Assistance humanitaire : un besoin de plus de 454 milliards de francs CFA

À travers le Plan de réponse humanitaire, la communauté internationale envisage apporter une assistance multisectorielle d’urgence répondant aux besoins vitaux et permettant aux populations des zones en crise au Mali de rester dignes, en assurant un accès minimum et équitable aux services sociaux de base et en préparant les bénéficiaires à mieux résister aux chocs. Ce Plan a été présenté le mardi 31 janvier 2023 par le Bureau du Mali de la Coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA). Visant à apporter une assistance humanitaire à 5,7 millions de personnes affectées par les conflits et les chocs climatiques, le Plan de réponse humanitaire 2023 pour le Mali nécessite pour sa mise en œuvre la mobilisation de 751,4 millions de dollars américains, soit 454,8 milliards de francs CFA. Malgré les efforts de l’État et de ses partenaires, qui ont assisté plus de 2,9 millions de personnes sur les 5,3 millions ciblées par la réponse humanitaire en 2022, par la mobilisation de 260 millions de dollars sur les 686 millions recherchés, la tendance des besoins est toujours croissante, avec une hausse de 17% par rapport à janvier 2022.

Interdiction de la chicha : un écran de fumée ?

Le 15 août 2022, un arrêté interministériel du gouvernement interdisait l’importation, la distribution, la vente et l’usage de la chicha sur toute l’étendue du territoire national. Les six mois accordés pour se conformer aux dispositions arriveront à terme ce 15 février 2023. Alors que les autorités réaffirment leur détermination à faire appliquer la mesure, les distributeurs ne semblent pas se précipiter. Le défi reste de savoir si les autorités parviendront à faire respecter la réglementation cette fois-ci.

L’arrêté interministériel n°2022-3597/MSPC/MJDH/MSDS/MEF/MIC/MJSCICCC-SG Gouvernement du 15 août 2022, portant interdiction de l’importation, la distribution, la vente et l’usage de la chicha ou tout autre appareil similaire sur l’étendue du territoire, est la suite logique d’un combat que les autorités mènent contre une « toxicomanie banalisée ».

En effet, c’est suite à plusieurs investigations et à des certificats d’analyses du Laboratoire national de la santé que l’Office central de lutte contre les stupéfiants (OCS) a conclu que la chicha permettait de « dissimuler la consommation de plusieurs drogues, dont le cannabis » et de médicaments détournés de leur usage. Il a donc initié cette décision d’interdire ce phénomène, qui favorise selon lui la consommation précoce de drogues chez les jeunes.

Mesure discriminatoire ?

« Nous n’avons pas pu évacuer nos stocks. Nous n’avons pas échangé avec les autorités et nous avons déposé une plainte le 14 octobre contre l’arrêté d’interdiction », s’indigne Mahamadou Diawara, Président des Distributeurs de chicha du Mali. Après avoir demandé un sursis à la décision avant le jugement au fond, la Cour suprême a rejeté ce 26 janvier 2023 la requête de l’association.

Mais celle-ci n’en démord pas pour autant. « Nous avons appelé des experts, nous appellerons d’autres experts d’ici pour démontrer que la chicha n’est pas une drogue », clame le Président de l’association. « La chicha est un tabac, pourquoi les autorités n’ont-elles pas touché au tabac ou à l’alcool », s’interroge-t-il ? Si la chicha est nuisible à la santé, l’alcool et la cigarette aussi.

Quant à l’usage « déguisé de drogue » auquel se livreraient les adeptes de la chicha, M. Diawara se défend d’être responsable d’un tel phénomène. « Nous n’avons rien à voir dans cela. Nous ne sommes pas des vendeurs de drogue », rétorque-t-il, ajoutant que la lutte devrait plutôt se concentrer sur l’interdiction d’entrée de la drogue. Parce que si elle « n’entre pas, elle n’est pas consommée ». Dénonçant des « analyses partiales », il nie que le tabac de la chicha soit plus nocif.

En outre, le secteur absorbe une partie du chômage. Selon le Président des Distributeurs, le secteur emploie des milliers de personnes, environ 3 000 emplois directs au moins, d’après les chiffres qu’il avance, difficilement vérifiables. Serveurs, cuisiniers, sociétés de gardiennage et de nettoyage, la chicha étant un point de convergence dans beaucoup d’espaces, comme les bars ou les night-clubs. S’ils ne souhaitent pas d’affrontement, les distributeurs promettent que l’application de la mesure sera difficile dans ces conditions. Ils sont prêts à aller en prison plutôt que de perdre leur travail. Déplorant l’absence de concertations, ils reprochent aux autorités de n’avoir pas mesuré toutes les conséquences de leur décision. « La chicha aujourd’hui est plus positive que négative dans l’économie. Pour toucher au tabac chicha, il faut toucher à la cigarette et à l’alcool, parce que tout est nuisible à la santé », même à des degrés différents.

Le bâton après la carotte

Dans une communication, ce 31 janvier, l’OCS rappelle que c’est à partir du 15 février 2023 que « l’importation, la vente, la distribution et la consommation de chicha seront interdites sur toute l’étendue du territoire national ». Signé de la Direction de l’Office Central des Stupéfiants – OCS », elle souligne que « les contrevenants s’exposeront à des lourdes sanctions d’emprisonnement et d’amende ». C’est pourquoi l’Office, sous le leadership du ministère de la Sécurité et de la Protection civile, ainsi ses collègues signataires de l’arrêté interministériel interdisant la chicha ou tout appareil similaire au Mali, invite à se conformer à l’arrêté interministériel d’ici le 15 février 2023.

Si les termes du communiqué ne permettent pas d’équivoque sur la volonté des autorités de faire appliquer l’arrêté, ils doivent compter avec celle des distributeurs de faire valoir leurs droits. Ils ont à cet effet attaqué l’arrêté interministériel devant la Cour suprême le 15 octobre 2022. D’abord pour demander la suspension de son exécution, avant de demander son annulation. Une demande de suspension rejetée le 26 janvier 2023.

Estimant qu’après 6 mois de campagne de sensibilisation les populations sont suffisamment informées, le Directeur général adjoint de l’OCS, le Contrôleur général de police Bassirou Bamba souligne que les autorités vont « sévir sans faiblesse », parce qu’il faut que « force reste à la loi ». Et, pour ce faire, des dispositions seront prises et les autres services en charge seront mobilisés pour faire respecter l’arrêté interministériel. Dans une interview accordée à la télévision TM1 le 1er février 2023, il rappelle aux commerçants, consommateurs et distributeurs de chicha que cette interdiction décidée par l’État dans le cadre de « l’impérieuse nécessité de préserver la santé de la population », s’impose à tous et sera respectée.

En attendant, l’arrêté prévoit des peines d’emprisonnement allant de 1 à 10 jours et des amendes de 300 à 18 000 francs CFA pour la production, l’importation, la commercialisation, la détention et l’usage de la chicha.

Selon une étude menée par le service de Pneumologie de l’Hôpital du Point G auprès d’un échantillon de 3 000 lycéens, 71% d’entre eux fumaient la chicha « et certains présentaient des symptômes respiratoires », selon le Pr Yacouba Toloba, chef dudit service. Concernant la dangerosité de la chicha, une autre étude de l’OMS avait déjà alerté, dans une note publiée en 2017, en rappelant les résultats de plusieurs études réalisées une dizaine d’années plus tôt. Compte tenu de la gravité du « tabagisme par pipe à eau », l’organisme mondial de la Santé suggérait aux autorités de régulation de prendre des mesures fiscales ou encore d’interdire ce tabagisme dans les espaces publics, tout en poursuivant la sensibilisation sur les effets nocifs.

Une substance dangereuse surtout pour des jeunes censés être l’avenir du pays. L’une des raisons ayant conduit la Mairie de la Commune IV du District de Bamako à interdire le produit dès 2019. « Si l’avenir d’un pays dépend de sa jeunesse, il faut qu’elle soit saine », expliquait le Maire de la Commune IV, M. Adama Bérété. Pas question pour lui donc de laisser la jeunesse se « détruire ». Car, assez souvent, ce sont des produits de substitution, comme l’alcool et ses dérivés ou la drogue, qui sont utilisés, rendant « les conséquences de cette fumée incalculables ».

Diversement appréciée, la mesure a d’abord été « incomprise », selon le Maire. Mais, entre approbation et réticence, la Mairie a souvent dû faire intervenir les forces de l’ordre pour faire appliquer la mesure. En dépit de tout cela, elle a beaucoup de mal à être respectée, plusieurs « chicha houses » se trouvant dans la commune couverte par elle. L’interdiction étant désormais étendue à l’ensemble du territoire, le maire espère que « nul n’est et ne sera au-dessus de la loi », qu’il faut appliquer avec la dernière rigueur.

Le défi du respect

Pour assurer la mise en œuvre et obliger les acteurs à se conformer, outre l’OCS, la Direction générale des Douanes, la Direction générale du Commerce, de la concurrence et de la consommation (DGCC), la Direction générale de la Police et la Direction générale de la Gendarmerie sont chargées de veiller à l’effectivité de la mesure d’interdiction. Même si les différentes entités concernées n’ont pas encore dévoilé leurs plans, selon certains les forces de l’ordre vont sévir afin que cela serve de dissuasion. Mais, pour un observateur qui a requis l’anonymat, ces actions seraient comme « suer sous la pluie ». Les boutiques de chicha ou encore les chicha houses seront les premières touchées, puisque très visibles, appuie-t-il. Mais qu’en sera-t-il dans les différents clubs, lounges ou restaurants, sans parler des domiciles et espaces privés ? Les forces de sécurité feront-elles des descentes ? Des questions qui trouveront sûrement un début de réponse lors des premiers jours du début effectif de l’interdiction. Ce qui sera déjà impossible à faire pour les autorités, c’est de contrôler totalement la consommation, notamment dans un cadre privé. À moins que grâce aux Douanes, ces produits ne soient réellement interdits d’entrée sur le territoire. Ce que certains clients craignent déjà, c’est que cette interdiction n’entraîne des coûts supplémentaires sur la chicha, avec des revendeurs et tenanciers de boutiques qui mettraient en avant les difficultés pour augmenter leurs prix. À moins de deux semaines de la date retenue pour l’interdiction effective, de nombreux clients et des personnes qui sont dans le milieu de la chicha n’envisagent nullement que la décision puisse être respectée.

Quid chez nos voisins ?

L’exemple chez nos voisins n’incite pas non plus à l’optimisme pour l’effectivité de la décision. L’exemple ivoirien est le plus illustratif. Dans le cadre de l’application d’un décret de 2012 interdisant de fumer dans les lieux publics, les autorités ivoiriennes ont essayé de sévir en 2022. Les forces de l’ordre ont mené des opérations d’envergure, mais cela n’a pas duré deux mois. Les opérations ont cessé, les contrôles aussi. Un journaliste sur place à Abidjan nous confirme que les consommateurs de la chicha fument partout comme si de rien n’était. Au Sénégal, l’interdiction décidée en 2020 est somme toute similaire à celle du Mali. Les autorités sénégalaises avaient également donné six mois aux importateurs et distributeurs de chicha pour s’y conformer. Mais, deux ans plus tard, les autorités n’ont pas réussi à faire respecter la décision. La raison, selon une source au Sénégal, est que les consommateurs ne s’affichent que rarement en public et que le degré de consommation est moindre que celui du Mali. Mais, après la décision des autorités maliennes, le Président de la Ligue sénégalaise de lutte contre le tabac (Listab), Amadou Moustapha Gaye, a saisi l’occasion pour interpeller le chef de l’État Macky Sall pour qu’il s’implique. À partir du 15 février, les capacités des autorités compétentes à faire respecter la décision seront scrutées, afin de déterminer si ce n’est ou non qu’un simple écran de fumée qui finira par se dissiper.

Mali – Burkina Faso : le fédéralisme au menu de la visite du Premier ministre burkinabè

Nourrissant déjà l’espoir de venir au Mali qui, selon lui, fait la fierté de toute l’Afrique depuis l’avènement au pouvoir du colonel Assimi Goïta, le Premier ministre burkinabé, Apollinaire Kyélem a lors de sa rencontre avec ses compatriotes à l’Ambassade du Burkina Faso ce mercredi 1er février 2023, trouve opportun sa visite au Mali pour mettre à profit l’idée du fédéralisme entre les deux pays.

Selon le chef du gouvernement burkinabé, si cette fédération parvient à se créer, elle pourrait être une puissance sur le plan économique vu les potentialités dont regorgent les différentes villes des deux pays.

Pour lui, être ensemble pour constituer une fédération ne veut pas dire une unicité ou une uniformisation, mais plutôt une gestion d’ensemble des aspects de la souveraineté.

Convaincu, le Premier ministre Burkinabé avoue que d’autres pays n’attendent qu’un déclic pour rejoindre cette Fédération Mali-Burkina. Il a même cité le Sénégal et le Togo qui ont déjà montré leur intérêt à cette idée, au cours de ses échanges avec certains responsables de ces pays. Le Premier ministre ajoute que la Guinée Conakry sera aussi favorable à une telle démarche.

 

Religion / Etat : quelle laïcité pour le Mali ?

Inscrit au Préambule de l’avant-projet de nouvelle Constitution, le terme est devenu hautement sensible dans les débats politiques. Et pour cause : plusieurs leaders religieux sollicitent sa suppression de la Loi fondamentale. Sur la scène publique et dans les mosquées, l’indignation s’intensifie.

Sous les ventilateurs fatigués de la petite mosquée de Sirakoro Meguetana, ce 20 janvier 2023, la température est un peu chaude. Tout comme le discours de l’Imam de ce lieu de culte, toujours en construction. « Au nom de la laïcité, au Mali on réfute les enseignements du Coran », lâche le religieux en plein sermon du vendredi. « Dans ce pays, on se dit tous Musulmans, à commencer par les plus hautes autorités du pays, mais nous refusons de le montrer aux yeux du monde. Par exemple, pourquoi, avant de commencer leurs discours, elles [les autorités] ne commencent pas par invoquer Allah et le Prophète Mohamed (PSL) ? Tout cela à cause de cette soi-disant laïcité importée des pays non Musulmans. Il faut que ça change », s’exaspère-t-il.

À quelques mètres du prêcheur, un fidèle hoche la tête pour marquer son assentiment. Un autre, tout de blanc vêtu, acquiesce à son tour et murmure : « l’Imam dit vrai, les Musulmans doivent se montrer plus fermes sur cette histoire de laïcité ».

De même que dans la petite mosquée de Sirakoro, ces discours s’amplifient dans la capitale malienne. Quelques jours plutôt, le 7 janvier, une dizaine de personnes se regroupait à l’invitation du Collectif des associations musulmanes du Mali, à la Maison de la presse, pour débattre d’une laïcité « négative, sectaire, agressive et intolérante », qui, selon elles, marginalise et exclut délibérément la communauté musulmane de presque toutes les instances de décision du pays.

« La laïcité est un système qui exclut les églises de tout pouvoir politique, administratif,  spécifiquement de l’organisation de l’enseignement. Dans notre cas, il faut remplacer église par la religion. Étant définie comme cela, qu’est-ce qui reste à la religion dans la gestion de l’État ? », s’interrogeait Mohamed Kimbiri. Déterminé, le Président du mouvement haranguait la foule : « tout ce qui se fait sans toi se fait contre toi. Nous n’allons plus quitter la scène politique soi-disant que ça ne nous concerne pas. Et, pendant ce temps, au moment des élections, nous devenons des bêtes électorales dont on sollicite les votes et après on les exclut de la vie politique ».  L’assistance approuve. Le religieux enchaîne : « on constate que depuis l’indépendance tous ceux qui ont essayé de réviser la Constitution ne se réfèrent pas à nos réalités, telles que définies dans la Charte de Kurukanfuga, mais font plutôt un copier-coller de la Constitution française. Alors que nos réalités diffèrent. Par exemple, la loi de 1905 qui a institué la laïcité en France, dans son article 2, dit que « la République ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte ». Cette forme de laïcité est antireligieuse et ne se conforme pas à notre histoire et à notre tradition », certifie-t-il. Même son de cloche au niveau du Dr Ahmadou Bolly. Également membre du Collectif, il estime qu’on ne peut pas construire le Mali Kura avec l’héritage colonial. « La souveraineté idéologique doit être cherchée via la Constitution », renchérit-il.

Le plus farouche des religieux et le plus connu, qui se mobilise contre la présence de la notion de laïcité dans la Constitution est Mohamed Mahi Ouattara. L’Imam de Sébénikoro, l’un des prédicateurs les plus suivis sur les réseaux sociaux au Mali, multiplie les prêches depuis novembre 2022 pour dénoncer « une laïcité qui constitue une entrave pour la religion musulmane » et « au nom de laquelle on se permet de tout faire dans le pays ».

Les raisons d’une révolte

Musulmane, chrétienne, animiste, athée… Plusieurs croyances sont pratiquées au Mali et la religion n’a jamais divisé le pays. De même que la notion de laïcité, qui a été toujours présente dans les anciennes Constitutions. Alors, pourquoi une polémique maintenant sur le sujet ?

« Au niveau de la communauté musulmane, vu qu’on estime le nombre de musulmans à plus de 90% de la population, on veut que la Constitution leur confère un pouvoir dans l’optique de prévenir tout ce qui pourrait faire entrave à leur religion. C’est ce qui suscite la révolte de certains leaders religieux. La laïcité telle que définie par la France ne leur convient pas. Ils pensent que si on laisse le mot laïcité dans la Constitution, tout peut être voté sur la base de ce terme. Je pense par exemple à l’homosexualité. C’est pourquoi ils veulent que cela soit carrément supprimé de la Constitution », explique l’enseignant-chercheur Mady Ibrahim Kanté, instructeur temporaire à l’École de maintien de la paix Alioune Blondin Bèye.

Ainsi, depuis octobre 2022 plusieurs leaders religieux se montrent de plus en plus critiques envers la laïcité, ce principe qui sépare la société civile et la société religieuse. À la fin de ce mois était apparue sur les réseaux sociaux une vidéo mettant en scène Mamadou Dembélé, un adepte du kémitisme, piétinant le Coran après avoir tenu des propos blessants sur l’Islam. L’acte avait provoqué une grande polémique au sein de la société et une vive colère des Musulmans.

« S’il est vrai qu’un mouvement de ce genre, qui insulte Allah, notre prophète et le Coran, existe au Mali, nous demandons aux autorités du pays de déchirer le récépissé dès demain. Si le mouvement continue d’exister, cela prouvera que les autorités ont failli à leur mission. À ce moment-là, les Musulmans agiront en conséquence », avait réagi le président du Haut conseil islamique du Mali, Ousmane Cherif Madani Haidara, suite à la publication des images blasphématoires. Dans une vidéo, sur la question de la laïcité, sans l’évoquer directement, il s’était montré ouvert aux différentes religions, estimant que nous avons hérité nos obédiences de nos ascendants et qu’en conséquence il était nécessaire de laisser les autres, notamment les Chrétiens, pratiquer leurs cultes en paix.

Vers un bras de fer ?

Engagées dans un processus d’adoption d’une nouvelle Constitution et d’une loi pour encadrer les prêches, les autorités de la Transition risquent de se confronter aux religieux, en plus des acteurs politiques qui demandent son abandon. Déjà, fin décembre, le Collectif des associations musulmanes du Mali, estimant être écarté du Comité d’Observation Stratégique (COS), de la Commission de Rédaction de la Nouvelle Constitution (CRNC), de l’Autorité Indépendante de la Gestion des Élections (AIGE) et de la liste additive des membres du CNT, avait indiqué via un communiqué qu’il entendait rester « mobilisé » pour « répondre au besoin » aux appels, à tout moment et en tous lieux, pour militer contre « une Constitution copie-conforme certifiée du modèle colonial ».

Le risque est grand et les autorités le savent. Depuis l’avènement de la démocratie et la création du Haut conseil islamique du Mali, en 2002, la réussite de plusieurs manifestations politiques a été rendue possible par la capacité de mobilisation des leaders religieux. Avec presque toujours l’Imam Mahmoud Dicko en première ligne. Le soulèvement contre le projet de loi portant Code des personnes et de la famille en 2009, c’est lui. Les manifestations ayant conduit à l’éviction de Soumeylou Boubèye Maïga de la Primature en 2019, c’est encore lui. De même, l’Imam à la barbe grisonnante a fortement contribué à la chute de l’ancien Président Ibrahim Boubacar Keïta, qu’il avait pourtant soutenu en 2013. Va-t-il de nouveau se dresser contre l’Exécutif pour la suppression de la laïcité dans la nouvelle Constitution ? La question suscite débat. Début janvier, lors d’un sermon du vendredi, le natif de Tonka, 69 ans, a montré son désaccord face à ce principe. « Partout dans le monde, les pays se glorifient d’être des pays laïcs, c’est à dire qu’ils gèrent leurs affaires sans Dieu. C’est le projet qui est en cours. Ils veulent diriger le monde sans Allah, le Créateur de ce monde. Ça ne marchera jamais », a-t-il fustigé. La CMAS, Coordination de mouvements et associations portant son nom, et dont il est le parrain, a également appelé les autorités de la Transition à surseoir à la révision de la Constitution le 9 janvier dernier, estimant « qu’aucune disposition du droit positif ne donne compétence au Président de la Transition pour élaborer une nouvelle Constitution et la faire aboutir par voie de referendum ».

Un modèle de laïcité à la malienne ?

Au Mali, où la religion occupe une place considérable dans l’espace public, la laïcité « à la française » est remise en cause. Sans autant militer pour un État islamique, certains religieux optent pour une laïcité à la Malienne, « qui respecte nos traditions, nos cultures et croyances », s’exclame Mohamed Kimbiri. Par exemple, comme celle de la Suisse, où la Constitution commence par le nom de Dieu, ou celle de l’Allemagne, où dans le préambule il est écrit « devant Dieu et devant le peuple allemand ». Nous souhaiterons aussi que le nom de Dieu paraisse dans notre Constitution ».

Dans une chronique publiée en novembre dans « Opinion Internationale », l’ancien Premier ministre Moussa Mara trouve aussi qu’il est indispensable de définir « notre propre voie » de la laïcité. « Cela contribuera à faire en sorte que les citoyens sachent que la religion est aussi un facteur de stabilité si elle est bien comprise. Seule la religion bien comprise permettra de lutter efficacement contre l’intégrisme religieux et les intolérances religieuses. En se fermant à la religion, on détourne son regard d’elle et on la confine dans un espace qui facilitera la radicalisation et, à terme, la violence », explique l’homme politique, selon lequel « plus que jamais l’État doit sortir de sa léthargie face à la religion, la considérer comme une donne incontournable et un facteur d’harmonie sociale. Donc une chance plutôt qu’une menace ! ».

Cela suffira-t-il à faire baisser la tension ? « Peut être que oui, peut être que non. Mais l’option d’un modèle de laïcité à la Malienne mérite d’être soigneusement réfléchie par les autorités du pays. Ne serait-ce que pour contenir la colère des religieux, capables d’élire un Président, de le démettre de ses fonctions ou de faire annuler une loi votée par l’Assemblée nationale », signale l’enseignant-chercheur Mady Ibrahim Kanté.

G5 Sahel : une redynamisation presque impossible sans le Mali

Depuis quelques semaines, les pays membres du G5 Sahel affichent une volonté de redynamisation de l’organisation sahélienne, dont le fonctionnement était au ralenti ces dernières années. Multiplication des rencontres ministérielles, appels du pied au Mali, qui s’en est retiré en mai dernier, Sommet extraordinaire des Chefs d’États en vue, le G5 Sahel semble tourné vers une difficile « renaissance » sans le Mali.

L’année 2023 est-elle partie pour être celle de la redynamisation du G5 Sahel ? Depuis son début, les réunions se multiplient entre les 4 pays membres restants pour « préserver et redynamiser » l’organisation.

Le 10 janvier, les ministres en charge de la Défense des pays membres se sont retrouvés en Séance extraordinaire à N’Djamena, au Tchad, pour parler du fonctionnement de l’organisation et faire des recommandations pour la lutte efficace contre le terrorisme dans le Sahel, vocation première du G5 Sahel depuis sa création, en 2014.

Dans le cadre du redimensionnement du Commandement et du renforcement des capacités de combat de la Force conjointe du G5 Sahel, pour la rendre plus opérationnelle et efficace, ils ont décidé de l’augmentation du nombre de bataillons à 14. Le Burkina Faso va désormais compter 5 bataillons, de même que le Niger, et la Mauritanie et le Tchad, 2 chacun.

Toujours dans la capitale tchadienne, les ministres des Affaires étrangères des pays membres du G5 Sahel se sont rencontrés le 18 janvier pour faire l’état des lieux de l’organisation, « en relation notamment avec le retrait du Mali », auquel ils ont à nouveau exprimé leur « souhait de voir rejoindre sa famille naturelle qu’est le G5 Sahel ». Ces diplomates ont également recommandé une mobilisation des ressources croissantes, organisées et efficaces des États-membres.

Inefficace sans le Mali 

Si la volonté de redynamisation de l’instance sahélienne est clairement affichée, plusieurs analystes s’accordent à dire qu’elle sera difficile et inefficace sans le Mali. Cela semble d’ailleurs être le cas des autres pays membres du G5 Sahel, qui ne cessent de plaider pour son retour dans l’organisation.

Le Mali, de par sa position géographique, était le seul pays qui se retrouvait dans 2des 3 fuseaux du G5 Sahel (Fuseaux Ouest avec la Mauritanie et Centre avec le Burkina Faso et le Niger).

« Sans le Mali, le G5 Sahel perd son élément le plus essentiel dans la lutte qu’il entend mener pour la sécurisation du Sahel. Aucune redynamisation sans ce pays et sans une capacité de financement propre aux États membres ne saurait donner à l’instance ses lettres de noblesse », tranche Soumaila Lah, Coordinateur national de l’Alliance pour la réforme du secteur de la Sécurité.

« Le Mali est frontalier de 3 des 4 autres pays membres du G5 Sahel et partage une superficie quadrilatère de plus de 300 000 km² avec deux d’entre eux. Cette portion constitue aujourd’hui l’épicentre du terrorisme dans le Sahel et aucun succès dans cet espace commun entre 3 pays ne saurait être viable et durable sans une véritable coordination entre eux », poursuit-il.

Mahamadou Sawadogo, chercheur burkinabè spécialiste des questions de sécurité, abonde dans le même sens. « Le Mali, le Burkina et le Niger forment le Fuseau central du G5 Sahel. Avec le retrait du Mali, il est difficile que ce Fuseau central survive. Ce qui veut dire que l’organisation a besoin du Mali pour contrôler ce Fuseau central, qui est d’ailleurs l’épicentre de la menace terroriste, parce que c’est à ce niveau que se trouve la Zone des 3 frontières », souligne-t-il.

Selon Soumaila Lah, le retrait du Mali de l’organisation constitue un véritable casse-tête  parce que le pays était jusque-là le maillon à partir duquel il était possible d’affirmer une certaine puissance sur les groupes armés terroristes et le banditisme transnational. Un retour du Mali, comme le souhaitent les autres pays membres, apparait comme essentiel pour une redynamisation efficace du G5 Sahel.

Mais cette possibilité a déjà été écartée par les autorités de la Transition, qui estiment que cette instance est noyautée par l’étranger. Dès lors, pour beaucoup d’observateurs, la « mort » annoncée du G5 Sahel semble inévitable.

Or : la mine de Morila cherche un repreneur

Deux ans après sa reprise, la mine de Morila a perdu son principal actionnaire. La société Firefinch a annoncé au Conseil d’administration, le 2 novembre 2022, son incapacité à poursuivre le financement des activités de développement de la société des mines d’or de Morila SA. Une mauvaise nouvelle pour les travailleurs de la société, qui espèrent des mesures idoines pour la continuité des activités et la sauvegarde de leurs emplois.

Acquise auprès de Barrick Gold et Anglogold Ashanti, la mine d’or de Morila a entamé un processus de redynamisation qui n’a pu être mené à terme face à plusieurs contraintes. Les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA contre le Mali, la hausse du coût du carburant et d’autres éléments essentiels, comme la non prorogation de la convention d’établissement, sont les difficultés invoquées par la société. S’y ajoutent les difficultés de levée de fonds pour assurer les investissements, selon M. Seydou Séméga, Représentant pays de la filiale malienne de Firefinch.

Dans un véritable cri du cœur, les responsables de l’usine ont invité les autorités à soutenir la mine afin de préserver les 2 100 emplois. Ils demandent, entre autres, l’abandon des procédures de redressement en cours pour les années 2017, 2018 et 2019. C’est dans le sens de la poursuite des activités que s’est engagée la société, en accord avec la direction. « Le processus d’investissement nouveau se déroule bien car de nombreuses parties ont manifesté de l’intérêt et devraient formuler leurs propositions dans les semaines à venir », assure M. Séméga. Une procédure de retrait qui devra être validée par l’État.

Développer les ressources

En attendant, et pour répondre à certaines affirmations l’accusant de s’être retiré avec la quantité d’or correspondant au montant de ses investissements, M. Séméga précise que le processus d’extraction des grandes mines est sous le contrôle strict de l’État et qu’aucune société n’a la latitude d’agir de façon non conventionnelle. « Firefinch a une créance de plus de 60 milliards de francs CFA sur Morila, correspondant aux coûts d’investissement inter-compagnies. Toutefois, Firefinch s’est dite disposée à annuler cette créance dans la mesure où cela permettrait au nouveau repreneur de pleinement jouir des opportunités de développement de Morila ». M. Séméga ajoute que l’or produit les deux dernières années a juste permis un maintien du niveau minimal opérationnel, sans faire face aux dépenses opérationnelles. Ce retrait n’a aucun impact sur les activités de Firefinch, qui intervient sur d’autres segments au Mali. Elle a acquis 17% des actions de Leo lithium, investisseur avec Gafend lithium de la mine de lithium de Goulamina, en phase de développement. Le ministère des Mines n’a pas réagi à nos sollicitations.

Issa Kaou N’Djim : un prolixe désormais très taiseux

Anciennement Coordinateur général de la CMAS, membre actif du Comité stratégique du M5-RFP puis 4ème Vice-président du Conseil national de Transition (CNT), Issa Kaou Djim n’occupe plus aucune de ces fonctions aujourd’hui. Celui qui était très prolixe s’astreint désormais à un silence qui interroge.

Opposant comme proche du pouvoir, Issa Kaou Djim est l’un des rares hommes politiques maliens qui a toujours « farouchement » dénoncé ce qu’il considérait comme « déboires ». Comme en octobre 2021, où le gendre de l’Imam Mahmoud Dicko, bien qu’alors fervent partisan du Président de la transition, Assimi Goïta, n’a pas hésité à faire part de son désaccord via les médias sociaux sur la méthode utilisée par les autorités de transition pour le renvoi du représentant de la CEDEAO au Mali, Hamidou Boly, accusé d’être « impliqué dans des activités de déstabilisation contre la Transition ». En outre, le commerçant s’est toujours montré intransigeant contre l’instauration d’un bras de fer entre le Mali et la CEDEAO. Ces prises de positions, ajoutées à son « acharnement » contre le Premier ministre Choguel Kokala Maïga, qu’il considérait comme la source principale de « l’isolement diplomatique » du Mali, lui ont d’ailleurs valu, après un court séjour en prison, d’être condamné en décembre 2021 à 6 mois de prison avec sursis et à payer 500 000 francs CFA d’amende pour « atteinte au crédit de l’État et injures commises via les réseaux sociaux ». Pire, le 4ème Vice-président du CNT a été éjecté de l’organe législatif de la Transition le 9 novembre 2021 via un décret de « l’imperturbable Assimi Goïta », comme il aimait lui-même nommer le Président de la Transition. Son passage en prison, où on ne lui a pas fait de « cadeaux », l’a beaucoup marqué. Depuis, Issa Kaou Djim a pris ses distances avec la politique malienne. Après quelques brèves apparitions en décembre 2021 auprès du désormais Cadre des partis pour un retour à l’ordre constitutionnel et sur quelques médias sociaux mi-2022, le cinquantenaire a de nouveau choisi la discrétion.

« Il ne veut plus être l’agneau qu’on sacrifie », indique un analyste politique proche de lui. « À la CMAS et au M5-RFP, il prenait les coups pour l’Imam Dicko. De même, étant au CNT et bien qu’il pouvait se contenter de son poste, il a en quelque sorte apporté son soutien aux politiciens qui sollicitaient le départ du Premier ministre Choguel Kokala Maïga. Au final, par naïveté ou envie de bien faire, il a peut-être hypothéqué son avenir politique. Il lui fallait donc du recul pour mieux analyser la situation », explique l’analyste.

Silence radio                  

Le natif de Bagadadji partage à présent sa vie entre Lafiabougou Taliko, où il vit avec sa famille, et son Centre islamique Allah Kama Ton, un centre de formation coranique pour les jeunes et les femmes. « À part cela, il reste à la maison au calme et, de temps en  temps, il se renseigne sur ses activités que gère son grand frère au marché », confie un autre de ses proches, selon lequel, malgré son retrait actuel de la vie politique, « ses relations avec son beau-père, l’Imam Dicko, restent toujours tendues ».

Son parti, l’Appel citoyen pour la réussite de la Transition (ARCT), est aussi au point mort. « Il n’existe plus que de nom. Nous ne tenons plus de réunions et il n’y a pas plus d’activités de la part du parti », déplore un militant du mouvement politique. Contacté par Journal du Mali, le Secrétaire général de l’ACRT, Soya Djigué, n’a pas souhaité s’exprimer sur la vie du parti, préférant que l’on s’en « réfère directement au Président Kaou Djim ». Silence radio au niveau de ce dernier également.

Selon l’analyse politique Amadou Touré, « il était prévisible que l’ACRT ne pouvait plus continuer à exister puisqu’il a été créé par Kaou Djim dans l’espoir de soutenir une potentielle candidature du Colonel Assimi Goïta à la prochaine élection présidentielle, même si, au sein du parti, on essaie de prétendre le contraire. Les relations des deux hommes n’étant plus au beau fixe, l’organisation politique est destinée à disparaître ». Tout comme la carrière politique d’Issa Kaou Djim?

Moussa Mara : « Il faut qu’on travaille à la réussite de la Transition plutôt que de s’ériger en opposant »

Alors qu’il a prononcé le premier discours du Cadre des partis politiques pour la réussite de la Transition, désormais Cadre pour un retour à l’ordre constitutionnel, l’ancien Premier ministre Moussa Mara le dit d’emblée : il n’est plus en phase avec certaines décisions de ce regroupement politique. Il en explique les raisons.

Pourquoi avez vous pris vos distances avec le Cadre ?

Personnellement, il y a des positions que le Cadre a pris que je ne partage pas. Cela n’engage que moi. Par exemple, en février dernier, quand ses acteurs ont donné un ultimatum aux autorités de la Transition pour leur dire que dans quelques temps, si les choses ne bougeaient pas, ils n’allaient plus les reconnaître. Pour moi, ce n’est pas une position constructive. Quand le Cadre a changé de nom récemment, pour dire que ce n’est plus le Cadre pour la réussite de la Transition mais le Cadre pour le retour à l’ordre constitutionnel, j’ai dit que ce n’était pas conforme à l’esprit même de la création du collectif. Il a été créé pour aider les autorités de la Transition à réussir, et dans cela il y a les élections, mais pas que. Il faut aujourd’hui qu’on essaie de travailler à la réussite de la Transition plutôt que de s’ériger en opposant. Une transition ne doit pas avoir d’opposants.

Mais pourtant vous étiez, à sa création, au devant de ce collectif…  

C’est vrai que j’ai prononcé le premier discours de présentation du Cadre, avec la permission du Président de Yelema et de tous ceux des partis politiques qui constituent le regroupement. Étant un initiateur du regroupement, ils m’ont laissé présenter le premier discours, mais depuis cette présentation je n’ai pas parlé une seule fois au nom du Cadre, parce que je ne suis plus Président de parti.

Vous revenez d’une tournée dans la région de Kita. Est-ce déjà la mobilisation pour les élections futures ?    

Depuis 12 à 13 ans, avant même que je ne sois Premier ministre, je tourne dans le pays tout le temps. Un acteur politique doit être constamment en action, aller là où les citoyens vivent, discuter avec eux, comprendre ce qu’ils vivent pour trouver des solutions. La politique, c’est essayer de trouver des solutions aux problèmes des gens. On ne peut pas le faire si on ne connaît pas les gens et on ne peut pas connaître les gens en étant à des milliers de kilomètres d’eux. C’est pour cela que je tourne tout le temps, même en dehors de toute période électorale. C’est dans ce cadre que je suis allé à Kita.

Nouvelle Constitution : Assimi Goïta va-t-il céder à la pression politique ?

Enclenché en juin 2022, le processus d’adoption d’une nouvelle Constitution, en remplacement de celle du 25 février 1992, se poursuit. Mais, à l’approche du référendum prévu pour mars prochain, de plus en plus d’acteurs politiques s’y opposent, appelant à un abandon du projet. Le Président de la Transition, déjà tourné vers la finalisation du texte de l’avant-projet de nouvelle Constitution, va-t-il céder à cette pression et surseoir à l’adoption de cette nouvelle Loi fondamentale du Mali ?

C’était l’une des recommandations fortes des Assises nationales de la refondation (ANR), fin 2021. L’adoption d’une nouvelle Constitution figure également dans le Plan d’action du gouvernement de transition approuvé par le Conseil national de transition en août 2021.

Mais, dès le départ, le sujet a toujours divisé la classe politique. Si le constat est unanime sur les limites de l’actuelle constitution et la nécessité de la réviser ou de la remplacer, les positions sont par contre très tranchées sur la période et le contexte de l’adoption d’une nouvelle Constitution et sur le contenu de l’avant-projet rendu par la Commission de rédaction en octobre dernier.

Vague d’oppositions

Au sein de la classe politique, quelques partis sont farouchement opposés à l’adoption d’une nouvelle Constitution. C’est le cas de Convention nationale pour une Afrique solidaire (CNAS Faso Hèrè). Dans un communiqué, le 10 janvier 2023, le parti de l’ancien Premier ministre de transition de 1991, Zoumana Sacko, s’est une nouvelle fois insurgé contre l’adoption d’une « Constitution octroyée » dont le « peuple militant du Mali » n’a pas besoin.

« La CNAS-Faso Hèrè invite à nouveau les autorités issues du double coup de force militaire du 18 août 2020 et du 25 mai 2021 à renoncer définitivement et sans condition à leur entreprise antirépublicaine et antidémocratique de démolition de la Constitution démocratique, dont le Peuple malien s’est librement doté au prix des larmes, de la sueur et du sang, en tant qu’acquis essentiel de la lutte de plusieurs générations contre la dictature CMLN/UDPM », écrit le parti, pour lequel le retour à l’ordre constitutionnel doit se faire dans le « cadre inchangé de la Constitution adoptée le 12 janvier 1992 ».

Même son de cloche au parti FARE An Ka Wuli de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, où l’on estime que toute révision de la Constitution actuelle devrait être limitée et rigoureusement encadrée par les dispositions déjà prévues. « Le parti FARE demande au Président de la Transition d’abandonner le projet de nouvelle Constitution en cours et l’invite à reprendre l’initiative en créant les conditions d’inclusivité autour des forces politiques et sociales pour une refondation réelle du Mali en crise », indique son  Secrétariat exécutif national.

Cette position est partagée par la plateforme politique « Espérance Nouvelle – Jigiya Kura » autour de la Codem de l’ancien ministre de l’Éducation nationale Housseini Amion Guindo, qui avait demandé dès juillet 2022 aux autorités de transition de surseoir à la rédaction d’une nouvelle Constitution, en raison des « motivations floues » qui entouraient cette démarche. Pour ce regroupement politique, le contexte de « crise multidimensionnelle, où la sécurité des personnes et des biens est plus que jamais menacée », n’est pas propice à modification de la Constitution.

Pour la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de l’Imam Dicko, « aucune disposition du droit positif ne donne compétence au Président de la Transition pour prendre l’initiative de l’élaboration d’une nouvelle Constitution et de la faire aboutir par voie de référendum ».

Ballan Diakité, analyste politique, pense que plusieurs facteurs expliquent les appels à l’abandon du projet qui se multiplient. « D’abord, les partis politiques ne sont pas rassurés par le contenu du texte de la nouvelle Constitution. Ensuite, au-delà du contenu, je pense qu’il y a un climat défavorable entre les partis politiques et les militaires au pouvoir. On sait que depuis le début de la Transition les militaires ont tout fait pour écarter les partis politiques de la gestion du pouvoir, ce qui a conduit à l’instauration d’une méfiance entre les deux parties », analyse-t-il.

Pour autant, selon lui, le Président de la Transition ne doit pas surseoir au projet d’adoption de la nouvelle Constitution mais plutôt établir un cadre de dialogue plus sincère avec les partis politiques, plus participatif, de sorte que leurs préoccupations puissent être prises en compte dans l’élaboration du nouveau texte.

« En  période de mandature normale, le Président qui va conduire cette révision de la Constitution risque de revoir son mandat présidentiel repartir à zéro. Pour éviter des tensions sociopolitiques dans les années à venir, il est important que la Transition puisse conduire cette révision de la Constitution ».

Revoir l’avant-projet

Certains partis politiques sont favorables au principe d’adoption de la nouvelle Constitution mais ont relevé des insuffisances dans le texte de l’avant-projet et apporté d’importants amendements, sur la forme et le fond, qu’ils entendent soumettre à la Commission chargée de la finalisation du projet.

« Nous pensons que la période de transition est la période idéale pour aller vers une nouvelle Constitution. Pour l’APR, la Constitution du 25 février 1992 a atteint ses limites au cours de ces dernières années et n’a pas permis d’apporter des atténuations aux crises répétitives qu’a connues le Mali. Elle doit être réformée pour faire face aux circonstances changeantes du moment et tenir compte de l’évolution de la société et de la matière constitutionnelle », clame Oumar Ibrahim Touré, Président de l’Alliance pour la République (APR).

Le parti a relevé les dispositions encourageantes contenues dans l’avant-projet, à l’instar de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les citoyens, la révocation du Premier ministre sans que celui-ci ne présente sa démission ou encore la fixation du nombre de membres du gouvernement au maximum à 29.

Mais l’APR pointe des dispositions « problématiques », comme le « bicamérisme inégalitaire » et la disparition du contrôle parlementaire de l’action gouvernementale, un risque de constitutionnalisation des coups d’État jugé « dangereux ». Il souligne en outre plusieurs dispositions manquantes, parmi lesquelles « l’absence d’un mécanisme de révision parlementaire » ainsi que de « démocratisation dans la saisine de la Cour constitutionnelle » et la « non constitutionnalisation des candidatures indépendantes ».

De son côté, la Coalition des forces patriotiques (COFOP), regroupement de partis politiques, propose entre autres que le poste de Premier ministre soit remplacé par celui d’un Vice-président, élu au même titre que le Président de la République, qui peut exercer le pouvoir en cas d’empêchement de ce dernier, que le Conseil économique, social, culturel et environnemental soit supprimé ou encore qu’avant leur nomination par le Président de la République les postulants à une responsabilité ministérielle présentent et défendent avec succès un « projet de société relatif au poste qu’ils désirent occuper ».

L’Union pour la République et la Démocratie (URD) affiche également son accord avec le gouvernement de transition pour l’adoption de la nouvelle Constitution. « Au Mali, toutes les Constitutions ont été faites dans des situations exceptionnelles. Aujourd’hui, nous sommes dans une transition et il est mieux pour nous de trouver la solution maintenant pour faire passer cette Constitution que d’attendre une prochaine fois », déclare son Président, Gouagnon Coulibaly.

Une finalisation très attendue

Beaucoup d’espoirs d’aboutir à un projet de Constitution consensuel reposent désormais sur la Commission chargée de la finalisation du projet, où les politiques souhaitent la prise en compte effective de leurs différentes suggestions et recommandations.

Créée par décret présidentiel le 19 décembre 2022, cette Commission, qui a pour mission d’examiner et d’amender, le cas échéant, l’avant-projet de Constitution, sera composée de 51 membres, parmi lesquels des représentants du Président de la Transition, du gouvernement, du CNT, des partis et regroupements politiques, des organisations de la société civile et du Conseil national des jeunes, entre autres.

Les membres de cette Commission n’ont pas encore été nommés. Selon nos informations auprès de quelques structures qui doivent la composer, ces dernières n’ont pas encore été sollicitées pour envoyer les noms de leurs représentants.

Comme lors des trois tentatives de révision constitutionnelle par le passé (1999, 2008 et 2017) qui n’ont pas abouti, le Président de la Transition va-t-il reculer devant les opposants ? Pour l’heure, aucun signe ne laisse présager d’un abandon du processus d’adoption de la nouvelle Constitution.

Selon une source proche du gouvernement, les autorités de la Transition ne sont pas dans l’optique d’y renoncer. « Elles peuvent essayer de discuter et de prendre en considération quelques amendements, mais le projet en soi ne sera pas abandonné ». Le ministre d’État Abdoulaye Maïga a clairement affiché le 12 janvier dernier, lors de la rencontre du Cadre de concertation avec les partis politiques, l’intention du gouvernement de poursuivre et d’achever l’adoption de la nouvelle Loi fondamentale avec l’organisation du référendum.

« Je voudrais dire à ceux qui pensent qu’il faut surseoir au référendum que c’est hors mandat. L’idée d’avoir une nouvelle Constitution est antérieure à la transition. Le DNI (Dialogue national inclusif) en a parlé. Bien avant le DNI, nous avons d’anciens Chefs d’État qui ont essayé de le faire. Cela n’a pas abouti. Les ANR l’ont très clairement mentionné. Je pense que la vision politique du chef de l’État est d’appliquer systématiquement, autant que faire se peut, toutes les recommandations des ANR », a-t-il clarifié, insistant sur le fait que la Transition « ne peut pas laisser le soin à un parti politique d’entraver ce processus ».

Mais, comme pour illustrer le peu d’engouement de la classe politique sur le sujet, seulement 50 partis politiques sur 281 saisis par le ministère de l’Administration ont pris part à cette rencontre.  Certains analystes n’excluent pas la possibilité de création d’un grand bloc de partis politiques pour empêcher le référendum, qui, au vu du retard accusé, pourrait faire l’objet d’un glissement de date.

Prix des céréales : comment éviter de nouvelles hausses?

Habituellement, en cette période post récolte, les prix des céréales connaissent une baisse, mais cette année, malgré une bonne saison des pluies, ils restent exceptionnellement élevés, à un niveau d’ailleurs inédit, selon les acteurs. Des coûts des facteurs de productions élevés et une tension au niveau de la demande font envisager aux autorités une mesure d’interdiction d’exporter. Si elle peut être efficace en de telles circonstances, son suivi, ainsi que celui de tout le système d’approvisionnement, est un moyen efficace pour maintenir les prix.

De 17 500 francs CFA le sac de 50 kilogrammes, le prix du riz local est monté à 28 000 francs. En une année, le prix du kilogramme au détail a connu une augmentation de 150 à 200 francs CFA, inédite de l’aveu d’un détaillant.

Si cette hausse peut s’expliquer par le coût très élevé auquel les producteurs ont acquis notamment les engrais, elle n’est pas surprenante, souligne le Pr Abdoul Karim Diamouténé, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences économiques et de gestion (FSEG). « Les producteurs ont acheté les engrais entre 35 000 et 40 000 francs CFA le sac alors qu’avant c’était environ 15 000 francs ». En y ajoutant le coût du carburant, « même s’il n’y avait pas d’autres crises », impossible d’imaginer que les prix soient faibles.

Le maintien de la tension au niveau des prix des céréales s’explique aussi par une moindre disponibilité, notamment du maïs, également sollicité pour l’alimentation de la volaille et du bétail, augmentant la demande en riz. Et faisant augmenter le maïs à un niveau record de 350 francs CFA le kilogramme contre 150 à 200 l’année dernière.

Interdiction des exportations

Pour éviter l’envolée des prix, les autorités ont décidé d’interdire d’exporter ces produits. Une mesure « théoriquement efficace », si elle est respectée. Mais au-delà d’en empêcher la sortie, il faut d’abord s’assurer du « niveau de ravitaillement du pays. Les prix dépendent beaucoup plus de la disponibilité, qui dépend du niveau de stocks et des flux », ajoute le Pr Diamouténé. En la matière les déclarations sur les niveaux des stocks ne sont souvent pas réelles.

Notamment en ce qui concerne les importations, car il faut s’assurer que les intentions sont effectivement exécutées. Ces prix, déjà insoutenables pour les consommateurs, pourraient être maintenus si « les produits ne sortent pas », assure un commerçant, mais l’efficacité des mesures édictées dépend de la « capacité des autorités à assurer l’effectivité des interdictions d’exporter, des quantités importées et du suivi des stocks ».

Sébastien Philippe : « le livre vise à faire connaître les artistes et les mettre en relation avec les futurs collectionneurs »

Sébastien Philippe, architecte et écrivain, est un Franco-malien installé à Bamako depuis 2001. Amateur et collectionneur d’arts, il est tombé amoureux du savoir-faire des artistes maliens du domaine. Au point de leur dédié un livre de 246 pages intitulé « Figures des arts plastiques du Mali ». Entretien avec l’auteur.

Vous avez un parcours assez atypique, comment d’architecte, vous vous êtes retrouvé dans la littérature ?

Oui effectivement, je suis architecte de profession. J’ai eu mon diplôme d’architecte en 2001 et quelques mois après je suis venu m’installer à Bamako. J’y ai créé ma société d’architecture. En réalité, avant de découvrir le Mali, je me suis toujours intéressé à l’histoire et mon premier projet était d’être un architecte des bâtiments historiques en France et finalement, j’ai découvert le Mali.

Aussitôt arrivé, je me suis intéressé à l’histoire du Mali et surtout à celle de Bamako où je devais m’installer et vivre. J’ai commencé à me poser des questions sur l’histoire et les origines de la ville. J’ai fait des recherches car j’ai toujours rêvé de faire des recherches en archives et ce sont ces recherches qui ont abouti à l’écriture de mon premier livre en 2009 sur l’histoire de la ville de Bamako « une histoire de Bamako ».

C’est comme ça que je me suis retrouvé dans l’écriture par hasard car au début, je voulais juste écrire une petite brochure pour mes amis et finalement j’ai rencontré un couple d’éditeurs grâce auquel j’ai pu publier le livre de Bamako. Juste après, je me suis pris de passion pour l’écriture en faisant d’autres recherches qui ont donné lieu à d’autres livres.

Qu’est ce qui a motivé l’écriture de ce livre sur les Arts plastiques ?

Pour plusieurs raisons. Déjà parce que j’aime l’art et je suis un grand collectionneur. J’achète assez régulièrement des œuvres auprès d’artistes maliens et puis finalement ces artistes je les ai connus à travers le projet du palais de Koulouba, parce que j’étais l’architecte qui a reconstruit le palais entre 2014 et 2017 et à la fin du projet, j’ai proposé que dans au moins chaque pièce du palais présidentiel du Mali, il y ait au moins une œuvre d’art d’artistes maliens. C’est comme ça que j’ai approché des artistes maliens et même lancé un petit concours auprès des artistes maliens pour qu’ils puissent reproduire des œuvres sur le thème du palais dont l’œuvre lauréate a intégré la collection qui été exposée au palais. Voici donc comment je les ai rencontrés et j’ai sympathisé avec certains d’entre eux et je me suis intéressé à leur travail. Arrivé à un moment, c’est un des artistes, Noumouké Camara, qui m’a parlé de la possibilité de faire un livre. Et voilà comment l’idée du projet m’est venue. J’ai mis deux ans à le réaliser. J’ai répertorié 62 artistes dans ce livre.

Comment s’est passé le processus d’écriture ?

Ça n’a pas été évident. D’abord je voulais écrire le livre sous forme de magazine, comme des interviews. J’ai commencé à écrire les premiers portraits et puis j’ai commencé en disant « je », première personne du singulier. Finalement quand vous écrivez 62 artistes à la première personne, ça ne faisait pas trop naturel. Parce que certains s’exprimaient mieux que d’autres, je transcrivais les interviews et c’était assez monotone. Finalement, en un moment donné je me suis dit ce n’est pas ce qu’il faut que je fasse. J’ai tout repasser à la troisième personne du singulier.

Ainsi, c’est moi qui ai écrit ce que j’ai compris de leur parcours. Je parle et je présente les artistes à la troisième personne.

Selon vous, de quoi souffre cet art au Mali ?

Ce livre est fait avant tout pour aider les artistes maliens. Certains ont duré dans cet art pendant que d’autres sont à leur début. Ce livre vise donc à faire connaître les artistes et les mettre en relation avec les futurs collectionneurs, les galeries et les musées.  Qu’ils feuillettent le livre et aient un coup de cœur pour un artiste et puissent directement le contacter puisque j’ai placé les contacts directs des artistes dans le livre.

Au travers des rencontres et des questions, cela m’a permis de rentrer dans l’intimité de chaque artiste et de mieux connaître certains que je pensais connaître et finalement je me suis rendu compte que je n’en savais pas beaucoup sur leurs difficultés. Cela m’a permis un peu de voir quel était le statut de l’artiste au Mali, les difficultés qu’ils ont au niveau des moyens car certains déjà pour acheter de la peinture, il faut de l’argent et ce n’est pas évident. Au niveau de la société malienne aussi, parce que le statut d’artiste c’est particulier et pas qu’au Mali. Dans le monde entier quand votre enfant dit « je vais devenir peintre », les parents disent « j’aurai préféré que tu sois médecin ou autre chose… ». Certains artistes m’ont témoigné que « quand j’ai dit à mes parents que je vais être artiste, ils m’ont dit mais « t’es trop intelligent pour être artiste ». Voici plusieurs difficultés pour même des artistes qui sont aujourd’hui reconnus. C’était assez émouvant qu’ils m’expliquent leur parcours, leurs difficultés et les rejets des familles. Tous ces aspects sont reflétés dans leurs travaux. Finalement, tout ceci forge l’être humain et surtout l’artiste qui les exprime à travers différentes thématiques. Nous retrouvons dans leurs créations, ce qui les a marqués dans leur vie.

Au travers de vos rencontres, les artistes vivent-ils de leur art ?

C’est très difficile. Il faut dire ce qui est. Sauf si les artistes arrivent à émerger et se faire connaître à l’international. Il y a assez peu de collectionneurs au Mali et ceux qui achètent sont souvent des étrangers. Malgré tout, il y a quand même des Maliens collectionneurs, des gens qui s’intéressent à leur travail et qui achètent.  Mais le problème est aussi qu’il y a moins de communication autour de l’Art plastique. C’est quand même difficile pour les artistes de vivre de leur art ici. C’est une question longuement débattue entre le public et les artistes eux-mêmes. Cependant, c’est possible si les artistes y travaillent sérieusement.

Journée de la souveraineté retrouvée au Mali : une leçon-modèle dispensée dans les écoles

Dans le cadre de la célébration du 14 janvier, Journée nationale de la souveraineté retrouvée en souvenir de la grande mobilisation contre « les sanctions illégales, illégitimes et inhumaines de la CEDEAO et de l’UEMOA », le ministère de la Refondation a convié l’ensemble des départements pour identifier ce qu’ils pouvaient organiser.

Le ministère de l’Éducation nationale s’est vu confier l’exécution de leçons-modèles dans l’ensemble des écoles primaires et secondaires du Mali et l’organisation de jeux-concours. « Les leçons-modèles ont été préparées pour éveiller et créer le déclic chez les enfants de la nécessité d’être conscient de son appartenance à une Nation et de l’engagement qu’il faut avoir pour répondre présent à chaque fois que notre pays est exposé à un danger », explique Kinane Ag Gadega, Secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale. Le vendredi 13 janvier 2023 est prévu pour l’exécution de cette leçon-modèle dans les classes du préscolaire, fondamental et secondaire et verra la mobilisation des hautes autorités politiques, administratives et scolaires. Pour rappel, après les sanctions infligées au Mali par la CEDEAO et l’UEMOA, les Maliens ont répondu le vendredi 14 janvier 2022 favorablement à l’appel lancé par les autorités de la Transition pour un sursaut patriotique afin de défendre la partie, la souveraineté du Mali, son intégrité, sa dignité et l’honneur des Maliens. À Bamako, une marée humaine s’était amassée sur le Boulevard de l’Indépendance. Il en a été de même dans toutes les régions du Mali pour dire non aux sanctions.

RPM : l’inévitable saignée

L’ancien parti présidentiel est depuis quelques années secoué par des divisions profondes qui se sont accentuées après le coup d’État contre Ibrahim Boubacar Keita, en 2020, et la disparition de ce dernier en janvier 2022. Alors que la bataille judiciaire qui oppose certains membres du Bureau politique national au Président du parti n’a pas encore connu son épilogue, le RPM, déjà fragilisé par ses luttes internes, pourrait voir plusieurs de ses figures majeures quitter le navire à l’approche des futures échéances électorales.

C’était attendu, mais cela a surpris tout de même. Moussa Timbiné, désormais ancien secrétaire général de la section de la Commune V de Bamako et ancien président de l’Union de la jeunesse (UJ-RPM), a annoncé le 6 janvier 2023 sa démission et celle de l’ensemble des membres des bureaux des sections, sous-sections et comités et de l’UF et de l’UJRPM de ladite commune.

L’ancien Président de l’Assemblée nationale a justifié cette démission non seulement par la « dégradation générale de la situation du parti », mais aussi par le « refus catégorique du Président Bocary Tréta d’appliquer la décision de la Cour d’Appel de Bamako », qui annulait les conclusions du Comité central du parti en décembre 2021, et enfin à cause de l’établissement de « sentiments de confusion et de doute » qui suscitent entre autres de l’inquiétude auprès des militantes et militants qui aspirent à se présenter aux élections communales et législatives. Ces futures échéances électorales ont d’ailleurs pesé dans la balance de cette démission et du timing de son annonce, explique un proche de Timbiné, démissionnaire comme lui.

« Bocary Tréta n’a pas de base électorale. Donc il ne se soucie pas qu’il y ait des élections municipales dans 6 mois. Avec la situation d’ambigüité au sein du RPM, les militants désireux de se présenter sous ses couleurs courent le risque d’une invalidation de leurs listes. Beaucoup de carrières pourraient alors tomber à l’eau », glisse-t-il.

D’autres départs en vue ?

Moussa Timbiné faisait partie du Collectif pour la défense des statuts et règlement intérieur (CDSRI-RPM) qui a assigné le camp de Bocary Tréta en justice pour invalidation du Comité central du parti. Ce Collectif, présidé par Me Baber Gano, secrétaire général du parti, compte également en son sein d’autres grandes figures du parti, dont Mamadou Diarrassouba, secrétaire à l’organisation et président de la fédération des sections RPM de Koulikoro, Mahamane Baby, secrétaire chargé de l’emploi et de la formation professionnelle, Issa N. Traoré, secrétaire politique adjoint, Mamédy Sidibé, secrétaire général de la section de Yanfolila, Siaka Batouta Bagayoko, secrétaire chargé de l’Environnement, ou encore Mme Belco Samassékou, 2ème secrétaire chargée des relations avec les élus.

« Ni Baber Gano ni Mamadou Diarrassouba ne sont partis avec Moussa Timbiné. Il y a un combat qui est en cours à l’interne. Si tout le monde sort, cela voudra dire que le combat du Collectif n’aura servi à rien », affirme notre source, en soutenant que ces derniers resteront au RPM aussi longtemps que la bataille judiciaire durera.

Pour autant, à en croire ce désormais ex-militant RPM proche de Moussa Timbiné, la Commune V n’a fait que donner le ton de la vague de démissions à venir. « Chaque commune du district de Bamako va faire une conférence de presse pour sa prise de position. S’ensuivront les sections de l’intérieur et de l’extérieur. Il y a un timing qui a été donné pour tout cela. D’autres déclarations vont suivre », prévient-il.

« Nous ne souhaitons pas de départs. Ces camarades ont l’amour du parti mais veulent imposer une vision qui leur est propre, au détriment de l’ensemble des militants. C’est ce que nous, nous voulons éviter », répond Sékou Niamé Bathily, chargé de communication du parti, rappelant que le RPM a connu de nombreux départs de marque par le passé, au point que beaucoup avaient pensé qu’il était « fini » sans possibilité de rebond. Bocary Tréta a d’ailleurs dans un communiqué appelé les militants à ne pas se « laisser distraire ». Il a aussi été procédé rapidement au remplacement des démissionnaires.

Au RPM, la division s’est accentuée sur l’approche à adopter lors de la future élection présidentielle. Les violons ne s’accordent pas sur la participation du parti à cette importante échéance. Plusieurs tendances se dégagent au sein du Bureau politique national, dont le mandat est par ailleurs expiré depuis 2019.

Si certains, dont ceux du CDSRI-RPM, dénonçant un passage en force, ne sont pas d’accord sur la désignation comme candidat du parti de l’actuel président, Dr. Bocary Tréta, d’autres pensent que le RPM, qui a été chassé du pouvoir, ne devrait même pas se présenter à ces élections de fin de transition mais plutôt soutenir le candidat adoubé par les militaires.

Une autre tendance, incarnée par des militants qui ambitionnent d’être candidats, est quant à elle favorable à l’organisation des primaires pour désigner le porte-étendard du parti.

 

UEMOA : légère baisse de l’inflation en 2023

L’inflation se maintiendra à un niveau encore élevé en 2023, à 7,5%, dans l’UEMOA, selon le rapport mensuel sur la conjoncture, publié le 9 janvier 2023. Après s’être établie à 8,4% en octobre 2022, elle a ensuite enregistré une légère baisse, à 8,0%, consécutive à un léger repli des prix des produits alimentaires enregistré suite à l’arrivée des nouvelles récoltes. Des prix néanmoins élevés malgré une hausse de la production céréalière d’environ 16%. Et en raison essentiellement des coûts encore élevés des denrées alimentaires importées par l’Union. Notamment le riz, dont les prix ont augmenté de 42%, le lait, de 22,2% et le blé de 12,8%.

À ces facteurs se sont ajoutées les difficultés d’approvisionnement des marchés locaux, aggravées par les effets des crises sécuritaires et politiques. Même si la composante Transports a connu une baisse, à 7% en novembre par rapport aux 8% du mois d’octobre, l’augmentation des prix à la pompe de l’essence sur une année, est restée très importante pour tous les pays. Au Mali, elle s’est située à 22,3% pour l’essence et à 36,4% pour le gasoil.

La décélération de l’inflation se poursuivra en 2023, selon les perspectives de l’UEMOA. De 7,9% en décembre 2022, elle pourrait se situer à 7,5% en janvier 2023. Mais la baisse restera liée à la poursuite de la commercialisation des nouvelles récoltes. Une dynamique qui devrait être soutenue par des politiques d’aide des autorités au pouvoir d’achat et le relèvement des taux directeurs. Mais elle pourrait être limitée par la persistance de l’insécurité affectant les circuits de distribution.

Application du port du casque : faut-il changer de méthode ?

Depuis quelques mois, autorités de Transition et organisations de la société civile s’activent pour informer les citoyens sur l’importance du port du casque. La sensibilisation « d’immense envergure » tarde cependant à produire ses effets sur les usagers. Faut-il procéder par la manière forte ?

Elle était instituée pour être obligatoire à partir du 1er janvier 2023, mais finalement la mesure sur le port du casque a été redirigée dans un premier temps vers la sensibilisation. C’est dans ce cadre que les autorités de la Transition se sont engagées depuis un certain temps dans une large campagne sur l’importance du port du masque. Ainsi, le ministre chargé des Transports et celui de la Jeunesse et des sports ont procédé le 29 décembre dernier à une distribution gratuite de casques au pont Fadh de Bamako. L’initiative avait pour but « d’inciter les motocyclistes au port du casque de protection ». De même, le ministre de l’Éducation nationale a entamé cette semaine une opération de distribution de 3 000 casques aux élèves et étudiants du Mali. Elles furent 600 jeunes filles des lycées Ba Aminata Diallo et Notre Dame de Bamako à recevoir leur casque de protection des mains de la ministre Mme Dédeou Ousmane.

« L’approche privilégiée par le ministre des Transports et des infrastructures, conformément aux orientations des plus hautes autorités, a toujours été la sensibilisation et non une répression systématique qui serait contre-productive. C’est dans cette perspective qu’une vaste campagne médiatique de sensibilisation, accompagnée de distributions gratuites de casques aux utilisateurs de motos, a été entreprise », a indiqué le ministère.

Les sensibilisations tous azimuts continuent donc à Bamako, tout comme à l’intérieur du pays, notamment à Kadiolo, où le Conseil local de la Jeunesse a organisé une série d’activités en décembre dernier. Mais les résultats escomptés tardent pour l’heure. Sur les grandes artères de Bamako, le constat est patent : sur une centaine de conducteurs d’engins à deux roues seulement quelques-uns portent un casque. « Tant qu’on ne le rendra pas obligatoire, le port du casque ne sera jamais respecté au Mali. Combien de fois les gouvernants précédents ont procédé à des sensibilisations sans que les citoyens ne l’adoptent ? », se demande le sociologue Oumar Yattara. Selon lui, les autorités de la Transition doivent changer de méthode et rendre le port du casque obligatoire. « D’autant qu’il permet de sauver des vies maliennes », ajoute-t-il.

Aminata Dramane Traoré : « l’ONU est aux ordres des membres du Conseil de sécurité et non à l’écoute des peuples souverains »

Sociologue, écrivaine, militante altermondialiste, Aminata Dramane Traoré a plusieurs cordes à son arc et autant de combats à mener. Depuis toujours, ou presque, elle questionne le pré-établi, pousse l’analyse et dénonce au besoin. Ses prises de position vont de la dénonciation de la politique française en Afrique au néolibéralisme ou encore aux questions des droits des femmes. Toujours avec l’intensité qui la caractérise, l’ancienne ministre de la Culture répond à nos questions.

Le Mali célèbre ce 14 janvier la « Journée nationale de la souveraineté retrouvée ». Estimez-vous que nous le pays a vraiment recouvré sa souveraineté ?

J’ai pris part à la mobilisation du 14 janvier 2022 parce qu’indignée par les sanctions infligées à notre pays par la CEDEAO et l’UEMOA. C’est un combat d’avant-garde, en raison de l’importance stratégique des enjeux de souveraineté de nos jours. Ils sont politiques, géopolitiques, militaires, sécuritaires, mais aussi économiques, sociaux, culturels et écologiques. Un jalon important vers l’affirmation de notre souveraineté a donc été franchi ce jour-là. La souveraineté étant une quête de tous les jours, les acquis doivent être entretenus et consolidés. Tel est le sens à donner à la « Journée nationale de la souveraineté retrouvée ».

Dans cette quête de souveraineté, les autorités de la Transition ont pris de nombreuses décisions qui ont créé des tensions avec certains partenaires, notamment la France ou certains voisins. Cette quête doit-elle être aussi conflictuelle ?

La conflictualité de cette quête ne dépend pas que du Mali. Elle rend compte de la volonté de puissance de la France dans ses anciennes colonies d’Afrique, ainsi que des failles dans la coopération sous-régionale, bilatérale, multilatérale et internationale. Notre pays est un véritable cas d’école.

Le Mali redéfinit ses alliances dans une période très polarisée, notamment par la guerre en Ukraine. Comment tirer son épingle du jeu dans cette situation ?

La guerre en Ukraine jette une lumière crue sur les buts des guerres des temps présents, dont celle qui a été imposée au Mali au nom de « l’anti-terrorisme ». Je n’ai pas cessé, dès 2012, de contester et de déconstruire ce narratif français à la lumière de ce que je sais des interventions militaires étrangères. J’ai exprimé mon désaccord en ayant à l’esprit ce qui s’était passé en Irak et surtout en Libye. Alors comment choisir son camp entre des puissances qui s’autoproclament « démocratiques » et les autres (Chine, Russie, Turquie), qu’elles considèrent comme autocratiques parce qu’elles n’adhèrent pas à leurs principes politiques ? C’est le non alignement qui nous sied le mieux pour nous frayer notre propre voie, conformément aux besoins de nos peuples qui n’en peuvent plus des fausses promesses de développement, de démocratie et de gouvernance.

Vous avez symboliquement été candidate au poste de Secrétaire général de l’ONU. Selon vous, pourquoi la réunion demandée par le Mali en août dernier concernant un soutien présumé de la France aux terroristes n’aboutit-elle pas ?

Permettez-moi de rappeler d’abord que cette candidature symbolique au poste de Secrétaire général des Nations-Unies, auquel les femmes étaient invitées à se présenter, était l’occasion pour moi de rappeler que la crise de la démocratie libérale est stratégique. Le fait d’être homme ou femme à ce poste ne fait pas de différence dans l’ordre congénitalement injuste et violent du capitalisme. L’ONU est aux ordres des membres du Conseil de sécurité et non à l’écoute des peuples souverains.

Il n’y a de ce fait rien d’étonnant au mépris avec lequel la demande du Mali a été traitée au sujet d’une réunion autour d’une question qui fâche la France et perturbe ses alliés occidentaux. C’est pour cette raison que je souligne dans la vidéo que je consacre à l’ONU que la réforme dont elle a besoin va bien au-delà de la représentation de ses membres au Conseil de sécurité. Sa mission est à repenser à la lumière des crises qui s’amoncellent et s’aggravent, du fait de la loi du plus fort qui est la règle du jeu.

L’affirmation de la souveraineté du Mali ou d’un nouveau narratif du pays ne passe-t-elle pas aussi par la rupture des relations diplomatiques avec la France, accusée par les autorités de soutenir les terroristes ?

Ces relations sont à repenser et à refonder en se respectant et en s’écoutant mutuellement sur tous les sujets, y compris ceux qui fâchent comme le soutien de la France aux terroristes. En s’y refusant, Paris conforte l’idée selon laquelle elle est au-dessus du droit international, qu’elle prétend défendre, et aggrave la crise de confiance qui remonte aux premières heures de l’Opération Serval, suite à l’interdiction de l’accès à Kidal aux FAMa.

Qu’avez-vous ressenti à l’annonce du départ des soldats français du pays ?

Bien entendu un sentiment de fierté. La guerre dite « anti-djihadiste » étant sous nos cieux une nouvelle étape de l’impérialisme et de la recolonisation par l’intervention militaire.

Mais la situation sécuritaire ne s’est guère améliorée depuis…

Il en est ainsi parce le diagnostic est erroné. Les conséquences sont érigées en causes. Nombreux sont les analystes avisés qui rappellent que le terrorisme est un mode opératoire et non un ennemi spécifique. Le phénomène prend de l’ampleur au fur et à mesure que les mécanismes du pillage de nos richesses, du délitement du lien social et de la destruction de l’environnement s’accentuent au profit des banques, des grandes entreprises et de leurs actionnaires. L’ennemi principal est, en somme, le néolibéralisme, que nos élites s’interdisent de nommer pour ne pas scier la branche de l’arbre sur laquelle elles sont assises.

Des discours anti politique française se font de plus en plus entendre au Sahel, mais dans des pays qui ont en commun d’être dirigés par des militaires. Cette dynamique pourra-t-elle être maintenue après le retour à l’ordre constitutionnel ?

Les discours anti politique française ont largement contribué à l’éveil des consciences et à la libération de la parole. Ils ont également alerté la France sur l’impérieuse nécessité de changer son fusil d’épaule. Les dirigeants qui succéderont aux militaires se rabaisseront aux yeux de leurs concitoyens et des opinions publiques en jouant au béni-oui-ouisme.

Selon certains analystes, les raisons profondes de la crise au Mali sont d’abord économiques. Partagez-vous cette analyse ?

Ces analystes ont parfaitement raison. Je dis la même chose sans pour autant être sur la même longueur d’onde que la plupart d’entre eux, parce qu’il y a économie et économie. Pour moi, il ne s’agit pas d’approfondir les politiques néolibérales au nom d’une prétendue intégration dans l‘économie mondiale. Il s’agit, à la lumière des inégalités entre Nations et à l’intérieur de chaque pays, de réinventer l’économie afin qu’elle devienne une réponse à la faim, à la soif, à la peur et à la haine. L’état actuel des vieux pays industrialisés, comme celui des émergents, en pleine tourmente, invite à méditer sur ce que « développer économiquement » veut dire.

Pour atteindre notre souveraineté, nous avons donc besoin de transformer notre économie ? Par quoi cela passe-t-il selon-vous ?

C’est une excellente question dont nous devons nous saisir toutes et tous et à tous les niveaux. La tâche est colossale et exaltante. J’abonde dans le sens de Kako Nubukpo, Commissaire de l’UEMOA, qui plaide pour la révision de fond en comble des accords de libre-échange entre l’UE et les ACP (pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique), du néoprotectionnisme et du « juste échange ». Il faut dans cette perspective (la liste n’est pas exhaustive) : une pensée économique et politique autonome, nourrie des enseignements de ces 62 ans d’essais de développement, la confiance en nous-mêmes et en les autres, la solidarité, dont le patriotisme économique est l’une des clés. On achète et on consomme Malien et Africain au lieu de continuer à importer tout et n’importe quoi, dont les restes des consommateurs des pays « émergés » ou « émergents ». Il faut une intégration sous-régionale basée non pas sur la compétition à mort mais sur la conscience de notre communauté de destin et des valeurs que nous avons en partage. Les femmes et les jeunes doivent être les fers de lance de cette quête d’alternatives.

Le Mali est aussi un pays de paradoxes, « une population pauvre assise sur des richesses ». Est-ce à cause des politiques menées depuis l’indépendance, qui n’étaient pas assez ambitieuse ?

Les régimes successifs n’ont pas manqué d’ambition. Ils ont rarement eu les marges de manœuvre nécessaires. La Première République a été torpillée et farouchement combattue par la France parce que le Président Modibo Keita avait opté pour la souveraineté en vue d’un développement conforme aux intérêts supérieurs des Maliens. Les régimes suivants ont été contraints et obligés par les institutions de Bretton Woods à désétatiser, en faisant du secteur privé, dont les tenants et les aboutissants échappent totalement aux Maliens ordinaires, le moteur du développement. L’immense majorité de nos élites refusent d’admettre que le capitalisme malien et africain gagnant est sans issue.

Vous menez aussi depuis plusieurs années un combat pour les femmes. Que pensez-vous du mouvement féministe au Mali, qui semble se développer ?

Le mouvement de libération des femmes africaines, dont les Maliennes, souffre, à bien des égards, comme le processus de développement, des mêmes stigmatisations, du mimétisme et de la volonté de rattrapage de l’Occident. Le prix à payer est considérable aux plans économique, social, culturel, politique et écologique. Nous sommes de grandes consommatrices d’idées, de biens et de services. La question des postes et des places dans un tel système est, de mon point de vue, secondaire. Hommes ou femmes, notre capacité d’analyse des faits, de propositions d’alternatives et d’anticipation est défiée comme jamais auparavant.

D’où vient votre engagement pour tous les combats que vous menez ?

Ma mère, Bintou Sidibé, m’a marquée par sa conception du monde et des relations humaines. C’est ce qui me pousse à m’emparer de tout ce qui peut contribuer à les améliorer au niveau local (le pavage de mon quartier, la conception d’un marché malien des produits faits main), à investir dans la défense des droits des migrants et des réfugiés (Migrances) et dans celle de notre pays et de l’Afrique, partout où l’on tente de nous piétiner, de nous humilier.

AIGE : les membres officiellement installés

3 mois après leur nomination, les 15 membres (3 représentants du Chef de l’Etat, un représentant du Premier ministre, 2 représentants du Conseil National de Transition, 1 représentant du Haut Conseil des Collectivités, 1 représentant du Conseil Economique, Social et Culturel, 4 représentants des partis politiques et 3 représentants de la Société civile)  du Collège de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) ont été installés dans leur fonction  mardi 10 janvier 2023 par le président de la transition, Assimi Goita.

La cérémonie s’est déroulée dans la salle des banquets du palais de Koulouba en présence du Premier ministre, du président du CNT et de l’ensemble des membres du gouvernement.

« L’organisation d’élections libres et transparentes est une exigence du peuple malien. C’est la condition sine qua non de la stabilité politique à laquelle nous aspirons tous », a indiqué le Colonel Assimi Goita pour lequel la création de l’AIGE répond à cet impératif.

Demande forte de la classe politique depuis plusieurs années et recommandation des Assises nationales de la Refondation, l’AIGE, créée par la loi 2022-019 du 24 juin 2022 a pour principale mission l’organisation et la gestion de toutes les opérations référendaires et électorales en République du Mali.

Les membres du collège avaient prêté serment depuis le 20 octobre dernier. A en croire le président Me Moustapha Cissé, les coordinations décentralisées de l’AIGE seront installées dans les prochains jours en vue de son opérationnalisation effective à l’échelle nationale.

Selon le chronogramme des élections à venir, l’organisation du référendum constitutionnel prévu pour mars 2023 devrait constituer la première tâche de l’AIGE.

Sécurité : plusieurs attaques contre les FAMa sur l’axe Tenenkou-Macina

Les Forces armées maliennes (FAMa) ont annoncé mardi soir avoir engagé à plusieurs reprises, « de violents combats contre des Groupes Armés Terroristes (GAT) après avoir été victimes de plusieurs incidents à l’engin explosif improvisé ». Les accrochements ont eu lieu sur l’axe Tenenkou-Macina dans la région de Mopti. Une première est intervenue entre les villages de Dia et Diafarabé, ensuite entre Koumara et Macina, indique-t-on dans le communiqué des FAMa. Selon la même annonce, le bilan provisoire était état de trois morts, cinq blessés et trois véhicules immobilisés côté FAMa et de sept terroristes neutralisés. « Les renforts terrestres sont arrivés dans la zone de même que la surveillance aérienne. Il a été réévalué dans un communiqué publié dans la soirée par l’état-major. Le bilan est désormais de 14 morts; 11 blessés et véhicule détruit côté FAMa. 31 terroristes ont été neutralisés en tout indique le communiqué.

L’attaque intervient quelques jours après celles qui ont fait cinq morts ainsi que des dégâts matériels le 2 janvier au poste de secours routier de la protection civile de Markakoungo. En outre, dans la nuit du 8 au 9 janvier dernier, le poste de douane de Didiéni et celui de la Gendarmerie de Sébékoro ont subi des agressions d’hommes armés non identifiés. La double attaque revendiquée par le JNIM ce mardi aurait fait un mort à Sébécoro selon des sources locales.

RPM : Moussa Timbiné claque la porte

Depuis le coup d’État contre IBK en 2020 suivi de son décès début 2022, son parti le Rassemblement pour le Mali (RPM) peine à s’en remettre. Les différences de vue au sein de la formation politique conduisent à des défections en son sein. Dernière en date et non des moindres, Moussa Timbiné a annoncé son départ du parti. Paul Yapi N’Guessan.

Une surprise qui n’en est pas une. Moussa Timbiné, cacique du RPM, un des fidèles et proche de feu l’ancien président Ibrahim Boubacar Kéita a annoncé hier jeudi son départ du parti. Cette démission est un autre coup dur pour le parti qui traverse une grave zone de turbulences notamment à cause d’une crise entre le président du parti Bocary Tréta et certains membres du bureau exécutif national dont Me Baber Gano, secrétaire général du parti et par le désormais ancien membre Moussa Timbiné.   Moussa Timbiné, ancien président éphémère de l’assemblée nationale du Mali, justifie sa démission par une volonté des militantes, militants et sympathisants du parti, qui ont aujourd’hui exprimé leur mécontentement contre la gestion actuelle du parti par certaines personnes qui sont entrain de trahir les idéaux du parti de feu Ibrahim Boubacar Keita.  Selon lui, le constat est amer il y a une dégradation générale du parti RPM caractérisée par le dépassement du délai statutaire du congrès initialement prévu pour le 23 octobre 2019. Il a ajouté que le parti RPM est devenu un parti sans perspective claire, miné par les démons du clanisme. Pour continuer la lutte, Timbiné et ses camarades démissionnaires veulent crée un mouvement politique dénommé Convergence 2023, qui répond aux aspirations des Maliens. Le président du parti Bocary Tréta a réagi à travers un communiqué dans lequel il assure « prendre acte » de la démission et « invite les militants et militantes à ne pas se laisser distraire ».  Au contraire du secrétaire politique du RPM Boubacar Touré dit « Bou Touré », pour qui cette démission est douloureuse car cela va surement avoir des impacts sur la vie du parti. Toutefois, il souligne que c’est le plein droit de Timbiné de démissionner car on adhère de façon volontaire à un parti politique. Il est donc libre de le quitter un jour ajoute t-il. Comme le RPM, le parti de feu Soumaila Cissé est aussi confronté à une grave crise interne qui le fragilise déjà. En effet après le décès de Soumaïla Cissé, la cohésion est fortement perturbée par des querelles intestines entre Gouagnon Coulibaly et Salikou Sanogo au sein de l’URD. Une rivalité relancée le 16 janvier dernier, par un congrès extraordinaire organisé pour la désignation d’un nouveau président. Si c’est Gouagnon Coulibaly qui a finalement été porté à la tête du parti, Salikou Sanogo et une partie des membres de l’URD ne reconnaissent pas les résultats de ce qu’ils considèrent comme un non-évènement. La justice ayant donné la plénitude du pouvoir à Gouagnon Coulibaly. Le camp Salikou compté donner sa part des faits demain samedi lors d’une conférence de presse.

Trésors Humains vivants : le Mali proclame 6 nouvelles personnalités

Six nouveaux trésors vivants (THV) figurent désormais au patrimoine culturel immatériel du Mali pour 2022. Personnalités exceptionnelles, reconnues pour leur savoir faire ou leur savoir être, elles incarnent la reconnaissance de valeurs fondatrices et ont un rôle indispensable dans la création ou la sauvegarde des patrimoines culturels.

Leurs compétences se manifestent dans plusieurs domaines que sont l’artisanat, l’architecture de terre, la pharmacopée, la magie, les religions africaines, la géomancie ou encore la médiation sociale et culturelle.

Au Mali, la commission nationale de sélection a été mise en place en 2008 et est à sa troisième sélection. Après celle de 2008 qui a proclamé 7 Trésors Humains Vivants et 5 en 2019, c’est au tour de Mouhamedou Ould Cheikh Hamahoullah Haidara dit Bouyé, autorité morale et médiateur social, Mamadou Boubou Niang, tradithérapeute magicien, Cheik Malifalifou Yiriba Diarra, tradithérapeute, historien traditionaliste, Hanna Kodio, tradithérapeute, Mme Diakité Hadja Youma Aïssata Kébé, médiatrice socioculturelle et Lassana Sidy Mouleikafo, tradithérapeute d’être proclamés en 2022.

« Je suis très content, parce que cela est une chance. Être reconnu après 26 ans par le gouvernement et à travers le monde est un grand motif de satisfaction. Nous allons redoubler d’ardeur pour travailler comme nous l’avons déjà fait et transmettre ce que nous avons reçu, c’est un devoir », s’est réjoui Lassana Sidy Mouleikafo, après sa proclamation ce 5 janvier 2023.

Le patrimoine matériel qui valorise les sites des monuments historiques et témoignent de l’histoire des peuples et des civilisations. Ces derniers sont construits par des génies, par des acteurs traditionnels ou religieux, détenteurs de savoirs et socles des valeurs identitaires, indique M. Edmond Moukala, représentant de l’UNESCO au Mali.

Ne pas reconnaître, donc « leur contribution, les efforts qu’ils consentent pour transférer le savoir aux futures générations est un manquement que l’UNESCO a voulu corriger en 1993 en encourageant la mise en place des trésors humains vivants et en les reconnaissant ».

C’est pourquoi la proclamation de ces THV est un symbole fort de reconnaissance à l’endroit des acteurs culturels mais aussi à l’endroit de la nouvelle génération afin qu’elle puisse acquérir des savoirs, et s’inspirer des valeurs de paix, de développement et de cohésion sociale, a conclu le représentant de l’UNESCO.