Dialogue inter-Maliens : Le comité de pilotage à pied d’œuvre

Nommés par le décret N°2024-0062/PT-RM du 2 février 2024, puis installés trois jours plus tard, le 5 février par le Président de la Transition, les membres du Comité de pilotage du dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale s’activent depuis pour mener à bien leur mission de préparer les conditions favorables à un dialogue direct entre Maliens, sans aucune interférence extérieure.

Lors d’une conférence de presse tenue le 20 février 2024 à la Maison de la Presse, le Président du Comité de pilotage, l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maiga, a fait le point des différentes actions menées depuis son installation et des prochaines étapes de l’organisation du dialogue inter-Maliens.

À l’en croire, les travaux ont débuté dès le 6 février avec l’installation dans un premier temps de trois commissions de travail consacrées aux termes de référence, au règlement intérieur et à la communication.

Cinq autres commissions thématiques ont par la suite été constituées : Paix, Réconciliation nationale et Cohésion sociale, Questions politiques et Institutionnelles, Économie et Développement durable, Questions sécuritaires et de Défense du territoire, Géopolitique et environnement international.

Un dialogue de plus ?

Pour certains, après la tenue de plusieurs dialogues et concertations par le passé, le dialogue inter-Maliens prôné par le Président de la Transition s’apparente à un dialogue de plus. Mais les membres du Comité de pilotage s’inscrivent en faux contre ce point de vue.

« Ce sera un dialogue innovant. Quelque chose de nouveau va être réalisé cette fois-ci parce que ce sont les Maliens entre eux, sans interférence, qui vont se parler pour trouver des solutions à leurs problèmes », clame Ousmane Issoufi Maiga.

« Pour une fois, tout le processus va se dérouler entre Maliens uniquement et exclusivement et ne se concentrera sur aucune ressource humaine ou financière extérieure, ni pour nous aider à préparer, ni pour mettre en œuvre le dialogue, encore moins pour la mise en œuvre des recommandations », appuie Boubacar Sow, Rapporteur général du Comité de pilotage.

« En organisant ce dialogue nous n’y allons pas en anticipant ce qui doit être dit. Le dialogue sera largement ouvert à tous les intervenants. Il s’agit pour nous, non pas de guider ceux qui vont venir pour les concertations, mais de les laisser parler le plus librement possible », poursuit-t-il.

« Sans tabou »

À l’instar du Dialogue national inclusif, les discussions du dialogue inter-Maliens vont se dérouler au niveau de toutes les communes du Mali ainsi que dans tous les pays de grande concentration de Maliens établis à l’extérieur. À en croire le Président du Comité de pilotage, aucun sujet ne sera tabou, à l’exception de l’unicité, de la laïcité et de l’intégrité du territoire, qui ne feront pas partie des sujets de discussions, comme l’a souligné le Président de la Transition lors de l’annonce du dialogue inter-Maliens, le 31 décembre 2023.

« Tout sera mis sur la table, sans tabou. Tout ce qui fâche sera dit, mais dans la convivialité, dans le respect, sans que les gens s’insultent. Il faut avoir un débat civilisé, d’hommes responsables. Et nous irons dans toutes les communes du pays, à l’intérieur comme à l’extérieur, pour organiser ce dialogue entre les Maliens », assure l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maiga. Quant à la participation des terroristes et des groupes armés rebelles à ce dialogue, il indique qu’ils seront les bienvenus, mais sous certaines conditions.

Transition : les autorités mettent fin à l’accord pour la Paix

Les autorités de la transition ont annoncé jeudi soir la «fin, avec effet immédiat», de l’accord d’Alger signé en 2015 avec les groupes indépendantistes du nord du pays, dont la mise en application peinait depuis sa signature. Le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale, porte-parole du gouvernement a  invoqué «le changement de posture de certains groupes signataires», mais aussi «les actes d’hostilité et d’instrumentalisation de l’accord de la part des autorités algériennes dont le pays est le chef de file de la médiation». En décembre 2022, les groupes armés signataires réunis au sein du CSP-PSD (CMA et une partie du GATIA fidèle à Fahad Ag Almahmoud) ont suspendu leur participation aux mécanismes de mise en œuvre de l’accord. En septembre 2023, après près de 10 ans de cessez-le-feu notamment grâce à la signature de l’accord, des combats ont repris entre la CMA et les FAMa. Le 14 novembre dernier, après des semaines de combats et d’opérations, l’armée malienne est entrée à Kidal et a pris le contrôle de la région. La CMA, battue, a quitté la zone. Depuis, certains de ses responsables sont apparues en Algérie le 19 décembre 2023 à l’invitation des autorités de ce pays qui étaient restées silencieuses depuis la reprise des hostilités.  Cette rencontre avait provoqué l’ire de Bamako, qui a convoqué l’ambassadeur algérien en poste pour protester contre des actes inamicaux. Alger avait dans la foulée convoqué l’ambassadeur du Mali en poste mais s’était montrée moins véhémente. Toutefois, elle a rappelé son ambassadeur le 22 décembre pour consultation, le Mali a appliqué la réciprocité. Les deux diplomates ont finalement regagné leur poste début janvier. Depuis ce que les autorités appellent la rectification de la transition, la mise en œuvre de l’accord pour la Paix était difficile. Le Premier ministre a notamment évoqué à plusieurs reprises une « application intelligente de l’accord ». La reprise des hostilités entre les protagonistes, les tensions entre l’Algérie et le Mali, le départ de la MINUSMA, l’annonce d’un dialogue inter-malien par le président de la transition lors de son discours à la nation du nouvel an laissaient peu de doute sur l’avenir de l’Accord pour la paix. Ce 25 janvier, le gouvernement après avoir selon le communiqué «constate l’inapplicabilité absolue de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, signé en 2015 a annoncé sa fin, avec effet immédiat»

Dialogue inter-malien : quelles chances pour le nouveau processus de paix ?

Le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, a annoncé dans son discours du Nouvel an 2024, le 31 décembre dernier, l’ouverture prochaine d’un dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation. Alors que certains acteurs y voient la fin de l’Accord d’Alger, ce nouveau dialogue a-t-il plus de chances de faire aboutir le processus de paix ?

« Nous sommes à une étape charnière de la marche de notre pays vers la paix, la sécurité et le développement. C’est pourquoi, capitalisant les avancées réalisées dans le cadre du processus de paix et tirant les enseignements des défis qui demeurent, j’ai pris l’option de privilégier l’appropriation nationale du processus de paix en donnant toutes ses chances au dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation nationale, afin d’éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires », a souligné le Président de la Transition dans son adresse à la Nation.

« Il s’agit en effet de créer les conditions pour que chaque Malienne et chaque Malien puisse s’épanouir dans un environnement marqué par la confiance retrouvée entre les communautés sous la protection de l’État », a poursuivi le Colonel Assimi Goïta. Depuis, pour préparer ce dialogue, des rencontres se tiennent à travers tout le territoire national entre les communautés, sous l’égide du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, alors que le Comité chargé de les piloter devrait déposer son rapport « au plus tard en février ».

Nouvelle opportunité

Avec la reprise de la belligérance entre l’État malien et les groupes armés du nord réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) dans la reconquête de Kidal, l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger était à l’agonie, selon certains observateurs. Ainsi, à les en croire, l’idée d’un dialogue direct inter-malien que prône le Président de la Transition constitue une nouvelle opportunité dans le processus de paix.

Pour le géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel Dr. Alpha Alhadi Koina, le dialogue inter-malien offre une occasion de régler pacifiquement les différends et peut empêcher l’aggravation des conflits armés qui pourrait conduire à davantage de pertes humaines et de déplacements de populations.

« Ce dialogue est essentiel pour trouver des solutions durables à la crise en cours. Il offre la possibilité de prévenir l’escalade de la violence, de favoriser l’inclusion et la réconciliation, d’identifier les causes profondes du conflit et de renforcer la légitimité des décisions prises. En s’appuyant sur les bonnes pratiques de l’accord actuel, le dialogue peut contribuer à recouvrer la paix et la stabilité au Mali », confie-t-il.

Dr. Abdoul Sogodogo est du même avis. À en croire le Vice-Doyen de la Faculté des Sciences administratives et politiques (FSAP) de l’Université de Bamako, dans les conflits tels que celui que vit le Mali, une médiation internationale est essentielle pour initier le dialogue entre les parties et mettre fin aux hostilités, mais il est tout aussi crucial d’avoir une médiation nationale plus étendue, impliquant non seulement les groupes directement engagés dans le conflit, mais aussi les populations les plus touchées par celui-ci.

« Cette médiation nationale doit être à la fois large et concertée, traitant en profondeur les problématiques actuelles pour comprendre les racines du conflit afin de les traiter convenablement », estime-t-il.

Fin de l’Accord d’Alger ?

Si jusque-là l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger n’a officiellement été dénoncé par aucune des parties signataires, certains acteurs estiment que le dialogue inter-malien annoncé par le Président de la Transition est une manière d’y mettre fin. « Nous pensons que cette proposition est une façon de prononcer la caducité définitive de l’Accord et de mettre la médiation internationale à la porte », a récemment déclaré à un media étranger le porte-parole du CSP-PSD, Mohamed Elmaouloud Ramadane, qui a également signifié que le Cadre n’était pas prêt à prendre part à un processus de paix « qui ne sera qu’un simulacre ».

« Je pense qu’avec l’annonce du dialogue inter-malien, l’Accord d’Alger devient définitivement caduc, même s’il faudra bien sûr s’appuyer sur ses acquis dans le nouveau processus de paix qui va être amorcé », tranche pour sa part un analyste politique.

Diplomatie : Alger rappelle son ambassadeur du Mali, Bamako applique la réciprocité

La brouille diplomatique entre Bamako et Alger est désormais officielle. Les deux pays ont décidé ce vendredi de rappeler leur ambassadeur respectif en poste pour consultation. C’est l’Algérie qui a la première a rappelé son ambassadeur, le Mali a appliqué la réciprocité quelques heures plus tard. Les relations sont tendues entre les deux voisins depuis quelques jours. L’Algérie a invité des représentants des groupes armés à des discussions sur le processus de paix. Au même moment, l’Imam Mahmoud Dicko, qui entretient des relations difficiles avec les autorités de la transition a été reçu par le président algérien. Le 20 décembre, le chef de la diplomatie malienne a donc convoqué l’ambassadeur d’Algérie au Mali pour protester contre des « actes inamicaux ». Dans la foulée, l’Algérie a aussi appliqué la réciprocité en convoquant l’ambassadeur du Mali, mais les termes employés à l’issue de cette rencontre étaient moins véhéments. L’Algérie est garante de l’Accord pour la Paix, mais est restée silencieuse lors de la reprise des hostilités entre l’armée et la CMA. Elle s’active depuis quelques jours pour tenter de relancer le processus. Cette brouille diplomatique inédite entre les deux pays intervient à un moment où l’armée malienne a procédé à des frappes de drones à Tinzawaten, à la frontière algérienne, neutralisant Hassan Ag Fagaga, une figure de la rébellion touarègue, déserteur de l’armée malienne. Le Mali est aussi invité à prendre part sur invitation du Maroc à une réunion ministérielle de concertation visant à favoriser l’accès des Etats du Sahel à l’Océan Atlantique. Le Maroc et l’Algérie sont depuis plusieurs années des « ennemis ».

Bourem : violents combats entre les FAMa et la CMA

De violents combats ont opposé ce mardi les FAMa à la CMA à Bourem dans la région de Gao. Après plusieurs heures d’affrontements, la ville et les emprises sont sous contrôle de l’armée. Très tôt, les différents porte-paroles de la CMA avaient revendiqué la prise de la ville, ce qui a été démenti par de nombreuses sources locales qui ont fait état d’interventions décisives des vecteurs aériens des FAMa. L’armée sur ses pages officielles a évoqué réagir à une attaque terroriste complexe. L’armée qui ne mentionne pas la CMA dans son communiqué a annoncé avoir perdu 10 soldats et neutralisé 46 terroristes dont trois responsables. Selon des informations, c’est dans cette zone qu’est stationnée la compagnie FAMa qui doit prendre possession des camps de la MINUSMA à Aguelhoc, Tessalit et Kidal.  Cette escalade coïncide avec une reconfiguration sécuritaire dans le Nord après le départ de la force onusienne à la demande des autorités de la transition. La CMA n’entend pas que la MINUSMA rétrocède ses camps aux autorités maliennes, comme elle l’a fait en août à Ber, près de Tombouctou. Et estime qu’en vertu des arrangements sécuritaires de 2014 et 2015, ces zones devraient revenir sous son contrôle. Dans un communiqué en date de dimanche 10 septembre, Alghabass Ag Intalla, un des leaders de la CMA a sous le sceau du cadre stratégique permanent assurer qu’ils vont désormais adopter des mesures de légitimes défense, appelant également les civils à s’éloigner des installations et des lieux d’activités militaires. Quelques heures après la publication du communiqué, le mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) et la plateforme des mouvements du 14 juin 2014 se sont désolidarisés du communiqué estimant ne pas y avoir été associés.

Ces tensions interviennent aussi alors que les terroristes du JNIM mènent plusieurs attaques Une double attaque qu’ils ont revendiqué dont l’une contre un bateau de passagers sur le fleuve Niger et une position des FAMa à Bamba a fait au moins 64 morts.

ONU : la Russie bloque une résolution sur le Mali

Témoignant de son soutien à Bamako, la Russie a bloqué mercredi une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui aurait prolongé le mandat d’experts ayant rendu des conclusions accablantes pour la junte malienne et ses  » partenaires de sécurité étrangers « .

Le texte prévoyait de prolonger d’un an le régime de sanctions mis en place en 2017 contre des individus mettant en danger l’accord de paix de 2015, et le mandat du comité d’experts chargés de les surveiller. Elle a recueilli 13 voix en faveur, une abstention (Chine) et une voix contre, celle de la Russie qui dispose d’un droit de veto.

La Russie était d’accord pour prolonger les sanctions, mais seulement pour la dernière fois, et voulait surtout dissoudre le comité d’experts dont elle conteste, avec Bamako, l’objectivité. Sa résolution en ce sens a été rejetée, avec une voix pour, une contre (Japon) et 13 abstentions.

Les sanctions  » ne doivent pas être utilisées comme un moyen d’influence étrangère au Mali, et c’est ce que le comité d’experts faisait « , a justifié l’ambassadeur russe Vassili Nebenzia, estimant que le projet de résolution préparée par la France et les Émirats arabes unis  » n’aurait pas aidé le processus de paix  » mais aurait  » encore plus opposé les parties « . Dans son dernier rapport publié la semaine dernière, le comité d’experts dénonçait des violences contre les femmes perpétrées de façon  » systématique et organisée  » par les forces armées maliennes et leurs  » partenaires de sécurité étrangers « . Le régime de sanctions sur le Mali (gel des avoirs ou interdiction de voyage), qui expire le 31 août, avait été mis en place en 2017 et concernait huit individus, notamment des responsables de groupes signataires de l’accord de paix de 2015 accusés de le mettre en péril.

Accord pour la paix : le gouvernement invite les signataires à revenir à la table des négociations

Dans son communiqué le ministre de la réconciliation, de la paix et de la cohésion sociale chargé de l’accord le colonel Major Ismaël Wagué, affirme que le Mali reste attaché à l’accord pour la paix et la réconciliation ainsi qu’a l’accord de cessez le feu du 23 mai 2014. Ainsi il invite « les frères des mouvements signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation à revenir sur la table de négociation en vue de surmonter les défis actuels par la voie du dialogue » peut-on lire dans le document. La coordination des mouvements de l’Azawad accuse des avions de l’armée d’avoir bombardé ces positions à Anefis. L’armée de son côté assure avoir mené une opération contre des terroristes.

Depuis plusieurs mois, les tensions sont au plus haut entre le gouvernement et la CMA. Elles se sont intensifiées avec le début du retrait de la MINUSMA.

L’armée récupère les camps de la mission, alors que la CMA s’oppose à la rétrocession de certaines de ses emprises. Le transfert du camp de Ber a illustré cette tension qui a donné lieu à des combats entre l’armée et les groupes terroristes, mais aussi entre armée et CMA selon un communiqué des responsables de ce groupe.

Par ailleurs lors du conseil de sécurité sur la situation au Mali lundi 28 août, l’ONU a exprimé son inquiétude quant à l’avenir de l’accord et à appeler à une reprise du dialogue. Le Chef de la MINUSMA quant à lui a dénoncé ce qu’il a appelé une paralysie des structures de suivi de l’accord. Des inquiétudes qui risquent de s’étendre alors que la MINUSMA doit encore rétrocédé les camps de Tessalit, Aguelhok et Kidal.

 

Accord pour la paix : la CMA dénonce une violation du cessez-le-feu

Dans un communiqué en date de ce lundi 7 août, la CMA dit détenir des preuves que l’attaque de sa position avancée relevant de la base de Foyta a été perpétrée par les FAMa et Wagner selon le document. Le groupe armé dénonce je cite une attitude dite « belliqueuse » et conclut qu’il s’agit d’une remise en cause délibérée du cessez-le-feu du 23 Mai 2014 et des arrangements sécuritaires. Ce n’est pas la première fois que la CMA dénonce une violation du cessez-le-feu. En avril dernier, des avions de chasse de l’armée malienne, ont survolé plusieurs villes du Nord, dont Kidal principalement, ce qui avait entrainé des tirs de membres de la CMA en direction des avions. Le mois d’avril a été particulièrement tendu. Le 27 avril, la CMA a annoncé l’interpellation de 10 de ses combattants, ces derniers ont été présentés par l’armée comme étant des terroristes. Le processus de paix au Mali s’est graduellement dégradé depuis plusieurs mois. En décembre 2022, les groupes armés signataires avaient suspendu leur participation aux mécanismes de mise en œuvre de l’Accord. Les autorités de la Transition qui ont dénoncé dans une correspondance en février dernier les violations de l’Accord par la CMA ont également suspendu aux groupes armés le paiement des émoluments dans le cadre de la participation aux réunions du suivi de l’Accord.

Par ailleurs, réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-CSD), les groupes armés ont rejeté la nouvelle Constitution. Le scrutin référendaire ne s’est pas tenu à Kidal.  Ce nouvel épisode intervient alors qu’une certaine embellie était perceptible. Le 16 juillet dernier, le Colonel Modibo Koné, patron de la sécurité d’Etat s’est rendu à Kidal pour échanger avec les responsables de la CMA. Il s’en est suivie selon plusieurs sources la libération de détenus liés au groupe armé signataire de l’accord pour la paix.

Bart Ouvry : « j’ai toujours cherché à être à l’écoute des Maliens »

Un « ami du Mali » s’en va. Bart Ouvry, Ambassadeur de l’Union Européenne depuis 2019 dans le pays, est en fin de mission. Le Belge quitte un pays, dit-il, d’une « grande culture d’accueil et de générosité », où il a durant quatre ans été « attentif » aux aspirations de ses citoyens.

Vous êtes arrivé au Mali une année après la réélection d’IBK, qui a été marquée par une crise postélectorale. Plus tard, la situation du pays a empiré, avec les contestations du mouvement M5-RFP et les deux coups d’État qui les ont suivies. Comment avez-vous vécu ces évènements ?

Je les ai vécus de près en tant qu’observateur politique. Et je peux témoigner de la dernière année sous le Président IBK. Ça a été certainement une année difficile pour les Maliens, une année difficile pour nous aussi, communauté internationale, parce qu’il faut avouer qu’outre les contestations la situation sécuritaire posait aussi problème. Durant ces années, on a assisté à des attaques contre les FAMa, les membres des Forces de sécurité, parfois des fonctionnaires, mais aussi des représentants de la communauté internationale, qui ont causé beaucoup de difficultés au Mali. Nous avons condamné les coups d’État, mais, en nous rendant compte de la crise profonde que traversait le pays, que traverse toute la région du Sahel, nous avons continué notre collaboration.

Depuis le deuxième coup d’État et l’arrivée du Colonel Assimi Goïta au pouvoir, le pays s’est beaucoup tourné vers la Russie. Ne pensez-vous pas que cela est en partie dû à la teneur des relations entre l’UE et le Mali ?

Ce qui pour nous Européens est important, c’est de nous poser des questions sur l’efficacité de notre action. Je crois qu’il y a eu une grande impatience de la part des Maliens sur la résolution d’une situation qui, depuis 10 ans, suscite beaucoup de problèmes. C’est vrai qu’il y a lieu de se poser des questions de notre côté. Par exemple, est-ce qu’on aurait pu faire autrement dans la gestion de cet aspect ? L’une de mes réponses est probablement que nous n’avons pas suffisamment eu une pensée sur la durée. Les solutions aux problèmes ne se trouvent pas en six mois ou un an.

Mais, pour cela, à présent, pour moi, l’une des solutions est d’aller aux élections. Ce qui aura l’avantage qu’un prochain gouvernement, si les élections se passent bien, aura un mandat sur cinq ans. Cela permettra de réfléchir à des réponses structurelles, de longue durée, qui vont répondre aux enjeux. Mais c’est un questionnement légitime que vous faites. Peut-être que dans le passé nous avons été aussi trop impatients, nous Européens.

Vous avez une grande expertise en matière de communication, pour avoir été de 2008 à 2011 Porte-parole du ministère des Affaires étrangères belge. Comment évaluez-vous la communication des autorités de la Transition du Mali ? Pensez-vous que les pays européens comprennent leurs activités ? Qu’est-ce qui pourrait être amélioré ?

C’est un souci constant pour nous diplomates : expliquer à nos capitales ce qui se passe ici. Moi, dans ma communication, dans mon rapportage, j’ai toujours voulu bien faire comprendre la profondeur de la crise. La crise que vit le Mali est une crise sociétale. Et donc la réponse qui doit être donnée à cette crise ne doit pas être uniquement sécuritaire. Il faut une réponse qui permettra d’améliorer les conditions de vie des populations et le retour des services de l’État sur l’ensemble du territoire malien. Par exemple, que ce soit au Nord ou au Centre, et même au Sud du Mali, la qualité de l’enseignement est insuffisante. Au niveau des services de base, tels que la santé, il y a aussi des insuffisances. Là, notre effort est d’avoir une action effective sur le terrain pour ramener ces services à niveau. Je crois que ce message est bien compris. C’est vrai qu’aujourd’hui la Transition prend des positions qui sont parfois très difficile à admettre pour nos autorités. Par exemple, le dernier vote sur l’Ukraine, où le Mali a voté en faveur de la Russie. Je ne cache pas que cela est très mal compris de notre côté. Je n’ai pas de conseils à donner aux autorités de la Transition, mais certainement il faut un dialogue diplomatique. Moi je continue à plaider de part et d’autre pour qu’il y ait toujours des échanges diplomatiques et une coopération entre le Mali et l’UE. J’essaie toujours d’amener des collègues ici, à Bamako, et je crois qu’il est important que les Maliens fassent aussi l’effort de se rendre dans nos capitales pour expliquer leurs positions sur différents dossiers.

Quelle est actuellement la posture de l’UE à l’égard de la Transition malienne ?

Aujourd’hui, nous tenons beaucoup à maintenir notre action au profit des Maliens. Nous voulons rester aux côtés des Maliens, nous reconnaissons la profondeur de la crise et la nécessité d’y apporter une action concrète pour justement éviter la déstabilisation du pays. Cela est au cœur de notre position. Nous maintenons le dialogue, nous maintenons notre appui aux Maliens et, au final, nous espérons beaucoup que la Transition pourra respecter le calendrier convenu. Ainsi, on aboutira à des élections dont la principale, la présidentielle, est annoncée pour l’année prochaine.

Quels sont les projets-phares que l’UE a menés au Mali depuis votre venue et les  perspectives ?

Je préfère surtout parler de nos projets en perspective pour 2023. Nous avons déjà mené une consultation très large avec des services de l’État sur notre programmation. Elle porte sur les questions de l’Environnement. C’est le projet de Grande Muraille Verte qui est très important pour un pays tel que le Mali, qui a une partie de son territoire dans le Sahara. Il faut éviter la désertification. C’est un engagement très important de part et d’autre que nous voulons mettre en œuvre en 2023. Et puis il y a également la problématique de l’enseignement, de la formation et le renforcement du secteur privé. Si on veut répondre au grand enjeu qu’est l’accès à l’emploi au Mali, car chaque année, il y a des milliers de jeunes Maliens qui viennent sur le marché du travail, il faut absolument donner une réponse aux aspirations de ces jeunes, qui veulent soit trouver un emploi, soit créer une activité professionnelle. Et là nous croyons que l’amélioration de la qualité de l’éducation, de l’offre de formation et le renforcement du secteur privé sont importants. Sur ces aspects, nous sommes en consultation avec nos partenaires maliens pour apporter des solutions. Globalement, c’est un budget d’à peu près 100 milliards de francs CFA. Outre cela, nous allons aussi maintenir notre action de coopération sur des bases régionales et thématiques telles que la question de la gestion des frontières, sur laquelle nous voulons maintenir notre coopération avec l’État malien.

Le référendum prévu pour le 19 mars a été reporté sine die le 10 mars dernier. Avez-vous des craintes quant à un retour à l’ordre constitutionnel comme prévu en février 2024 ?

Je crois que c’est un engagement très clair de la Transition, même si un report pour quelques mois peut être compréhensible. J’ai bonne confiance que les autorités de la Transition vont tenir leurs engagements.

Si les élections devaient se tenir, quel serait le soutien de l’Union européenne au processus électoral?

Il y a un fonds, le Programme des Nations Unies pour le Développement, qui centralise toutes les contributions. Nous avons déjà versé notre contribution, qui est de l’ordre de 10 milliards de francs CFA. Elle devrait contribuer à l’organisation des différents scrutins au Mali.

Depuis 2015, l’Accord pour la paix et la réconciliation tarde toujours à être mis en œuvre. Et son processus est bloqué depuis près de quatre mois. Quel avenir voyez-vous à cet Accord dans le contexte actuel ?

Le Cadre créé par l’Accord est toujours là. Nous continuons notre engagement avec l’Algérie, les Nations unies et les autres membres de la médiation pour permettre à toutes les parties prenantes de revenir à la table. Nous venons récemment d’offrir un cadre de propositions qui devrait permettre à toutes les parties prenantes de revenir. C’est la seule solution. L’autre alternative c’est la violence et ce n’est pas une alternative crédible. Nous voulons absolument que les parties prenantes trouvent des solutions sans violence. Nous, nous ne nous sommes pas là pour prescrire des solutions. Nous ne pouvons qu’amener les deux parties à la table de discussion et c’est à elles de se mettre d’accord sur les solutions et les mettre en œuvre. Nous espérons que ce sera pour bientôt.

Est-ce qu’il vous a été souvent difficile de manœuvrer, avec les impératifs de Bruxelles vis-à-vis du Mali et la Transition ?

J’ai toujours eu des relations très courtoises, très positives, avec les Maliens. Nous n’avons pas tellement d’instructions de Bruxelles. On nous demande de faire l’analyse, de coordonner avec nos États membres et chercher des solutions. Depuis que je suis là, j’ai toujours cherché à être à l’écoute des autorités maliennes. Mais aussi et surtout à l’écoute de la société civile (les jeunes, les associations de femmes) et des partis politiques. Notre rôle, je le rappelle, n’est pas de prescrire, mais de faire partie de la solution. Et d’offrir un cadre de la médiation pour trouver des solutions aux problèmes. Nous n’avons pas la capacité de trouver des solutions à la place des Maliens. Ce sont les Maliens qui doivent trouver un cadre politique pour sortir de la crise actuelle. Et cette crise, elle est profonde. Je crois que tout le monde le sait. C’est une crise sociétale, comme je le disais tantôt. Si on veut contribuer au développement du pays, il faut absolument renforcer l’enseignement. Je ne connais pas un seul Malien qui conteste la crise actuelle de l’enseignement. D’ailleurs, j’ai eu un entretien il y a quelques jours avec la ministre de l’Éducation et nous travaillons ensemble là-dessus.

Quel souvenir garderez-vous du Mali ?

J’ai vécu ici avec mon épouse, qui m’a accompagné tout au long de ce périple de quatre ans. Je garde beaucoup de souvenirs des rencontres avec les Maliens. C’est mon troisième pays africain et c’est probablement celui qui, en termes de richesse culturelle, a le plus de profondeur, parce qu’il a une tradition culturelle millénaire et très riche. Ça m’a beaucoup marqué. Et puis le Malien est quelqu’un qui a une grande culture d’accueil et de générosité envers l’étranger. J’ai beaucoup profité de cela. C’est pourquoi j’ai toujours tenu à communiquer sur tout ce qui va bien dans le pays, sur son potentiel par exemple en matière de beautés naturelles et de richesse de sa culture. C’est une manière de rappeler aux Maliens, qui parfois sont confrontés dans leur quotidien à d’énormes problèmes, que leur pays regorge de potentialités. Au quotidien on a tendance à beaucoup se focaliser sur les problèmes, mais il ne faut pas oublier tout ce qu’il a de bien dans le pays.

MINUSMA : 10 ans après, à la croisée des chemins

Le 25 avril 2013, quand le Conseil de sécurité de sécurité des Nations unies adoptait la résolution 2100 créant la Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation au Mali (Minusma), il misait sur un retour rapide à la paix dans un pays en proie à une instabilité sans précédent. 10 ans après, la Minusma est toujours présente, soumise aux multiples évolutions d’une crise à rebondissements qui, à bien des égards, ont fini par impacter son efficacité. Entre avancées et doutes, retour sur une décennie de présence onusienne au Mali.

L’histoire entre la Mission onusienne et le Mali pourrait se résumer aujourd’hui à celle d’un couple au bord du divorce. Le grand amour des débuts d’un « mariage en grande pompe » s’est dissipé au fil des années, sur fond de malentendus qui ont fini par faire voler en éclats la confiance mutuelle. Résultat, après 10 ans de chemin commun, jamais les deux partenaires n’ont autant frôlé la séparation. Renouvellement du mandat en juin dernier sur fond d’incompréhensions entre le gouvernement malien et le Conseil de sécurité, restrictions de la liberté de déplacement de la Mission sur le territoire national, contestations publiques des rapports à la tribune des Nations unies, entre autres.

D’ailleurs, une certaine opinion publique malienne favorable à un départ pur et simple de la Mission onusienne du Mali n’a cessé de se faire entendre ces dernières années, même si elle contraste avec le soutien que continue de lui apporter une partie des populations du Nord auprès de laquelle la Minusma intervient principalement, notamment à Gao ou à Tombouctou.

Le Mouvement Yèrewolo Debout sur les Remparts, après sa lettre adressée en août 2022 aux responsables de la Mission et d’autres petites actions menées, entend hausser le ton lors d’un meeting ce 28 avril 2023. Le slogan demeure le même, « Minusma dégage ! ».

L’analyse, par ailleurs, des résultats de l’enquête d’opinion « Mali-Mètre 2022 » de la Fondation Friedrich Ebert montrait que plus de la moitié de la population malienne n’était pas satisfaite de la Minusma, avec « 14% plutôt insatisfaits et 45% très insatisfaits ».

Un bilan « mitigé » 

La Minusma est poussée vers la sortie par certains Maliens et doit aujourd’hui faire avec les restrictions de mouvements imposées par les autorités de la Transition. Environ 24,1% des autorisations de vols d’hélicoptères et drones ont été récemment refusées. Le gouvernement l’impute au non-respect des procédures convenues. Elle aura pourtant réussi durant cette décennie de présence dans le pays à atteindre des résultats.

« Pour moi, le bilan n’est pas négatif. Quand on parle de la Minusma, il ne faut pas seulement voir le volet sécuritaire. Il y a d’autres volets, comme le politique, le judiciaire, l’humanitaire, entre autres », soutient Abdoulaye Tamboura. Pour ce géopolitologue, le bilan de la Mission onusienne au Mali durant ces dix dernières années est plutôt mitigé. Si certains Maliens estiment qu’il est négatif, ce n’est pas le cas des acteurs de la Minusma, même si beaucoup reste à faire. Le sentiment d’insatisfaction des populations maliennes vis-à-vis de la Minusma, explique-t-il, est lié à son mandat, jugé non adapté mais qu’elle ne peut pas outrepasser.

Hamadoun Touré, ancien ministre et ancien Porte-parole de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) abonde dans le même sens. « Ce qui est fait dans le bilan de la Minusma ne correspond pas avec ce qui était attendu de la part des populations maliennes. Ces dernières pensaient que la Minusma allait venir tout régler, remettre juste les  clés du Mali au Maliens et partir, ce qui ne s’est pas passé durant ces 10 ans », glisse-t-il. Les deux  analystes s’accordent sur un  acquis important à mettre à l’actif de la Mission onusienne : la fin de la belligérance entre l’État malien et les ex-rebelles. En effet, depuis le cessez-le feu de 2014, les armes ont été mises de côté pour laisser une chance à l’Accord pour la paix signé en 2015, même si celui est de plus en plus fragile ces dernières semaines.

Pour la Porte-parole de la Minusma, Fatoumata Sinkou Kaba, le bilan de ces 10 ans de  présence au Mali est positif sous l’angle de la mise en œuvre des mandats successifs, malgré « une conjoncture internationale défavorable, avec des ressources humaines et financières de plus en plus réduites pour répondre aux besoins de plusieurs foyers de tension ».

« La mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation a permis de stabiliser les régions du Nord. Il demeure l’instrument par excellence pour le retour de la paix au Mali. Aujourd’hui, dans des villes comme Gao et Tombouctou, les habitants jouissent à nouveau de leur liberté de circulation, y compris au-delà, notamment les jours où des foires hebdomadaires se tiennent dans les localités environnantes. La reprise du commerce est un signe d’un retour relatif de la paix », argue-t-elle. Outre cet aspect, la nouvelle Porte-parole liste les réalisations de la structure, qu’elle a rejointe en février dernier, en remplacement du Français Olivier Sagaldo, expulsé du Mali quelques mois plus tôt.

Réduction des violences entre communautés au Centre du Mali, sécurisation des routes principales, notamment la RN15, revitalisation des Commissions foncières (COFO) dans les régions du Centre pour réduire les violences liées au foncier, mise en œuvre de projets à impact rapide et d’autres, plus structurants, financés à travers le Fonds fiduciaire pour la paix et la sécurité au Mali, formation des Forces de défense et de sécurité maliennes… La liste est loin d’être exhaustive.

Avenir fragilisé ?

À deux mois d’un éventuel renouvellement de son mandat pour une année supplémentaire, difficile de prévoir la durée de vie restante de la Minusma. Autant les signaux d’une « mort programmée » de la Mission onusienne sont réunis depuis quelques mois, autant, les différentes parties (l’État malien et le Conseil de sécurité des Nations Unies) ne semblent pas prêtes à « l’enterrer ».

Mais le retrait des forces internationales, qui avaient contribué à la protection des camps et des secteurs, et le fait que les moyens aériens critiques prévus dans le plan d’adaptation de la force « continuent de faire défaut », ainsi que les « restrictions non déclarées » font débat. À cela il faut ajouter le retrait imminent de plusieurs pays contributeurs, dont l’Allemagne, la Côte d’Ivoire, le Bénin ou encore l’Égypte, qui a suspendu sa participation. Dans un récent  rapport soumis au Conseil de sécurité pour un examen interne de la Minusma, le Secrétaire général António Guterres fait trois propositions pour une reconfiguration future de la Mission. Selon le document, la première consiste à augmenter les capacités (Soit environ 2 000 ou 3 680 membres du personnel en tenue supplémentaires), de manière à permettre à la Mission d’exécuter son mandat dans son intégralité dans tous les secteurs où elle est déployée.

La seconde veut continuer de se concentrer sur les priorités stratégiques, avec une présence consolidée pour soutenir les priorités actuellement prescrites dans le mandat de la Mission ou alors dans les limites de l’effectif maximum autorisé, l’accent étant mis principalement sur le soutien à l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Enfin, la troisième proposition, plus drastique que les deux premières : retirer les unités en tenue et transformer la Mission en mission politique spéciale, parce que « l’élargissement du mandat de la MINUSMA en 2019, sans que des capacités supplémentaires lui soient accordées, a mis la Mission à rude épreuve. La situation actuelle est intenable », alerte  António Guterres.

« En l’absence d’une composante Personnel en tenue, la Mission ne serait pas en mesure de maintenir une présence civile hors de Bamako, en raison des menaces asymétriques. Elle consoliderait en conséquence sa présence à Bamako et pourrait continuer d’apporter son soutien au dialogue politique et à la réconciliation, au renforcement des capacités de gouvernance et à la surveillance, à la promotion et à la protection des droits humains et encourager le rétablissement de l’autorité de l’État », explique le Secrétaire général.

Une telle reconfiguration pourrait bien permettre à la Minusma d’échapper à sa perception par les populations de « force d’occupation », résultat selon l’ancien porte-parole de l’Onuci, Hamadoun Touré, de sa longue durée, « ennemie de toute mission de paix ».

Gouvernement – Groupe armés : jusqu’où ira la discorde ?

Le survol de Kidal, en milieu de semaine dernière, par des avions de l’armée malienne a exacerbé les tensions entre différentes parties signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Alors que la médiation internationale tente de trouver une voie pour la reprise du dialogue, le gouvernement malien et les groupes armés signataires campent sur leurs positions.

Que serait-il advenu ce 5 avril 2023 si, depuis le ciel du Septentrion malien, l’armée de l’air avait répondu aux tirs de sommation des combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) en direction des avions de chasse qui ont survolé à basse altitude, selon plusieurs sources, certaines villes du nord dont Kidal ? Il n’en a en tout cas pas fallu plus pour que les ex-rebelles crient à une « violation patente du cessez-le-feu du 23 mai 2014 et une provocation grave opérée sous les yeux de la communauté internationale, garante des arrangements sécuritaires et de l’Accord pour la paix ».

À cette accusation à peine voilée les autorités de la Transition n’ont jusque-là officiellement pas réagi. Selon nos informations, elles ne souhaitent pas communiquer pour l’heure sur cette situation. Nos tentatives auprès de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (Dirpa) pour plus d’informations sur l’opération de survol et les moyens mobilisés n’ont pas abouti.

Reprise des combats ?

L’Accord pour la paix et la réconciliation en lui-même est vacillant depuis des mois. En décembre 2022, les représentants des groupes armés signataires, réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement  (CSP-CSD) ont suspendu leur participation aux mécanismes de sa mise en œuvre.

Les différentes tentatives de la médiation internationale (Rencontre à Kidal avec les groupes armés, rencontre des groupes armés à Alger avec le Président algérien, réunion de la médiation à Bamako avec l’ensemble des parties…) pour que les différentes parties signataires reprennent le dialogue n’ont visiblement pas porté fruit.

Dans ce contexte, le récent « incident » de Kidal fait craindre à certains observateurs une nouvelle poussée de température entre le gouvernement du Mali et les mouvements armés, sans exclure une montée des tensions aboutissant à une reprise des combats armées entre les deux camps près d’une décennie après la fin des confrontations. Le 6 avril, sur les réseaux sociaux, des photos d’armes antiaériennes aux mains des mouvements signataires ont circulé lors de la célébration de l’unilatérale « indépendance » de l’Azawad. Une réponse, selon certains, au survol.

Mais, à en croire Dr. Aly Tounkara, spécialiste des questions sécuritaires au Sahel, un tel scénario est peu probable. « Quand on regarde depuis trois mois de part et d’autre les différentes déclarations qui sont faites çà et là, tout laisse entendre que des velléités sécessionnistes pourraient difficilement être déclenchées de nouveau, au regard de l’intérêt, en dépit de ces agissements, que les deux parties manifestent vis-à-vis des débuts d’accalmie que l’Accord a pu quand même instaurer entre elles depuis des années ».

Sauver l’Accord

La médiation internationale, garante du suivi de l’Accord depuis sa signature en 2015, tente de le sauver. D’ailleurs, le gouvernement de transition a toujours réitéré son attachement et son engagement à une mise en œuvre « intelligente » de l’Accord. Même s’ils semblent ne pas s’accorder sur les mêmes priorités que les autorités, les groupes armés signataires, de leur côté, restent également disposés à aller vers sa mise en œuvre.

Mais aucune des deux parties n’a pour l’heure réagi aux nouvelles « propositions concrètes » que la médiation internationale a indiqué leur avoir fait, dans un communiqué en date du 9 avril 2023. « Nous sommes en train d’étudier et de nous concerter sur ces propositions avant d’y répondre », nous a indiqué une source au sein des groupes armés qui n’a pas souhaité détailler les propositions en question.

Toutefois, selon certaines sources, il s’agirait, entre autres, de l’opérationnalisation de la Commission ad hoc sur la chaîne de commandement des forces reconstituées, d’un début de l’opération DDR sur un premier lot de 13 000 ex-combattants et de la mise à jour des arrangements sécuritaires sur le cessez-le-feu. La médiation internationale veut aller vite. Selon nos informations, elle envisage de rencontrer le gouvernement le 17 avril, avant d’élargir les discussions aux groupes armés signataires une semaine plus tard, à partir du 24.

Accord pour la paix : bientôt le point de rupture ?

Des avions de chasse de l’armée malienne ont survolé ce mercredi Ber, Amassine, Anafis et Kidal dans le nord du pays. Dans une vidéo amateur qui circule depuis le début de l’après-midi, on entend des tirs qui visaient visiblement l’avion. La coordination des mouvements de l’Azawad, a rapidement publié un communiqué. Dans le document, la CMA dit prendre cette « malheureuse aventure comme une violation patente du cessez-le-feu du 23 mai 2014 et une provocation grave opérée sous les yeux de la communauté internationale garant des arrangements sécuritaires et de l’accord pour la paix ».  Ce nouvel épisode intervient alors que le processus de mise en œuvre de l’accord est bloqué. Les groupes signataires de l’accord réunis au sein du CSP ont suspendu leur participation en décembre 2022. L’incident survient également la veille de la déclaration de la prétendue « indépendance » de l’Azawad. Les autorités de la transition n’ont pas encore réagi.

Emanuela Del Re : « l’Union européenne veut rester un partenaire important pour le Mali »

La Représentante  spéciale de l’Union Européenne au Sahel était en visite au Mali du 12 au 15 mars 2023. À la fin de son séjour, durant lequel elle a rencontré plusieurs acteurs (Gouvernement, politiques, groupes armés signataires de l’Accord pour la paix, médiation internationale…), elle s’est confiée  à Journal du Mali dans cet entretien exclusif.

Vous venez de terminer votre visite au Mali. Quel en était l’objectif ?

Ce n’est pas ma première visite au Mali. J’ai été ici plusieurs fois avant et j’ai rencontré plusieurs fois, pas seulement les autorités, mais aussi la société civile, les représentants des partis politiques et des mouvements du Nord. Cette fois, c’est particulièrement important parce que, comme vous le savez, l’Union Européenne, qui reste toujours à côté de la population malienne, veut reconfirmer son intention de rester un partenaire important pour le Mali. Je suis heureuse de dire que cela a été reconfirmé aussi par le ministre, que j’ai rencontré, ainsi que notre collaboration essentielle, surtout sur les questions pas seulement nationales mais aussi régionales.

Vous vous êtes imprégnée de la situation au Mali avec les différents acteurs sur le terrain. Quelles sont vos impressions finales sur cette situation globale?

Je peux dire que je connais déjà très bien la situation au Mali. Et je peux dire qu’à chaque fois j’ai l’opportunité, et c’est pour cela d’ailleurs que j’aime beaucoup être ici, directement dans le pays, d’apprendre un peu mieux ce qui se passe, parce que la situation ne change pas. Sur le plan sécurité, bien sûr, la situation est très grave, on le sait. On sait que les terroristes s’organisent au Nord et qu’il y a d’énormes problèmes de criminalité. C’est vraiment une situation qui a un très grave impact sur la population. C’est pour cela que l’Union Européenne est à côté de la population avec des projets qui peuvent garantir pas seulement la survie mais aussi le développement. Nous avons  à peu près 900 millions d’euros de projets pour le pays .Cela veut dire que nous sommes vraiment présents et notre activité a un impact énorme sur la situation économique, sociale, sécuritaire et surtout humanitaire. Je dois dire que nous sommes conscients de tous les problèmes et que nous comprenons très bien ce que traverse la population. Nous avons la volonté de rester partenaires du Mali. Je suis fière de dire que notre action a un résultat important.

L’UE dénonce la présence du groupe Wagner depuis près de deux ans au Mali, alors que le gouvernement la conteste. Est-ce que cela impacte sa coopération avec pays sur le plan sécuritaire et, dans d’autres domaines, où s’étend cette coopération ?

Nous avons dit à plusieurs reprises que pour nous, le choix d’appeler Wagner n’était pas un choix acceptable. En même temps, nous avons la volonté de rester à côté des populations maliennes. Cela veut dire que, pour nous, c’est important de continuer notre action, de surtout accompagner le Mali dans un processus d’appropriation. Notre rêve est de voir les FAMa, que nous avons aidées pendant beaucoup d’années, car nous avons entrainé plus de 18 000 soldats des FAMa à travers l’EUTM, combattre les terroristes et obtenir des résultats forts sur le plan sécuritaire.

L’EUTM va-t-elle poursuivre sa mission dans le pays ?

Pour le moment, comme vous le savez, cette mission a été réduite et il y aura d’autres changements. Pour toute autre décision concernant cette mission sur le territoire malien, nous attendons la fin de la Transition et les élections pour voir ce qui se passera avec le gouvernement élu, avec l’opportunité de discuter et de réviser notre présence ici et de voir s’il est possible de continuer certaines activités ou non.

Le référendum prévu pour le 19 mars a été reporté le 10 mars dernier. Avez-vous des craintes quant à un retour à l’ordre constitutionnel comme prévu en février 2024?

Nous espérons que le chronogramme va être respecté. Nous avons aussi  la volonté d’y contribuer, avec un appui financier au processus électoral, pour garantir que les institutions nécessaires soient mises en place et qu’il y a la possibilité de faire des élections libres dans une atmosphère constructive. Bien sûr, les décisions de report sont toujours un petit problème. S’il y a encore une prolongation de l’attente de la part des populations, c’est toujours quelque chose qui peut créer d’autres problèmes. Les autorités maintiennent leur attachement à rester dans le délai imparti, mais nous ne savons pas encore si cela sera vraiment traduit en réalité. Mais, pour nous, c’est important de montrer qu’il y a une volonté de retourner à l’ordre constitutionnel.

La mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation bloque depuis quelques mois. Vous venez de rencontrer les différents acteurs (groupes armés signataires et partie gouvernementale). Comment la médiation internationale compte-t-elle relancer le processus ?

Le 13 mars, pour vous dire que les choses avancent, nous avons eu une réunion de la médiation internationale au siège de la MINUSMA, à laquelle ont participé tous les acteurs, l’Union européenne, la CEDEAO, l’Union Africaine, l’Algérie, etc.  Cette réunion était très importante parce que nous avons eu l’opportunité de nous exprimer librement. J’ai parlé de la nécessité d’avoir plus de femmes dans le processus et de celle de faire marcher les commissions. Il y a la volonté de voir le processus avancer. Il y a eu la proposition de faire une autre réunion ministérielle. J’ai discuté avec les représentants des groupes armés signataires et ils m’ont dit qu’ils ont la volonté d’avancer. La volonté est là et la médiation internationale a l’intention de faire ce qu’elle doit faire : faciliter le processus, parce que nous ne pouvons pas imposer.

Doit-on s’attendre à la tenue prochaine d’une réunion du CSA ?

Nous avons évoqué cela. Je pense qu’ils vont décider de cela bientôt et j’espère qu’il y aura une grande participation. Comme je le dis, les propositions sont là, ainsi que l’énergie et la volonté. Les différents acteurs doivent trouver des compromis et des formules pour avancer dans le processus. Je crois que tous les ingrédients sont réunis et nous, en tant que médiation internationale, nous espérons pouvoir faciliter les choses.

Accord pour la paix : le président algérien reçoit les représentants des groupes armés signataires

Le Président algérien Abdelmadjid Tebboune, a reçu dimanche à Alger les chefs et les représentants des groupes armés signataires de l’accord pour la Paix dont l’Algérie est garante et qui patine depuis plusieurs années.

L’audience s’est déroulée au siège de la Présidence de la République en présence du ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, M. Ramtane Lamamra et du directeur de Cabinet à la Présidence de la République, M. Abdelaziz Khellaf. Se félicitant du rôle que joue l’Algérie dans « la résolution des problèmes au Mali », le porte-parole de la délégation a indiqué que la rencontre avait permis de souligner l’engagement ferme de l’Algérie en faveur d’une « nouvelle dynamique de paix dans la région ». La CMA dans un communiqué a dit avoir évoqué ses attentes et ses priorités, et élaboré «des pistes de solutions pouvant aider à sortir de l’impasse et du statu quo actuel». Fin décembre 2022, les groupes armés signataires ont suspendu leurs participation au processus de mise en œuvre et de suivi de l’accord. Ils réclament entre autres la tenue d’une réunion en terrain neutre pour statuer sur l’avenir de l’accord. Les autorités de la transition rejettent l’idée d’une réunion hors du Mali.

Sécurité : les groupes armés de la CMA fusionnent

Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad, les trois groupes armés regroupés au sein de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), viennent de fusionner en une seule entité politique et militaire.

La cérémonie de signature de la déclaration consacrant cette fusion s’est déroulée hier mercredi 8 février au stade Mano Dayak de Kidal en présence des responsables des mouvements.

Pour concrétiser cette nouvelle étape selon le directoire de la CMA, les trois mouvements ont décidé de mettre en place un comité technique chargé des modalités pratiques de la fusion, et d’organiser dans les meilleurs délais un congrès qui fixera les orientations et mettra en place les organes de la nouvelle organisation.

En attendant l’aboutissement du processus, le Bureau exécutif de la CMA continuera la gestion des affaires de la Coordination, précise la déclaration qui invite par ailleurs les autres mouvements à se joindre à l’initiative d’union.

Si cette fusion des trois mouvements de la CMA répond, selon ses initiateurs au besoin d’union face aux défis pour parvenir au bien-être socio-politique et celle de l’amélioration de la situation sécuritaire dégradante dans la zone, elle devrait également donner plus d’épaisseur à la CMA face au gouvernement dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015 issu du processus d’Alger.

La CMA et d’autres groupes réunis au sein du CSP ont suspendu depuis le 21 décembre 2022 leur participation au sein des mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord jusqu’à la tenue d’une réunion avec la Médiation Internationale en terrain neutre.

Ces groupes envisagent de lancer le 20 février prochain, une grande opération de sécurisation des populations des régions du Nord.