Suspension de visas pour la France : des étudiants maliens dans le désarroi

La France a suspendu début août la délivrance des visas pour les ressortissants du Mali, du Burkina Faso et du Niger en raison de la crise diplomatique qui sévit entre elle et ces trois pays. Cette décision impacte des étudiants maliens qui s’apprêtaient à aller poursuivre leurs études dans l’Hexagone.

« J’avais postulé à Campus France. J’avais fait toutes les démarches et j’avais eu une acceptation. Il ne me restait plus qu’à faire la demande de visa. Mais avec la situation géopolitique tout est chamboulé », se désole un étudiant malien qui a requis l’anonymat.

« Cela a commencé en août quand ils ont fermé le centre Capago (Centre de délivrance des visa français, Ndlr). Nous étions en attente de voir l’évolution de la situation. Mon rendez-vous était prévu vers fin août et j’avais pratiquement rassemblé tous mes documents. Malheureusement, il y a eu cette décision et je n’ai pas pu faire la demande », raconte-t-il, déplorant « une année de perdue » pour les étudiants en raison de la rentrée qui a déjà eu lieu en France. Selon une source à l’ambassade de France au Mali, des discussions sont en cours au sein de certains ministères français pour alléger la mesure de suspension pour les étudiants et les artistes. Des arbitrages sont attendus, assure-t-elle.

L’AEEM s’implique

Depuis le début cette situation, l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) a mené des démarches auprès des autorités françaises présentes au Mali et des maliennes pour tenter de trouver des solutions pour les étudiants maliens concernés.

« Au niveau du Bureau de coordination nationale, comme démarche nous avons entrepris des demandes au niveau des autorités françaises d’ici pour voir la possibilité pour nos étudiants d’avoir accès au visa dans d’autres pays, comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Malheureusement, nos démarches ont été vaines », explique Alfousseyni Niamassé Dissa, Secrétaire à l’Information du Bureau national de l’AEEM.

À l’en croire, ne pouvant rien face à ce problème diplomatique, le Bureau s’est appesanti auprès des autorités éducatives sur les mesures à prendre pour le bien-être des étudiants maliens déjà présents sur le sol français et l’orientation des autres bénéficiaires de la Bourse d’excellence vers d’autres pays.

Appelant les autorités à tirer leçon de ce cas de figure, l’AEEM estime qu’il est temps pour le Mali d’investir massivement dans la formation sur le territoire malien. « Le fait d’envoyer des Maliens étudier à l’extérieur est une bonne chose, mais le fait aussi de créer les conditions nécessaires ici au Mali pour leur permettre d’exploiter le génie en eux ne pourrait être que bénéfique », plaide Alfousseyni Niamassé Dissa.

Suspension de visas : le Mali applique la réciprocité à la France

Nouvel épisode de tension entre la France et le Mali. La France a suspendu en début de semaine la délivrance de ses visas après avoir placé le 7 août tout le Mali, y compris Bamako, en zone rouge, « formellement déconseillée » aux voyageurs, au risque d’enlèvement et d’insécurité de manière générale. Capago qui est le centre de dépôt de visa est par ailleurs fermé. Selon une source diplomatique française, tout rendez-vous fixé après le 3 août ne sera pas honoré et les personnes seront remboursées. Hier mercredi dans la soirée, le ministère des Affaires étrangères a décidé d’appliquer la réciprocité. Il a donc décidé de suspendre à son tour la délivrance de visas, jusqu’à nouvel ordre, par les services diplomatiques et consulaires du Mali en France.

D’une source diplomatique, les services consulaires français à Bamako ont traité en 2022, 22 000 demandes de visa et donné 12 000 réponses positives. Par ailleurs, environ 7 000 Français vivent au Mali dont 5 500 Franco-Maliens.

Pour rappel, les relations entre le Mali et la France se sont fortement détériorées depuis mai 2021 et la prise de pouvoir du Colonel Assimi Goita. En 2022, l’ambassadeur de France a été expulsé, les médias français RFI et France24 suspendus, Barkhane et Takuba poussés vers la sortie. Il faut également noter l’arrêt des activités des ONG fonctionnant sur financement français. La France de son côté a retiré plusieurs de ses coopérants et arrêté des projets de développement.

Dans le Sahel, au-delà du Mali, la tension entre la France et ses anciennes colonies ne cesse de s’accentuer et touche aujourd’hui le Burkina Faso et le Niger, tous actuellement dirigés par des gouvernements de transition. Sur le site internet de Capago, prestataire traitant les demandes de visa de France, où cette suspension de visa a été émise, Paris a également suspendu la délivrance de visas par ses services au Burkina. Air France a de son côté suspendu ses vols vers le Mali et le Burkina Faso jusqu’au 11 août inclus.