Politique




Transition : le réveil des partis politiques ?

Longtemps silencieux concernant la Transition, certains partis et regroupements politiques redonnent de la voix. Depuis la fin de la période…

Longtemps silencieux concernant la Transition, certains partis et regroupements politiques redonnent de la voix. Depuis la fin de la période transitoire, le 26 mars 2024 conformément au décret No2022-003/PT-RM du 6 juin 2022 en fixant la durée à 24 mois, ils montent au créneau pour exiger des autorités la tenue rapide de l’élection présidentielle qui mettra un terme à la Transition. Mais feront-ils le poids face à un pouvoir bien assis et qui semble avoir relégué au second plan un retour à l’ordre constitutionnel ?

Avalanche de réactions au sein de la classe politique. Depuis le 26 mars 2024, date à laquelle était censée prendre fin la Transition, certains partis et regroupements politiques montent au créneau pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel.

Dans une déclaration anticipée, le 25 mars, le RPM, après avoir invité les autorités de la Transition au respect des engagements souverainement pris devant la communauté nationale et internationale, appellait à la « mise en place de toute urgence d’un nouveau mécanisme transitionnel pour un retour à l’ordre constitutionnel dans un délai de 6 mois ».

De leur côté, le M5-RFP Malikura et Yelema recommandent en urgence une concertation avec les responsables des forces vives nationales, pour redéfinir le contour et les objectifs et identifier les acteurs d’une nouvelle transition courte. « Le M5-RFP Mali Kura et le parti Yelema « le Changement » sont convaincus qu’après 3 ans et 8 mois de report en report provoqué, la Transition ne saurait aux forceps s’éterniser », ont dénoncé les deux entités dans une déclaration commune le 26 mars.

Dans la même veine, l’Adema-PASJ a lancé le 27 mars 2024 un « appel vibrant » aux autorités de la Transition pour « accélérer le processus devant conduire à la tenue de l’élection présidentielle qui mettra fin à la Transition ». Le parti, dans une  déclaration, estime que le « silence prolongé » des autorités de la Transition sur le chronogramme électoral suite au léger report de la date des élections « ne participe nullement à l’apaisement du climat sociopolitique ni à la consolidation de la cohésion sociale chère à tous les Maliens démocrates et républicains ».

L’Action républicaine pour le Progrès (ARP), pour sa part,  dans un mémorandum en date du 27 mars, appelle à la démission immédiate du gouvernement et à la mise en place d’un Exécutif d’union nationale dans le cadre d’un nouveau dispositif de transition véritablement inclusif. L’Alliance politique dirigée par l’ancien ministre Tiéman Hubert Coulibaly propose également de fixer une « date consensuelle raisonnable » pour l’élection présidentielle qui marquera le retour du Mali dans la normalité institutionnelle.

Actions 

Au-delà de leurs différentes réactions initiales, plusieurs partis et regroupements politiques, ainsi que des organisations de la société civile, ont réitéré leur position dans une déclaration commune le 31 mars 2024. « Nous demandons aux autorités en place, au regard du vide juridique et institutionnel ainsi provoqué, de créer les conditions d’une concertation rapide et inclusive pour la mise en place d’une architecture institutionnelle, à l’effet d’organiser dans les meilleurs délais l’élection présidentielle », indique la déclaration signée de près d’une centaine de partis politiques parmi lesquels, entre autres,  l’Adema-PASJ, le RPM, la Codem, l’ASMA-CFP, les Fare An Ka Wuli, le parti Yelema et l’UDD.

En plus d’attirer l’attention du gouvernement sur la fin de la Transition, conformément à l’article 22 de la loi No2022-001 du 25 février 2022 révisant la Charte de la Transition et au décret No2022-0335/PT-RM du 06 juin 2022 fixant le délai de la Transition à deux ans, ces partis avertissent qu’ils utiliseront « toutes les voies légales et légitimes pour le retour de notre pays à l’ordre constitutionnel normal ».

Le 28 mars dernier déjà, la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA) et l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP), toutes deux membres de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali, signataire de la déclaration du 31 mars 2024, avaient déposé une requête devant la Cour constitutionnelle. Les deux structures demandent à la juridiction de « constater la vacance de la présidence de la Transition, de prononcer la déchéance de tous les organes de la Transition et d’ordonner l’ouverture d’une nouvelle transition à vocation de rassemblement et réconciliation », incluant toutes les composantes de la Nation, y compris l’armée républicaine, avec comme missions principales assignées l’organisation des élections en vue du retour à l’ordre constitutionnel.

À en croire Alassane Abba, Secrétaire général de la CODEM, tous les partis, regroupements politiques et organisations de la société civile se réuniront dans les prochains jours pour la mise en place du Comité de suivi de la Déclaration commune du 31 mars et pour se mettre d’accord sur les futures actions à mener.

« Sûrement que nous allons mener d’autres actions pour avoir gain de cause, parce que je ne vois pas le gouvernement tout d’un coup accéder à notre demande, compte tenu du fait qu’ils sont aussi dans leur logique. Le Premier ministre l’a dit et on le sent à travers les propos de beaucoup d’entre eux, les élections ne sont pas d’actualité », confie celui qui n’exclut pas par ailleurs parmi des futures actions la désobéissance civile. « C’est la première des choses à laquelle nous pensons », glisse M. Abba.

Bloc d’opposition ?

Depuis le début de la Transition, des plateformes opposées à la gestion des autorités se sont constituées, sans pour autant parvenir à inverser les rapports de force en leur faveur. Que ce soit le Cadre d’échange des partis et regroupements pour un retour à l’ordre constitutionnel, l’Appel du 20 février pour sauver le Mali ou encore, plus récemment, la Synergie d’action pour le Mali, elles peinent toujours à peser  face aux militaires au pouvoir.

Mais pour la première fois, ces trois plateformes, même si la Synergie d’action pour le Mali n’est pas signataire en tant qu’entité mais est représentée par Espérance Jiguiya Kura, se mettent ensemble pour mener des actions communes. Au-delà de la déclaration commune et d’éventuelles futures actions, l’initiative pourrait-elle aboutir à la formation d’un bloc d’opposition à la Transition solide ? Pour le Secrétaire général de la Codem, cela ne semble pas évident.

« Les partis ont signé, mais ils n’ont pas les mêmes positions. Certains ont signé juste parce qu’ils se sont d’accord pour le retour à l’ordre constitutionnel. Mais de là à faire un bloc d’opposition, ce n’est pas aisé. Les partis n’ont pas les mêmes visions. L’opposition suppose qu’il y ait un chef de file et il n’est pas facile de le dégager dans ce contexte », concède Alassane Abba.

Par ailleurs, selon certains observateurs, le succès même des actions communes annoncées des partis, regroupements politiques et organisations de la société civile signataires de la déclaration du 31 mars 2024 n’est pas garanti. « Il sera très difficile pour ces partis de mener des manifestations qui puissent aboutir à quelque chose de probant. Le pouvoir en place semble décidé à ne laisser émerger aucune forme de contestation », glisse un analyste.

« Quand la Synergie d’action pour le Mali a voulu mener ses activités, elles ont été tout simplement interdites pour motif de sécurité par la Délégation spéciale du District de Bamako. Je pense que les autorités vont brandir les mêmes motifs pour interdire également toute manifestation de la nouvelle dynamique des partis et regroupements politiques qui est en train de se mettre en place », prédit-il.