Le survol de Kidal, en milieu de semaine dernière, par des avions de l’armée malienne a exacerbé les tensions entre différentes parties signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Alors que la médiation internationale tente de trouver une voie pour la reprise du dialogue, le gouvernement malien et les groupes armés signataires campent sur leurs positions.
Que serait-il advenu ce 5 avril 2023 si, depuis le ciel du Septentrion malien, l’armée de l’air avait répondu aux tirs de sommation des combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) en direction des avions de chasse qui ont survolé à basse altitude, selon plusieurs sources, certaines villes du nord dont Kidal ? Il n’en a en tout cas pas fallu plus pour que les ex-rebelles crient à une « violation patente du cessez-le-feu du 23 mai 2014 et une provocation grave opérée sous les yeux de la communauté internationale, garante des arrangements sécuritaires et de l’Accord pour la paix ».
À cette accusation à peine voilée les autorités de la Transition n’ont jusque-là officiellement pas réagi. Selon nos informations, elles ne souhaitent pas communiquer pour l’heure sur cette situation. Nos tentatives auprès de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (Dirpa) pour plus d’informations sur l’opération de survol et les moyens mobilisés n’ont pas abouti.
Reprise des combats ?
L’Accord pour la paix et la réconciliation en lui-même est vacillant depuis des mois. En décembre 2022, les représentants des groupes armés signataires, réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-CSD) ont suspendu leur participation aux mécanismes de sa mise en œuvre.
Les différentes tentatives de la médiation internationale (Rencontre à Kidal avec les groupes armés, rencontre des groupes armés à Alger avec le Président algérien, réunion de la médiation à Bamako avec l’ensemble des parties…) pour que les différentes parties signataires reprennent le dialogue n’ont visiblement pas porté fruit.
Dans ce contexte, le récent « incident » de Kidal fait craindre à certains observateurs une nouvelle poussée de température entre le gouvernement du Mali et les mouvements armés, sans exclure une montée des tensions aboutissant à une reprise des combats armées entre les deux camps près d’une décennie après la fin des confrontations. Le 6 avril, sur les réseaux sociaux, des photos d’armes antiaériennes aux mains des mouvements signataires ont circulé lors de la célébration de l’unilatérale « indépendance » de l’Azawad. Une réponse, selon certains, au survol.
Mais, à en croire Dr. Aly Tounkara, spécialiste des questions sécuritaires au Sahel, un tel scénario est peu probable. « Quand on regarde depuis trois mois de part et d’autre les différentes déclarations qui sont faites çà et là, tout laisse entendre que des velléités sécessionnistes pourraient difficilement être déclenchées de nouveau, au regard de l’intérêt, en dépit de ces agissements, que les deux parties manifestent vis-à-vis des débuts d’accalmie que l’Accord a pu quand même instaurer entre elles depuis des années ».
Sauver l’Accord
La médiation internationale, garante du suivi de l’Accord depuis sa signature en 2015, tente de le sauver. D’ailleurs, le gouvernement de transition a toujours réitéré son attachement et son engagement à une mise en œuvre « intelligente » de l’Accord. Même s’ils semblent ne pas s’accorder sur les mêmes priorités que les autorités, les groupes armés signataires, de leur côté, restent également disposés à aller vers sa mise en œuvre.
Mais aucune des deux parties n’a pour l’heure réagi aux nouvelles « propositions concrètes » que la médiation internationale a indiqué leur avoir fait, dans un communiqué en date du 9 avril 2023. « Nous sommes en train d’étudier et de nous concerter sur ces propositions avant d’y répondre », nous a indiqué une source au sein des groupes armés qui n’a pas souhaité détailler les propositions en question.
Toutefois, selon certaines sources, il s’agirait, entre autres, de l’opérationnalisation de la Commission ad hoc sur la chaîne de commandement des forces reconstituées, d’un début de l’opération DDR sur un premier lot de 13 000 ex-combattants et de la mise à jour des arrangements sécuritaires sur le cessez-le-feu. La médiation internationale veut aller vite. Selon nos informations, elle envisage de rencontrer le gouvernement le 17 avril, avant d’élargir les discussions aux groupes armés signataires une semaine plus tard, à partir du 24.