L’Afrique à la COP29 : Espoirs douchés et financements obtenus insuffisants

La COP29, tenue récemment à Bakou, en Azerbaïdjan, a laissé un sentiment amer parmi les pays en développement, notamment en Afrique. Malgré des enjeux vitaux liés au dérèglement climatique, les promesses financières des pays pollueurs, en particulier occidentaux, n’ont pas été à la hauteur des attentes. Le sommet a dévoilé un écart conséquent entre les engagements pris et les besoins réels pour lutter contre le changement climatique.

Les pays en développement ont souligné la nécessité de mobiliser 1 300 milliards de dollars par an pour soutenir leurs efforts climatiques. Ces fonds, indispensables pour des mesures d’adaptation et de transition énergétique, devaient provenir de financements publics. Cependant, les négociations ont stagné. Les nations africaines, déjà confrontées à une dette critique, ont exprimé leur refus des prêts, les jugeant non adaptés à la situation et appauvrissants.

La promesse historique de 100 milliards de dollars par an, initialement prévue pour 2020, a été critiquée pour son retard et ses montants souvent « gonflés » par des contributions incluant des prêts. Cette situation a érodé la confiance des pays les moins avancés envers les engagements des nations riches.

Un nouvel accord a été établi pour mobiliser 300 milliards de dollars par an d’ici 2035, mais ce chiffre reste en deçà des attentes. Bien que les discussions aient prévu une révision de cet accord dans cinq ans, beaucoup de pays du Sud considèrent cela comme insuffisant face à l’urgence climatique et aux responsabilités historiques des pollueurs.

De plus, le retrait des clauses visant à abandonner les énergies fossiles, pourtant acquises lors de la COP28, a également suscité des critiques vives. Les pays du Golfe, grands exportateurs de pétrole, ont influencé cette décision, ce qui a été dénoncé par les délégations africaines, qui craignent que cela n’entrave les investissements dans les énergies renouvelables sur le continent.

Malgré ces échecs, la COP29 a établi un mécanisme pour instaurer un plancher de financement climatique, avec l’espoir qu’il augmente dans les années à venir. Cependant, les résultats sont jugés décevants par les pays africains, qui subissent les conséquences des émissions de gaz à effet de serre des pays riches. La prochaine décennie sera décisive pour limiter le réchauffement et la communauté internationale est appelée à faire preuve de solidarité et d’ambition face à cette crise mondiale.

MD

 

COP29 : le Mali en quête de financement vert

La capitale de l’Azerbaïdjan, Bakou, abrite depuis ce mardi 12 novembre et ce jusqu’au 22 novembre prochain, les travaux de la 29e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP29). Un événement qui est placé sous le thème ambitieux : « Debout ensemble, solidaires pour un monde vert ».

Ce rendez-vous international de premier plan rassemble des pays du monde entier pour discuter des stratégies globales face aux défis climatiques des dix prochaines années. Pour la circonstance, le Mali est représenté par une forte délégation conduite par M. Mamadou Samaké, ministre de l’Environnement et du Développement durable. Cette délégation comprend également des membres de haut niveau, parmi lesquels des ministres, des représentants du Conseil National de Transition (CNT), ainsi que des représentants du Conseil économique et social et des organes de la société civile, y compris des ONG maliennes.

Le Mali est arrivé à la COP29 avec une vision claire et treize projets concrets, soigneusement préparés et soumis à des investisseurs internationaux. Ces projets visent à renforcer la résilience du pays face aux effets néfastes du changement climatique tout en promouvant des solutions durables pour l’environnement.

Lors de cette COP, un engagement financier important a été pris, s’élevant entre 500 et 1 000 milliards de dollars pour soutenir les pays en développement, particulièrement affectés par les conséquences de l’industrialisation des grandes puissances.

La délégation malienne va participer activement aux discussions et aux ateliers thématiques pour faire entendre la voix du Mali dans le dialogue mondial. Elle mettra également en avant l’urgence de soutenir les pays en développement, rappelant que les initiatives de lutte contre le changement climatique nécessitent non seulement des ressources financières, mais aussi un engagement plus fort.

Rendre les financements climatiques abordables

 Les marchés émergents et les économies en voie de développement (EMDE) auront besoin d’un investissement climatique estimé à 2 400 milliards $ par an pour atteindre leurs objectifs en matière de climat, dont 1 000 milliards $ devront provenir de sources extérieures, d’après le Groupe d’experts indépendant de haut niveau sur les financements climatiques. L’accomplissement des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies nécessitera encore davantage de financements, à savoir une augmentation de 3 500 milliards $ de nouveaux investissements chaque année d’ici 2030. Ces chiffres sont vertigineux, mais ils ne sont pas négociables.

En temps normal, il serait déjà difficile de lever plusieurs milliers de milliards de dollars de nouveaux financements extérieurs. Ça l’est encore plus dans l’actuel contexte mondial de crise croissante de la dette. Comme l’a observé le Global Development Policy Center de l’Université de Boston après avoir examiné les données récemment disponibles concernant 108 EMDE, plus de la moitié d’entre eux – 62 pays – courent d’ores et déjà un risque élevé de surendettement. Par ailleurs, 33 autres EMDE sont sévèrement contraints dans leur capacité d’accès aux marchés de capitaux, principalement en raison de la mauvaise conjoncture économique qui a suivi la pandémie de COVID-19, des hausses de taux d’intérêt dans les économies développées, ainsi que de notes de crédit inférieures à la catégorie investissement.

Les EMDE sont en grande majorité confrontés au surendettement ou à des coûts d’emprunt prohibitifs. Or, ce sont précisément ces pays qui ont le plus besoin de financements pour atteindre leurs objectifs climatiques et de développement. Sur les 95 pays concernés, 83 présentent des besoins d’investissement dans l’atténuation du changement climatique (réduction des émissions) ou dans l’adaptation (renforcement de la résilience face aux événements météorologiques extrêmes) supérieurs à ceux d’un pays aux besoins médians. Par ailleurs, 73 d’entre eux ont davantage la possibilité d’étendre leurs zones nationales protégées, que ce soit sur terre ou en mer, par rapport à la moyenne des pays.

Problème majeur, les investissements consacrés par exemple à la préservation de la nature ne stimulent pas nécessairement la croissance économique à court terme. Ils contribuent davantage à une résilience à long terme – notamment à une meilleure capacité de résistance aux événements météorologiques extrêmes tels que les ouragans et les sécheresses – réduisant ainsi la probabilité de futures crises, y compris de futures crises de la dette : la vulnérabilité climatique et la dégradation de la nature peuvent compromettre la viabilité de la dette, de même que le changement climatique accentue le risque souverain et le coût du capital.

Pour rompre le cycle des crises environnementales et économiques, et passer à un nouveau cycle de croissance durable, les pays doivent investir dès maintenant. C’est pourquoi toute stratégie de lutte contre le changement climatique et d’accomplissement des ODD doit inclure des mesures consistant à abaisser les barrières aux nouveaux financements, notamment un allègement ciblé de la dette, ainsi que des mécanismes de financement plus créatifs.

Un allègement de la dette est inévitable. Une ambitieuse initiative de réduction de la dette, à l’image de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés, que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont mise en place en 1996, doit être menée pour concéder un allègement significatif à plusieurs dizaines de pays risquant une crise de la dette souveraine à part entière.

Pour que cela puisse fonctionner, il est nécessaire que tous les créanciers participent activement à la démarche. Pour comprendre cette nécessité, songez qu’au moins la moitié de l’encours total de la dette souveraine extérieure de 27 pays en situation de surendettement – dont beaucoup sont des pays à faible revenu ou de petits États insulaires en voie de développement – est due à des créanciers multilatéraux. Cela signifie que même si l’ensemble de la dette bilatérale et privée était annulée, certains des pays les plus vulnérables du monde resteraient accablés par la dette.

Les créanciers majeurs doivent également prendre des mesures pour réduire le coût du capital pour certains types d’investissements, notamment pour ceux qui contribuent à l’accomplissement des objectifs climatiques. À cet égard, de nombreuses propositions ont déjà été formulées. À titre d’exemple, des obligations pour un avenir durable pourraient permettre des délais de remboursement plus longs et des taux d’intérêt plus bas, ce qui les rendrait plus adaptées aux investissements produisant des rendements à plus long terme.

Les banques multilatérales de développement (BMD) ont également un rôle important à jouer pour faciliter l’accès des EMDE aux capitaux. Elles peuvent par exemple rehausser le seuil d’accès aux prêts concessionnels, effectuer des augmentations de capital en soutien de prêts plus élevés, et travailler avec les États et le secteur privé pour une réduction et un partage des risques.

Rendre abordables les financements destinés à l’action climatique et à la préservation de la nature constitue l’un des défis les plus urgents auxquels notre monde est confronté. La solution est claire : il s’agit de combiner allègement ciblé de la dette, améliorations du crédit, et réforme des BMD. La volonté manque toutefois jusqu’à présent dans la mise en œuvre de cette solution. Si cela ne change pas au plus vite, nous constaterons de nos propres yeux combien les coûts de l’inaction dépassent ceux de la prévention.

 

Rebecca Ray est chercheuse universitaire principale au Global Development Policy Center de l’Université de Boston. Ulrich Volz, professeur d’économie et directeur du Centre pour la finance durable à la SOAS de l’Université de Londres, est coprésident du projet Debt Relief for Green and Inclusive Recovery.

 

Project Syndicate, 2024.
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Pour des financements climatiques adaptés aux économies en voie de développement

En 2011, l’accord de partenariat de Busan préconisait une plus grande appropriation nationale de l’agenda du développement, dans le cadre d’une initiative internationale en direction de politiques de développement plus efficaces. Cet accord marquait ainsi la reconnaissance positive du fait que les pays à faible revenu sont plus susceptibles d’améliorer l’allocation des ressources, et de parvenir à une croissance durable, lorsqu’ils définissent eux-mêmes leurs priorités de développement.

Plus de dix ans plus tard, l’approche dominante en matière de développement, une approche uniforme et imposée d’en haut, demeure obstinément en place. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les financements climatiques, très largement destinés à des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), y compris dans les pays qui ont le moins contribué à la crise climatique. À titre d’illustration, 58 % des 83,3 milliards $ de financements climatiques accordés par les pays du Nord aux pays en voie de développement en 2020 ont concerné des initiatives d’atténuation de ce type.

Le défi le plus urgent pour les pays à faible revenu consiste à renforcer la capacité de l’État et de la société à résister ainsi qu’à s’adapter aux effets dommageables du réchauffement climatique. Or, seulement 34 % des flux de financement climatique en direction des pays à faible revenu, soit un total de 28,6 milliards $, ont été alloués à des mesures d’adaptation en 2020. Ce pourcentage est tombé à environ 27 % en 2021 et 2022 (respectivement 24,6 milliards $ et 32,4 milliards $). Ces montants demeurent très éloignés des 160 à 340 milliards $ estimés nécessaires chaque année pour l’adaptation au changement climatique dans les pays en voie de développement.

Par ailleurs, près de trois quarts du total des financements climatiques fournis aux pays en voie de développement entre 2016 et 2022 ont été octroyés sous forme de prêts, ce qui risque d’aggraver l’instabilité macroéconomique et les vulnérabilités liées à la dette. Près de 60 % de ces pays sont déjà confrontés ou exposés à un risque élevé de surendettement, en raison du « péché originel » de l’emprunt étranger, lequel s’accompagne de taux d’intérêt écrasants qui alourdissent considérablement l’incidence budgétaire de la dette extérieure.

Si les investisseurs mondiaux sont attirés par les projets d’atténuation du changement climatique, c’est parce que ces projets génèrent des rendements plus immédiats, par opposition aux retombées à plus long terme des investissements dans l’adaptation. Or, cette approche déséquilibrée échoue à tenir compte de la nature du changement climatique : alors que les pays du Nord sont historiquement responsables d’une majeure partie des émissions de GES, c’est le Sud global (où les températures annuelles moyennes dépassent régulièrement le seuil de 24°C) qui en subit les pires effets, lui qui est également particulièrement vulnérable face aux futures augmentations de température qu’annoncent les prévisions.

Il est difficile d’imaginer comment les effets du changement climatique pourraient être plus graves encore pour les pays à faible revenu. En 2022, des inondations ont submergé un tiers du territoire du Pakistan, faisant 15 000 morts, plongeant dans la pauvreté plus de neuf millions de personnes, et provoquant des pertes économiques équivalant à 2,2 % du PIB. De même, en 2023, l’Afrique de l’Est (qui n’a contribué qu’à hauteur de 0,1 % aux émissions mondiales de GES) a connu des sécheresses extrêmes qui ont décimé pour environ 7,4 milliards $ de bétail, entraîné une terrible crise de la faim, et aggravé la pauvreté. Le refus des pays du Nord d’assumer leur responsabilité dans l’augmentation des températures, ainsi que de tenir compte des besoins spécifiques des pays vulnérables, risque d’amplifier les coûts économiques et sociaux déjà élevés de l’urgence climatique dans ces pays.

Aspect essentiel, les progrès dans l’adaptation ne dépendent pas entièrement de la réussite des mesures d’adaptation, en ce sens que la relation n’est pas unidirectionnelle. Certaines initiatives d’adaptation, telles que l’amélioration de l’isolation des bâtiments et les mesures de conservation de l’énergie, qui réduisent le recours aux centrales à charbon, peuvent dynamiser les efforts d’atténuation. Si nous n’adaptons pas nos comportements et nos systèmes pour modérer les effets dévastateurs des émissions de GES, les coûts sociaux et économiques du changement climatique continueront d’augmenter, et frapperont particulièrement les pays les plus vulnérables.

Plus largement, la construction d’infrastructures durables et résilientes permettrait de réduire la vulnérabilité des pays face aux chocs climatiques et autres risques associés. Non seulement ces infrastructures limiteraient l’impact budgétaire direct de tels chocs, ainsi que les passifs éventuels menaçant la stabilité macroéconomique et la viabilité de la dette, mais elles pourraient également permettre aux pays énergétiquement pauvres d’accomplir un bond vers une nouvelle ère d’énergie propre, accélérant ainsi la transition vers le zéro émission nette.

L’amélioration de la coordination entre les efforts d’adaptation et les efforts d’atténuation pourrait rendre les projets plus rentables et plus attrayants pour les investisseurs, catalysant ainsi davantage de financements d’adaptation au climat en direction des pays du Sud. Dans le même temps, la mobilisation de davantage de capitaux privés pour l’adaptation nécessite une augmentation du nombre de projets d’infrastructures résilientes prêts à recevoir des investissements, à un rythme durable et avec un partage approprié des risques entre les parties prenantes.

Selon une récente analyse de J.P. Morgan concernant les projets en phase de démarrage dans les économies émergentes et en voie de développement, on peut estimer dans ce pipeline à 1 200 milliards $ le montant des projets d’infrastructures durables à potentiel d’investissement, ce qui représente environ la moitié de l’investissement annuel dont ces économies ont besoin pour de telles infrastructures. Seulement voilà, nombre de ces projets n’en sont qu’aux toutes premières étapes de développement, et leur chantier ne sera pas prêt à être lancé avant plusieurs années. Il est ainsi clairement nécessaire que le côté demande de l’équation des financements pour l’adaptation soit renforcé de manière à diriger davantage de financements vers les pays à faible revenu, et que soit rééquilibrée l’allocation des financements climatiques par la communauté internationale, qui demeure trop axée sur l’atténuation.

Renforcer les financements pour l’adaptation du Sud global, c’est non seulement faire le bon choix pour la planète, mais également faire un choix intelligent sur le plan économique. Les premières estimations indiquent que chaque dollar investi dans l’adaptation pourrait générer jusqu’à 10 $ de gains économiques nets. Par ailleurs, reporter ou sous-estimer les investissements dans l’adaptation, ce serait prendre le risque de voir augmenter les coûts mondiaux, et compromettre les efforts internationaux visant à atteindre zéro émission nette d’ici 2050 ainsi qu’à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, objectif fixé dans l’accord de Paris sur le climat.

Le monde ne pourra pas remporter la lutte contre le changement climatique s’il néglige un front essentiel – celui de l’adaptation – sur lequel il risque des pertes considérables, notamment en termes de vies humaines. Pour éviter de se concentrer exclusivement sur l’atténuation, les pays riches doivent promouvoir un partenariat de développement plus inclusif, qui réduise le déficit de financement de l’adaptation dans les pays les plus vulnérables face au climat.

 

Hippolyte Fofack, ancien économiste en chef de la Banque africaine d’import-export, est membre du Réseau des solutions pour le développement durable à l’Université de Columbia, associé de recherche au Centre d’études africaines de l’Université d’Harvard, et membre de l’Académie africaine des sciences.

 

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