URD : La course à la candidature du parti relancée ?

Après le 1er Congrès extraordinaire de l’Union pour la République et la démocratie (URD), tenu en janvier 2022, le parti est aujourd’hui tourné vers l’organisation du 5ème Congrès ordinaire, en décembre 2024, qui doit élire un nouveau Bureau exécutif national pour les 5 prochaines années. Reléguée au second plan ces derniers mois, la désignation du candidat du parti pour la prochaine élection présidentielle pourrait par ailleurs refaire surface.

Élu à la tête du parti le 16 janvier 2022, Gouagnon Coulibaly avait pris les rênes d’un bureau initialement élu lors du 4ème Congrès ordinaire du parti, en décembre 2019, et dont le mandat court jusqu’en décembre 2024. À quelques mois de l’expiration du mandat de ce bureau, le successeur de Soumaïla Coulibaly a déjà enclenché le processus d’organisation du 5ème Congrès ordinaire, qui se tiendra en décembre prochain.

« Nous voulons respecter les textes du parti et éviter un vide juridique. Il ne faut pas qu’on tombe dans le piège de certains camarades qui n’attendent que la fin du mandat du bureau actuel pour brandir l’argument de l’illégitimité devant les tribunaux », confie un membre d’une section du parti dans le District de Bamako.

Planning modifié

Le 15 février 2024, Gouagnon Coulibaly a envoyé un courrier aux différents Coordinateurs de régions, Présidents de fédérations et Secrétaires généraux des sections du parti, annonçant la tenue d’un congrès unitaire englobant celui des mouvements des femmes et des jeunes.

Selon le planning initial, le renouvellement des comités, sous la supervision des sous-sections devrait se tenir du 1er mars au 31 mai 2024, celui des sous-sections sous la supervision des sections du 1er juin au 31 août, celui des sections sous la supervision du Bureau exécutif national du 1er au 30 novembre 2024 et enfin la tenue du Congrès unitaire du parti et des mouvements affiliés en décembre 2024.

Mais la suspension des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations par le gouvernement, du 10 avril au 10 juillet 2024, a changé la donne. Lors de sa réunion ordinaire du 1er août dernier, le Bureau exécutif national a maintenu la tenue du 5ème Congrès ordinaire du parti en décembre 2024 mais a décidé de tenir les Congrès des mouvements des jeunes et des femmes au mois de juin 2025 et le renouvellement des fédérations régionales après le Congrès de décembre 2024.

Le calendrier de renouvellement des organes du parti a été redéfini. Celui des comités se poursuivra jusqu’au 15 septembre 2024, celui des sous-sections aura lieu du 15 septembre au 20 octobre 2024, suivi du 20 octobre au 30 novembre 2024 du renouvellement des sections du parti.

L’élection présidentielle en ligne de mire

Si la tenue du 5ème Congrès ordinaire de l’URD en décembre prochain entre dans le cadre du respect des textes du parti, l’épineux problème de la désignation du porte-étendard de l’URD à l’élection présidentielle de fin de transition reste intact au sein de la formation politique.

Le prochain congrès ne va pas trancher la question mais il pourrait relancer les positionnements au sein du parti de certains potentiels candidats à la candidature. Gouagnon Coulibaly devrait être reconduit à son poste mais ne serait pas de facto candidat du parti, contrairement à Soumaila Cissé qui, de son vivant, s’était toujours imposé en candidat naturel. D’ailleurs, l’ancien député de Kati, avant de prendre les rênes de l’URD en janvier 2022, n’était pas dans la course à la candidature du parti, pour laquelle une dizaine de personnalités s’étaient déclarées, notamment l’ancien Premier ministre Boubou Cissé et l’ancien ministre Mahamadou Igor Diarra.

« Avant le Congrès, il y aura une Conférence nationale pour la relecture des textes. L’URD avait été créée uniquement pour amener Soumaïla Cissé au pouvoir. C’est maintenant que nous allons devenir un grand parti et il y a des textes qu’il faut absolument revoir », glisse une source interne au parti. De quoi rebattre les cartes pour des primaires internes inédites à l’URD ?

URD – EDR : forces et faiblesses

L’un veut maintenir l’Union, l’autre, insuffler un nouvel Espoir avec la création d’un nouveau parti politique. Le divorce étant désormais acté entre les partisans de Gouagnon Coulibaly et ceux de Salikou Sanogo, que peuvent représenter les deux tendances ? Focus sur leurs atouts et handicaps.

Ce que l’on annonçait comme « inévitable » s’est produit : l’URD se scinde en deux. Le 20 mai dernier, Salikou Sanogo et ses partisans ont annoncé la création d’un nouvel appareil politique, Espoir pour la Démocratie et la République (EDR). En attendant son lancement officiel, les statuts et le règlement intérieur du parti ont déjà été adoptés. Les logo et nom également. Irréconciliables, les deux tendances doivent désormais faire cavalier seul sur l’échiquier politique. Quels sont les forces et faiblesses de chacune ?

Prenons Gouagnon Coulibaly en premier. L’ancien député de Kati conserve l’URD, vieux parti de 20 ans dont le nom est très connu sur l’ensemble du territoire malien. Une des raisons pour laquelle plusieurs cadres du parti susceptibles d’être candidats aux élections à venir jouent encore la carte de la prudence.

« Tout ceux qui espèrent un poste électif vont vouloir consulter leurs sections avant de faire un choix. En plus, plusieurs d’entre eux ne se sentent pas prêts à quitter le parti après tant d’efforts fournis pour son implantation », explique un membre du Bureau national. Pour l’heure, seuls Sidy Angoiba de la section URD de Douentza et Issa Sissoko de celle de la Commune IV ont officiellement quitté le parti de la Poignée de mains.

Financièrement aussi, le camp Gouagnon pourrait s’en sortir. Plusieurs grands bailleurs de fonds lui sont restés fidèles, notamment Sékou Abdoul Kadri Cissé, oncle maternel de l’ancien Premier ministre Boubou Cissé. Ancien député de Djenné et voix influente à l’URD, selon une source interne, il était du temps de Soumaïla Cissé l’un des principaux bailleurs de la formation politique. Boubou Cissé lui-même, ainsi que l’ancien ministre de l’Économie Mamadou Igor Diarra, sont du côté de Gouagnon Coulibaly et représentent des bailleurs potentiels pour son camp.

Capacités

Autre atout pour la tendance Gouagnon, elle est soutenue par de nombreux cadres du parti qui ont une forte capacité de mobilisation. Au nombre desquels le 5ème Vice-président, Amadou Cissé dit Djadjiri, qui jouit d’une grande popularité, principalement dans la zone de Ténenkou, ou encore Abdrahamane Diarra. Longtemps Président de la Jeunesse de l’URD, ce dernier est en mesure de mobiliser les jeunes militants. Tout comme l’expert en communication Racine Thiam, qui s’est également engagé auprès de l’actuel Président de l’URD.

Le camp Gouagnon a toutefois des faiblesses, dont certaines pourraient sérieusement l’impacter. Il ne semble pas bénéficier du soutien de la famille de l’ancien Chef de file l’Opposition du Mali, bien que ses militants se réclament « héritiers de feu Soumaïla Cissé » animés d’une volonté de « perpétuer ses idéaux ». Sans se prononcer publiquement, sa veuve, Mme Cissé Astan Traoré, s’est plusieurs fois affichée aux côtés du camp Salikou Sanogo, notamment le 20 mai, lors de l’annonce de la création de l’EDR. Des nostalgiques de Soumaïla Cissé s’indignent contre le camp Gouagnon Coulibaly, qu’ils accusent « de vendre l’URD au plus offrant ». Certains d’entre eux ne digèrent toujours pas l’adhésion à l’URD de Boubou Cissé, qui a été partisan du pouvoir d’IBK qu’ils ont combattus.

Ténors

Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit-on. De son côté, la grande force du camp Salikou Sanogo est bien évidement la famille de Soumaïla Cissé. « Sa femme est présidente d’honneur du nouveau parti EDR et l’un de ses enfants est Secrétaire national chargé des Maliens de l’Extérieur dans le Directoire provisoire. Aujourd’hui, personne ne peut revendiquer le nom de Soumaïla Cissé plus que sa femme et ses enfants », estimait dans Journal du Mali (N°424) Nouhoum Togo, un ancien très proche du défunt politicien. La tendance Salikou Sanogo peut se targuer en plus de bénéficier de l’accompagnement de plusieurs ténors de longue date de l’URD, dont Daouda Touré, membre fondateur et Secrétaire général du parti, ou encore de l’éloquent avocat Me Demba Traoré, à l’URD depuis 2007. Mais la faiblesse du camp Salikou Sanogo réside aussi dans sa force. « La plupart de ces anciens ténors sont des vieux du parti qui ne pèsent plus lourd au niveau de leur base et ne possèdent pas de fonds conséquents pour financer une campagne électorale », signale un membre du BN. Incapables de rester ensemble, les deux camps doivent à présent batailler dur l’un sans l’autre, avec leurs forces et faiblesses respectives, pour peser sur la scène politique malienne.

URD : l’union ne tient plus qu’à un fil

En conflit depuis plus d’un an, les camps Salikou Sanogo et Gouagnon Coulibaly de l’Union pour la République et la Démocratie (URD) sont au bord de la rupture totale. Après la confirmation du premier comme Président du parti par la Cour suprême le 12 avril dernier, les militants du second se mobilisent pour la création d’un nouvel appareil politique.

Des discours séparatistes. De la tension en interne entre partisans des deux camps. Depuis le décès de Soumaïla Cissé, la vie au sein de son parti n’a rien d’un long fleuve tranquille. Ce qui avait débuté par une lutte de pouvoir entre des cadres du Bureau National vire peu à peu à l’effritement du regroupement politique. Pour cause, la confirmation au poste de Président de l’URD de Gouagnon Coulibaly passe mal auprès des partisans du Professeur Salikou Sanogo. « Des juges ont décidé d’enlever la fragrance de Soumaïla Cissé à l’URD. Aucune décision ne peut me parquer en dehors de mes valeurs. Adieu, cher parti », a réagi à la suite de la décision judiciaire Moussa Sey Diallo, Secrétaire adjoint à la Communication du parti, proche du camp Salikou Sanogo. Laissant supposer son retrait de l’URD, même si, officiellement, il ne l’a pas encore fait. Pour l’heure, seuls Sidy Angoiba de la section URD de Douentza et Issa Sissoko de celle de la Commune IV ont franchi le pas. Le Pr Sanogo, principal opposant à la présidence de Gouagnon coulibaly, ne s’est non plus pas résigné au verdict de la Cour suprême.

Autant de graines de discorde qui ne réduisent plus les dissensions actuelles à une simple difficulté de gestion d’une crise interne. Le point de non retour semble acté et la division du parti, de l’avis de plusieurs analystes, est désormais inévitable.

D’ailleurs, pour le camp Sanogo, l’heure est « à tourner la page » et à « avancer ». Quitte à créer un nouveau parti ? « Tous les responsables, militants, sympathisants de l’URD […] respectueux de nos valeurs sont résolument engagés à perpétuer le combat de nos défunts Présidents sous une forme plus saine et plus conviviale. C’est dans cette perspective qu’il nous faudra rester sur la scène politique et disposer d’un nouvel appareil », a indiqué le 16 avril dernier, lors d’une rencontre avec des militants acquis à sa cause, l’homme politique, qui est longtemps demeuré le second de Soumaïla Cissé.

Cette volonté est aussi partagée par Daouda Touré, le Secrétaire général du parti de la Poignée de main. « Nous nous sommes battus. Mais avec le verdict de la Cour suprême la procédure judicaire est arrivée à son terme. Nos partisans nous ont donc demandé de laisser l’URD et de créer un autre parti. Nous nous attelons à cela », a-t-il fait savoir lors d’une vidéo de présentation de vœux à l’occasion de la récente fête du Ramadan.

À cet effet, selon une source bien introduite, une réunion de travail d’une Commission chargée de la rédaction des textes du nouveau parti a eu lieu dans le local qui servait de bureau du Cabinet du chef de file de l’Opposition à Badalabougou le week-end du 5 au 6 mai 2023, sous la présidence de Salikou Sanogo. Les statuts et règlement, la charte, le nom et le logo auraient déjà été établis.

Dans son ambition de scission, le camp Sanogo risque cependant de se confronter à des difficultés. Plusieurs cadres du parti susceptibles d’être candidats à une élection jouent encore la carte de la prudence. « Beaucoup sont en train de voir de quel côté va pencher leur section d’abord. C’est ce qui va beaucoup jouer sur cette histoire, car, pour eux, il ne s’agit pas de suivre la volonté d’un homme, mais plutôt celle de leur base. Tous ceux qui aspirent à un poste électif vont vouloir consulter les directives de leurs sections. En outre, plusieurs d’entre eux ne se sentent pas prêts à quitter le parti après tant d’efforts fournis pour son implantation », explique un membre du Bureau National. Pour convaincre les sections, au niveau des deux camps l’ambition demeure la même : « préserver les idéaux de feu Soumaïla Cissé ». C’est tout le paradoxe de ce combat entre deux protagonistes qui se réclament d’un même idéal mais que tout semble séparer pourtant.

Gouagnon Coulibaly : « l’URD n’est ni à moi ni au groupe qui m’a soutenu »

Confirmé Président de l’URD par la Cour Suprême le 12 avril dernier, Gouagnon Coulibaly a reçu le 2 mai 2023 au siège du parti une attestation de reconnaissance et une médaille de la part de l’Association des jeunes engagés pour la cause du Mali (AJECM). À l’issue de la cérémonie, le nouvel homme fort du parti de la Poignée de mains a répondu à nos questions.

Vous avez été confirmé il y a 3 semaines Président de l’URD suite à la longue bataille judiciaire qui vous opposait au Pr. Salikou Sanogo. Quels actes allez-vous poser ?

Nous ne sommes pas braqués contre qui que ce soit, ni triomphalistes. Nous n’avions pas souhaité aller en justice mais les évènements nous y ont contraints. Dieu faisant bien les choses, aujourd’hui nous avons tourné cette page. Alors mettons-nous ensemble parce que le Mali est plus important que tout. Il faut s’unir pour le sauver.

Selon certaines informations, ceux qui étaient opposés à votre présidence vont créer une autre formation politique. Avez-vous des craintes pour l’avenir de l’URD ?

En réalité, parmi ces camarades, il y en a qui ont déclaré qu’ils allaient quitter l’URD pour créer un autre parti et d’autres un mouvement. Mais beaucoup également disent ne pas vouloir quitter l’URD. Pour le moment, au Bureau national, nous n’avons reçu que deux démissions. Avec deux démissions, on ne peut pas parler d’une véritable division. Parmi nos camarades en désaccord avec nous, beaucoup affirment être membres de l’URD et être prêts à continuer le travail entamé avec feu Soumaïla Cissé. Nous les encourageons. L’URD n’est ni à moi ni au groupe qui m’a soutenu, mais à nous tous. Ce qui nous divise est très peu par rapport à ce qui nous réunit.

Quelle est votre position à l’égard de la Transition ?

Nous nous sommes inscrits dans la ligne des autorités de la Transition pour les aider à réussir, à ce que les réformes se passent bien, à commencer par le projet de Constitution, que les gens votent massivement pour le oui et que les autres réformes et les élections se passent dans de bonnes conditions. Nous ne ménagerons aucun effort et nous allons rester disponibles pour les autorités toutes les populations du Mali pour apporter notre pierre à l’édifice Mali, notre bien commun. Dans les jours et les mois à venir, nous allons tout faire pour montrer aux Maliens que l’URD est un parti qui aime le Mali et qui va tout faire pour que le pays se redresse.

URD : Gouagnon Coulibaly confirmé président

La Cour Suprême du Mali a confirmé ce mercredi 12 avril Gouagnon Coulibaly à la tête de l’URD. Fin d’un feuilleton judiciaire qui aura duré plus d’une année entre les héritiers de feu Soumaila Cissé, l’ex-chef de file de l’opposition disparu le 25 décembre 2020. 

C’était attendu depuis plusieurs mois. Le verdict final dans le litige opposant M. Gouagnon Coulibaly au Pr. Salikou Sanogo pour la prise en main de l’Union pour la République et la démocratie (URD)  est tombé hier mercredi.

La Cour Suprême, délibérant publiquement et contradictoirement en son audience de ce 12 avril 2023, a rejeté le pourvoi en cassation introduit par le Professeur Salikou Sanogo  contre l’arrêt du 07 septembre 2022 de la cour d’appel de Bamako.

Pour rappel, cet arrêt confirmait le jugement N°130 du 4 avril 2022 du Tribunal de Grande instance de la Commune V du District de Bamako, validant le Congrès extraordinaire du 16 janvier 2022 qui avait porté Gouagnon Coulibaly à la tête de l’URD.

En conséquence, ce rejet de la Cour suprême valide toutes les dispositions de l’arrêt  du 7 septembre 2022 qui avait confirmé la légalité et la légitimité de l’élection de M. Gouagnon Coulibaly en qualité de Président de l’URD.

Mais cette confirmation de l’ancien Directeur de campagne de Soumaila Cissé à la tête de l’URD continue de diviser le parti de la poignée de mains. «  Des juges ont décidé d’enlever la fragrance de Soumaila Cissé à l’URD. Aucune décision ne peut me parquer en dehors de mes valeurs. Adieu cher parti. Dieu, que je t’ai bien aimé », a indiqué Moussa Seye Diallo, Secrétaire-adjoint à la communication du parti, proche du Professeur Salikou Sanogo.

Selon une source au sein de ce camp, une réunion devrait se tenir en fin de semaine suivie d’une Conférence de presse dans la foulée pour expliquer leur position par rapport au dernier développement du différend qui secoue le parti depuis le décès de Soumaila Cissé.

De son côté, Abdrahamane Diarra, Président de la Jeunesse du parti, proche de Gouagnon Coulibaly  a réagi en rappelant le caractère démocratique de l’URD. « Un parti politique est et demeure l’association d’hommes et de femmes ayant une convergence de vue. Sa conduite obéit à la volonté de la majorité de ses membres. L’Union pour la République et la Démocratie (URD), notre parti est démocratique. Sous le leadership de son président Gouagnon Coulibaly nous ne comptons pas déroger à cette règle fondamentale », a-t-il répliqué.