Amadou Niang est l’auteur de « Linguère Rokhaya – Le Sago, un super pouvoir ». Il est coach formateur certifié EQ-i 2.0 et EQ 360 en intelligence émotionnelle, spécialisé dans le développement des compétences comportementales et fondateur du cabinet Leadership Academy. Il nous parle des valeurs africaines essentielles pour forger les leaders de demain. Propos recueillis par Fatoumata Maguiraga.
J’ai lu votre livre avec un grand intérêt. Est-ce votre premier ouvrage ?
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Je vous remercie pour votre intérêt et pour cette belle opportunité qui me permet de partager ma vision. J’accompagne les leaders et futurs leaders dans le développement de leurs compétences comportementales un peu partout dans la zone Afrique Océan Indien. « Linguère Rokhaya – Le Sago, un super pouvoir » est effectivement mon premier livre, mais je préfère le considérer comme bien plus qu’un simple ouvrage. C’est une boussole pour les futurs leaders africains ambitieux, crédibles, intègres, dignes, courageux, véridiques, respectueux de la parole donnée et outillés pour affronter les défis du monde moderne.
Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
Deux grandes motivations ont guidé la rédaction de ce livre. Premièrement, mon métier de coach formateur m’a confronté à une réalité qui a attiré toute mon attention : dans le monde de l’entreprise, le leadership ne se limite pas à des titres ou à des compétences techniques. Ce sont les compétences comportementales qui font toute la différence. J’ai vu des managers échouer parce qu’ils n’avaient pas développé la maîtrise de soi, l’empathie, l’assertivité, la confiance en soi, le courage, l’expression émotionnelle, la gestion des relations, etc. Or, ces compétences ne s’acquièrent pas du jour au lendemain : c’est un travail sur soi, jour après jour. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’elles peuvent être développées dès le bas âge. Le livre traite tous ces sujets de manière simple et accessible. Je voulais participer à la préparation d’une génération africaine prête à affronter le monde avec un leadership solide et décomplexé.
Deuxièmement, j’ai observé avec inquiétude la disparition progressive de nos valeurs, remplacées par des contre-valeurs qui gangrènent notre société. La quête effrénée de la richesse facile, l’agressivité verbale exacerbée sur les réseaux sociaux et la raréfaction de modèles inspirants constituent de véritables freins à la transmission intergénérationnelle des valeurs qui ont forgé nos sociétés. Ce livre est une tentative audacieuse de réhabiliter ces dernières, en démontrant qu’elles ne sont ni dépassées ni obsolètes. Bien au contraire, elles constituent les fondations solides sur lesquelles repose un succès durable, tant sur le plan personnel que professionnel. Nous devons nous rappeler que nos grands-parents, avec une sagesse acquise tout au long de leur socialisation, détenaient des clés précieuses pour naviguer avec dignité et intégrité dans un monde en perpétuel changement. Aujourd’hui encore, je crois fermement que ce sont ces enseignements qui doivent nous guider vers une réussite en parfaite harmonie avec notre identité africaine. Dans ce rendez-vous du « donner et du recevoir », le reste du monde a beaucoup à apprendre de l’Afrique. Mais il faudra d’abord que tous les Africains incarnent ces belles compétences comportementales.
Le livre est-il un manuel pour le développement personnel ?
Absolument, mais avec une approche unique. « Linguère Rokhaya – Le Sago, un super pouvoir » est un livre de développement personnel enraciné dans la culture africaine. Il ne se contente pas de répéter des principes que l’on retrouve dans les ouvrages occidentaux. Il montre que l’Afrique a toujours possédé ses propres codes de développement personnel et de leadership. Au lieu d’utiliser des références venues d’ailleurs, j’ai voulu mettre en avant des figures africaines inspirantes, comme la Reine Kassa de l’Empire du Mali, la Reine Ndatté Yalla du Sénégal et la Reine Abla Pokou de Côte d’Ivoire. Le livre montre aussi que le leadership féminin n’est pas une nouveauté en Afrique.
Aujourd’hui, nos écoles développent les compétences techniques de nos jeunes, mais elles laissent un grand vide dans le domaine du développement des compétences comportementales. Pourtant, ce sont ces dernières qui feront toute la différence dans leur avenir professionnel et personnel. J’espère que ce livre inspirera nos États africains à intégrer ces enseignements dans l’éducation de nos enfants et adolescents.
Comment les valeurs que vous enseignez dans le livre peuvent-elles nous aider à surmonter les crises que traversent nos sociétés ?
Les valeurs traditionnelles africaines que je promeus dans mon livre, telles que la maîtrise de soi (sago en wolof), le courage (fit), la personnalité (fulė), la dignité (fayda), l’assertivité (dëggu) et le respect de la parole donnée (fonk káddu), offrent des solutions profondes et durables :
– Renforcement du leadership éthique : si ces valeurs sont développées chez les jeunes africains, nous aurons des leaders moins susceptibles de succomber à la corruption ou aux abus de pouvoir, favorisant ainsi une gouvernance stable et juste.
– Promotion de la cohésion sociale : la maîtrise de soi, le respect mutuel, l’empathie garantissent la tolérance et la compréhension entre différentes communautés, réduisant les tensions ethniques et religieuses.
– Résilience face aux défis économiques : la dignité, le respect de la parole donnée, le sens de l’honneur incitent les personnes à rechercher des solutions innovantes et collectives pour surmonter les obstacles économiques.
– Protection de l’environnement : la personnalité, la discipline et la courtoisie, inhérentes à nos traditions, motivent les communautés à préserver leur environnement pour les générations futures. En intégrant ces valeurs dans notre quotidien et en les transmettant aux jeunes générations, nous posons les fondations d’une société plus résiliente, harmonieuse et prospère.
Quels défis faut-il relever pour assurer la transmission de nos valeurs, dans un contexte où les réseaux sociaux dominent ?
Pour assurer une bonne transmission de nos valeurs dans ce contexte où les réseaux sociaux dominent, nous devons relever plusieurs défis, à savoir :
– La perte de l’identité culturelle face à la mondialisation numérique : les réseaux sociaux diffusent massivement des contenus qui sont en contradiction avec nos valeurs. Cette exposition peut entraîner une disparition progressive de ces dernières, surtout chez les jeunes en quête de repères.
– La propagation de contre-valeurs : les réseaux sociaux facilitent la diffusion de comportements contraires à nos valeurs, tels que la discourtoisie, la recherche de gains faciles ou la promotion de modèles superficiels de réussite.
– L’affaiblissement des structures traditionnelles de transmission des valeurs : autrefois, la famille élargie, les aînés, les oncles, les tantes, les cousins, les grands-parents et les voisins jouaient un rôle crucial dans l’éducation des jeunes. Aujourd’hui, leur influence est concurrencée par celle des « influenceurs » et des tendances en ligne. Les jeunes sont connectés au monde et déconnectés de leur environnement immédiat.
Pour relever ces défis, nous devons :
1. Intégrer les compétences comportementales dans l’éducation : nos écoles doivent enseigner non seulement des compétences techniques, mais aussi des compétences comportementales comme l’intelligence émotionnelle, le courage, la dignité, le respect de la parole donnée, l’estime de soi, etc.
2. Intégrer des valeurs culturelles dans les contenus numériques : encourager la création de contenus en ligne mettant en avant nos valeurs, nos héros locaux, notre histoire, etc.
3. Intégrer une éducation numérique responsable : introduire des programmes scolaires qui enseignent une utilisation responsable des réseaux sociaux et sensibiliser les jeunes à l’importance de la réputation numérique.
4. Promouvoir des modèles positifs issus de notre culture : mettre en lumière des personnalités africaines qui incarnent nos valeurs et qui ont réussi dans divers domaines. En adoptant ces approches, nous pouvons transformer les réseaux sociaux en alliés pour la préservation et la transmission de nos valeurs, assurant ainsi leur pérennité dans un monde en constante évolution.
Question subsidiaire : Avez-vous un lien avec « Maam Aminata » ou s’agit-il juste d’un personnage de fiction ?
Maam Aminata est bien plus qu’un simple personnage : c’est un hommage à ma propre mère. Elle est l’incarnation des valeurs que je défends dans ce livre. Je lui souhaite longue vie dans la santé, la paix et la prospérité. À travers son histoire, je rends hommage à toutes ces mères africaines qui ont porté et transmis nos valeurs avec abnégation et amour. Nos mères sont les premières éducatrices, celles qui forgent les caractères et inculquent ces belles valeurs. Sans elles, notre héritage se perdrait. « Linguère Rokhaya – Le Sago, un super pouvoir » est un cadeau pour les jeunes, une ressource pour les parents et un espoir pour l’avenir.