Le 7e art en deuil : Souleymane Cissé tire sa révérence   

Le pays pleure aujourd’hui l’un de ses plus grands artistes. Souleymane Cissé, le cinéaste qui a porté haut les couleurs du pays sur la scène internationale, nous a quittés. Son départ laisse un vide immense dans le monde du cinéma et dans le cœur de tous ceux qui ont admiré son engagement et son talent.

Né en 1940 à Bamako, Souleymane Cissé a été un pionnier du cinéma africain. Son amour pour le septième art le pousse à se former en URSS avant de revenir au Mali pour raconter les réalités de son peuple à travers la caméra. Il voulait que les histoires africaines soient racontées par des Africains, avec leur regard et leur vérité.
Dès ses premiers films, il s’attaque aux tabous et aux injustices de la société. Son film Den Muso (La Jeune Fille), sorti en 1975, aborde la question des filles-mères. Il continue à filmer et signe, en 1978, Baara, un film sur le monde ouvrier qui remporte l’Étalon d’or du Yennenga au FESPACO, la plus haute distinction du cinéma africain. Il récidive en 1982 avec Finyè, qui décroche le même prix.
Son chef-d’œuvre, Yeelen (La Lumière), sorti en 1987, va propulser le cinéma malien sur la scène mondiale. Ce film inspiré des traditions bambara reçoit le Prix du Jury au Festival de Cannes, une première pour un réalisateur d’Afrique noire. Le Mali, à travers son art, brille aux yeux du monde.
Malgré cette reconnaissance, il reste un homme simple, engagé et fidèle à ses racines. Il fonde l’Union des Créateurs et Entrepreneurs du Cinéma et de l’Audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest pour aider les jeunes talents africains.
Une reconnaissance tardive et une injustice subie
En 2023, Cannes lui rend enfin un hommage mérité en lui décernant le Carrosse d’or, un prix qui récompense une carrière exceptionnelle. Un an plus tard, alors que ce trophée symbolique est conservé chez lui à Bamako, il est volé. Un épisode douloureux qui l’attriste profondément. Heureusement, grâce à la mobilisation des autorités, le prix est retrouvé et restitué.
Un dernier rendez-vous manqué avec le FESPACO
Pour honorer son immense carrière, le comité du FESPACO 2025 l’avait désigné Président du jury du long métrage. Il devait être à la tête de cette grande fête du cinéma africain, lui qui en avait été l’un des plus grands lauréats.
Ce mercredi matin, il s’adressait encore à la presse à Bamako, exprimant sa fierté et sa reconnaissance pour cette nomination. Quelques heures plus tard, la nouvelle de son décès tombait comme un choc.
Aujourd’hui, le Mali perd un grand homme, mais son œuvre reste. Il a montré au monde que le cinéma africain peut être puissant, profond et universel.
Souleymane Cissé n’est plus, mais ses films parleront pour lui, encore et toujours.

2025 Année de la Culture : Des opportunités pour les acteurs

L’année 2025 a été déclarée « Année de la Culture » par le Président de la Transition. Creuset de valeurs et de talents, la culture est reconnue par ses acteurs comme un levier de développement. Cependant, pour faire de cet atout un allié capable de résoudre les maux de notre société, il est nécessaire d’élaborer une stratégie, de mobiliser des moyens et, surtout, de montrer une volonté politique.

L’Année de la Culture représente une opportunité pour tous les artistes qui doivent se sentir concernés, soutient Cheick Tidiane Seck, artiste musicien. La culture, en tant que facteur de vivre ensemble, constitue un pont qui doit nous relier sans pour autant nous fermer aux autres. Les artistes sont donc mis à l’honneur et doivent « transformer l’essai » grâce à des projets innovants, destinés à accroître la visibilité de notre culture et à engager un dialogue avec le reste du monde. D’après lui, il est impératif « d’imprégner les jeunes », car toute connaissance débute par la connaissance de soi. En s’appuyant sur la « profondeur des valeurs », M. Seck estime que « nous devons colorer le modernisme avec nos parfums » pour affirmer notre spécificité. Par exemple, en matière de musique, il est essentiel d’être à la fois créatif et éthique, afin de tirer un bon parti de la modernité. On peut harmoniser son identité avec son époque sans perdre son authenticité.

Libérer l’expression

Pour se développer à travers la culture, il est indispensable d’adopter une véritable stratégie et un programme d’action, estime Souleymane Cissé, cinéaste. Cette stratégie doit être conçue en collaboration avec les acteurs, car « c’est à nous de valoriser notre culture, de l’exprimer ».

Si nous consommons des cultures d’ailleurs, c’est parce que ces pays ont travaillé pour se faire connaître à l’échelle mondiale. Aucun pays ne peut se développer sans sa culture, ajoute M. Cissé.

Il est donc crucial « d’obligatoirement écouter les acteurs de la culture ». Pour le cinéaste, chaque acteur de la culture est d’abord un patriote, une personne qui aime profondément son pays. C’est donc à eux d’établir les fondements de la culture,

En ce qui concerne l’industrie cinématographique, elle ne peut prospérer sans une implication effective des autorités, des ressources adéquates et des soutiens. Cependant, « le cinéma cherche toujours du soutien » souligne M. Cissé.

Avant tout, il est primordial de libérer l’expression culturelle, insiste M. Cissé. Sans cela, aucun développement ou épanouissement n’est possible. Il plaide aussi pour que le CNCM (Centre National de la Cinématographie et du Mali) soit doté des moyens de sa politique. Avant d’inviter les autorités à encourager la création et à soutenir les créateurs.