À l’issue de la 66ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO, tenue à Abuja le 15 décembre 2024, l’organisation a décidé d’octroyer une période de transition supplémentaire de six mois avant d’acter définitivement le retrait des pays de l’AES.
Bien que le divorce semble inévitable entre les deux organisations, la CEDEAO laisse ses portes ouvertes à un retour en son sein du Burkina Faso, du Mali et du Niger, tout en examinant les modalités de leur départ.
Dans le communiqué final de ce 66ème sommet, la CEDEAO indique avoir pris note de la notification par la République du Mali, la République du Niger et le Burkina Faso de leur décision de se retirer de l’organisation. Elle reconnaît que, conformément aux dispositions de l’article 91 du Traité révisé de 1993, les trois pays cesseront officiellement d’être membres de la CEDEAO à partir du 29 janvier 2025.
Cependant, la note précise que « la Conférence décide de fixer la période du 29 janvier au 29 juillet 2025 comme période de transition au cours de laquelle les portes de la CEDEAO resteront ouvertes au retour des trois pays ».
Pendant cette période, la Commission de la CEDEAO devra gérer la situation des salariés contractuels de l’organisation originaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger, tout en préparant le déménagement des différentes agences communautaires dont les sièges sont situés dans ces trois États, membres fondateurs de la communauté ouest-africaine.
Une session extraordinaire du Conseil des ministres de la CEDEAO se tiendra également au cours du deuxième trimestre 2025 pour examiner et adopter à la fois les modalités de séparation et le plan de contingence couvrant les relations politiques et économiques entre la CEDEAO et les trois pays de la Confédération des États du Sahel.
Ultime médiation
Parallèlement à la finalisation du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger, la CEDEAO continuera de dialoguer avec les dirigeants de ces trois pays pour tenter de les convaincre de revenir sur leur décision de quitter le bloc sous-régional.
Le sommet du 15 décembre a décidé de proroger le mandat des Présidents sénégalais et togolais, Bassirou Diomaye Dhiakar Faye et Faure Essozimna Gnassingbé, « pour poursuivre leur médiation jusqu’à la fin de la période de transition, en vue du retour des trois pays ».
Selon la Présidence sénégalaise, le Président Faye devrait effectuer une visite dans les prochaines semaines dans les trois pays pour « poursuivre le dialogue diplomatique en vue de leur réintégration ». Bassirou Diomaye Dhiakar Faye s’était déjà rendu au Mali et au Burkina Faso le 30 mai dernier.
Cependant, l’hypothèse d’un retour des trois pays membres de l’AES au sein de la CEDEAO semble peu probable. Réunis à Niamey le 13 décembre dernier pour débattre de la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace AES, les ministres des Affaires étrangères des trois pays ont réaffirmé le caractère irréversible de leur décision de quitter la CEDEAO.
La période supplémentaire de dialogue entre les médiateurs de la CEDEAO et les dirigeants des pays de l’AES pourrait-elle aboutir à une réconciliation entre les deux blocs ? « Rien n’est exclu. Les lignes peuvent encore bouger, mais, au vu de la situation actuelle, il sera très difficile pour les médiateurs de la CEDEAO de convaincre les chefs d’État de l’AES de retourner au sein de l’organisation ouest-africaine. Je pense qu’il faudrait plutôt discuter des modalités de ce retrait et surtout de la cohabitation future entre la CEDEAO et l’AES », répond Ibrahim Sidibé, analyste politique.
Dr Amidou Tidiani, enseignant-chercheur à l’Université Paris-13, partage cet avis. Selon lui, il est très peu probable que le Mali, le Niger et le Burkina Faso, avec leurs autorités actuelles, décident de revenir au sein de la CEDEAO. « Encore plus si la CEDEAO s’inscrit dans une dynamique purement politique, elle n’obtiendra pas de fléchissement de la part des pays de l’AES », conclut-il.
Mohamed Kenouvi