Télécommunications : Les taxes de trop ?

Le gouvernement de transition a adopté par ordonnance, lors du Conseil des ministres du 5 février 2025, un projet de texte instituant de nouvelles taxes sur les services téléphoniques. Selon les autorités, les recettes issues de ces nouvelles taxes sont destinées à financer des initiatives publiques visant à améliorer les conditions de vie des populations. Cependant, elles sont décriées par une partie des Maliens.

Le projet de texte adopté porte sur la création, l’organisation et les modalités de gestion du Fonds de soutien aux projets d’infrastructures de base et de développement social. Ce fonds sera alimenté exclusivement par un prélèvement spécifique sur la consommation des services commerciaux de communications téléphoniques et les opérations de retrait dans le cadre des transferts d’argent via le mobile money.

Désormais, un taux de 10% sera prélevé sur les recharges téléphoniques et un autre de 1% sur les retraits d’argent via le mobile money. En clair, pour chaque recharge de 1 000 francs CFA, seulement 900 francs seront désormais crédités sur le compte de l’utilisateur, 100 francs étant prélevés par l’État. Quant aux transactions via mobile money, le retrait de 10 000 francs coûtera désormais 200 francs au lieu de 100 francs, avec 100 francs prélevés par l’État.

Des taxes qui divisent

Ces taxes, qui touchent directement les consommateurs, ont suscité de nombreuses réactions au sein de la population. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, le Président du Forum des organisations de la société civile, Alou Badra Sacko, appelle le gouvernement à revoir sa décision, estimant qu’elle est injustifiée pour des Maliens déjà confrontés à de nombreuses difficultés.

« Ce n’est pas normal qu’on impose de nouvelles taxes au peuple alors que le budget de la Présidence ne cesse d’augmenter. De 12 milliards en 2022, ce budget a atteint 17,7 milliards en 2025 », fustige-t-il, remettant également en question la gestion des revenus issus de l’exploitation des mines, notamment du lithium, censés renflouer les caisses de l’État.

Un avis similaire est partagé par l’analyste politique Ousmane Bamba, qui estime que c’est une mauvaise décision de toucher aux recharges téléphoniques et au mobile banking, qui est « l’argent des pauvres ». « Cette mesure affecte directement le panier de la ménagère. Il aurait d’abord fallu qu’au plus haut sommet on donne l’exemple. Il y a des poches qu’on aurait pu serrer avant de s’attaquer au panier de la ménagère », dénonce le modérateur du « Forum du Kénédougou ».

Pour sa part, Sory Ibrahima Traoré, Président du Front pour l’Émergence et le renouveau du Mali (FER – Mali), affirme adhérer « pleinement » aux nouvelles taxes envisagées, « qui visent à compenser le vide créé par la crise profonde avec nos partenaires ». « À mon avis, le gouvernement a déjà perdu trop de temps avant de mettre en place les conditions nécessaires pour augmenter la contribution de chaque Malienne et chaque Malien », avance-t-il, soutenant qu’il est impératif que ces mesures soient accompagnées d’une réduction drastique du train de vie de l’État.

Cheick Oumar Diallo, Président du Mouvement Nouvel Horizon – Faso Jo Sira, partage le même avis. Pour lui, l’imposition de ces nouvelles taxes est une décision difficile, mais un choix courageux qui pourrait réduire le déficit public. « Cette mesure fiscale ne devrait pas être perçue uniquement comme une contrainte, mais comme une contribution au développement national », affirme-t-il.

Faire face à la crise énergétique

Face aux différentes réactions suscitées par l’adoption du projet de texte instituant de nouvelles taxes sur les services téléphoniques, le Premier ministre et le ministre de l’Économie et des Finances ont tenu un point de presse, le 10 février 2025, à la Primature pour fournir des explications.

Selon eux, avant de prendre la décision d’instituer ces nouvelles taxes, le gouvernement a consulté la société civile et au moins sept associations de consommateurs, qui ont donné leur aval. Ces nouvelles taxes sur les recharges téléphoniques et les transactions via mobile money devraient générer environ 140 milliards de francs CFA par an pour l’État, qui les investira dans le secteur énergétique, confronté à une crise sans précédent depuis deux ans.

« Le but du Fonds de soutien aux projets d’infrastructures de base et de développement social est de faire en sorte que des projets urgents puissent être traités avec célérité. Nous savons qu’aujourd’hui, si l’on doit parler d’urgence, c’est surtout la crise énergétique. Avec ces taxes, nous pouvons trouver une solution sans augmenter le prix du courant pour les Maliens », a souligné le Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga.

En outre, l’État a également besoin de recettes supplémentaires pour gérer ses différentes dépenses, a expliqué le ministre de l’Économie et des Finances, Alousseini Sanou. « En 2020, le total de la masse salariale au Mali était de 690 milliards de francs CFA. Aujourd’hui, nous sommes à 1 100 milliards de masse salariale, compte tenu des recrutements dans le cadre de la lutte contre l’insécurité et des augmentations de salaires pour apaiser le climat social », a-t-il confié.

Vers une hausse des tarifs de communication ?

En plus des nouvelles taxes qui touchent directement les consommateurs, le Conseil des ministres a également adopté un projet d’ordonnance modifiant le Code général des Impôts et portant à 7% le taux de la Taxe sur l’Accès au Réseau des Télécommunications ouvert au public (TARTOP), payée par les opérateurs de téléphonie mobile.

Selon le gouvernement, l’essor prodigieux du secteur des télécommunications au cours des 20 dernières années, grâce à l’utilisation généralisée des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, devrait entraîner une hausse substantielle des contributions fiscales des opérateurs de téléphonie mobile.

« Nous avons estimé qu’en augmentant le taux de TARTOP de 2% nous n’allons nullement impacter l’équilibre financier de ces entreprises, qui ont eu suffisamment de temps pour s’ajuster », justifie le ministre de l’Économie et des Finances.

À l’en croire, avant de prendre cette décision, le gouvernement a échangé avec les opérateurs de téléphonie mobile, qui ont compris le bien-fondé de la mesure gouvernementale et n’y ont pas trouvé d’inconvénients.

Cependant, cette augmentation de la TARTOP n’aura-t-elle pas des répercussions sur le coût des services des opérateurs de téléphonie mobile ? Nos tentatives auprès des deux principaux opérateurs du pays pour répondre à cette interrogation n’ont pas abouti. D’ailleurs, ils n’ont pas réagi officiellement depuis l’annonce des mesures du gouvernement.

Selon l’avis d’un spécialiste en télécommunication ayant requis l’anonymat, cette augmentation de la TARTOP aura, d’une manière ou d’une autre, une incidence sur les tarifs de communication. « Les 2% de plus que ces opérateurs de téléphonie mobile vont payer à l’État, ils vont le récupérer auprès des consommateurs. Officiellement, il n’y aura pas d’augmentation des tarifs, mais la durée des crédits de communication ou des données mobiles, par exemple, pourrait être impactée », glisse notre interlocuteur.

200 milliards de recettes annuelles

Le gouvernement a également adopté un projet d’ordonnance portant institution de la Contribution spéciale de solidarité (CSS) et d’une taxe spéciale sur la consommation de certains biens et services. Selon les explications du ministre de l’Économie et des Finances, cette taxe est inspirée de la CGS (Contribution générale de solidarité) mise en place pour la première fois en 2018 et constituée de 0,5% du chiffre d’affaires de toutes les entreprises installées au Mali. Quant à la taxe spéciale sur la consommation de certains biens et services, elle concerne uniquement les boissons alcoolisées, qu’elles soient produites localement ou importées.

L’ensemble des recettes annuelles attendues à partir de ces différentes taxes (sans la CSS payée par les entreprises) est estimé à environ 214 milliards de francs CFA, selon le Premier ministre : 140 milliards pour les taxes sur les recharges téléphoniques et les transferts via mobile money, 62 milliards pour la taxe sur les boissons alcoolisées et 12 milliards pour la hausse de la TARTOP.

Mohamed Kenouvi

Travailleurs temporaires d’Orange Mali : L’audience reportée au 2 décembre

Plus d’une centaine de travailleurs temporaires réclament à Orange Mali, l’opérateur de téléphonie mobile, une régularisation de leur situation. Regroupés au sein du Comité syndical des Travailleurs temporaires d’Orange Mali (CSTTOM), ils ont assigné la société en justice. L’audience, prévue pour le 28 octobre 2024, a été reportée au 2 décembre 2024. En attendant les 151 travailleurs espèrent être régularisés, à défaut recevoir des réparations.

Hamet Doucouré est travailleur temporaire à Orange Mali depuis 6 ans. Il est lié à la société par un contrat signé via un cabinet de placement. Comme lui, plusieurs autres personnes sont dans la même situation, certaines depuis plus d’une dizaine d’années. Mis à la disposition d’Orange grâce à des contrats signés avec des cabinets de placement, ces travailleurs temporaires ont sollicité à plusieurs reprises la régularisation de leurs contrats. « Après plusieurs tentatives de dialogue restées vaines, nous avons décidé de saisir l’Inspection du Travail », explique M. Doucouré. Malgré cette saisine de l’Inspection nationale du Travail, la société n’a pas réagi, poursuit-il. À la suite de l’Inspection, la Direction nationale du Travail a émis une note technique le 24 janvier 2024. Dans celle-ci, elle relève que plusieurs indices indiquent qu’il s’agit d’un contrat de travail plutôt que d’un contrat de prestation de services.

Réparation ?

C’est depuis 2014 que ces travailleurs demandent une régularisation, expliquent-ils.  Les tentatives de dialogue n’ayant pas abouti, c’est en 2023 que ces derniers se sont constitués en syndicat. Ces employés sont constitués de deux groupes dont le premier, constitué de plus de 800 personnes, a été licencié sans préavis en 2023.  Ces dernières, selon les représentants des travailleurs, ont refusé le changement de contrat proposé par la direction alors même que leurs anciens contrats étaient en cours. Avec ceux restés en activité, environ une soixantaine, ils ont donc fini par porter l’affaire au niveau de la justice. Le 31 octobre, quelques jours après l’audience, ces derniers indiquent avoir reçu un mail  leur demandant de restituer les machines avec lesquels ils travaillaient et les informant d(être interdits d’accès aux bâtiments, sans notification. Une situation d’incertitude qui inquiète et plonge dans le désarroi ces travailleurs, qui déclarent avoir travaillé pour certains pendant 17 ans, sans « couverture sociale ». À défaut d’une régularisation, ces travailleurs, qui souhaitent « interpeller » sur leur situation, demandent une réparation pour « des soutiens de famille ».

Fatoumata Maguiraga

Orange Mali lance les « Rendez-vous Orange »

L’hôtel Radisson Collection de Bamako a servi de cadre vendredi 17 mai 2024 au lancement des « Rendez-vous Orange » autour d’un petit déjeuner avec les représentants des médias. L’opérateur de téléphonie mobile a profité pour mettre en lumières ses différentes initiatives innovantes dans la promotion du développement durable, à l’occasion de la commémoration de la journée mondiale des télécommunications et de la société de l’information.

Les « Rendez-vous Orange » sont des rencontres trimestrielles entre Orange Mali et l’ensemble des acteurs du monde la presse au Mali notamment les grands regroupements, associations et faitières de presse, l’ensemble de la presse écrite et la presse en ligne, les radios, les télévisions, et les blogueurs et influenceurs. « Ces rencontres auront lieu tous les 3 mois avec le monde des médias pour présenter de manière originale, les actions d’Orange Mali réalisées au cours du trimestre mais également, pour faire un focus sur nos axes stratégiques tels qu’entre autres l’innovation, la dimension citoyenne et responsable, l’engagement pour un Mali numérique, le service client », a expliqué Fatoumata Sangaré Doucouré, Cheffe de division communication institutionnelle et sponsoring d’Orange-Mali. Cette édition inaugurale des « Rendez-vous Orange » a coïncidé avec la célébration de la journée mondiale des télécommunications et de la société de l’information, célébrée chaque année le 17 mai, dont le thème cette année était « l’innovation numérique au service du développement durable ». Orange Mali a donc saisi l’occasion pour présenter certains de ses projets innovants et impactant mis en œuvre par ses différentes Directions. Il s’agit de la de la solarisation des sites ruraux (100% dans le grand Nord du Mali) et le taux d’énergie renouvelable, du projet de fermes solaires et Orange Energies à travers la Direction de la Stratégie et des grands projets, des services dédiés au monde rural ( M-Agri et Kounafoni), la sensibilisation aux méfaits de l’internet dans les écoles à travers la Division, RSE, le déploiement des écoles numériques dans les différentes localités du pays à travers la Fondation Orange. De 2018 à 2023, 105 écoles numériques ont été déployées à travers le Mali, avec près de 60.000 élèves et enseignants bénéficiaires, représentant un investissement de plus de 235 millions FCFA. Orange Digital Center, un centre qui réunit dans un même espace plusieurs programmes stratégiques ( Orange Digital Kalanso, Orange Fab, Fab Lab Solidaire, ODC Multimédia et Orange Ventures Africa) ayant pour but la favorisation de l’inclusion numérique et booster l’employabilité des jeunes du Mali, a été également présenté aux hommes de média. Plusieurs entrepreneurs ayant participé au projet OSE (Orange soutient l’entreprenariat) ont été également récompensés par la remise de trophées lors de ce premier « Rendez-vous Orange ». Il s’agit entre autres de « Santé Mobile », une start up spécialisé dans la fourniture de soins et d’infirmiers à domicile, de « Succes Way Mali », une entreprise de placement d’étudiants maliens dans les universités à l’étranger, de l’entreprise « Diarra Agriculture », d’ « Akalan », une plateforme de E-learning et de la pharmacie « M’pewo ». Le projet « OSE » initié depuis 3 ans met en exergue l’entreprenariat malien et célèbre la semaine mondiale de l’Entreprenariat.

Cherté d’Internet : les opérateurs télécoms dans le viseur

Décidément, 2023 ne sera pas de tout repos pour les entreprises de téléphonie au Mali. Alors que Moov Africa Malitel et Orange Mali ont été condamnées en mars dernier par la Cour suprême à payer une amende de 176 milliards de francs CFA pour avoir « facturé des appels sur répondeur », elles font de nouveau face à une grogne sociale qui réclame la baisse du prix des forfaits Internet.

« L’histoire ne se répète pas, mais parfois elle rime », a écrit l’essayiste américain Mark Twain. Après que la Cour Suprême ait confirmé le verdict dans l’affaire opposant le Réseau malien des consommateurs de téléphonie mobile (REMACOTEM) aux opérateurs de télécoms Orange et Moov Africa Malitel, ceux-ci font face à un nouveau front. Sur les réseaux sociaux, des milliers de Maliens se mobilisent pour une baisse du coût d’Internet dans le pays.

Comme pour l’affaire de la facturation des appels sur répondeur, la bataille est menée par un collectif de citoyens dénommé Boycott Orange-Mali Moov Africa Malitel. Mis en place mi-avril 2023, le mouvement rassemble des journalistes, activistes et leaders d’opinions. « Nous avons remarqué que les tarifs de connexion Internet – et même des appels téléphoniques – sont considérablement plus élevés au Mali que dans certains pays de la sous-région. C’est suite à ce constat que nous avons jugé nécessaire de lancer ce mouvement afin de réclamer une baisse des prix », explique le journaliste réalisateur Boubacar Labass Koné, membre du mouvement.

Une étude comparative réalisée par l’Alliance pour un Internet abordable publiée le 3 mars dernier révèle que le prix médian d’un gigaoctet de données mobiles dans les pays d’Afrique subsaharienne a atteint 4,47 dollars en 2022 contre 4,09 dollars en Amérique du Sud, 2,72 dollars en Europe de l’Ouest et 1,47 dollars en Asie,

Ce qui fait, en croire le rapport, que le prix médian d’un gigaoctet (Go) de données mobiles en Afrique subsaharienne est le plus cher au monde et s’élève à 3,3% du revenu mensuel par habitant. Nettement au-dessus du seuil maximal de 2% du revenu mensuel fixé par les Nations unies dans ce domaine.

« C’est le motif de notre mobilisation, qui est une interpellation de nos autorités mais aussi des compagnies de téléphonie concernant le prix d’Internet au Mali. Nous revendiquons une baisse des prix car ceux qui sont appliqués par les deux compagnies sont trop élevés pour le pouvoir d’achat des Maliens alors qu’Internet est aujourd’hui un outil important pour tous ! », renchérit la web activiste Fatouma Harber, également membre du collectif.

Des raisons objectives

Atlantic Council pointe du doigt quelques facteurs. Il s’agit premièrement du déficit en infrastructures de télécommunications. Selon la Banque mondiale, environ 45% des habitants en Afrique de l’Ouest se trouvent à plus de 10 kilomètres d’une connexion par fibre optique, ce qui représente un taux plus élevé que dans l’ensemble des autres régions du monde.

Le niveau de concurrence sur le marché des télécommunications constituerait aussi un facteur déterminant du coût des données mobiles. Une récente étude comparative de l’Alliance pour un Internet abordable certifie que « la différence de prix entre les marchés où un opérateur est en situation de monopole et les marchés comptant deux opérateurs peut atteindre 7,33 dollars par gigaoctet de données mobiles ».

Ce qui expliquerait par exemple qu’au Mali le prix d’un gigaoctet soit plus cher (1 000 francs CFA) qu’au Cambodge. Cet État d’Asie du Sud a réussi à faire passer le prix médian d’un gigaoctet de données mobiles de 4,56 dollars en 2013 à 0,13 dollar en 2019 (moins de 100 francs CFA), en ouvrant son marché à la concurrence et en investissant massivement dans les infrastructures. Au Mali également, l’arrivée de l’opérateur Telecel en 2018 a permis de réduire de plus de 50% le prix des forfaits Internet. « Les tarifs des forfaits Internet ont connu une baisse considérable depuis l’avènement de l’Internet mobile au Mali. Par exemple, le tarif de 1 Go est passé de 10 000 francs CFA à 1 000 francs, soit le dixième, en moins de 10 ans », atteste un spécialiste du domaine.

Un autre facteur qui explique la cherté d’Internet au Mali par rapport à la Côte d’Ivoire ou au Togo s’explique aussi par le fait que ces pays ont une connexion directe à l’Océan. « Par rapport à la configuration des câbles, c’est un avantage », atteste un expert de l’ONG Internet sans frontières. Alors qu’à Abidjan et à Lomé la data mobile coûte respectivement 1,05 et 2,2 francs CFA, à Bamako elle est vendus 3,3 francs. Mais le Sénégal, qui a aussi un débouché sur la mer, vend la data mobile au même prix que le Mali. De même, en Guinée équatoriale, il faut débourser 35 dollars (plus de 20 000 francs CFA) pour obtenir un giga de données mobiles, soit le tarif le plus cher au monde, selon les chiffres de l’Alliance pour un Internet abordable. Pourtant, le pays est relié à trois câbles sous-marins de fibre optique.

« Un facteur spécifique au Mali est la densité de population faible et son éparpillement sur le territoire, qui rendent les investissements très lourds pour le secteur des télécommunications. Pour le comprendre, il suffit de faire une analogie avec les routes ou le réseau électrique. Le kilométrage des liaisons de transmission interurbaines déployées au Mali permettrait de largement couvrir des pays comme le Sénégal, la Côte d’ivoire ou le Burkina Faso ayant la même population. Ce qui revient à dire que l’investissement par client est beaucoup plus élevé au Mali que dans ces pays pour les secteurs de télécommunications comme des routes et de l’électricité », explique le spécialiste des TIC.

En outre, au Mali, comme dans les autres pays de l’Afrique de l’Ouest, les opérateurs de télécommunications sont aussi obligés de maintenir en fonctionnement les réseaux de la deuxième génération mobile, le GSM. « En effet, en raison du fait que le parc de téléphones de deuxième génération est encore important, les réseaux GSM doivent continuer à fonctionner. Ils nécessitent des coûts opérationnels importants puisqu’ils sont vieillissants. En Europe, les opérateurs de télécommunications ont déjà arrêté leurs réseaux GSM », poursuit l’expert.

Faire baisser les prix

Face à ce que le collectif Boycott Orange Mali Moov Africa Mali appelle « une arnaque des opérateurs de téléphonie mobile », un slogan a été lancé sur les réseaux sociaux : « Dokeraten », un terme bambara signifiant approximativement « ça suffit ». « La mobilisation marche bien. Nous avons lancé deux grandes phases qui ont été bien menées, même si nous regrettons le silence des artistes et autres politiciens maliens sur la question. Un engagement de leur part pourrait nous permettre d’avoir gain de cause. Nous avons toutefois réussi à faire entendre nos revendications à travers une campagne numérique qui est un succès. Nous allons bientôt passer à la suite de notre stratégie avec des actions sur le terrain », avise Fatouma Harber.

Comme mesure déjà en vigueur, le mouvement appelle ses militants (estimés à plus de 1 000) à réduire leur temps de connexion. « Plus de six heures au moins durant le week-end », explique Boubacar Labass Koné. Outre la campagne numérique, le groupe compte également se faire entendre sur la sphère publique par, entre autres, l’organisation d’une conférence de presse à Bamako, des meetings devant les sièges des entreprises de télécoms et une journée entière de boycott des services téléphoniques.

Une autre mesure serait que l’État du Mali assouplisse les taxes sur les produits et les services des TIC, tels que les téléphones portables et la commercialisation des données mobiles, selon des spécialistes. Les opérateurs de télécommunications sont très souvent soumis à des taxes supplémentaires, en plus des impôts et taxes de droit commun payés par les autres entreprises. Au Mali, par exemple, ils sont soumis à la TARTOP (Taxe sur l’accès au réseau des télécommunications ouvertes au public) qui équivaut à 5% du chiffre d’affaires réalisé. Un début de solution à venir, peut-être ? « Une étude relative au prix d’Internet nous a été demandée par le gouvernement », informe un cadre de l’Autorité malienne de régulation des Télécommunications et Postes (AMRTP).