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Report de la rentrée : Un mois pour être prêts

  Le suspens aura duré jusqu’au 30 septembre. Redouté depuis la multiplication des inondations et la prolongation de l’hivernage, le…

 

Le suspens aura duré jusqu’au 30 septembre. Redouté depuis la multiplication des inondations et la prolongation de l’hivernage, le report de la rentrée scolaire 2024- 2025 a finalement été annoncé juste quelques heures avant le 1er octobre. Une décision qui laisse un mois aux acteurs pour mettre au point leurs préparatifs et assurer une année scolaire sereine.

Malgré les conditions objectives qui laissaient prévoir un report de la rentrée scolaire, les acteurs de l’école ont été surpris par cette annonce de dernière minute. Un report évident dont l’annonce tardive amène les Maliens à se poser des questions. Pourquoi attendre la veille de la rentrée pour une telle annonce ? Dans son communiqué, le ministre justifie le report de la date de la rentrée par « l’état de catastrophe nationale » qui a pourtant été déclaré par les autorités depuis le 23 août 2024. « L’ampleur des inondations » était dès lors connue et les écoles qui ont aussi été touchées, comme d’autres infrastructures socio-économiques, étaient soit inondées, soit servaient d’abris à ceux qui avaient perdu leurs habitats.

Dans son compte rendu mensuel du mois de septembre 2024, le cluster Éducation du Mali a informé que 123 écoles étaient occupées par des sinistrés dans les régions de San, Ségou et Mopti. 11 autres, à Gao, étaient occupées par des déplacés internes, donc indisponibles à quelques jours de la rentrée. Cette absence d’anticipation a donc mis devant le fait accompli responsables d’établissements,  enseignants, élèves et parents d’élèves.

Souvent doublement concernés par la situation, certains sinistrés évoquent l’absence d’alternative pour eux, justifiant ainsi leur maintien dans ces abris. À défaut d’avoir les réponses par rapport au timing, certains acteurs disent comprendre les raisons avancées par le ministre de l’Éducation nationale.

Sékou Diawara est Directeur de l’école Capitaine Mamadi Sylla 2, située dans le camp des Parachutistes de Djicoroni Para, et Coordinateur du groupe scolaire du même nom, qui compte 3 premiers cycles et 2 seconds cycles. « Vu la situation et  l’abondance de la pluie, des écoles abritent des sinistrés », comme à Dontème, dans le même quartier, où 52 familles y vivent, explique-t-il. Déjà « au four et au moulin dans les préparatifs », l’école s’attèle à nettoyer les salles de classe, noircir les tableaux et entamer le désherbage d’unee cour où il est difficile de se déplacer entre les flaques d’eau et les herbes qui continuent de pousser.

À ces contraintes passagères il faut ajouter les difficultés récurrentes partagées par plusieurs écoles publiques. Une insuffisance notoire de tables oblige les enfants à en amener pour ne pas s’asseoir à même le sol, avoue le Coordinateur du groupe scolaire. Une école qui n’a pas de direction ou encore des écoles qui n’ont pas de latrines, sans compter le manque d’enseignants, la liste des difficultés n’est pas exhaustive.

Le ministre, qui souhaite une rentrée réussie, sans prise de risque, plutôt « qu’une sorte d’aventure » que représentait la rentrée du 1er octobre, promet de s’atteler « à toiletter et à, préparer les parents d’élèves » et rassure que le mois sera mis à profit pour préparer la rentrée de façon plus complète qu’elle ne l’a été jusqu’à présent. Afin de faire une rentrée qui respecte les normes et qui soit satisfaisante.

Un mois pour réussir

Désormais, les acteurs de l’école entament une course contre la montre. « On peut gagner du temps », espère M. Diawara, du groupe scolaire Capitaine Mamadi Sylla 2. C’est l’occasion pour lui de lancer un appel aux parents d’élèves afin que le jour de la rentrée soit le jour du démarrage effectif des cours. « On doit suivre un programme et mettre le paquet », insiste M. Diawara. Il ne faut donc plus attendre le jour de la rentrée pour faire les transferts ou les inscriptions.

Passé l’incompréhension du report de la rentrée, « même si c’était pressenti », Oumar Koné, Directeur de l’école de Troukabougou, à Djicoroni Para, estime que « les raisons sont fondées, mais on pouvait anticiper ». Ce report n’est pas sans conséquences pour un programme qui s’étale sur 9 mois et qui connaissait des difficultés pour son achèvement, même s’il dit faire confiance aux acteurs chargés de l’élaboration des programmes.

Son école, créée en 2008, compte actuellement 9 salles de classe, un premier et un second cycle ainsi qu’un effectif de plus de 700 élèves. L’insuffisance des tables et l’effectif pléthorique, plus l’absentéisme des enfants, constituent les principales difficultés que l’école connaît.

Mais les inscriptions, qui se font au compte-gouttes, alors même que l’école était à la veille de la rentrée, inquiètent Sidi Camara, Directeur de l’école fondamentale de Troukabougou. Pour sa part, il estime que l’alternative du programme condensé peut favoriser les élèves et permettre d’achever les programmes.

Les privés en souffrance

Boulkassoum Touré, Secrétaire général de l’Association des promoteurs d’écoles privées, ne souhaite pas se prononcer sur la reprise des cours, les programmes et les évaluations, qui relèvent du pouvoir régalien de l’État. Les écoles qui avaient déjà pris des dispositions « sont prêtes », même s’il faut arrêter les inscriptions, qui avaient déjà commencé. Le report d’un mois obligera cependant à réaménager le calendrier scolaire pour une conformité au programme.

Pour les écoles privées, les difficultés qui restent concernant les paiements en souffrance des frais scolaires et demi-bourses 2022 – 2023 préoccupent les acteurs. Et pour ceux de 2023 – 2024, « rien n’est programmé », ajoute M. Touré. Ces situations, qui créent des tensions de trésorerie dans les établissements, entraînent des difficultés pour assurer le bon fonctionnement des structures et le paiement des salaires des enseignants, notamment, continuent de mettre en péril le fonctionnement de ces établissements, qui assurent en grande partie la formation au niveau secondaire. « On fait avec les moyens du bord », soupire-t-il. Et, en cette période, ils privilégient la communication avec les autres acteurs, dont les parents d’élèves ou encore les structures de financement. Malgré tout, « les cours vont démarrer dans des conditions très timides », car « il ne peut y avoir de rentrée apaisée si vous devez des sous à vos enseignants, à vos fournisseurs », déplore encore M. Touré.

Même si le ministre s’est engagé à payer les frais qui restent en souffrance, estimés à 21 milliards de francs CFA pour l’année dernière, notre interlocuteur déplore que le paiement des arriérés varie en fonction des localités. Alors qu’il est à 70% dans certaines localités, il est de moins de 40% ailleurs. « Pour le même travail, cela doit être au même niveau », sinon, cela crée un dysfonctionnement.

Année compromise ?

Si plusieurs acteurs préconisent un réaménagement, qui s’imposera même pour rattraper le retard, les difficultés qui restent entières dans plusieurs écoles ne permettront pas une reprise sereine des cours. En outre, l’incertitude demeure sur cette nouvelle date, compte tenu de la situation. En effet, en dehors des écoles occupées par les personnes sinistrées des inondations, plusieurs groupes scolaires ont été endommagées ou sont hors d’usage. Si pour certains parents il s’agit d’un nouveau répit pour mieux se préparer, il sera de courte durée. Car les frais et les fournitures scolaires deviennent de plus en plus inaccessibles. Certains acheteurs de dernière minute se sont même abstenus à l’annonce du report.

Sur le plan pédagogique, les acteurs de l’école suggèrent une utilisation judicieuse de ce temps pour entretenir le niveau des enfants. Car tout un mois de vacances supplémentaires constitue un retard souvent difficile à rattraper. Certains enseignants préconisent donc de travailler avec les enfants afin de maintenir les niveaux pour entamer la nouvelle année, qui « démarrera de façon effective le 4 novembre 2024 », préviennent-ils.

Fatoumata Maguiraga