Au Mali, autorités politiques et sociétés publiques de production d’électricité se mobilisent pour donner un nouvel élan au secteur de l’Énergie, à travers des politiques de diversification des moyens de production. Outre le Plan d’action énergétique adopté par le gouvernement en mars 2022, Énergie Du Mali (EDM SA) et la Direction nationale de l’Énergie (DNE) ont organisé cette semaine le Salon des investisseurs pour l’énergie au Mali (SIEMA 2023) dans l’optique de débloquer près de 600 milliards de francs CFA pour financer des projets prioritaires dans les domaines de la production, du transport et de la distribution. Une mobilisation tous azimuts qui, espère le gouvernement, permettra de trouver une solution à la crise énergétique que connaît le pays.
C’est un secret de Polichinelle : EDM SA, chargée de la production, du transport et de la distribution des énergies au Mali, n’y arrive pas efficacement. Rien qu’en ce mois de février la fourniture de l’électricité a connu plusieurs perturbations. Face à la situation, en mars 2022, le gouvernement du Mali, expliquant que « EDM connait depuis plusieurs années un déséquilibre financier », a approuvé en Conseil des ministres le Plan de développement du sous-secteur de l’électricité sur la période 2022-2026 de la structure. Un plan qui, indique-t-il, repose sur un important programme d’investissements axé sur l’exploitation des gisements d’énergies renouvelables et la construction de lignes de transport et de distribution d’électricité afin de limiter la dépendance aux énergies fossiles.
Équilibre financier
L’objectif annoncé est d’apporter des solutions durables aux difficultés du sous-secteur de l’électricité, d’atteindre l’équilibre financier de la société Énergie du Mali et d’améliorer la gouvernance du secteur et le coût du mix de production d’électricité.
Mis en œuvre, le plan permettra, selon les prévisions du gouvernement, l’amélioration du mix énergétique par l’augmentation de la part des importations à travers les interconnexions de 9% de la production totale en 2022 à 26% en 2026, le renforcement de la production solaire de 3% en 2022 à plus de 22% en 2026 et la diminution de la part de la production thermique respectivement de 30% en 2022 à 0% en 2026 pour les achats et de 26,4% à 15,8% pour la part de production propre. « Il est établi depuis fort longtemps que l’énergie est le moteur de tout développement. Qu’il soit socio-économique ou industriel. C’est dans ce cadre que le Mali avait déjà adopté la politique énergétique nationale en 2006, dont l’objectif était de contribuer au développement durable du pays à travers la fourniture de services énergétiques accessibles au plus grand nombre de la population au moindre coût et favorisant la promotion des activités socio-économiques », rappelle le ministre Abdoulaye Maïga, Porte-parole du gouvernement.
Accroître l’accès à l’électricité
En effet, au cours des dernières années, le gouvernement malien, avec l’appui de partenaires nationaux et internationaux, a pu accroître l’accès à l’électricité. Le taux d’électrification est ainsi passé de 14% en 2004 à environ 54% en 2021, avec toutefois une disparité entre les milieux urbains et les zones rurales qui restent encore confrontées à un accès très limité à l’électricité, environ 25% en 2021.
Le secteur est aussi confronté à des difficultés qui compromettent la pérennisation de ses acquis et son développement. Il s’agit notamment de difficultés d’investissement dans les installations de production, de transport et de distribution, malgré la disponibilité de plans d’investissements énergétiques tel que le Plan directeur des investissements optimaux 2016-2035, pour un coût estimé à plus de 3 286 milliards de francs CFA, qui vise à porter le taux d’électrification du pays à 72% en 2025, et le Plan directeur d’électrification rurale (plus de 142 milliards de francs CFA).
D’autres plans stratégiques et sectoriels sont également en cours d’adoption, selon le gouvernement. Il s’agit du Plan directeur de production à moindre coût et du Plan directeur transport – distribution de la ville de Bamako et de ses environs.
« Malgré la disponibilité de ces plans d’investissements, le sous-secteur de l’électricité depuis plusieurs décennies n’a pas fait l’objet d’investissements permettant un développement cohérent et optimal. L’une des conséquences de ce manque d’investissements à été le recours à des moyens d’urgence onéreux, notamment la production thermique avec des centrales de location dont les coûts sont très élevés pour satisfaire la demande de plus en plus croissante », déplore le Colonel Abdoulaye Maïga.
Dans ce contexte, outre l’adoption de son Plan de développement du sous-secteur de l’électricité sur la période 2022-2026, l’État malien s’affaire à mobiliser plus de 580 milliards auprès des investisseurs pour soutenir le secteur de l’Énergie. Le 21 et 22 février derniers, en appui à EDM SA et à la DNE, le ministre en charge des Mines, de l’eau et de l’énergie et celui de l’Économie et des finances ont pris part au Salon des investisseurs pour l’énergie au Mali (SIEMA). Un évènement qui a constitué une opportunité́ de regrouper les partenaires et les investisseurs dans un cadre d’échanges, de propositions et d’engagements pour la réalisation des projets prioritaires d’EDM SA dans les domaines de la production, du transport et de la distribution.
Améliorer le mix énergétique
La vision du gouvernement est d’œuvrer pour améliorer le mix énergétique pour sortir le Mali de la dépendance de la thermique, qui constitue plus de 50% du parc de production d’EDM. Il s’agira d’investir dans les énergies renouvelables : le solaire et l’hydraulique.
« Une volonté qui vient à point nommé quand on sait les difficultés auxquelles EDM est confrontée et les enjeux de développement économique national liés à la problématique de l’électricité au Mali. C’est pourquoi il est indispensable de s’engager vers de nouvelles dynamiques d’investissements dans le sous-secteur de l’énergie. Il va falloir réduire la part de la production thermique, qui impacte négativement notre revue financière, avec une demande toujours aussi croissante. Donc un changement de mix énergétique est nécessaire et s’impose, obligeant à accorder une part plus importante aux énergies renouvelables, à savoir l’hydroélectricité et le solaire », explique le Directeur général d’EDM SA, Koureissi Konaré.
Sur la période 2015-2021, le mix a connu un changement considérable au Mali. La part de la production hydroélectrique, prépondérante en 2015, est passée de 44,7% à 28,2% en 2021. Celle des importations, de 14,4% en 2015, a culminé à 29,6% en 2020 puis est retombée à 17,7% en 2021. Par contre, la production thermique, assurée à plus de 50% par des producteurs indépendants, a augmenté de 40,8% à 51,1%. Ainsi, rien que sur cette période, EDM-SA a acheté́ 855 millions de litres de combustibles, soit près de 570 milliards de francs CFA de coûts. Une situation qui résulte, selon l’entreprise, du faible niveau et du retard d’investissements en ouvrages de production à moindre prix.
Prépondérante au mix, la production thermique engendre donc d’importants et onéreux besoins en combustibles. L’enjeu pour le Mali est donc de sortir de la dépendance aux énergies fossiles polluantes et « son corollaire de facture énergétique insoutenable pour l’économie nationale », pour aller vers les énergies renouvelables, qui représentent seulement 28,2% (Hydraulique) et 2,9% (Solaire), de la production énergétique du pays.
« La revalorisation indispensable de notre politique de production grâce à l’investissement du budget énergétique passe davantage par le renforcement de la production solaire, qui passera de 3% en 2022 à 22% en 2026, soit en seulement 4 ans. Cela constitue pour nous une hausse énergétique et aura pour impact une importante réduction de la part de la production thermique », assure le Directeur général d’Énergie du Mali.
Au delà, les énergies renouvelables sont aussi prisées par les États pour des raisons environnementales. Elles permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre et ainsi de répondre à l’urgence climatique. « En raison de l’importance de leur potentialité, elles constituent une solution durable pour l’accès universel aux services énergétiques modernes et l’atteinte des Objectifs de développement durable du Mali à l’horizon 2030. L’utilisation des énergies renouvelables à grande échelle a été donc placée au centre des politiques et stratégies nationales, mais aussi régionales et internationales auxquelles notre pays adhère, pour d’une part maintenir un cadre de vie durable et d’autre part renforcer particulièrement l’accès à l’énergie pour soutenir la croissance économique et le développement social », indique le Porte-parole du gouvernement, le ministre Abdoulaye Maïga.
Développement durable
Selon ce dernier, l’État malien envisage d’atteindre l’accès universel à l’électricité d’ici 2030, conformément aux Objectifs de développement durable et du Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable 2019-2023. C’est dans ce cadre que le Plan de développement du sous-secteur de l’électricité sur la période 2022-2026 a été adopté le 30 mars 2022. Pour la mise en œuvre de ce plan, dont le coût est estimé à plus de 2 250 milliards de francs CFA, les autorités de la Transition ont établi un plan d’investissements. Certains projets seront réalisés par des producteurs d’électricité indépendants pour un montant total de 513 600 millions de francs CFA. Outre les projets financés par les bailleurs de fonds classiques, dont les accords financiers sont signés pour 535,422 millions de francs CFA, d’autres projets, dont les études, la réalisation et / ou le Plan d’actions de réinstallation (PAR) sont financés par l’État pour 175,853 millions de francs CFA et aussi par Énergie du Mali, sur cinq ans, pour un montant de 107 520 millions de francs CFA.
« Les projets dont la recherche de financements fera l’objet de la table-ronde des investisseurs coûteront au total 580 milliards de francs CFA. Ces projets, dont les terms sheets ont été́́ élaborées, seront financés par des systèmes de crédits marchands pour lesquels EDM SA fait l’objet de demandes pressantes de la part des investisseurs », note le gouvernement dans son Plan d’action énergétique.
Des initiatives sont ainsi en cours. Reste à mobiliser les financements pour permettre à EDM de remplir efficacement sa mission. Surtout que s’annonce la période de fortes chaleurs qui suscite une augmentation de la demande en énergie. Et le courroux des usagers d’EDM qui la surnomment « Énergie du mal » à chaque délestage.