Modibo Mao Makalou : « La relance économique du Mali nécessite une gestion budgétaire rigoureuse »

Modibo Mao Makalou est un économiste formé au Canada et aux États-Unis, ayant occupé des postes clés à la Présidence de la République malienne de 2002 à 2017. Il a également travaillé dans les secteurs des hydrocarbures et des mines. Dans cette interview, il met en lumière l’importance de la session budgétaire du Conseil National de Transition et le projet de loi de finances 2025, soulignant que le budget est un outil crucial pour équilibrer les finances de l’État et soutenir les populations vulnérables face aux défis économiques. Propos recueillis par Massiré Diop.

  1. Une nouvelle session appelée « session budgétaire du Conseil National de Transition s’est ouverte depuis la semaine dernière. Parmi les points à l’ordre du jour de cette session figure le projet de Loi de finance 2025. Pouvez-vous revenir sur les grandes lignes et l’importance de cette session ?

Modibo Mao MAKALOU: Chaque Etat doit déterminer ses ressources et ses charges. Il est même fait obligation par la Constitution d’établir un équilibre budgétaire, c’est-à- dire que les charges soient déterminées, et que l’on doive aussi déterminer les ressources pour financer ces charges. En réalité, le budget est un acte politique symbolique très fort qui est adopté en Conseil des ministres puis voté par les députés. Il permet à l’Etat non seulement de lever l’impot, de s’endetter mais aussi de faire face à ses dépenses régaliennes et autres dépenses de fonctionnement et d’investissements. Le budget d’État est un document très important qui contient des priorités nationales dûment définies ainsi que les dotations budgétaires qui correspondent à ces priorités.

La session parlementaire d’octobre est appelée la session budgétaire et c’est durant cette période que le projet de loi de finances qu’on appelle aussi la loi de finances initiale devient la loi de finances, quand elle est approuvée par le parlement, autorisant ainsi l’Etat à prélever les recettes fiscales et budgétaires et à effectuer les dépenses budgétaires. La Constitution du 25 février 1992 détermine en ses articles. 70 et 77 que l’Etat doit déterminer ses charges et ressources dans un équilibre budgétaire et financier. Pour cela, l’Etat et ses démembrements expriment leurs besoins en termes des charges financières. Après on consolide tout cela ensuite, on détermine les ressources financières qui vont couvrir ses charges durant une année.

  1. Quelles sont vos impressions sur les grandes du projet de loi de finances 2025.

MMM: Le Gouvernement du Mali a adopté le mercredi 18 septembre 2024 lors du Conseil des Ministres un projet de loi de finances pour l’exercice 2025. Les dépenses budgétaires sont estimées à 3229,8 milliards FCFA en 2025 contre 3070,7 milliards FCFA en 2024, soit une progression de 5,18 milliards F contre une progression des recettes budgétaires de 10,93%, celles sont évaluées à 2648,9 milliards FCFA en 2025 contre 2387,8 milliards FCFA en 2024. Aussi, le déficit budgétaire est estimé à 581 milliards FCFA pour 2025 contre 682,8 milliards FCFA en 2024 soit une baisse de 14,92%.

Par ailleurs, les dépenses électorales sont estimées à 80,750 milliards FCFA et les dépenses de fonctionnement régulier de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE) sont estimées à 6,093 milliards FCFA dans le projet de loi de finances 2025.

  1. Avec le défi de maintenir une croissance économique tout en faisant face à l’instabilité politique et sécuritaire, quelles stratégies budgétaires le Mali devrait-il adopter pour stabiliser son économie et soutenir la création d’emplois pour la jeunesse malienne?

MMM: Présentement, le pouvoir d’achat est en train de s’effriter et c’est partout dans le monde dans les pays les plus riches tout comme dans les pays aux revenus les plus faibles. Les prix de l’alimentation ont beaucoup augmenté, de même que ceux de l’énergie suite à la hausse du prix du baril de pétrole et de l’appréciation du dollar face à l’euro et au F CFA. L’Etat devra nécessairement continuer les subventions des produits de première nécessité de même que des transferts d’argent ciblés envers les couches de

population les plus vulnérables, et cela engendrera une hausse des dépenses publiques et de la dette publique. Il va falloir trouver des solutions pour améliorer le pouvoir d’achat, c’est-à-dire en subventionnant davantage et en diminuant certains prix des produits de première nécessité tout en surveillant étroitement que les subventions sont réellement bénéfiques aux populations. Les hausses de prix impactent de façon disproportionnée les ménages les plus pauvres, qui doivent dépenser une plus grande part de leurs revenus sur l’alimentation, par rapport aux ménages plus aisés.

Pour relancer son économie, le Mali devrait essentiellement utiliser la politique budgétaire ou fiscale qui constitue le meilleur instrument de politique économique conjoncturelle plutôt que la politique monétaire. Il s’agira essentiellement à travers les dépenses publiques de cibler les secteurs clés et les services de base essentiels, comme l’agriculture, l’éducation, la santé, la protection sociale, l’eau potable, l’industrie, les logements, le développement urbain et l’assainissement, de même que des infrastructures de base de qualité qui ont une forte incidence sur la réduction des inégalités, surtout parmi les couches les plus vulnérables, notamment le secteur informel, les femmes, les filles et les jeunes mais aussi d’augmenter, de diversifier et de transformer la production nationale, stimuler la production d’aliments et d’engrais, améliorer les systèmes alimentaires, soutenir les ménages les plus vulnérables et les producteurs vulnérables pour renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

  1. Pensez-vous que les prévisions budgétaires actuelles suffisent pour faire face aux défis posés par la dette publique et le service de la dette dans le contexte de la situation économique globale du Mali? Quels ajustements recommanderiez-vous?

MMM: Le gouvernement du Mali est en train d’exécuter son 7ème budget- programme de budget même si nous n’avons pas entièrement basculé dans le budget programme. Il y a des programmes avec leurs objectifs et indicateurs de performance, c’est la gestion axée sur les résultats. Avant, nous avions ce qu’on appelle un budget des moyens, c’est-à-dire on vous donne une somme et vous devriez la dépenser. Maintenant, c’est en termes d’objectifs. C’est ce qui explique les programmes, objectifs et les indicateurs. Cette approche permet de savoir si les institutions et ministères ont atteint les cibles ou pas. Dans presque tous les pays du monde, les dépenses budgétaires dépassent les recettes budgétaires. Le fonctionnement d’un Etat demande un certain nombre de choses. Il y a des missions régaliennes comme les services sociaux de base, la défense, la justice…. Le déficit budgétaire est financé par la dette publique (qui est constituée de la dette intérieure qui est libellée en monnaie locale et de la dette extérieure qui est libellée en monnaie étrangère qui lorsqu’elles ont librement convertibles sont appelées devises). Aussi certains pays qui bénéficient de l’assistance extérieure ou l’aide publique au développement l’utilise pour combler une partie des déficits budgétaires. Malheureusement cette aide publique au développement est en train de tarir car ceux qui fournissent l’aide sont eux-mêmes confrontés à des difficultés financières et budgétaires. Notons que les 8 pays membres de l’Union monétaire Ouest africaine (UMOA) qui ont en partage le FCFA en Afrique de l’Ouest utilisent constamment le marché sous-régional monétaire et financier pour financer la trésorerie des 8 États membres. La stratégie d’endettement de notre pays envisage d’emprunter environ 150 milliards de FCFA sur le marché financier de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) durant le 4ème  trimestre de 2024.

La dette extérieure du Mali demeure modérée selon le Fonds Monétaire International (FMI), avec une certaine marge pour absorber les chocs. La dette publique (extérieure et intérieure) se situe à 56,9% du PIB à fin 2023, contre 53,1% en 2022. Quant à la dette intérieure, elle est essentiellement composée de titres publics (85,7%). La dette publique était estimée à 51,6% du PIB en 2024 et devrait baisser à 50,6% du PIB en 2025. La hausse sur le court terme de la dette publique malien résulterait d’une hausse du service de la dette suite au resserrement de ma politique monétaire pour lutter contre l’inflation mais aussi d’une accumulation importante d’arriérés intérieurs envers les fournisseurs pour faire face au remboursement de la dette publique.

 

Mohamed Maïga : « Le Mali ne peut pas organiser des élections dans les circonstances actuelles »

Face à l’instabilité persistante au Mali, Mohamed Maïga, consultant – expert en Politiques sociales et territoriales, explique pourquoi les conditions actuelles ne permettent pas d’organiser l’élection présidentielle. Il explore les raisons de ce report, ses implications pour la transition politique et les réformes nécessaires pour stabiliser le pays. Propos recueillis par Massiré Diop.

Quel est votre point de vue sur la décision des autorités de reporter l’élection présidentielle prévue pour février 2024 ?

L’instabilité généralisée et l’insécurité au Mali rendent impossible l’organisation d’élections pour l’instant. Les ressources manquent et le fichier électoral n’est pas fiable. Avant de parler d’élections, les autorités doivent se concentrer sur la stabilisation politique et la mobilisation des fonds nécessaires.

Comment interprétez-vous l’absence d’une nouvelle date pour cette élection, malgré les engagements des autorités de la Transition ?

La lutte contre le terrorisme et la rébellion reste active, rendant difficile l’établissement d’une nouvelle date. Un dialogue constructif avec les acteurs locaux est essentiel pour avancer et le Mali doit éviter de devenir un terrain d’affrontement pour les puissances étrangères.

Quels sont les impacts immédiats de ce report sur la transition politique et sur la crédibilité des autorités aux yeux de la population et des acteurs internationaux ?

La crise actuelle nécessite des solutions durables. La crédibilité des autorités devrait se juger sur leurs efforts pour sécuriser le pays et apaiser le climat politique plutôt que sur le seul report des élections. Les acteurs internationaux doivent comprendre cette approche dans un contexte mondial tendu.

Comment ce report influence-t-il les relations du Mali avec la communauté internationale en général ?

La communauté internationale traverse une crise et n’accorde pas une priorité aux élections maliennes. Le Mali doit viser un compromis interne pour assurer une transition politique stable, sans se laisser influencer par des pressions extérieures.

Quelles réformes institutionnelles et politiques seraient nécessaires pour favoriser un retour à une gouvernance démocratique stable ?

La nouvelle Constitution est un bon point de départ. Sa mise en œuvre, la lutte contre la corruption et la décentralisation seront déterminantes pour offrir des services publics efficaces aux populations locales. La stabilité reposera sur l’accès des citoyens à ces services.

Dans quelle mesure les efforts des FAMa pour lutter contre les groupes extrémistes ont-ils été affectés par la situation politique ?

La lutte contre l’extrémisme reste une priorité. Pour des résultats durables, il faut intégrer une dimension politique à cette lutte, en engageant un dialogue avec les acteurs locaux, car l’absence de synergie a freiné les progrès.

Programme Entrepreneuriat Jeunesse : 146 jeunes entrepreneurs équipés à l’issue de la 2e phase

La deuxième phase du Programme Entrepreneuriat Jeunesse (PEJ), initié par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), sous la tutelle du ministère de l’Entrepreneuriat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et financé par le gouvernement du Luxembourg, vient de s’achever. Pour la circonstance, une cérémonie a eu lieu, à Bamako, le jeudi 10 octobre 2024, au cours de laquelle 146 jeunes entrepreneurs ont reçu divers équipements.

Avant cette cérémonie, une réunion du comité de pilotage du Programme a eu lieu, présentant les résultats globaux obtenus de 2022 à 2024.

La réunion du comité de pilotage du PEJ, ainsi que la cérémonie de remise officielle d’équipements aux jeunes entrepreneurs, ont été présidées par Mme Bagayoko Aminata Traoré, ministre de l’Entrepreneuriat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Elles ont eu lieu en présence de Maleye Diop, Représentant Résident du PNUD au Mali, de Marie-Anne Marx, Chargée d’Affaires de l’Ambassade du Royaume du Luxembourg au Mali, ainsi que d’autres personnalités de marque.
Au total, 146 entrepreneurs ont bénéficié de cette dotation. Parmi eux, 96 entrepreneurs ont vu leurs entreprises être reconnues comme économiquement viables, avec la capacité de s’intégrer dans les filières économiques et les chaînes de valeur via des groupements existants et opérationnels. Par ailleurs, 50 jeunes entrepreneurs ont été classés parmi les meilleurs dans le cadre du PEJ et ont reçu des équipements visant à améliorer la production et la productivité de leurs entreprises.
Les kits distribués aux entrepreneurs étaient adaptés aux besoins spécifiques de chaque secteur d’activité. Ils comprenaient notamment des motos tricycles, des congélateurs, des fours, des panneaux solaires, des ordinateurs bureautiques, des chaises, ainsi que des machines à laver, entre autres équipements.
Amadou Kanouté, représentant des entrepreneurs bénéficiaires, a exprimé sa gratitude en ces termes : « Nous tenons à témoigner notre profonde reconnaissance aux gouvernements du Mali et du Luxembourg ainsi qu’au PNUD pour cette initiative qui garantit l’employabilité des jeunes, conformément aux priorités nationales. » Il a poursuivi en déclarant : « Nous, bénéficiaires et lauréats du Programme Entrepreneuriat Jeunesse, nous engageons à appuyer les autres jeunes de nos communautés qui sont en attente d’opportunités, en partageant avec eux nos expériences, en les coachant et en les embauchant si nécessaire, afin de promouvoir l’entrepreneuriat et l’autonomisation des jeunes au Mali. »
De son côté, Mme Bagayoko Aminata Traoré, ministre de l’Entrepreneuriat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, a réaffirmé la confiance du gouvernement en ces jeunes entrepreneurs, soulignant leur capacité à innover, à créer de la valeur, à générer des emplois et à contribuer de manière significative à la croissance économique nationale. Elle a également exhorté les entrepreneurs à faire un bon usage des équipements reçus, afin qu’ils puissent bénéficier à toute la communauté à travers l’offre de services de qualité, conformément aux objectifs fixés.
Maleye Diop, Représentant Résident du PNUD au Mali, a quant à lui déclaré : « Cette remise d’équipements est plus qu’un acte symbolique. C’est un pas supplémentaire vers le renforcement de votre résilience et de la productivité de vos entreprises. Soyez assurés de notre soutien, aux côtés du gouvernement malien et de nos partenaires. »
La deuxième phase du Programme Entrepreneuriat Jeunesse, financée à hauteur de 2,25 millions d’euros (environ 1,5 milliard de FCFA) par le Luxembourg, s’est déroulée de janvier 2022 à décembre 2023, avec une extension de six mois jusqu’en juin 2024. Au cours de cette période, 945 jeunes, dont 40 % de filles, ont bénéficié de sessions de renforcement des capacités en entrepreneuriat. Parmi eux, 702 jeunes ont été présélectionnés et 681 ont participé à des compétitions de pitch. À l’issue de ces compétitions, 500 jeunes ont reçu un financement de 2 500 dollars chacun pour développer leurs entreprises.
Le Programme a débuté en 2020 avec une première phase de 19 mois, allant de novembre 2020 à juin 2022.
Mohamed Kenouvi

Biennale africaine de la photographie : La 14ème édition lancée

La cérémonie de lancement de la 14ème édition des Rencontres de Bamako / Biennale africaine de la photographie s’est tenue le 4 octobre, au Centre International de Conférences de Bamako (CICB), présidée par le ministre de de la Culture, Andogoly Guindo.

Le thème choisi pour cette édition est « Kuma », qui signifie « Parole » en bamanankan. L’événement est prévu du 16 novembre 2024 au 16 janvier 2025 et regroupera une trentaine d’artistes venus d’Afrique et de la diaspora. Créées en 1994 sous la présidence d’Alpha Oumar Konaré, les Biennales de Bamako se sont imposées au fil des ans dans l’agenda photographique à l’échelle du continent. Véritable plateforme de visibilité pour les artistes photographes et vidéastes d’Afrique et de sa diaspora, elles ont contribué à développer la carrière de nombre d’entre eux et permis à certains d’acquérir un statut international, voire mondial. Elles participent ainsi à la fois à la reconnaissance et à la consécration de la photographie africaine. Cette année, plusieurs sites ont été retenus pour les expositions des photographies des différents lauréats, notamment le Musée National, le Palais de la Culture, le Musée du District, etc. Plus de 300 professionnels et une centaine de journalistes sont attendus. Parmi les 30 artistes sélectionnés sur plus de 500 candidatures figurent 4 Maliens, dont 2 femmes.

Des discours forts 

Dans son discours d’introduction, le ministre Guindo a expliqué le choix du mot « Kuma » comme thème principal de cette édition. Pour lui, « le choix du mot Kuma peut paraître étrange, mais c’est dans ce paradoxe que réside l’intérêt. La photographie parle sans mots. En observant et par la sensation, il est aisé de comprendre tout le langage qui y est déroulé ». De son côté, Lassina Igo Diarra, Directeur artistique de cette 14ème édition, a ajouté : « l’inspiration du mot Kuma est venue parce que nous avons estimé qu’il n’y avait pas assez de discours forts du continent africain, aussi bien en Afrique que dans le reste du monde. C’est par rapport à ce manque de voix que nous avons choisi le mot Kuma, pour que la voix de l’Afrique porte dans le monde et en Afrique ».

Lors de cette cérémonie, le Réseau des Communicateurs Traditionnels pour le Développement, à travers son porte-parole Amadou Dagamaissa, a exprimé sa volonté de voir revenir la parole aux mains des Niamakalaw afin de préserver la paix dans nos sociétés. Pour cette édition, l’artiste malien Salif Keïta a été choisi comme Ambassadeur.

Fatouma Cissé

Baisse du prix du carburant au Mali : Une mesure salutaire  mais sans impact sur les coûts de la vie quotidienne

À compter de ce vendredi 11 octobre, une nouvelle grille tarifaire pour le carburant entre en vigueur au Mali. Le prix du litre d’essence baisse de 850 F CFA à 800 F CFA, et celui du gasoil passe de 800 F CFA à 750 F CFA. Cette réduction, bien que modeste, a été accueillie avec satisfaction par les automobilistes et les transporteurs.

Toutefois, cette baisse n’a, pour l’heure, aucun impact sur les prix des denrées de première nécessité ni sur les tarifs des transports au Mali. Les consommateurs, qui espéraient un ajustement des prix des produits alimentaires et autres services liés au carburant, demeurent donc perplexes face à cette situation.

Cette décision de révision à la baisse du prix du carburant vise à soutenir le pouvoir d’achat des citoyens. Selon des experts, cette baisse s’explique par plusieurs facteurs, tels que les fluctuations du prix du pétrole sur le marché international.

Néanmoins, bien que le carburant joue un rôle important dans le coût des produits de première nécessité et des transports, aucune mesure n’a été annoncée pour adapter les prix de ces biens et services en conséquence. Nombreux sont les consommateurs déçus par le fait que cette baisse n’ait pas de répercussions visibles sur les prix des produits du quotidien.

Cette situation alimente les débats sur la nécessité d’une meilleure régulation des prix et sur l’importance d’une surveillance des marges appliquées par les distributeurs. Pour justifier cette situation, les acteurs du secteur des transports et les distributeurs alimentaires invoquent souvent des coûts fixes et des engagements financiers qui ne permettent pas une réduction immédiate de leurs tarifs.

Bien que la baisse des prix du carburant soit un premier pas important, son influence sur le panier de la ménagère et les coûts de transport demeure incertaine.

Enjeux stratégiques autour de Tinzaouatène : Trafics transfrontaliers versus contrôle de l’État

Située à environ 130 kilomètres au nord de Kidal, la localité de Tinzaouatène est au centre des préoccupations sécuritaires au Mali. Le 30 septembre dernier, une colonne de l’armée malienne s’est dirigée vers cette zone dans une tentative de reprendre son contrôle des mains des groupes armés rebelles, après une première offensive infructueuse en juillet. Dix jours plus tard, bien que la localité échappe toujours au contrôle de l’armée, cette dernière a déclaré le mardi 8 octobre, avoir récupéré les dépouilles de militaires tombés lors des affrontements de juillet. Cette annonce souligne la persistance des efforts de l’armée pour honorer ses soldats tout en luttant pour la reconquête de cette localité stratégique.

Depuis les violents combats de juillet, l’armée malienne a intensifié ses frappes aériennes et ses opérations terrestres contre les positions rebelles. Bien avant cette date, elle menait déjà des opérations dans cette localité. Ce qui avait permis en décembre 2023 la neutralisation de Hassan Ag Fagaga, un ancien militaire devenu figure centrale de la rébellion qui s’était réfugié à Tinzaouatène après avoir été délogé de Kidal. Cette localité est ainsi devenue un point focal dans la lutte entre l’armée malienne et les groupes armés, avec une intensification des opérations militaires et des enjeux géopolitiques dans la région.

Contrebande et trafics illégaux

Tinzaouatène est stratégique non seulement pour des raisons militaires, mais aussi en raison de sa position, au carrefour des routes de trafic transfrontalier. La localité est un centre névralgique pour des réseaux illégaux de drogue, d’armes, d’or et même d’êtres humains, avec des migrants qui s’y trouvent dans le but de rallier l’Algérie puis de rejoindre les côtes européennes. Les groupes armés qui contrôlent ces routes imposent des taxes sur les marchandises transitant par la région, utilisant ces revenus pour financer leurs activités et renforcer leur emprise sur le territoire. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), cette zone est l’un des principaux points de transit pour la cocaïne en provenance d’Amérique latine destinée aux marchés européens.

L’économie souterraine qui en découle prospère grâce à l’instabilité persistante, aux rivalités ethniques et à l’absence d’un solide contrôle étatique. Cette économie parallèle rend difficile toute tentative de pacification ou de stabilisation durable, alimentant un cercle vicieux d’insécurité dans la région.

Défis géographiques et militaires

Outre les menaces posées par les groupes armés, les défis géographiques de Tinzaouatène constituent une contrainte majeure pour l’armée malienne. La région est caractérisée par un terrain désertique parsemé de rochers et de grottes, favorable aux embuscades et aux tactiques de guérilla. Les conditions climatiques extrêmes, telles que les tempêtes de sable, compliquent davantage les opérations militaires, réduisant la visibilité et la mobilité des troupes.

Malgré ces obstacles, l’armée a intensifié ses opérations dans les localités avoisinantes, comme In-Tifirkit, Tin-Essako, Inakarot et En-Azerraf, probablement dans le but de sécuriser la zone et de préparer une offensive coordonnée. Pour certains observateurs, ces efforts soulignent la volonté des autorités de réaffirmer la souveraineté sur une zone stratégique pour la sécurité et de couper les routes de contrebande reliant le Mali à l’Algérie et au Niger.

Enjeux géopolitiques et implications internationales

L’implication d’acteurs internationaux rend la situation à Tinzaouatène encore plus  complexe. L’Algérie a renforcé sa présence militaire et intensifié sa surveillance le long de la frontière pour, dit-elle, prévenir toute incursion d’éléments armés sur son territoire. Et les tensions diplomatiques actuelles entre Alger et Bamako compliquent une éventuelle coopération sécuritaire.

De plus, le rôle de l’Ukraine a ajouté une nouvelle dimension géopolitique au conflit. Le Mali a rompu ses relations diplomatiques avec ce pays en août dernier, accusant Kiev d’avoir soutenu les rebelles lors des affrontements de juillet. Le gouvernement malien a qualifié cette aide présumée de « soutien au terrorisme international ». Cette situation démontre comment les rivalités géopolitiques à l’échelle mondiale se répercutent sur les conflits régionaux.

Il est donc clair que Tinzaouatène incarne bien plus qu’une simple zone de conflit au Mali. Elle représente une intersection complexe où se mêlent contrebande, ambitions géopolitiques et luttes pour le contrôle territorial. Chaque acteur – local ou international – y voit une opportunité d’exploiter l’instabilité pour ses propres intérêts économiques et stratégiques. La reconquête de cette localité par l’armée malienne ne relève pas uniquement d’une question de souveraineté nationale, mais aussi de la nécessité de stabiliser une zone clé pour freiner les flux de commerce illicite et renforcer l’influence de l’État.

Massiré Diop

 

Vive le protectionnisme ?

En cette période de transition, le ministère de l’Industrie et du Commerce s’active sur une voie que l’on pourrait qualifier de protectionniste. Une politique interventionniste qui vise à protéger les productions locales et à en favoriser les acteurs locaux.

L’on retiendra deux mesures à apprécier diversement.

La première remonte à août 2023 et concerne l’interdiction d’importation de farine de blé et de pâtes alimentaires. Une décision dont l’effectivité a pris corps ces derniers mois et qui pourrait réellement booster les producteurs de pâtes locaux ainsi que les quelques minoteries dont est doté le pays. Cela dit, attention, nous continuerons à importer du blé puisque nous ne produisons qu’un peu plus de 10% de ce que nous consommons…

Une autre décision prise le 3 octobre dernier par le même ministère conjointement avec celui de l’Economie et des Finances, suspend l’exportation cette fois des noix de karité, du soja, des arachides et du sésame. L’ambition du gouvernement est de stimuler l’industrie locale et de protéger les productions nationales. Une démarche à saluer mais n’est-on pas en train de mettre la charrue avant les bœufs ? Mettons en place une industrie de transformation performante de ces matières premières avant de vouloir en faire la promotion ! Aujourd’hui nous ne disposons que d’une unité industrielle de transformation des noix de karité. Le reste de notre production qui est la deuxième d’Afrique de l’ouest, est transformée artisanalement ce qui compromet une exportation du beurre. La question se pose de façon plus prégnante encore pour le soja ou le sésame pour lesquels nous ne sommes pas équipés d’unités de transformation industrielle, l’essentiel de la production qui atteint 100 000 tonnes pour le sésame étant exportée.

Reste à connaître la durée de cette suspension qui pourrait faire grimper les prix de ces denrées sans pour autant favoriser le développement d’une industrie locale. Là est pourtant le préalable. Œuvrons !

Aurélie Dupin

 

Coton africain : La transformation reste faible

La Journée mondiale du coton a été célébrée le lundi 7 octobre 2024 dans un contexte toujours marqué par une faible capacité de transformation en Afrique et des productions vulnérables aux effets du changement climatique. Les acteurs, réunis pendant deux jours, doivent donc envisager des solutions pour améliorer la rentabilité et inscrire dans la durabilité la production, menacée par d’autres spéculations.

L’apparition des jassides lors de la campagne agricole 2022 – 2023 dans la plupart des pays producteurs de coton, en Afrique de l’Ouest notamment, a entraîné une baisse drastique de la production. Cette contrainte s’est ajoutée au coût élevé des intrants et à l’appauvrissement des sols. Ces difficultés ont favorisé l’émergence de cultures concurrentes au coton, comme le maïs, l’arachide ou encore le sésame.

Le cadre de réflexion que constitue cette rencontre annuelle doit donc permettre de trouver des solutions aux défis liés à la transformation et à la commercialisation de ce produit d’exportation.

Booster la transformation

« Aujourd’hui, seulement 10% du coton est transformé en Afrique. Le défi, c’est que d’ici 2035 50% de la production de coton de l’Afrique soit transformée sur le continent », a indiqué le ministre béninois du Commerce et de l’Industrie.

À l’instar des autres pays producteurs, le Mali transforme également une faible partie de sa production, estimée à environ 2%. Après plusieurs années d’arrêt, la Compagnie malienne des textiles (COMATEX), la principale unité industrielle dans le domaine, est en phase de relance.

Le Mali, après les pertes subies suite à l’invasion des jassides en 2022, a regagné sa première place en Afrique, avec une production de 690 000 tonnes. Pour la campagne 2024 – 2025, le pays prévoit une production de 765 000 tonnes de coton graine, soit une hausse de 11% par rapport à la campagne précédente. Les autorités ont également annoncé une augmentation du prix au producteur à 300 francs CFA le kilogramme, contre 295 francs lors de la dernière campagne. Parmi les mesures incitatives également annoncées, le maintien des subventions sur les intrants, ramenant le prix d’un sac de 50 kg d’engrais minéral à 14 000 francs CFA contre 19 000 francs antérieurement. Ces mesures n’occultent cependant pas les difficultés de la filière, dont les acteurs continuent de souffrir. Le retard observé dans le paiement de la production, ainsi que la faible disponibilité de l’engrais, ont entravé le démarrage de la saison pour beaucoup de producteurs. Reste à savoir si la campagne, tardive mais marquée par des pluies abondantes, aura un impact positif sur la filière.

Fatoumata Maguiraga

Affaire Al Mahdi : Des réparations collectives remises à la communauté par le Fonds au profit des victimes de la CPI

Le Mémorial Modibo Kéïta de Bamako a abrité, le jeudi 9 octobre, une conférence de presse, animée par les responsables du Fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale (CPI). Une occasion mise à profit par ces derniers  pour faire le point sur l’état d’avancement des réparations collectives destinées à la communauté de Tombouctou.

Cette rencontre faisait suite à une mission conjointe menée à Tombouctou avec les autorités maliennes dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de réparation initiées après les actes de destruction perpétrés par Ahmad Al Faqi Al Mahdi.

Au cœur de ces initiatives se trouve l’inauguration d’un monument mémoriel nommé Louha, symbolisant la résilience de la communauté de Tombouctou face aux crimes commis en 2012. Mme Aude Le Goff, responsable du Fonds a souligné lors de la conférence que « ce mémorial représente à la fois un lieu de mémoire et un hommage à l’érudition et à l’ouverture de la ville sur le monde ». Le monument a été érigé sur la place publique Diamane Hana sous l’égide du gouverneur de la région, Bakoun Kanté.

La conférence a également permis de détailler les efforts déployés pour la restauration du patrimoine détruit, incluant la reconstruction du mausolée du Cadi Cheick Mohamed Mahamoud Ben Cheick Al Arawani, restitué à ses descendants et la réhabilitation des murs de clôture des cimetières historiques, grâce à l’appui de l’UNESCO. M. Modibo Bagayoko, représentant de l’UNESCO, a déclaré que « ces mesures visent à renforcer la préservation du patrimoine culturel de Tombouctou et à prévenir de futures atteintes à ce riche héritage. »

En réponse aux préjudices subis par la communauté, le Fonds au profit des victimes et ses partenaires ont également mis en place des projets socio-économiques pour atténuer l’impact économique des crimes de 2012. Parmi les initiatives figure l’accompagnement de 42 projets locaux par la Fondation CIDEAL, avec un financement total de 273 millions de FCFA (environ 417 000 euros), visant à renforcer la cohésion sociale, protéger l’environnement et soutenir les activités économiques locales.

La présidente du conseil de direction du Fonds, Minou Tavárez Mirabal a précisé que « cette phase finale de réparation se concentrera sur des mesures d’appui à l’activité économique jusqu’en décembre 2025, pour permettre à la communauté de reprendre pleinement sa dynamique de développement ».

Sariya Bato : Renforcement des cliniques juridiques universitaires

Le projet Sariya Bato, financé par l’USAID, a organisé les 8 et 9 octobre, une conférence sur le rôle des cliniques juridiques universitaires dans la démocratisation de l’accès à la justice au Mali. L’événement s’est tenu à l’hôtel « Maeva Palace » de Bamako.

Le projet Sariya Bato, qui signifie « respect du règne de la loi », vise à soutenir les efforts du gouvernement malien pour instaurer des institutions judiciaires nationales plus efficaces, performantes et responsables. Lors de son discours d’introduction, Jean Lavoix, directeur du projet Sariya Bato a expliqué que « le projet est conçu pour répondre aux besoins urgents de la population malienne en renforçant la capacité du secteur judiciaire à offrir des services de qualité, accessibles et équitables ». Ce projet, qui s’étend sur une période de cinq ans (2024-2029), est structuré autour de quatre composantes : le renforcement des institutions du secteur judiciaire, l’amélioration de l’accès à la justice, la lutte contre la corruption, ainsi que la mise en place de mécanismes de contrôle et la protection et l’amélioration des droits de l’homme.

Les cliniques juridiques universitaires sont des structures qui permettent aux étudiants de mettre en pratique les connaissances acquises à l’école dans des situations réelles, en simulant des procès, des plaidoyers, etc. La conférence a réuni des étudiants en droit, des professeurs et des chercheurs. Lors de cette rencontre, les différents panélistes ont expliqué le rôle des cliniques juridiques universitaires dans la promotion de l’accès à la justice, notamment leur fonction d’accompagnateurs, de conseillers et de formateurs.

Mme Diarra Fatoumata Dembélé, présidente de l’Observatoire des droits de la femme, a ensuite énuméré les défis auxquels font face les cliniques juridiques, tels que la méconnaissance de leur existence et le désistement des clients lors des procès, entre autres. Par la suite, les représentants des cliniques juridiques universitaires de l’ISPRIC, de l’UCAO-UUBA et de l’Université des sciences juridiques et politiques ont, à tour de rôle, présenté leurs cliniques juridiques et les différentes activités qu’ils y ont menées.

Le deuxième jour de la formation était centré sur des travaux d’échanges, au cours desquels conférenciers et participants ont formé des groupes de travail pour discuter de différents thèmes, tels que les stratégies pour harmoniser les outils des cliniques juridiques et l’utilisation des cliniques juridiques pour améliorer leur efficacité. Ces échanges ont débouché sur l’élaboration d’un plan d’action commun visant à renforcer le rôle des cliniques juridiques.

 

Transition : Silencieuse, la classe politique condamnée à la pénombre

Trois mois après la levée de la mesure d’interdiction des activités des partis politiques, la classe politique malienne peine à reprendre la parole et à jouer pleinement son rôle dans l’espace public. La plupart des leaders restent dans l’ombre, absents des débats publics, et souffrent d’une perte de popularité auprès de l’opinion générale. Les partis politiques semblent avoir déserté l’animation de la vie publique, une attitude dictée par divers facteurs contextuels qui alimente le débat sur la survie des partis et l’avenir du système démocratique au Mali.

Les partis politiques, autrefois très vocaux dans leur opposition à l’interdiction de leurs activités, ont durement critiqué la décision prise par le gouvernement le 10 avril 2024. Ils réclamaient sans cesse la levée de cette mesure, qui empêchait toute forme d’activité politique, tant pour les partis que pour les associations politiques. Cependant, depuis que les autorités de la Transition ont fait marche arrière et levé cette interdiction, le 10 juillet dernier, les partis politiques, loin de se précipiter pour occuper à nouveau l’espace, semblent fonctionner au ralenti, suscitant des interrogations sur leur stratégie et leurs priorités.

Silence pesant et absence de leadership

Le manque d’activités publiques, les choix délibérés de ne pas se prononcer sur les sujets d’actualité, ainsi que l’absence de prises de position fortes de ses leaders montrent une classe politique qui affiche un profil bas. À l’exception de quelques formations, dont les responsables font de timides tentatives pour rester actifs et visibles dans la sphère publique, la majorité des partis politiques semble s’être repliées dans une posture d’attente et de silence.

Une partie de cette discrétion peut s’expliquer par la solidarité avec les 11 leaders politiques de la Coalition du 31 mars arrêtés depuis juin dernier. Les partis affiliés à cette coalition ont choisi de suspendre leur participation active à la vie politique, en signe de protestation et de solidarité, espérant obtenir la libération de leurs camarades. Cette situation crée une sorte de paralysie au sein de l’ensemble de la classe politique, freinant toute tentative d’autres acteurs de s’exprimer librement ou de s’engager dans des activités politiques visibles.

Diverses raisons à ce silence

Le silence actuel des partis politiques ne peut pas être attribué à une cause unique. Les motivations varient considérablement d’un parti à l’autre et sont influencées par des calculs politiques, des peurs ou des stratégies de positionnement. Hamidou Doumbia, Secrétaire politique du parti Yelema, l’un des rares partis encore actifs sur la scène politique, évoque des facteurs internes qui poussent à l’autocensure.

« L’autocensure est motivée par une certaine peur, mais aussi par un souci de positionnement stratégique. Certains pensent que les autorités de la Transition jouissent encore d’une certaine popularité, même si cette perception est erronée. Ils craignent qu’en prenant des positions impopulaires, ils ne risquent de perdre des soutiens électoraux », explique-t-il.

Hamidou Doumbia poursuit en détaillant d’autres attitudes observées parmi les partis : « certains adoptent une approche opportuniste, préférant attendre que le paysage politique se redessine avant de prendre des risques. Ils estiment qu’il est plus prudent de garder le silence et d’attendre le moment opportun, plutôt que de compromettre leurs chances futures. »

Rétrécissement et discrédit

Au-delà des raisons spécifiques à chaque parti, de nombreux observateurs s’accordent pour dire que l’espace politique au Mali s’est rétréci de façon significative depuis le début de la Transition. Ces restrictions limitent la capacité des partis politiques à mener des actions significatives et à s’exprimer librement. Soumaila Lah, chercheur et Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité, souligne que « les contraintes actuelles empêchent les partis politiques d’agir comme ils le devraient, les forçant à adopter une posture d’observation ».

Ce contexte difficile est également aggravé par la perception négative que l’opinion publique a des partis politiques, souvent perçus comme responsables des échecs de la gouvernance précédente. Dr. Bréhima Mamadou Koné, politologue, rappelle que : « le discrédit jeté sur la classe politique au cours des dernières années est en partie responsable du silence des partis. On les accuse d’être les seuls responsables de l’effondrement de l’État, ce qui est une vision simpliste et réductrice de la réalité ».

Nouhoum Togo, Président du parti USR (Union pour la sauvegarde de la République), ajoute : « on assiste à une campagne de discrédit contre les hommes politiques. Pourtant, malgré leurs défauts, ce sont eux qui ont l’expérience nécessaire pour gérer le pays. »

La démocratie mise en péril

L’absence de débats publics et la réduction de l’espace de liberté d’expression, accentuée par la loi sur la cybercriminalité, ont un impact direct sur le fonctionnement de la démocratie au Mali. Dr. Koné l’explique : « aujourd’hui, beaucoup ont peur de s’exprimer, de peur d’être accusés ou persécutés s’ils critiquent les autorités de la Transition ».

Cette situation a renforcé chez certains l’idée que la gestion militaire est préférable à un retour à un régime démocratique, souvent jugé inefficace et corrompu. Cependant, tous ne partagent pas cette opinion. « Remettre en question la démocratie, c’est se tromper de cible », déclare Soumaila Lah. « Ce n’est pas le principe de la démocratie qui pose problème, mais la manière dont elle a été appliquée au Mali ».

Hibernation ou extinction ?

La situation actuelle pose la question de la survie des partis politiques. Les critiques et les menaces de réduction de leur nombre, voire leur disparition, figurent parmi les recommandations des derniers forums nationaux, tels que les Assises nationales de la Refondation et le Dialogue Inter-Maliens pour la paix et la réconciliation. La question est de savoir si les partis politiques sont simplement en hibernation, attendant des temps meilleurs, ou s’ils sont voués à une disparition orchestrée par les autorités actuelles et soutenue par l’opinion publique.

Pour Soumaila Lah, « une République sans partis politiques n’est pas envisageable. Même si les circonstances actuelles sont difficiles, les partis politiques reviendront sur le devant de la scène lorsque la tempête se sera calmée ».

Hamidou Doumbia partage cet avis : « il est probable que la scène politique se reconfigure, que certains partis perdent de leur représentativité, mais la politique continuera, que ce soit avec les acteurs actuels ou avec de nouveaux visages ».

Mohamed Kenouvi

Le Djoliba et le Stade Malien dans le Gotha du football africain

 

Le 22 septembre fut non seulement l’occasion de célébrer le 64ème anniversaire de l’indépendance du Mali, mais aussi un jour de triomphe pour le football malien. En effet, les deux clubs les plus prestigieux du pays, le Djoliba Athletic Club (DAC) et le Stade Malien de Bamako (SMB), avec chacun 23 titres de champion national, ont ravi leurs supporters en se qualifiant pour les phases finales des deux compétitions africaines interclubs : la Champion’s League et la Coupe de la Confédération (Coupe CAF).

Après deux tours préliminaires rassemblant 58 clubs dans chaque compétition, les représentants maliens ont surclassé leurs adversaires respectifs. Le Djoliba a éliminé l’ASKO de Kara (Togo), tandis que le Stade Malien a pris le dessus sur Painesville FC du Liberia. Les deux équipes rejoindront les phases de groupes composées de 16 équipes chacune. Le Djoliba disputera la Champion’s League, tandis que le Stade tentera sa chance dans la Coupe de la Confédération. Les tirages au sort pour ces compétitions auront lieu le lundi 7 octobre. Le Djoliba devient ainsi le premier club malien à participer à la phase finale de la Champion’s League depuis la création de cette compétition en 1997, soit 27 ans après. Quant au Stade, il a déjà remporté la Coupe CAF en 2009.

Cette double qualification a insufflé un vent de fierté dans le football malien et au-delà, unissant les Maliens dans un élan patriotique. Des commentateurs enthousiastes n’ont pas hésité à qualifier cet exploit « d’historique ». Historique, sans doute, car après 27 ans d’absence le Djoliba a enfin brisé la malédiction qui semblait peser sur les clubs maliens, incapables jusque-là de figurer parmi l’élite du football continental. Néanmoins, il convient de modérer cet enthousiasme : battre une équipe relativement méconnue comme l’ASKO du Togo n’est peut-être pas un exploit aussi retentissant qu’il n’y paraît.

Le Djoliba peut-il rêver de dominer l’Afrique ? Beaucoup d’observateurs, notamment parmi les supporters et les dirigeants de l’équipe, affirment que « tout est possible » en football. Mais les ressources du Djoliba sont-elles à la hauteur de ses ambitions ? Sous la houlette d’un jeune entraîneur sérieux et ambitieux, Demba Mamadou Traoré, l’équipe malienne veut prouver sa soif de conquête. Son principal atout : la jeunesse de ses joueurs. Ces derniers sont déterminés à se surpasser, non seulement pour leur club, mais aussi pour attirer l’attention des recruteurs, présents en nombre lors des compétitions continentales.

Toutefois, les chances du Djoliba face aux géants du football africain comme Al Ahly SC (12 titres), le TP Mazembe de la République Démocratique du Congo, ou encore le club égyptien Zamalek (5 titres), l’Espérance de Tunis et les formations marocaines Raja et Wydad (WAC) semblent plus incertaines. Ces clubs bénéficient non seulement d’une grande expérience, mais aussi de moyens financiers considérables.

L’ambition n’est certes pas interdite, mais un excès d’optimisme sans réalisme peut être fatal. Le budget annuel de 2 milliards de francs CFA (3 millions d’euros) d’Al Ahly ferait tourner la tête à Tidiane Niambélé, l’honorable Président du Djoliba, dont le budget plafonne à seulement 100 millions de francs CFA.

Les finances demeurent le talon d’Achille du football malien. Selon une source proche de la Fédération Malienne de Football, Orange Mali verse 700 millions de francs CFA à la Fédération dans le cadre d’un contrat de sponsoring. Cependant, ces sommes sont modestes comparées à celles injectées dans le football d’autres pays africains. Chaque club bénéficie d’une subvention annuelle de 20 millions de francs CFA et chaque ligue régionale reçoit 4 millions.

Depuis plusieurs années, l’État malien a cessé de prendre en charge les frais des clubs participant aux compétitions internationales. Ainsi, le Djoliba et le Stade Malien doivent compter uniquement sur leurs propres ressources. La survie des clubs au Mali relève presque du miracle. Pourtant, une lueur d’espoir se profile à l’horizon : une récente rencontre entre la Fédération et le ministère de la Jeunesse et des Sports pourrait marquer un changement positif dans l’attitude de l’État vis-à-vis du soutien aux clubs en compétition.

Diomansi Bomboté

Reprise de la vente de riz indien au Mali : Le marché local fortement impacté

En Afrique subsaharienne, le riz occupe une place de choix dans l’alimentation, juste après le maïs, comme la céréale la plus consommée. Le Mali ne fait pas exception et environ 25% de ses besoins en riz sont couverts par des importations. Une situation qui expose le pays à la volatilité des marchés mondiaux. En 2021, le pays avait interdit l’importation de riz pour protéger le marché local et favoriser la production nationale. Mais cette interdiction a été levée de facto en décembre 2023, suite à la présence de riz indien sur le marché malien.

On se souvient que le 6 décembre 2021, dans un contexte de récoltes céréalières limitées et de crainte de pénurie alimentaire, le Mali avait annoncé l’interdiction des exportations de céréales, dont le riz. Cette mesure visait à garantir l’approvisionnement local et à stabiliser les prix des denrées alimentaires de base, qui étaient en hausse depuis début 2021. Cependant, l’inefficacité de la production nationale à répondre aux besoins a conduit les autorités à revoir leur position sur les importations, malgré les restrictions formelles toujours en vigueur.

En décembre 2023, l’Inde, le deuxième producteur mondial de riz après la Chine, a autorisé l’exportation de 100 000 tonnes de riz brisé vers le Mali dans le cadre d’un accord bilatéral. Pourtant, cette décision contredisait l’interdiction indienne d’exporter du riz décrétée en septembre 2022 dans le but de protéger son propre marché. L’autorisation délivrée par la National Cooperative Exports Limited s’inscrivait dans une série de mesures visant à aider les pays africains en situation de vulnérabilité alimentaire.

Le riz indien importé au Mali se compose principalement de deux types : le riz brisé et le riz non-basmati, avec des spécificités et des usages variés. S’agissant du riz brisé, il est très utilisé dans la cuisine malienne car prisé pour son prix bas et sa disponibilité, ce qui en fait un choix populaire au Mali. Concernant le riz non-basmati, principal produit d’exportation de l’Inde, il est utilisé pour diverses préparations culinaires. Bien que moins coûteux que le riz basmati, il se distingue par sa qualité intermédiaire et est compétitif sur les marchés mal desservis par des productions locales.

Ces variétés indiennes rivalisent directement avec les productions de riz du Mali, souvent moins compétitives en termes de coût et de volume.

Dynamique complexe sur le marché local

L’importation massive de riz indien crée une dynamique complexe sur le marché malien. D’un côté elle permet de répondre aux besoins importants en riz, une denrée dont la demande continue d’augmenter, particulièrement dans les zones urbaines. En effet, l’approvisionnement en riz indien pourrait contribuer à stabiliser les prix, qui avaient atteint des niveaux préoccupants au cours des dernières années.

Toutefois, cette importation pose un défi sérieux aux producteurs locaux. Le riz malien, produit essentiellement dans la région de l’Office du Niger, fait face à des coûts de production élevés, avec des infrastructures limitées et des conditions climatiques souvent défavorables. L’arrivée de riz moins cher en provenance d’Inde risque de nuire aux marges des agriculteurs maliens, déjà fragilisés par des problèmes d’ordre structurel et conjoncturel.

Par ailleurs, la qualité perçue du riz indien, bien que différente de celle du riz malien, pourrait également influencer les habitudes de consommation. La demande pour des produits importés plus abordables pourrait pousser les consommateurs maliens à délaisser le riz local, aggravant ainsi la pression sur les agriculteurs et sur l’économie rurale.

Des défis à relever

Certes, l’ouverture partielle du marché malien aux importations de riz indien répond à une nécessité urgente de satisfaire la demande locale. Mais cette politique soulève des questions à long terme sur la durabilité de la production nationale. Pour protéger les producteurs locaux, des experts estiment que le Mali pourrait envisager des mesures compensatoires, telles que des subventions à la production ou des investissements dans l’irrigation et les infrastructures agricoles.

De plus, selon eux, le gouvernement devrait mettre en œuvre une stratégie visant à équilibrer les importations avec des politiques favorisant la compétitivité du riz malien sur le marché national. Sans cela, la dépendance à l’importation pourrait saper les efforts de sécurité alimentaire à long terme.

La reprise des importations de riz indien au Mali en décembre 2023 constitue un événement clé dans le secteur agroalimentaire du pays. Si elle permet de répondre aux besoins immédiats de consommation, cette décision aura des impacts durables sur la production locale et la dynamique du marché. L’idéal serait de mettre en place des politiques équilibrées pour à la fois répondre à la demande, soutenir les producteurs locaux et garantir une sécurité alimentaire pérenne.

Massiré Diop

Grave accident sur la RN6 près de Fana: 8 morts et 19 blessés graves

Ce lundi 7 octobre 2024, aux alentours de 10 heures du matin, un accident tragique s’est produit sur la RN6, à proximité du village de Laminabougou, situé à environ 3 km de la commune rurale de Tingolé, dans le cercle de Fana. Selon un communiqué officiel du ministère des Transports et des Infrastructures, c’est une collision frontale qui est survenue entre un car de la compagnie « Air Zana Transport » en direction de Bamako et un autre de la société « Daou Trans », voyageant en sens inverse. Le bilan provisoire est de huit morts et dix-neuf blessés graves.

Cet événement tragique s’inscrit dans un contexte de sécurité routière alarmant au Mali, en particulier sur l’axe routier de Ségou qui traverse Fana. Cette route est régulièrement le théâtre d’accidents graves, souvent causés par des infrastructures routières en mauvais état, un manque d’entretien des véhicules et un non-respect généralisé des règles de conduite. Les excès de vitesse et l’imprudence des conducteurs sont des facteurs aggravants qui augmentent considérablement les risques d’accidents mortels sur cet axe très fréquenté.

Plus tôt cette année, en février 2024, un accident majeur a causé la mort de 31 personnes lorsqu’un bus a chuté d’un pont sur cette même route alors qu’il se dirigeait vers le Burkina Faso. Ce drame avait soulevé les problèmes persistants liés à l’état des infrastructures et la nécessité de renforcer les mesures de sécurité pour les usagers de la route.

En juillet 2024, un autre accident tout aussi tragique a eu lieu à Ouan, dans la région de San, lorsqu’une collision frontale entre deux bus a fait 16 morts et 48 blessés, dont plusieurs grièvement atteints. Les autorités locales ont attribué cet accident à une vitesse excessive et à une conduite imprudente, des causes qui sont souvent citées dans les accidents de la région.

Face à ces incidents répétés, le ministre des Transports et des Infrastructures a exprimé « ses condoléances aux familles endeuillées » et a renouvelé son appel « au respect strict des règles de la circulation ». Il a insisté sur le fait que « la vigilance et la prudence sont essentielles pour réduire les accidents sur les routes ».

Le ministre a également rappelé que ceux qui « enfreignent les règles de la circulation » s’exposent à des sanctions sévères, conformément aux lois en vigueur.

 

 

Conseil National de Transition : Ouverture ce lundi de la session budgétaire

Le Conseil National de Transition (CNT) va entamer, ce lundi 7 octobre, aux alentours de 15 heures, une session parlementaire. D’une durée de 75 jours conformément à l’article 107 de la Constitution de juillet 2023, cette session sera ouverte par le Président du CNT, le Colonel Malick Diaw, en présence de nombreux acteurs politiques et institutionnels du pays.

Communément appelée session budgétaire, son objectif principal est l’examen de la loi de finances pour l’exercice 2025 ainsi que d’autres projets de loi essentiels pour le développement politique et institutionnel du Mali.

Le projet de loi de finances pour 2025, présenté par le ministre de l’Économie et des Finances, prévoit une augmentation des recettes budgétaires à 2 648,9 milliards de francs CFA, contre 2 387,872 milliards de francs CFA pour 2024, soit une hausse de 10,93 %. Les dépenses budgétaires sont estimées à 3 229,886 milliards de francs CFA, avec une diminution du déficit global à 580,986 milliards de francs CFA, soit une réduction de 14,92 % par rapport à 2024.
Parmi les autres textes importants à examiner figurent les réformes des institutions judiciaires et constitutionnelles, telles que la Cour suprême, la Cour constitutionnelle et la Cour des Comptes. Ces réformes visent à renforcer l’efficacité et la transparence du système judiciaire malien. Un projet de loi sur les autorités et légitimités traditionnelles ainsi que des réformes concernant le Sénat et l’intégration des Maliens de la diaspora dans le processus législatif sont également à l’ordre du jour.
Les débats de cette session budgétaire seront diffusés en direct pour permettre plus grande transparence et une meilleure implication des citoyens dans le processus législatif.
Au cours de cette session parlementaire du CNT, il est attendu des discussions intenses attendues sur divers textes de loi qui définiront l’avenir politique du pays.

Paix et réconciliation nationale : L’avant-projet de Charte bientôt finalisé

Durant le délai supplémentaire accordé par le Président de la Transition, la Commission de rédaction de l’avant-projet de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale a mené une série de consultations avec les institutions de la République et rencontré des personnes ressources qui ont apporté des contributions au document, dont la finalisation est en cours.

Initialement prévu pour deux mois à compter de juillet dernier, le mandat prorogé de la Commission de rédaction de l’avant-projet de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale a officiellement pris fin le 30 septembre dernier. Toutefois, avant la remise officielle du document final au Président de la Transition, les membres de la Commission sont en phase de relecture du texte depuis le début de cette semaine. « Nous sommes en relecture jusqu’au jeudi 3 octobre. D’ici là, si nous recevons les contributions des autres institutions, nous allons les intégrer à l’avant-projet », confie une source au sein de la Commission.

Le texte final de l’avant-projet de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale, ainsi que le rapport final de la Commission, pourraient être remis au Président de la Transition la semaine prochaine ou celle d’après, en fonction de la durée des travaux de relecture et d’intégration des contributions en cours dans le texte initial. « Toutes les étapes d’écoute ont été franchies. La prochaine sera la remise du document au Président de la Transition. Mais pour l’instant, aucune date n’est fixée », glisse une autre source interne à la Commission.

Charte inclusive ?

La Charte pour la paix et la réconciliation nationale constituera « le document de référence pour toutes initiatives, actions et activités qui concourent à la sécurité, à la paix, à la réconciliation nationale, à la cohésion sociale et au vivre-ensemble au Mali ». Recommandée lors du Dialogue Inter-Maliens après la caducité de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, elle se veut le nouveau socle pour la consolidation de la paix et de la réconciliation au Mali.

Contrairement au processus d’Alger, qui a abouti à l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale de 2015, la Commission de rédaction de l’avant-projet de Charte s’est appliquée à dialoguer avec toutes les couches représentatives du pays. « Par le passé, on a pris des décisions au nom du peuple malien sans le consulter et on a dû revenir dessus. La démarche, inspirée cette fois par le peuple malien et adoptée par les hautes autorités de la Transition, est participative et inclusive à tous points de vue », souligne Ibrahim Ikassa Maïga, ministre de la Refondation de l’État.

Un autre élément de différence majeur, selon le sociologue Fodié Tandjigora, est que la nouvelle Charte « n’est pas rédigée sur une table de négociation ou sous la contrainte de l’État » et pourra ainsi servir de socle à toutes les futures négociations.

Après les rencontres avec les forces vives de la Nation dès le début de leur mission, les membres de la Commission de rédaction, présidée par l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga, se sont rendus auprès des institutions de la République et du gouvernement du 24 au 26 septembre 2024. La Cour suprême, la Cour constitutionnelle, le Conseil économique, social, environnemental et culturel, le Haut Conseil des collectivités, le Conseil National de Transition (CNT), ainsi que le gouvernement, sous la houlette de la Primature, ont tous soumis des contributions à l’avant-projet.

Contributions diverses

Plusieurs propositions clés ont été faites par les différentes institutions. Le Conseil National de Transition préconise, entre autres, d’ériger la promotion et la défense de la paix et de la réconciliation nationale parmi les devoirs des citoyens, de travailler à la véritable réconciliation des Maliens et d’instaurer une gouvernance vertueuse. L’organe législatif de la Transition recommande également, pour s’assurer de l’accompagnement du peuple, que le projet de Charte soit soumis à un référendum, après sa formalisation par voie législative.

« Il serait bon que la Charte puisse être flexible afin de prendre en compte d’autres conflits ou tensions que nous ne connaissons pas encore ou dont les manifestations peuvent varier », a souligné au nom du gouvernement le ministre de la Justice, Mahamadou Kassogué, qui a par ailleurs assuré que le document ne serait pas « destiné au placard » mais « bien mis en œuvre ».

Mohamed Kenouvi

Pour stimuler l’industrialisation locale : Le Mali suspend l’exportation de certains produits agricoles

Le 3 octobre 2024, le gouvernement malien a annoncé la suspension temporaire de l’exportation de produits agricoles tels que les amandes de karité, les arachides, le soja et le sésame, dans le but d’encourager leur transformation sur place et d’ajouter de la valeur à l’économie locale. Cette décision, prise par un arrêté interministériel, entre immédiatement en vigueur, bien que la durée de la suspension ne soit pas précisée. Les produits saisis auprès des contrevenants seront redirigés vers les industries locales pour transformation, renforçant ainsi le potentiel industriel du Mali.

Cette décision s’inscrit dans une démarche plus large d’industrialisation et de création d’emplois au niveau local, permettant également de réduire la dépendance du pays aux exportations de produits bruts. En particulier, l’industrie du karité, pour laquelle le Mali est le troisième producteur mondial avec une production annuelle de plus de 200 000 tonnes, pourrait en bénéficier grandement. Le secteur de l’arachide, avec une production annuelle d’environ 700 000 tonnes, reste encore largement inexploité en termes de transformation locale, ne représentant que 5 % de la production totale.

Le Mali emboîte le pas au Burkina Faso, qui avait suspendu, en septembre 2024, l’exportation d’amandes de karité afin de promouvoir l’industrie nationale. Cette décision commune des deux pays vise à tirer parti des ressources agricoles locales pour renforcer leur économie et réduire les impacts des fluctuations des prix internationaux. Le soja, bien qu’encore sous-exploité avec une capacité de transformation inférieure à 10 %, montre des signes de croissance rapide avec une augmentation de 20 % de la production ces dernières années.

En tant que producteur de produits agricoles en Afrique de l’Ouest, le Mali a tout intérêt à renforcer sa capacité de transformation locale. L’amélioration de la chaîne de valeur à travers la transformation locale pourrait générer des emplois supplémentaires, améliorer les revenus des agriculteurs et stabiliser les prix des produits agricoles en période de volatilité. Avec ces initiatives, des acteurs espèrent améliorer la position du Mali afin qu’il devienne un acteur important sur les marchés internationaux, en exportant non seulement des matières premières, mais aussi des produits finis à forte valeur ajoutée.

Massiré Diop

 

 

 

Report de la rentrée : Un mois pour être prêts

 

Le suspens aura duré jusqu’au 30 septembre. Redouté depuis la multiplication des inondations et la prolongation de l’hivernage, le report de la rentrée scolaire 2024- 2025 a finalement été annoncé juste quelques heures avant le 1er octobre. Une décision qui laisse un mois aux acteurs pour mettre au point leurs préparatifs et assurer une année scolaire sereine.

Malgré les conditions objectives qui laissaient prévoir un report de la rentrée scolaire, les acteurs de l’école ont été surpris par cette annonce de dernière minute. Un report évident dont l’annonce tardive amène les Maliens à se poser des questions. Pourquoi attendre la veille de la rentrée pour une telle annonce ? Dans son communiqué, le ministre justifie le report de la date de la rentrée par « l’état de catastrophe nationale » qui a pourtant été déclaré par les autorités depuis le 23 août 2024. « L’ampleur des inondations » était dès lors connue et les écoles qui ont aussi été touchées, comme d’autres infrastructures socio-économiques, étaient soit inondées, soit servaient d’abris à ceux qui avaient perdu leurs habitats.

Dans son compte rendu mensuel du mois de septembre 2024, le cluster Éducation du Mali a informé que 123 écoles étaient occupées par des sinistrés dans les régions de San, Ségou et Mopti. 11 autres, à Gao, étaient occupées par des déplacés internes, donc indisponibles à quelques jours de la rentrée. Cette absence d’anticipation a donc mis devant le fait accompli responsables d’établissements,  enseignants, élèves et parents d’élèves.

Souvent doublement concernés par la situation, certains sinistrés évoquent l’absence d’alternative pour eux, justifiant ainsi leur maintien dans ces abris. À défaut d’avoir les réponses par rapport au timing, certains acteurs disent comprendre les raisons avancées par le ministre de l’Éducation nationale.

Sékou Diawara est Directeur de l’école Capitaine Mamadi Sylla 2, située dans le camp des Parachutistes de Djicoroni Para, et Coordinateur du groupe scolaire du même nom, qui compte 3 premiers cycles et 2 seconds cycles. « Vu la situation et  l’abondance de la pluie, des écoles abritent des sinistrés », comme à Dontème, dans le même quartier, où 52 familles y vivent, explique-t-il. Déjà « au four et au moulin dans les préparatifs », l’école s’attèle à nettoyer les salles de classe, noircir les tableaux et entamer le désherbage d’unee cour où il est difficile de se déplacer entre les flaques d’eau et les herbes qui continuent de pousser.

À ces contraintes passagères il faut ajouter les difficultés récurrentes partagées par plusieurs écoles publiques. Une insuffisance notoire de tables oblige les enfants à en amener pour ne pas s’asseoir à même le sol, avoue le Coordinateur du groupe scolaire. Une école qui n’a pas de direction ou encore des écoles qui n’ont pas de latrines, sans compter le manque d’enseignants, la liste des difficultés n’est pas exhaustive.

Le ministre, qui souhaite une rentrée réussie, sans prise de risque, plutôt « qu’une sorte d’aventure » que représentait la rentrée du 1er octobre, promet de s’atteler « à toiletter et à, préparer les parents d’élèves » et rassure que le mois sera mis à profit pour préparer la rentrée de façon plus complète qu’elle ne l’a été jusqu’à présent. Afin de faire une rentrée qui respecte les normes et qui soit satisfaisante.

Un mois pour réussir

Désormais, les acteurs de l’école entament une course contre la montre. « On peut gagner du temps », espère M. Diawara, du groupe scolaire Capitaine Mamadi Sylla 2. C’est l’occasion pour lui de lancer un appel aux parents d’élèves afin que le jour de la rentrée soit le jour du démarrage effectif des cours. « On doit suivre un programme et mettre le paquet », insiste M. Diawara. Il ne faut donc plus attendre le jour de la rentrée pour faire les transferts ou les inscriptions.

Passé l’incompréhension du report de la rentrée, « même si c’était pressenti », Oumar Koné, Directeur de l’école de Troukabougou, à Djicoroni Para, estime que « les raisons sont fondées, mais on pouvait anticiper ». Ce report n’est pas sans conséquences pour un programme qui s’étale sur 9 mois et qui connaissait des difficultés pour son achèvement, même s’il dit faire confiance aux acteurs chargés de l’élaboration des programmes.

Son école, créée en 2008, compte actuellement 9 salles de classe, un premier et un second cycle ainsi qu’un effectif de plus de 700 élèves. L’insuffisance des tables et l’effectif pléthorique, plus l’absentéisme des enfants, constituent les principales difficultés que l’école connaît.

Mais les inscriptions, qui se font au compte-gouttes, alors même que l’école était à la veille de la rentrée, inquiètent Sidi Camara, Directeur de l’école fondamentale de Troukabougou. Pour sa part, il estime que l’alternative du programme condensé peut favoriser les élèves et permettre d’achever les programmes.

Les privés en souffrance

Boulkassoum Touré, Secrétaire général de l’Association des promoteurs d’écoles privées, ne souhaite pas se prononcer sur la reprise des cours, les programmes et les évaluations, qui relèvent du pouvoir régalien de l’État. Les écoles qui avaient déjà pris des dispositions « sont prêtes », même s’il faut arrêter les inscriptions, qui avaient déjà commencé. Le report d’un mois obligera cependant à réaménager le calendrier scolaire pour une conformité au programme.

Pour les écoles privées, les difficultés qui restent concernant les paiements en souffrance des frais scolaires et demi-bourses 2022 – 2023 préoccupent les acteurs. Et pour ceux de 2023 – 2024, « rien n’est programmé », ajoute M. Touré. Ces situations, qui créent des tensions de trésorerie dans les établissements, entraînent des difficultés pour assurer le bon fonctionnement des structures et le paiement des salaires des enseignants, notamment, continuent de mettre en péril le fonctionnement de ces établissements, qui assurent en grande partie la formation au niveau secondaire. « On fait avec les moyens du bord », soupire-t-il. Et, en cette période, ils privilégient la communication avec les autres acteurs, dont les parents d’élèves ou encore les structures de financement. Malgré tout, « les cours vont démarrer dans des conditions très timides », car « il ne peut y avoir de rentrée apaisée si vous devez des sous à vos enseignants, à vos fournisseurs », déplore encore M. Touré.

Même si le ministre s’est engagé à payer les frais qui restent en souffrance, estimés à 21 milliards de francs CFA pour l’année dernière, notre interlocuteur déplore que le paiement des arriérés varie en fonction des localités. Alors qu’il est à 70% dans certaines localités, il est de moins de 40% ailleurs. « Pour le même travail, cela doit être au même niveau », sinon, cela crée un dysfonctionnement.

Année compromise ?

Si plusieurs acteurs préconisent un réaménagement, qui s’imposera même pour rattraper le retard, les difficultés qui restent entières dans plusieurs écoles ne permettront pas une reprise sereine des cours. En outre, l’incertitude demeure sur cette nouvelle date, compte tenu de la situation. En effet, en dehors des écoles occupées par les personnes sinistrées des inondations, plusieurs groupes scolaires ont été endommagées ou sont hors d’usage. Si pour certains parents il s’agit d’un nouveau répit pour mieux se préparer, il sera de courte durée. Car les frais et les fournitures scolaires deviennent de plus en plus inaccessibles. Certains acheteurs de dernière minute se sont même abstenus à l’annonce du report.

Sur le plan pédagogique, les acteurs de l’école suggèrent une utilisation judicieuse de ce temps pour entretenir le niveau des enfants. Car tout un mois de vacances supplémentaires constitue un retard souvent difficile à rattraper. Certains enseignants préconisent donc de travailler avec les enfants afin de maintenir les niveaux pour entamer la nouvelle année, qui « démarrera de façon effective le 4 novembre 2024 », préviennent-ils.

Fatoumata Maguiraga

 

Tariq Ramadan : condamné en appel en Suisse, un an après son acquittement

 

Accusé de viols par plusieurs femmes en France et en Suisse, la procédure judiciaire de l’Islamologue Tariq Ramadan, se poursuit. La justice genevoise, qui l’avait acquitté en première instance en mai 2023, a inversé la décision et a reconnu M. Ramadan coupable de « viol et de contrainte sexuelle », le 10 septembre 2024. Condamné à 3 ans de prison dont 1 ferme, M. Ramadan a annoncé qu’il recourrait au Tribunal fédéral suisse, la plus haute instance judiciaire dans le pays.

En 2023, à l’issue de son procès, Tariq Ramadan avait été acquitté par les juges en première instance, pour absence de preuves, témoignages contradictoires et « messages d’amour » envoyés par la plaignante. Il avait alors été placé sous contrôle judiciaire.

Pour la partie plaignante, c’est un soulagement que « la vérité éclate ». Celle-ci avait expliqué avoir été encouragée par d’autres plaintes et entamé la procédure 10 ans après les faits, remontant à 2008.

M. Ramadan, qui clame toujours son innocence, estime être la cible d’une machination politico-judiciaire. De part ses prises de parole sur des questions sensibles, et à l’encontre du positionnement médiatique établi, notamment en France.

Outre le fait que Tariq Ramadan ait toujours dénoncé les tueries commises par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, il se bat également contre la montée de l’islamophobie en France, et cela lui vaut de nombreux détracteurs.

Pour les avocats de l’Islamologue âgé de 62 ans, l’espoir réside dans la juste mesure des éléments du dossier, afin de traiter l’affaire de « façon impersonnelle » par les juges fédéraux, tout comme les juges français, dans le verdict de son pourvoi en cassation en France, qui sera rendu le 9 octobre 2024.

 

Ligue des Champions CAF: Le Mali fait carton plein 

Depuis l’instauration de la nouvelle formule de la Ligue des Champions CAF, aucun club malien n’avait accédé à la phase de poules de cette compétition continentale. Ce signe indien a été brisé par le Djoliba AC. Les Rouges se sont hissés à ce niveau en battant l’ASKO de Kara du Togo. Le 22 Septembre est ainsi devenu une date historique pour le football malien. En déplacement à Lomé pour la manche retour du dernier tour préliminaire, les protégés de Demba Mamadou Traoré se sont imposés par le score d’un but à zéro, confirmant leur victoire du match aller sur le même score.

Qualification historique

Cette performance des Rouges de Bamako est une grande première. Et pour cause : depuis 1997 et la création de la nouvelle formule de la Ligue des Champions d’Afrique, aucun club malien n’avait pu franchir cette étape. Suite à cette performance inédite des Hippos de Hèrèmakono, la Fédération Malienne de Football a félicité les joueurs. « Si le mérite de cette qualification historique revient sans conteste aux joueurs et à l’encadrement technique et administratif, on ne peut occulter l’immense sacrifice consenti par les dirigeants et les supporters pour mettre l’équipe dans les meilleures conditions de préparation et de compétition », peut-on lire dans sa lettre. L’instance dirigeante du football malien espère que cette qualification, acquise avec panache et abnégation, permettra d’asseoir un peu plus la notoriété et le prestige de notre football.

Les Champions du Mali connaîtront leurs adversaires le 7 octobre prochain, à l’issue du tirage au sort. Les autres clubs qualifiés pour la phase de groupes de la Ligue des Champions CAF sont Al Ahly SC (Égypte), Al Hilal SC (Soudan), AS FAR (Maroc), AS Maniema Union (RDC), CR Belouizdad (Algérie), GD Sagrada Esperança (Angola), Espérance Sportive de Tunis (Tunisie), Mamelodi Sundowns (Afrique du Sud), MC Alger (Algérie), Pyramids FC (Égypte), Orlando Pirates (Afrique du Sud), Raja Casablanca (Maroc), Stade d’Abidjan (Côte d’Ivoire), TP Mazembe (RD Congo), Young Africans SC (Tanzanie).

Quart de finaliste de l’édition précédente de la Coupe de la Confédération, le Stade Malien, le meilleur ennemi du Djoliba AC, participera pour la 6ème fois à la phase de poules de cette compétition continentale. Les Bleus et Blancs se sont largement imposés devant le Paynesvilles du Libéria (3-1). Après le sacre de 2009, les sociétaires de Sotuba auront l’occasion de rééditer cet exploit lors de cette saison 2024-2025.

Amadiar Traoré

Francophonie: Le Mali toujours en froid avec l’organisation

Le Mali ne sera pas présent lors du prochain Sommet de la Francophonie, prévu du  4 au 5 octobre prochain à Villers-Cotterêts et Paris (France). Et la langue française y est désormais, avec les langues nationales qui sont les  « langues officielles », une « langue de travail ».

Ce sommet, qui se réunit tous les deux ans, regroupe les pays ayant comme langue officielle le français. Il a pour but d’assurer le bon fonctionnement de la Francophonie dans le monde. Au Mali, après la nouvelle Constitution adoptée en juillet 2023, le français a quitté son statut de « langue officielle » et et classé comme « langue de travail ». Avant cela, le Mali avait été suspendu par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en 2021, suite au coup d’État. Mais l’organisation avait décidé de maintenir ses programmes de coopération multilatérale francophone. Le Mali, suspendu, était donc absent lors du 18ème Sommet, qui a eu lieu en Tunisie et qui avait pour thème « La connectivité dans la diversité : le numérique, vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone ». Il  sera aussi absent au prochain sommet, qui aura pour thème « Créer, innover et entreprendre en français ». Brahima Kanta, un enseignant, considère que « cette non participation au prochain sommet permettra de reconsidérer les partenariats traditionnels du Mali et d’affirmer une indépendance politique ». Toutefois, il pense que cela pourrait également signifier une perte d’opportunités diplomatiques et culturelles. Setigui Kamissoko, professeur de français à l’Institut de formation et des Maîtres (IFM) de Kita, estime  que « nous ne devons pas nous inquiéter de cette non participation au sommet de la Francophonie. Je pense que ça n’aura pas beaucoup d’impact pour le Mali sur le plan international ».

Coexistence

Le français est omniprésent dans la vie de tous les jours, surtout dans l’administration, mais est considéré comme une langue étrangère par une grande majorité de la population. Son usage peine à s’imposer face aux langues nationales.

Kamissoko l’affirme : « aujourd’hui, le Mali veut tourner dos à la politique et à l’idéologie de la France, qui pense que la colonisation continue. En dehors des lieux de travail, on utilise peu le français. Même dans les bureaux, certains préfèrent répondre aux questions en langue nationale. On écrit en français et on parle en langue nationale ». M Kanta soutient la même chose. « Un glissement vers une valorisation des langues nationales est en cours. Néanmoins, une coexistence entre le français et les langues nationales permettrait de tirer parti des deux approches ».

Fatouma Cissé

Oscar de la Photographie africaine: Merlin N’diaye récompensé

Nominé à la prochaine édition des Oscars de la photographie africaine qui aura lieu le 16 novembre prochain à Lomé (Togo), Hammadoun N’Diaye, plus connu sous le nom de Merlin N’Diaye, est un photographe professionnel qui évolue dans la région de Mopti depuis 3 ans. Il vient de remporter l’Oscar d’Or.

Né en novembre 1993 à Bamako, Hammadoun N’Diaye est diplômé en Gestion de la Faculté des Sciences économiques et de gestion de Bamako (FSEG) depuis 2016 et sortant de l’Institut de formation des Maîtres (IFM) de Diré depuis 2017. Le photographe était nominé dans deux catégories des Oscars de la photographie africaine : « Photographie d’Art » et « Photographie institutionnelle ». Le concours, qui réunit 150 photographes venus de plusieurs pays d’Afrique, vise à reconnaître et célébrer les meilleurs talents africains dans 11 catégories de la photographie. Le jeune photographe s’est distingué en remportant le prix le plus prestigieux et convoité de la cérémonie qui est l’Oscar d’or. Sur les 11 catégories, les 5 premiers de chaque catégorie concourent pour gagner ce prix.  C’est finalement M. N’Diaye qui l’a remporté. Il a aussi gagné le prix de la catégorie photographie d’art, l’une des catégories dans laquelle il concourrait. À côté de ses activités de photographe, M. N’diaye est aussi bloggeur, vidéaste et journaliste reporter d’images (JRI) à l’hebdomadaire « La Voix de Mopti ». Merlin N’Diaye confie avoir toujours été attiré par le numérique. « Je prenais des photos avec mon smartphone et les publiais sur Facebook. Cependant, c’est grâce à une formation en blogging en septembre 2021, organisée par la plateforme Benbere que j’ai véritablement développé mes compétences ».

Photographe militant

Parallèlement, sa passion pour le journalisme l’a conduit à vouloir informer les internautes sur l’actualité de la région de Mopti. « Je souhaitais montrer au monde entier notre résilience, même après la crise, et mettre en avant une nouvelle image de Mopti, de sa culture et de son potentiel touristique ». En 2023, il a gagné 2 prix dans le domaine du journalisme : celui du « Meilleur reporter de la région de Mopti » décerné par la Radio Tolérance ainsi que le prix du « Meilleur projet pour la lutte contre la désinformation », attribué par l’ONG Search for Common Ground.
Les photos qui ont été sélectionnées pour le concours représentent des enfants sur les berges du fleuve Niger, qui est en proie aux conséquences néfastes du changement climatique. Merlin N’Diaye se dit très reconnaissant de ces deux nominations.« Je suis profondément honoré de représenter Mopti et tout le Mali en tant que photographe. Cela me remplit de fierté et me motive pour m’améliorer encore davantage ». Le photographe habite dans la région de Mopti, où il publie ses photos de la ville. Sur ces clichés, le vidéaste promeut la diversité et la beauté de la population. Ils témoignent amplement de sa maîtrise de cette discipline.

Fatouma Cissé

Amadou Mahtar Mbow : Un humaniste intransigeant et un passionné de l’Afrique

Amadou Mahtar MBow, éminent homme de culture sénégalais né le 20 mars 1921, est décédé le mardi 24 septembre à Dakar, à 103 ans. Professeur de géographie, il fut plusieurs fois ministre durant le magistère de Léopold Sedar Senghor, avant d’entrer en 1970 à l’UNESCO, qu’il dirigera de 1974 à 1987. Diomansi Bomboté, journaliste et ancien fonctionnaire de l’UNESCO durant une vingtaine d’années, témoigne.

Ce qui impressionnait dès qu’on rencontrait Ahmadou Mahtar Mbow, ou qu’on l’entendait parler pour la première fois, c’était sa voix puissante et rocailleuse, marquée par la fermeté et qui traduisait une personnalité hors du commun. Les souvenirs qu’il laissera à ses proches et à la postérité seront ceux d’un homme au courage exceptionnel, même si certains, en désaccord avec ses convictions, le jugeront téméraire.

Ses convictions profondes, qu’il portait en lui avec une force inébranlable, incluaient la justice pour tous, l’autodétermination et l’émancipation de l’Afrique, ainsi que la liberté et la solidarité entre les hommes et les nations. Ces idéaux ont été façonnés tout au long d’un parcours riche, marqué notamment par son engagement, alors étudiant à la Sorbonne, au sein de la Fédération des étudiants de l’Afrique noire en France (FEANF), qu’il a présidée, et par sa participation à la création du Parti du Rassemblement Africain (PRA – Sénégal).

Je garde un souvenir précis d’Amadou Mahtar Mbow, de la période où j’ai eu l’honneur de travailler à ses côtés à l’UNESCO, d’abord dans le secteur de la communication, puis à l’Office de l’information publique, de 1979 à 2002. Son caractère trempé et sa force exceptionnelle étaient évidents. À la tête de l’UNESCO entre 1974 et 1987, il a servi avec loyauté et détermination les grandes causes de l’humanité : les droits de l’Homme, l’éducation pour tous, la promotion des femmes, la culture au service du développement, et les sciences exactes, physiques et humaines.

Mais ce qui marquait le plus chez lui, c’était son attachement presque obsessionnel à l’émancipation de l’Afrique, qu’il a défendue avec une passion inébranlable. En voulant protéger les intérêts de l’Afrique face à un monde international souvent déséquilibré et injustement favorable aux nations industrialisées, il s’est heurté à de nombreuses incompréhensions, particulièrement de la part de puissances étrangères, en particulier occidentales.

Au moment où Amadou Mahtar Mbow arrivait à la tête de l’UNESCO, les fonctionnaires africains représentaient à peine 6% du personnel, une anomalie quand on sait que l’Afrique, sur les 190 membres de l’Organisation, en comptait plus d’une cinquantaine. Il a porté cette proportion à 18%. Mbow était aussi un bourreau de travail. Souvent, dès 7h du matin, il était à son bureau, qu’il ne quittait, sans discontinuer, qu’à 20h. À plus de 60 ans, il n’hésitait pas à affronter les rigueurs du jeûne au mois de Ramadan. L’esprit lucide, il décortiquait, avec une surprenante perspicacité, des dossiers aussi variés qu’ardus. Et il se montrait intraitable avec les fonctionnaires tire-au-flanc dans leurs tâches.

Lors des discussions autour des programmes de l’UNESCO, il restait inflexible face à toute tentative de compromettre les projets en faveur des pays en développement, notamment ceux d’Afrique. Combatif, il était allergique aux compromis qui pouvaient nuire à ses principes. Sa radicalité dans la défense de ses idées se manifestait même face à ses proches, qui pouvaient parfois essayer de le faire fléchir. Courtois, élégant et profondément pieux, il pouvait néanmoins exploser de colère pour déjouer des manœuvres visant à le faire céder.

Cependant, il n’était pas un intransigeant borné. Il savait composer lorsque cela servait un objectif plus grand, notamment en étant l’artisan du consensus à l’UNESCO lors de moments de crise. Le consensus, ce mécanisme visant à concilier des points de vue initialement inconciliables sans provoquer de frustration par un vote, a permis à l’Organisation de surmonter des débats tendus, comme ceux sur les « Droits de l’Homme et des peuples » ou sur le Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication (NOMIC) dans les années 80.

Les péripéties regrettables nées de malentendus et d’incompréhensions lors d’un 3ème mandat brigué à la tête de l’UNESCO n’ont en rien terni la stature de cet homme emblématique et infatigable, consacré jusqu’à son dernier souffle à la défense de l’honneur et de la dignité de l’Afrique.

Diomansi Bomboté, journaliste

Attaques terroristes à Bamako : Les leçons à en tirer

Le 17 septembre 2024, la capitale malienne est secouée par une double attaque. L’École de la gendarmerie et l’aéroport de Sénou sont visés par des assauts revendiqués par le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM – JNIM). Deux jours après le premier anniversaire de l’AES et à quelques jours du 64ème anniversaire de l’indépendance du Mali, ces attaques ont montré la vulnérabilité face au fléau du terrorisme et peut-être la nécessité d’une réadaptation du dispositif actuel.

Dans un communiqué diffusé sur les ondes de la télévision nationale, l’État-major général des armées a qualifié de « tentative d’infiltration » l’attaque survenue très tôt, vers 5 heures du matin. Appelant les populations à rester calmes, l’État-major a souligné que les ratissages continuaient et que la situation était sous contrôle. En visite sur les lieux, à l’École de la gendarmerie le chef d’État-major, tout en se voulant rassurant, a tenu rappeler aux élèves gendarmes leur mission. « Le combat continue et il faut tirer les leçons. Le terrorisme doit être combattu. Nous sommes en guerre et vous êtes durement alertés », a-t-il notamment martelé devant des éléments qui rejoindront bientôt des unités combattantes.

Alerte

Si Bamako avait, il y a quelques années, subi des attaques terroristes ayant visé plutôt des cibles civiles, la capitale vient d’être touchée par des attaques visant des cibles militaires au cœur de la cité. Une première qui rappelle que la menace n’est jamais loin et qu’il s’agit bien d’une « guerre d’usure », selon le ministre de la Défense et des anciens combattants, Sadio Camara, à l’issue de sa rencontre avec le Président de la Transition le 23 septembre 2024. Reçu avec le ministre de la Sécurité et de la protection civile ainsi que les chefs d’États-majors et les chefs des services militaires par le Président Assimi Goïta, il a déclaré qu’il s’agissait de faire un « examen exhaustif du dispositif sécuritaire, réévaluer la menace et donner les orientations complémentaires ». S’il s’est dit plutôt satisfait de la rencontre, qui a permis de constater l’engagement des autorités politiques et militaires pour faire face au fléau ainsi que le soutien du Président de la Transition au dispositif opérationnel en cours pour la lutte contre le terrorisme, cette rencontre n’occulte pas le sentiment d’un retour en arrière, observe Jean-Hervé Jezequel, Directeur de projet à International Crisis Group (ICG).

Ces attaques qui nous ramènent quelques années derrière sont tout de même inédites, en ce qu’elles ont été dirigées contres des installations militaires. En 2015, la première attaque qui avait visé la capitale avait ciblé un bar restaurant, avant un hôtel la même année. Deux autres attaques sur des sites d’hébergement en 2016 et 2017 avaient aussi fait des victimes. Plus récemment, en juillet 2022, c’est une attaque complexe à la voiture piégée qui avait visé le camp militaire de la ville garnison de Kati, à 15 km de Bamako, faisant 8 morts et des blessés. Une attaque audacieuse qui avait fait dire aux autorités qu’il s’agissait de tentatives désespérées des groupes terroristes en débandade. Les forces armées étaient alors en pleine campagne de reconquête du territoire national. Après cette frayeur, qui avait convaincu les habitants de la capitale de l’imminence de la menace, Bamako avait plusieurs fois fait l’objet d’alertes plus ou moins réelles. Dans son discours à la Nation à l’occasion du 22 septembre 2024, le Président de la Transition a affirmé que les attaques du 17 septembre 2024 « rappellent l’impérieuse nécessité de rester vigilants et de garder une posture opérationnelle exemplaire en toutes circonstances ».

Dispositif en cause ?

La double attaque du 17 septembre 2024 est  survenue entre deux dates importantes. D’une part au lendemain du premier anniversaire de la Confédération des États du Sahel (AES), mise en place le 16 septembre 2023, avec notamment pour objectif de mutualiser les forces des trois États membres (le Burkina Faso, le Mali et le Niger) pour lutter contre le terrorisme. D’autre part à quelques jours du 64ème anniversaire de l’indépendance du Mali, célébré le 22 septembre. A priori une période d’alerte, « même si c’est difficile de sécuriser une ville comme Bamako », on peut y voir une faille du dispositif sécuritaire, note M. Jezequel.

Du côté des groupes terroristes, on peut avoir une double lecture de cette situation, selon l’analyste. C’est une stratégie habituelle pour ces groupes de forcer l’État à concentrer ses forces pour défendre les villes et donc à leur laisser un peu le champ libre dans les campagnes, où ils ont leur principal champ d’action. Secundo, il peut s’agir d’un changement de mode opératoire de leur part, mais il est encore trop tôt pour faire une telle conclusion, tempère-t-il.

Si elles affichent leur détermination, la réaction des autorités souligne la nécessité d’une vigilance accrue. En effet, au lendemain des attaques les autorités ont envisagé un certain nombre de mesures urgentes. Parmi lesquelles la fermeture de 7 marchés à bétail à Bamako et environs, des marchés soupçonnés d’avoir servi à favoriser l’infiltration de certains terroristes, et l’injonction faite aux propriétaires des camions citernes stationnés le long des axes voisins des lieux de l’attaque de les déplacer.

Enseignements 

Engagé dans une lutte acharnée contre le terrorisme depuis plusieurs années, le Mali a enregistré des succès importants, notamment dans la reconquête de l’intégrité du territoire national. Des victoires militaires qui n’ont pas pourtant endigué la capacité de nuisance des groupes terroristes. Malgré une présence effective et le redéploiement des forces armées maliennes (FAMa) dans plusieurs localités du pays, les groupes armés et terroristes continuent d’exercer une pression sur les populations. Des pressions qui se sont multipliées dans les régions de Mopti et de Ségou à l’approche de l’hivernage, obligeant de nombreux habitants à abandonner leurs localités et leurs activités champêtres.

Cela signifie donc que la stratégie actuelle a des limites. « On peut dire que la stratégie de miser sur l’outil militaire, y compris au temps des autorités civiles, n’arrive pas à endiguer la menace terroriste.   Peut-être qu’il  est temps, c’est ce que pense International Crisis Group, de donner plus de moyens à une réponse politique à ces expansions armées », suggère M. Jezequel. Une offre de dialogue politique  qui va s’adresser aux  groupes armés ou à certains des groupes terroristes disposés à discuter. Une « offre de dialogue mais pas de reddition, dans laquelle chaque partie exprime ses positions et cherche à faire des compromis ».

L’attaque du 17 septembre est justement, selon lui, un moment de réflexion qui souligne le besoin d’ajustement de la stratégie de sécurisation. « Il ne s’agit pas pour nous de dire qu’avant cela se passait bien et que maintenant c’est moins bien ». Sans nier les acquis dans la lutte contre l’expansion terroriste, l’analyste explique qu’il faut explorer les recommandations du Dialogue Inter-Maliens. Des recommandations parmi lesquelles figurait la nécessité d’une réponse politique. Il faut donc donner des moyens à cet outil du dialogue. Depuis le début de la crise, des moyens ont été accordés à la « réponse militaire, qui reste indispensable ». Mais il faut en donner aussi au dialogue. « Même si ce n’est pas une solution magique », il faut investir dans cet outil et le soutenir à nouveau.

Pour les autorités, il y a aussi des leçons à tirer. Outre la vigilance à observer comme en temps de guerre, il faut une « collaboration de la population », a insisté le chef d’État-major. Une collaboration qui doit surtout aider les forces de l’ordre dans la traque des terroristes en termes de renseignements. Mais elle doit également éviter tout amalgame, ce qui serait totalement contre productif et servirait plutôt les intérêts des terroristes.

Fatoumata Maguiraga

Succès des jeunes et échecs des Seniors : Le paradoxe du basket féminin malien

 

Depuis sa victoire historique en 2007 au Championnat d’Afrique, l’équipe féminine senior de basket du Mali peine à renouer avec le succès. Pendant ce temps, les équipes de jeunes brillent sur le continent, multipliant les trophées. Comment expliquer un tel paradoxe ?

Si le Mali a été proche du bonheur à l’issue de la troisième place glanée contre le Rwanda lors de la petite finale de l’AfroBasket féminin 2023, sa défaite contre le Sénégal en demi-finale lors de la même compétition a fait ressurgir les difficultés que les Aigles Dames Seniors rencontrent pour remporter un trophée depuis 2007.

Depuis leur victoire de 2007, elles ont été finalistes malheureuses en 2009 et 2021 et ont terminé troisièmes en 2011, 2017 et 2019. Paradoxalement, dans les catégories inférieures, les équipes féminines U16 et U18 ont dominé le basket africain, remportant respectivement 8 et 9 trophées consécutifs.

Selon l’analyste sportif Amadou Diadié Touré, ce paradoxe s’explique en partie par la gestion de la carrière des jeunes joueuses. « La Fédération de basket n’a pas mis en place un plan de suivi pour la progression de ces championnes vers l’équipe senior. Le monde professionnel a des exigences auxquelles les jeunes joueuses ne peuvent pas toujours répondre seules », explique-t-il. Il insiste sur l’importance d’un accompagnement adéquat pour permettre à ces jeunes talents de s’épanouir au plus haut niveau.

De son côté, l’ancien instructeur FIBA-Monde Alpha Bagayoko évoque les difficultés liées à la transition des joueuses vers le niveau senior. « Quand les joueuses quittent le pays sans passer par la Fédération, on perd leur trace. On ne sait pas si elles jouent à plein temps ou non. Cela crée un désordre et affecte leur progression », souligne-t-il. Selon lui, cette désorganisation nuit à la continuité des performances entre les catégories Junior et Senior.

Manque de reconnaissance et de respect

D’autres facteurs socioculturels jouent également un rôle dans la difficulté des joueuses à s’imposer. Dr Hamadoun Haïdara, sociologue, pointe du doigt le mariage précoce, la précarité de la discipline et les grossesses non désirées comme des freins à l’épanouissement de certaines joueuses. « Dans nos sociétés, dès que la femme atteint l’âge de 17 ans, voire moins, les parents la poussent souvent au mariage, ce qui l’empêche de construire une carrière sportive », explique-t-il. Les distractions de la vie moderne, selon lui, nuisent également à la concentration des jeunes sur le basket.

Un autre facteur explicatif de cette traversée du désert est la montée en puissance des adversaires, en particulier l’équipe du Nigeria, victorieuse des quatre derniers AfroBasket. Les D-Tigres, qui intègrent de nombreuses joueuses formées aux États-Unis, ont souvent barré la route aux Aigles Dames, que ce soit en demi-finale ou en finale.

Les absences de joueuses cadres lors de certaines compétitions ont également impacté les performances des Seniors. Lors de l’AfroBasket 2021, l’absence de Touty Gandega, la meneuse de l’équipe, a été notable. Des sources médiatiques évoquent un refus de la joueuse de rejoindre la sélection en raison du non-paiement de la prime de la troisième place et d’un « manque de reconnaissance et de respect pour le travail de l’équipe ».

La comparaison avec l’équipe victorieuse de 2007 est souvent faite pour souligner les lacunes actuelles. Cette équipe, complète dans tous les compartiments du jeu, bénéficiait de la présence de grandes pivots et de l’expérience de la capitaine Hamchetou Maïga, alors joueuse de la WNBA. Leur préparation avait également été optimale, avec un mois d’entraînement intensif à Bamako et un soutien logistique et moral exemplaire.

Aujourd’hui, ces conditions semblent s’être dégradées, mettant en lumière le besoin de redéfinir les stratégies de développement et d’accompagnement des joueuses maliennes. Si le talent ne manque pas, comme en témoignent les succès des équipes de jeunes, le chemin vers la consécration continentale pour les Seniors semble encore long et semé d’embûches.

Aly Asmane Ascofaré

Fâtow (Les Fous) : Un regard critique sur la culture

 

Le film retrace l’histoire de 4 fous qui nous amènent, à travers leurs balades quotidiennes, à la découverte des différents secteurs de la culture. Pour le réalisateur et actuel Directeur Général du Centre national de la cinématographie du Mali (CNCM), l’importance de la culture dans notre société est une évidence qui justifie ce choix de faire de la culture le principal thème de son œuvre.

Le film « Fâtow » est une réflexion sur les enjeux et perspectives du secteur de la culture. Son objectif est de mettre le cinéma au service de la sauvegarde du patrimoine culturel malien et au cœur de la résilience des communautés. « Le choix du « fou » dans la démarche artistique, n’est pas fortuit », selon le réalisateur Fousseini Maïga. Il caractérise deux évidences. Premièrement le fou suscite une sympathie naturelle dans la société et deuxièmement ses propos sont d’une innocence voilée et d’une sincérité ignorée.  La sortie du film, coproduit par le CNCM, Arc-En-Ciel Films et Africa Stories Entertainment, est prévue pour fin 2024. Il a bénéficié de l’accompagnement de la Coopération allemande, à travers le projet Donko ni Maaya, et du Fonds africain pour la culture (ACF).

Promouvoir les talents

Les 4 fous sont incarnés par des acteurs bien connus de la scène cinématographique malienne. Il s’agit de Fily Traoré, Maimouna Doumbia, Jeanne Diama et Abdoulaye Mangane. Le réalisateur y a ajouté la participation d’une dizaine de talents de la scène culturelle. S’exprimant à ce sujet, la comédienne Jeanne Diama estime que « le scénario va parler à tous les artistes du Mali, qui, depuis des années, se battent pour qu’il y ait un changement dans le domaine de la culture. Il y a quelque temps, il était impossible de ne voir que des jeunes sur les plateaux de tournage, mais aujourd’hui ça s’est réalisé ». De son côté, sa consœur Maïmouna Doumbia pense qu’avec ce projet la population portera un autre regard sur les artistes et la culture en général. Pour sa part, le comédien Fily Traoré confie avoir adoré son rôle. « C’est la première fois que je joue un fou au cinéma. Quand j’ai lu le scénario il m’a fait rigoler et le texte était tout simplement magnifique ».

À travers ce film, le cinéaste souhaite que personne ne reste indifférent, peu importe son environnement, et que chaque personne s’identifie à ses croyances et à ses valeurs culturelles. Rappelons qu’après la sortie de son dernier film, « Wolonwula (Sept) », le réalisateur avait raflé 20 prix internationaux.

Fatouma Cissé

Prêches : L’État face au défi de la règlementation

 

L’Imam Bandiougou Traoré a été arrêté et placé sous mandat de dépôt le 10 septembre 2024 par le Pôle national spécialisé de lutte contre la cybercriminalité pour des propos controversés à l’endroit des femmes militaires et sportives, notamment. Étant déjà sous le coup d’une condamnation, cette nouvelle arrestation relance la question de la règlementation des prêches et de l’exercice de la liberté religieuse.

L’Imam Traoré doit cette incarcération à des « propos misogynes » prononcés lors d’un sermon, le 30 août 2024. Une détention intervenue malgré que le prêcheur ait présenté ses excuses après le tollé soulevé par ses propos.

L’Imam Traoré, qui est déjà sous le coup d’une sanction judiciaire, avait été condamné à 18 mois de prison et au paiement d’une amende, assorties de 16 mois de sursis, en mars 2024, avant d’être libéré. Interpellé pour « atteinte au crédit de l’État, diffusion, publication de fausses nouvelles, faites de mauvaise foi et de nature à troubler la paix publique, injures, diffamation et outrage à magistrat », l’Imam Bandiougou Traoré avait été écroué le 4 janvier 2024.

Dérapages fréquents

S’il n’en est donc pas à son premier écart, il n’est pas non plus le premier prêcheur à avoir eu affaire à la justice à cause de ses propos. Avant lui, le prêcheur Chouala Bayaya Haidara était aussi passé par la case prison. Ce dernier, poursuivi pour « atteinte au crédit de l’État et propos tendant à troubler l’ordre public », avait été arrêté en décembre 2023. Le 29 février 2024, il a obtenu une liberté provisoire pour raison de santé, après plus de 2 mois d’incarcération. Il qualifiait de détentions arbitraires notamment celles de Ras Bath, de Rose Doumbia dit « Vie chère » mais également de Madame Bouaré Fily Sissoko.

En juin 2024, le Procureur du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité a ordonné l’incarcération de Mahamadou Bassirou Kissa, alias « Karamoko Befo Junior ». Le guide spirituel de l’association « Bassirou Dine » avait été interpellé le 13 juin 2024 par la Brigade d’investigations judiciaires (BIJ) et placé sous mandat de dépôt le 14 juin par le Procureur en charge de l’assainissement du cyberespace.

Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, où il s’exprimait sur le sacrifice du mouton pour la fête de Tabaski, il affirmait qu’à « défaut de se procurer un bélier, un devoir conjugal plus prolongé que d’habitude pouvait valablement remplacer le sacrifice d’Abraham ».

Le Tribunal de Grande instance de la Commune VI a jugé le 9 mars 2020 l’affaire Ministère public contre le prêcheur Bandiougou Doumbia, jugé pour « apologie du terrorisme, incitation à la sédition et offense au Chef de l’État ». Le Guide de «  Nourredine », alors membre de la Commission nationale de contrôle du Haut Conseil Islamique Mali (HCIM), a été condamné à 2 ans de prison ferme par les juges.

Il avait été arrêté le 17 février 2020 par la Brigade d’Investigations Judiciaires (BIJ) suite à une vidéo qui avait suscité un vif émoi sur les réseaux sociaux et où il avait tenu des propos injurieux et menaçants à l’encontre du Président de la République et de sa famille. Il avait également affirmé son soutien aux terroristes Amadou Kouffa et Iyad Ag Aghaly.

Mais le Haut Conseil islamique du Mali (HCIM) avait organisé une conférence de presse pour présenter des excuses au nom du prêcheur Bandiougou Doumbia et demander aux autorités de lui pardonner.

« N’est pas prêcheur qui veut »

 C’est ce qu’avait estimé Thierno Hady Thiam, Imam et membre du HCIM, interrogé par Journal du Mali sur le même sujet en 2020. Le rôle des prêcheurs, qui sont formés dans les écoles coraniques et dans celles qui apprennent la jurisprudence, est « d’appeler les gens à croire à la religion ». Ils doivent donc à ce titre donner l’exemple. De même, tous les prêcheurs ne sont pas Imams et inversement. Mais au Mali, l’absence d’écoles de formation et la difficulté pour l’État de mettre en place un cadre règlementaire conduit à une gestion inadaptée de l’édifice commun autour duquel se regroupent les pratiquants. Il s’agit en l’occurrence de la mosquée.

Avant, la mosquée était celle de la communauté, construite par elle. Elle appartenait au village, au quartier ou à la ville et elle était dirigée par un érudit souvent venu d’une grande famille maraboutique et formé pour devenir Imam.

Il existe désormais une deuxième forme de mosquées, dirigées par des arabophones formés à l’extérieur ou au Mali et qui se retrouvent au chômage, quel que soit leur niveau de formation. Ils deviennent prêcheurs ou Imams d’une mosquée créée par des individus et non plus par la communauté. Rappelons que dans la mosquée de la communauté, l’Imam n’est pas payé.

Une autre forme est celle des mosquées construites par des ONG implantées au Mali et offertes aux communautés. Elles exigent souvent la nomination de leurs Imams « pour véhiculer leurs messages, ce qui peut créer les tensions », déplorait en son M. Thiam. La multiplication des mosquées et l’absence de visibilité sur leur nombre et leurs activités est un sérieux défi à l’organisation du culte musulman au Mali. Le HCIM est l’organisation faîtière des associations musulmanes et est censé, avec le ministère en charge des Affaires religieuses, parvenir à une règlementation du domaine. Mais les divergences au sein de cette organisation et l’absence de hiérarchie compromettent une gestion équilibrée, au bénéfice des Musulmans et de la communauté nationale. La relecture des lois régissant l’exercice du culte religieux, qui datent des premières années de l’indépendance, maintes fois repoussée, prouve les difficultés à réformer un secteur où les dérives peuvent compromettre la cohésion sociale. En attendant cette réforme, l’application des lois pourrait contribuer à gérer les excès ou peut être à dissuader d’éventuels récidivistes.   

Appliquer les lois existantes

L’arrestation de l’Imam Bandiougou Traoré, qui peut être considéré comme un récidiviste, n’est qu’une application de la loi, relève le Dr Bréma Ely Dicko, sociologue. Ce sont en effet les religieux eux-mêmes qui avaient sollicité les autorités pour prendre des dispositions empêchant toute forme de diffamation ou de propos portant atteinte au culte. Finalement, la loi contre la cybercriminalité protège tous les citoyens et, nul n’étant au-dessus de la loi, l’Imam est aussi un justiciable. En outre, les propos dénoncés portent aussi atteinte à des droits garantis par le Mali. Afin de ne pas permettre que les prêcheurs outrepassent leur rôle pour porter atteinte à la dignité des personnes ou tenir des propos qui risquent de diviser la société, il y a besoin de tirer la sonnette d’alarme pour stopper les dérives. À défaut d’harmoniser les prêches comme dans d’autres pays, il faut surveiller de près ce qui est dit par les prêcheurs afin de maintenir la paix sociale. À ce titre, les premiers acteurs sont les représentants des différentes associations, dont la Ligue des Imams du Mali (LIMAMA) ou encore le HCIM, qui regroupe toutes les associations musulmanes, en coordination avec les ministères concernés, pour d’une part contribuer à la vulgarisation des textes afin d’informer les prêcheurs et autres représentants des fidèles de l’existence de lois en la matière. Et, le cas échéant, il faut recourir à l’application de la loi pour garantir la paix sociale. Pour maintenir la cohésion sociale, le Mali a entrepris un programme de formation des Imams. Avec le Royaume chérifien, il a signé le 22 septembre 2022, un protocole d’accord pour la formation de 300 Imams à l’Institut Mohamed VI. Environ une soixantaine de personnes seront formées lors de sessions de 2 années. Le protocole a été signé en vertu d’un accord entre le Mali et le Maroc datant de 2013 pour la formation de 500 imams au total. L’objectif de ces formations est de promouvoir les valeurs de tolérance religieuse et de contribuer au vivre ensemble.

Fatoumata Maguiraga

Permis de recherche d’or de la SOREM : Une étape cruciale vers l’exploitation

Le 28 août 2024, le Conseil des ministres a adopté un projet de décret pour l’attribution d’un permis de recherche d’or à la Société de recherche et d’exploitation des ressources minérales du Mali (SOREM). Une étape importante qui permettra à la société de s’atteler à sa mission de recherche et d’exploitation des ressources minières.

Créée par un projet d’ordonnance lors du Conseil des ministres du 24 août 2022, la SOREM, avec comme actionnaire unique l’État, a été mise en place pour mettre en valeur les nombreuses ressources minérales dont regorge le Mali. Le pays dispose d’un vaste potentiel dans les domaines pétrolier et gazier, couvrant une superficie de 900 000 km². Le permis octroyé à la SOREM est sur le périmètre de N’Tahaka, dans le cercle de N’Tillit, dans la région de Gao, suite à la demande de la société en date du 31 juillet 2024 pour la recherche de l’or. Ce permis, en dehors des zones habituellement reconnues pour la recherche d’or, est une première que saluent les acteurs du domaine. Une occasion de diversifier l’exploitation de minerais et d’offrir une opportunité aux acteurs locaux.  

Des moyens et de l’expertise

« C’est une bonne chose d’avoir une société nationale d’exploitation minière », se réjouit M. Djibril Djibril Diallo, expert ingénieur minier, interrogé sur la chaîne TM1. Mais cette création doit s’accompagner de moyens importants et d’expertise. L’État vient donc, en octroyant ce permis, de mettre en activité la société créée il y a deux ans. En outre, la zone du permis est une superficie potentiellement riche qui contient de nombreux sites dont l’État n’avait pas le contrôle. C’est donc l’occasion pour lui de contrôler ce secteur, qui avait vu se développer l’orpaillage dans une certaine anarchie. L’exploitation par la société nationale pourrait créer des emplois et apporter à l’économie nationale une contribution substantielle. Outre les moyens importants dont elle doit disposer pour assurer les investissements nécessaires, la SOREM doit permettre l’émergence de « champions nationaux ». Des acteurs qui ont acquis une certaine expertise dans le domaine de l’exploitation ou de la sous-traitance.  Particulièrement dans ce domaine, la société doit « donner la main » aux acteurs locaux, comme d’ailleurs le suggère la loi sur le contenu local adoptée en même temps que le nouveau Code minier. L’autre défi de la société sera de faire en sorte d’utiliser les compétences locales et de les former dans les différents domaines qui nécessitent une expertise. 

Fatoumata Maguiraga

Chiffres

Capital : 100 000 000 FCFA

Superficie du permis : 97,41 km²

Mali – Algérie : Jusqu’où ira la discorde ?

Déjà tendues depuis plusieurs mois, les relations entre le Mali et l’Algérie continuent de se dégrader. Nouveau sujet de crispation entre les deux voisins, les frappes de drones menées le 25 août dernier par l’armée malienne à Tinzawatène.

Le 26 août, au lendemain de ces frappes de drones, Amar Bendjama, le représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations Unies, a appelé depuis la Suisse, lors de la table-ronde sur les 75 ans de la Convention de Genève sur le droit de la guerre, à « mettre un terme aux violations des armées privées utilisées par certains pays ».

Le diplomate algérien, qui a également déploré des victimes civiles de ces frappes et réclamé à l’ONU des sanctions contre les auteurs de ces « exactions », faisait allusion à la présence de partenaires russes aux côtés de l’armée malienne. « En Conseil de sécurité et à l’Assemblée générale, nous essayons de trouver une formule concernant ces agissements et les sanctions qui en découleraient », a-t-il indiqué.

La réplique de Bamako ne s’est pas faite attendre. Dans une déclaration, le 30 août  lors de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la fourniture d’armes par les pays occidentaux à l’Ukraine, le Représentant permanent du Mali auprès des Nations Unies, Issa Konfourou, a accusé M. Bendjama d’avoir fait une affirmation « aussi grave qu’infondée », sur la base de « simples allégations de presse », et de se muer en « relais de la propagande terroriste dans notre région ».

« Je rappelle à mon collègue algérien que les forces de défense et de sécurité du Mali sont des forces professionnelles, qui mènent une lutte implacable contre les groupes terroristes dans le respect strict des droits de l’Homme et du droit international humanitaire pour libérer notre territoire et pour protéger les populations et les biens », a clamé l’ambassadeur malien.

Difficile décrispation

Depuis cette passe d’armes entre le Mali et l’Algérie à la tribune des Nations Unies, les deux pays n’ont plus affiché de positions tranchées dans la brouille qui les oppose depuis de longs mois. Mais l’heure est loin d’être à la décrispation entre Bamako et Alger. Signe des relations toujours dégradées entre les deux voisins, le Président de la Transition malien n’a jusqu’à présent pas adressé de message de félicitations au Chef de l’État algérien, Abdelmadjid Tebounne, réélu le dimanche 8 septembre dernier à la tête de l’Algérie pour un nouveau mandat.

Selon un analyste géopolitique spécialiste des questions sécuritaires au Sahel qui a requis l’anonymat, les relations entre le Mali et l’Algérie ne peuvent pas se normaliser tant que les deux pays sont dans une approche totalement opposée sur la gestion de la crise sécuritaire au Nord du Mali.

« Il faut s’attendre à une stagnation de la situation entre les deux pays. Je ne vois pas d’évolution allant dans le sens d’une décrispation, parce que d’un côté l’Algérie, qui était garante de l’Accord de paix devenu caduc, est toujours dans une posture de solutions négociées avec les rebelles touaregs, alors que de l’autre le Mali, qui taxe ces rebelles de terroristes, est plus que jamais engagé à les neutraliser dans la guerre », estime-t-il.

Mais pour notre interlocuteur, malgré cette différence de fond, les deux pays voisins n’ont pas intérêt et n’iront pas vers la rupture diplomatique. « Je pense que les autorités des deux pays n’iront pas au-delà des déclarations, du moins dans l’immédiat. Il se peut qu’un nouvel incident change la donne à l’avenir, mais je reste persuadé qu’une rupture diplomatique n’est envisagée d’aucun côté ».

En décembre dernier, les deux pays avaient rappelé pour consultation leurs différents ambassadeurs après que le Mali ait protesté contre l’invitation en Algérie de rebelles du CSP-PDA. Mais, après quelques semaines, les diplomates avaient regagné leurs postes dans les deux capitales.

Mohamed Kenouvi

Inondations : Faut-il craindre le pire ?

 

Alors que le nombre des victimes des inondations augmente, les alertes aux risques de nouveaux sinistres continuent d’être lancées. Dans un communiqué en date du 3 septembre, le ministère de la Sécurité et de la protection civile avertit de l’inquiétante hausse du niveau du fleuve Niger. Dans sa note, le ministre informe sur les risques de débordement des eaux et les inondations que cela pourrait provoquer. Des vagues aux conséquences désastreuses qu’il faut dès à présent penser à gérer.

Le 23 août 2024, lors du Conseil des ministres extraordinaire, les autorités ont adopté le Plan d’organisation des secours qui comporte certaines mesures et décidé de déclarer l’état de catastrophe au plan national suite aux inondations. Un fait inédit qui confirme l’ampleur de la situation, avec instruction au ministre de l’Économie et des finances de mobiliser 4 milliards de francs CFA pour faire face aux conséquences, renforcer le stock national de sécurité alimentaire et apporter l’assistance aux ménages touchés.

La situation hydrologique le long du fleuve Niger et du Bani est alarmante. Désormais, la côte d’alerte est atteinte à Beleny Keny (San). Elle est dépassée de 2 centimètres à Bamako et de 4 centimètres à Sofara (Mopti). Les risques d’inondation restent donc très élevés sur la majeure partie du pays à cause de la poursuite des manifestations pluvio-orageuses, selon les prévisions des services météorologiques.

Activé par le ministère de la Sécurité et de la protection civile par décision en date du 30 mai 2024 pour la période du 1er juin au 30 octobre 2024, le Centre de coordination et de gestion des crises (CECOGEC), logé au ministère de la Protection civile, multiplie les communiqués.

À la date du 5 septembre 2024, on enregistrait 254 cas d’inondations survenus à Bamako et dans toutes les régions depuis le début de l’hivernage, 6 cas de vents violents, 7 cas de foudre, 9 331 cas d’effondrements et 12 117 maisons à risque d’effondrement ou endommagées.

Etat de catastrophe

Face à cette situation exceptionnelle, et avec la déclaration d’état de catastrophe au plan national, les autorités ont adopté un Plan d’organisation des secours qui comporte différentes mesures. Parmi elles, la poursuite de la sensibilisation sur les risques d’inondation, le curage des collecteurs et caniveaux et le recensement des constructions obstruant les voies d’écoulement des eaux en vue de leur libération. Si ces mesures paraissent bien utiles, leur mise en œuvre semble bien compliquée en cette période. Plusieurs ménages, dans le District de Bamako et dans plusieurs régions du Mali, sont désormais en alerte. Les populations sont même « invitées à la vigilance et à l’évacuation des zones riveraines » des cours d’eau en raison des risques très élevés d’inondation dans une majeure partie du pays. Quand au curage des caniveaux, les opérations apparaissent comme un éternel recommencement tant les normes et règles en la matière sont loin d’être respectées. Entre le mois d’août et celui de septembre, les autorités ont dû procéder à des « opérations coups de poing » pour libérer des caniveaux fermés par des boutiques au bord de la route. Concernant la libération des emprises du fleuve, la tâche s’annonce colossale et quelque peu illusoire. L’absence de Plan d’aménagement pour la capitale est à cet effet un préalable indispensable sans lequel il sera difficile de prévenir d’autres catastrophes. Indexé, en plus des effets du changement climatique, le comportement humain rend souvent les populations sinistrées  doublement victimes de la situation. Propriétaires ou locataires de maisons construites au mépris des règles, elles ont quelquefois tout perdu dans les inondations. Relogées dans des écoles en attendant une accalmie, elles redoutent l’approche de la rentrée, ne sachant plus où aller. Outre les aides d’urgence, ces victimes ont besoin de bien plus pour garder espoir.

Des moyens en deçà de la demande

À la date du 22 août 2024, les autorités « ont apporté l’assistance nécessaire aux sinistrés à travers la fourniture de vivres et non vivres, la distribution de 128 595 800 francs CFA de cash et le relogement de 903 ménages dans des écoles ». Des réponses tout de même insuffisantes face à l’ampleur des dégâts. Conscientes de cette situation, les autorités ont fait appel à la solidarité nationale et internationale. Du 28 août au 2 septembre, il y a eu 29 cas d’inondations, 9 effondrements, 1 cas d’électrocution par la foudre, 4 7 77 personnes sinistrées, dont 1 261 hommes, 1 333 femmes et 2 184 enfants, 20 pertes en vies humaines (Bamako 8, Koulikoro 9, Ségou 1, Kita 2) et 8 blessés. Les besoins pour cette période étaient de 25 tonnes de riz, 25 tonnes de mil et 1 625 litres d’huile, sans compter les besoins en non vivres.

Pour la même période, le ministre en charge de l’Assainissement et de l’environnement informait que pour l’aménagement des collecteurs financé par le Budget national et certains projets, le taux d’avancement était d’environ 60%. En ce qui concerne le curage des caniveaux, pour les 213 km à curer, il fallait noter un taux d’avancement de 20%. Des efforts louables, mais qui semblent dérisoires face à l’ampleur de la tâche. Habituellement confrontées à la problématique d’évacuation des eaux de pluie, la capitale et plusieurs localités du pays sont dépassées par les défis de l’heure. Pour y faire face, les autorités ont décidé d’encadrer l’intervention des acteurs humanitaires, qui sont nombreux sur le terrain.

Selon le ministère de la Santé et de l’action humanitaire, 18 000 ménages ont besoin d’une assistance d’urgence et 3 milliards de francs CFA doivent être mobilisés par le département pour faire face aux conséquences de la catastrophe. Le ministère a donc sollicité le concours des partenaires pour contribuer à réduire l’impact des dégâts et circonscrire les conséquences d’une situation inquiétante. Dans « ce nouveau contexte d’extrême urgence », la ministre a souhaité non seulement « plus de solidarité et d’engagement », mais également une coordination des actions pour plus d’efficience. Le ministère, qui en outre été impacté à travers ses services, dont la Pharmacie populaire du Mali, redoute les conséquences que pourraient avoir ces inondations sur le système sanitaire et la situation déjà vulnérable de plusieurs personnes.

Risques sanitaires

En alerte depuis plusieurs semaines, les populations victimes d’inondations se préoccupent en outre de l’après sinistre. Une période délicate qui pourrait être propice à la prolifération de certaines pathologies, comme les maladies diarrhéiques ou encore le paludisme ou d’autres maladies liées à la prolifération des moustiques. Compte tenu de la fragilité du système sanitaire, cette période est attendue avec appréhension par les acteurs. « L’après inondation nous préoccupe » et « ce n’est pas négligé », soutient Markatié Daou, Président du comité de crise des ressortissants de Bla. Une grande partie du mur du Centre de santé de référence (CSREF) de cette localité a cédé, explique M. Daou.  Une situation qui pourrait avoir plusieurs conséquences. Cette structure, censée accueillir les malades référés par les Centres de santé communautaires (CSCOM), ne pouvant plus les accueillir, ces deniers seront pris en charge avec les moyens des CSCOM, qui à défaut les orienteront vers Koutiala ou Ségou, toutes deux distantes de Bla d’environ 80 km. Et l’état des routes en cette période de fortes pluies ne favorise pas le transport. Il s’agit donc de « faire en sorte de reconstruire le centre et de remplacer les médicaments perdus ».  

La crise sanitaire est donc une menace supplémentaire qui plane sur les personnes sinistrées. Une crise généralisée qui semble avoir été anticipée avec la déclaration de l’état de catastrophe au niveau national. Selon le dernier communiqué du Centre de gestion des crises, seules 2 régions n’ont pas été touchées lors des derniers incidents. Dioïla, Ségou, Bandiagara, Sofara, Tombouctou, Kita, Kayes, la liste des localités touchées n’est pas exhaustive. Outre les effondrements de maisons ou de latrines, avec leurs risques sanitaires, leurs populations sont confrontées à une menace sur la campagne agricole, avec des pertes de superficies. Des dégâts qui constituent un risque pour la sécurité alimentaire et un facteur aggravant la vulnérabilité de personnes déjà confrontées à des situations précaires.

Fatoumata Maguiraga