne le communiqué.

C’est le deuxième responsable de la MINUSMA à être expulsé par les autorités de la Transition au Mali. En juillet dernier suite à l’arrestation des 49 militaires ivoiriens finalement graciés par le colonel Assimi Goïta après avoir été condamnés à 24 ans de réclusion criminelle, le porte-parole de la mission, Olivier Salgado avait connu le même sort suite à des tweets qu’il avait fait soutenant que les autorités étaient informées de leur arrivée en tant que membres des Eléments Nationaux de Soutien (NSE).

Cette réaction  des autorités de Transition était attendue dans la mesure où elles ont tout le temps reproché à la mission onusienne d’«instrumentaliser » la question des droits de l’homme. D’ailleurs, lors du vote de la résolution renouvelant le mandat de la MINUSMA d’un an supplémentaire en juin  2022, le gouvernement avait clairement dit qu’il ne respecterait certaines dispositions notamment celles accordant la liberté de mouvement aux agents de la mission qui souhaiteraient mener des enquêtes sur les allégations de violations des droits humains.

Côte d’Ivoire : montée en puissance de l’opération de contrôle routier

L’opération de la « Semaine de sécurité routière », déployée sur l’ensemble du pays, enregistre à la deuxième journée 5.877 forces de l’ordre, 441 véhicules et 556 motos engagés pour 1.091 postes de contrôles.Lancée le vendredi 3 février 2023 à Abidjan avec un premier déploiement dans le District autonome d’Abidjan et la région de l’Agnéby-Tiassa, la Semaine de la sécurité routière est montée d’un cran pour investir l’ensemble du territoire national.  

Au deuxième jour de l’opération, ce samedi 4 février 2023, ce sont au total 5877 forces de l’ordre, 441 véhicules et 556 motos qui ont été engagés pour 1091 postes de contrôles, indique une note du ministère des Transports.

Pour quadriller progressivement tout le pays avec un dispositif accru sur les axes accidentogènes, le ministère des Transports, en collaboration avec ceux de la sécurité et de la défense ont accru à la deuxième journée de sensibilisation et de répression les postes de contrôles à travers le pays.

Dans le District autonome d’Abidjan, ce sont 4469 forces de l’ordre, 144 véhicules et 200 motos qui ont été mis à contribution avec 383 postes de contrôle. Cette deuxième journée a enregistré 2640 usagers sensibilisés, 464 engins verbalisés et 106 véhicules mis en fourrière.

A l’intérieur du pays, l’opération s’est déroulée principalement dans les régions administratives couvertes par les préfectures de police. Pour cette deuxième journée de sensibilisation et de répression, « aucun incident majeur n’a été signalé », selon le ministère.

Comme moyens engagés, on note 1408 agents des forces de l’ordre (police et gendarmerie), 153 véhicules et 156 motos engagés et déployés sur 325 postes de contrôles. Et, toujours à l’intérieur du pays, cette deuxième journée a permis de sensibiliser 5040 usagers et de verbaliser 1214 véhicules.

Les infractions récurrentes constatées au cours de cette deuxième journée sont le défaut de visite technique, le défaut de plaque, le défaut d’assurance, l’usage du téléphone au volant, le non port de casque et le non-respect du code de la route.