Moussa Timbiné : quel poids politique avec son parti la Convergence ?

Il avait annoncé sa création en même temps que sa démission du RPM, le 5 janvier 2023. Moins de 3 mois après, l’ancien Président de l’Assemblée nationale  Moussa Timbiné, entouré de  camarades d’horizon politiques divers , a lancé le 18 mars son nouveau parti, « La Convergence », dont l’avènement, annonce-t-il, va marquer un changement sur l’échiquier politique.

Côté pile, la nouvelle formation politique semble être née « avec des dents », portée par des cadres démissionnaires affutés du RPM et des camarades de longue date. Côté face, ce nouveau parti ne fait pas que des heureux, loin de là, au sein du RPM notamment, où certains membres estiment que cela va accélérer l’émiettement du parti. Lors du lancement de La Convergence, son Président, Moussa Timbiné, a voulu donner le ton dès le départ. « Il n’y a pas et il n’y aura pas de place pour les clivages, ni pour   les ethnicistes, encore moins les racistes ou régionalistes ». Au pupitre, Timbiné égrènera des mots-clés très souvent entendus lors de la naissance de partis. « Force de proposition et de changement », « Mali prospère et sécurisé » « Fédérer les Maliens ». Mais le parti souhaite se démarquer en mettant en avant « la souveraineté alimentaire ». Cette dernière est d’autant plus importante pour lui qu’elle est traduite dans son emblème, composé d’une colombe blanche, « symbole de paix », tenant un panier d’épis de riz, de mil, de sorgho et de maïs, soutenus par deux mains « consacrant la force ouvrière et la vitalité du peuple malien ».  Au Mali, à la date du 27 mars, selon des données du gouvernement, 1 246 406 personnes avaient besoin d’assistance alimentaire. Moussa Timbiné et les siens, aujourd’hui tournés vers l’installation du parti sur le territoire national et l’organisation du 1er Congrès, veulent aller vite, quitte à se prendre les pieds dans le tapis. L’objectif, ce sont les prochaines échéances électorales, si elles se tiennent à date. D’ailleurs, selon une source proche de Moussa Timbiné, c’est le souci de préserver sa base électorale et de se préparer pour ces échéances qui a fortement pesé dans sa décision de claquer la porte du RPM, où le Président Bocary Tréta « ne se souciait que très peu » des joutes électorales. Entre Timbiné et Tréta, c’est une relation très ombrageuse depuis plusieurs années. Les deux se sont longtemps disputé le leadership en Commune V, mais Timbiné a toujours eu les faveurs du leader historique du parti, feu Ibrahim Boubacar Keita. Certains membres considèrent d’ailleurs le départ de Timbiné comme une trahison à l’égard de la mémoire du Président-fondateur du RPM. L’éphémère Président de l’Assemblée nationale a retourné ces accusations contre les membres de l’autre clan. « L’héritage d’IBK est en train d’être dévalorisé, vendu à vil prix par certaines personnes dont les comportements interpellent les militants et compagnons de lutte d’IBK », avait-il déclaré lors de sa démission du parti.

Koulouba, un rêve utopique ?

Sur un échiquier politique déjà  bien fourni et en pleine recomposition, et dans un contexte de transition marqué par une relative perte de vitesse des partis politiques, le nouveau parti de celui qui se réclame de l’héritage politique de l’ancien Président Ibrahim Boubacar Keita pourra-t-il rapidement s’imposer et compter parmi les forces politiques  majeures du pays dans les prochaines années ?

« Tout va dépendre des actions des membres du parti, qui doivent se donner les moyens de le porter haut. Je pense qu’il faudra impérativement une idéologie cohérente, qui doit prendre en compte les aspirations profondes des Maliens et être capable de les mobiliser », avance Jean-François Marie Camara, enseignant-chercheur à l’USJPB. Toutefois, au contraire de l’analyste, d’autres observateurs estiment qu’il sera extrêmement difficile pour Timbiné de s’imposer. Après la chute d’IBK, il s’était fait discret, se concentrant sur l’Université internationale d’excellence, une école tuniso-malienne dont il est le Président du Conseil. Il mûrissait toutefois son retour, trouvant le temps long pour le feuilleton judiciaire qui l’oppose au Président Dr Bocary Tréta. Il a préféré prendre les devants. Même si le RPM souffre de la disparition d’IBK, Timbiné ne pourra plus bénéficier de ce qui reste de « l’aura » du parti. Ni, plus important, du soutien et de la protection de l’ancien Président, qu’il considérait, selon ses dires,  comme un père. En sus, après Manassa Danioko, ex Présidente de la Cour Constitutionnelle, le nom de Moussa Timbiné est celui qui est le plus associé aux législatives controversées de 2020. La pilule de son « repêchage » a eu du mal à passer. Et, au Mali peut-être plus qu’ailleurs, une mauvaise image s’efface difficilement.

Appel du 20 février : jusqu’où ?

Ils sont plus d’une dizaine de partis ou regroupements de partis politiques et organisations de la société civile réunis au sein d’une coordination depuis leur Appel du 20 février 2023 pour « sauver le Mali ». Résolument engagée contre l’adoption d’une nouvelle Constitution, dont elle demande l’abandon, la nouvelle plateforme ira-t-elle au bout de son combat ?

Un mois après son appel pour « sauver le Mali », la Coordination des organisations de l’Appel du 20 février ne lâche pas prise. Pour l’atteinte de ses deux principaux objectifs, l’abandon du projet de nouvelle Constitution et le respect du chronogramme de la transition, elle a initié début mars des rencontres avec d’autres partis politiques, des organisations de la société civile ou des personnalités religieuses. Objectif : échanger sur la « crise multidimensionnelle qui secoue le Mali », rapprocher les positions et engager des actions communes.

« Convergence »

Parmi les personnalités et structures visitées, la CNAS Faso-Hèrè , le Parena, le parti Yelema, SADI, la Ligue démocratique pour le changement (LDC) de l’ancien candidat à la présidentielle Moussa Sinko Coulibaly, le Cadre des partis et regroupements politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel, le Collectif pour la défense de la République (CDR) de Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath, Me Kassoum Tapo du Morema, l’ancien Président de l’Assemblée nationale Pr. Ali Nouhoum Diallo et les guides religieux Chouala Bayaya Haidara et Cheick Soufi Bilal Diallo. Avec tous ces interlocuteurs, la Coordination a indiqué avoir des « convergences de vue » et un « engagement commun ».

« Puisque le cercle de ceux qui sont entièrement d’accord avec ces deux objectifs va amplement au-delà des signataires de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali, il était normal pour nous non pas de démarcher, mais de retrouver tous les groupes sociaux, ils sont les plus importants aujourd’hui, pour agir ensemble », explique Dramane Diarra, Président de l’Alliance des générations démocratiques du Mali (AGDM), membre de la Coordination.

« Actions en vue ? »

Dans son Appel du 20 février, la Coordination, essentiellement formée de figures politiques en déphasage avec la conduite de la Transition, à l’instar d’Issa Kaou Djim ou de Housseini Amion Guindo, assure qu’elle œuvrera par « tous les moyens légaux » à l’aboutissement de ses requêtes et au respect du chronogramme de la Transition.

Si la tenue de manifestations publiques n’est pas exclue dans les semaines à venir, c’est surtout sur le terrain juridique que la nouvelle plateforme compte combattre « l’illégalité » contre laquelle elle s’insurge. « Si le gouvernement de transition persiste dans cette aventure de déstabilisation du pays à travers cette révision constitutionnelle illégale, j’attends le décret qui va décider de l’organisation de ce référendum pour l’attaquer devant le juge administratif », prévient le Coordinateur général Cheick Mohamed Chérif Koné.

« J’irai directement sur le plan pénal. Je vais engager la responsabilité pénale des autorités de la Transition. Elles ne sont pas au-dessus de la loi. Si la justice malienne ne s’assume pas, il y a tellement de moyens de droits pour les contraindre et faire en sorte que personne n’échappe à la justice. Il y a également la justice internationale, il s’agit de la mettre en marche », poursuit l’ancien Premier Avocat général à la Cour suprême du Mali, limogé en septembre 2021 après sa dénonciation de la procédure d’arrestation de l’ancien Premier ministre feu Soumeylou Boubeye Maiga.

Pour la Coordination de l’Appel du 20 février pour sauver le Mali, qui veut user de « méthodes et stratégies sans force ni fusil mais avec la force des arguments », le Colonel Assimi Goïta n’est pas un Président élu et la Constitution du Mali ne donne qualité qu’au seul Président et aux députés démocratiquement élus de prendre l’initiative de la révision constitutionnelle.

Mais le gouvernement de transition, tourné vers la vulgarisation du projet de Constitution avant la tenue du référendum, ne s’inscrit visiblement pas dans un abandon de l’adoption de la nouvelle Constitution. À l’instar d’An té Abana lors de la tentative de révision constitutionnelle de 2017, la Coordination des organisations de l’Appel du 20 février va-t-elle réussir à l’y contraindre ?

Abdoulaye Guindo : « si on veut faire les élections avec le nouveau découpage, il va falloir attendre encore 5 ans »

La Mission d’observation des élections au Mali (MODELE Mali) a présenté le 18 mars son rapport sur les réformes politiques et institutionnelles en cours suite au report du référendum. Abdoulaye Guindo, Président de Doniblog et membre de la Mission, répond à nos questions.

Que peut-on retenir de ce rapport ?

Le rapport fait l’analyse de l’avant-projet de constitution sur les aspects électoraux. À ce niveau, nous avons noté des avancées, dont la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote. Entre les deux tours, les candidats auront désormais trois semaines pour faire campagne, contrairement à l’ancienne Constitution, où les résultats définitifs tombaient souvent à deux jours de la clôture de la campagne du 2ème tour. Nous avons également noté que le Mali clarifie le rôle de l’armée, qui n’est pas de gérer le pouvoir politique mais de sécuriser les populations et de se mettre au service des politiques. Nous pensons qu’avec cette disposition on pourra peut-être éviter les coups d’État.

Vous vous interrogez sur la disponibilité en ressources humaines, matérielles et financières pour l’opérationnalisation de toutes les nouvelles entités administratives avant les prochaines élections…

Avec 19 régions et plus de 150 cercles, même si les ressources humaines sont disponibles, le temps de les nommer et qu’elles se mettent en place peut prendre plus de 5 ans. Nous disons donc que le nouveau découpage peut attendre. Nous pouvons continuer à mettre en place les préfets, sous-préfets et gouverneurs et laisser le soin à un nouveau Président élu, pendant son premier mandat, de rendre opérationnels les nouvelles régions et les nouveaux cercles.

Cela revient-il à aller aux élections avec l’ancien découpage ?

Oui, c’est ce que nous avons proposé dans nos recommandations : faire les élections sur la base de l’ancien découpage administratif, les 49 cercles. Le Président Amadou Toumani Touré avait créé 11 nouveaux cercles, mais sous IBK les élections n’ont pas pu s’y tenir. Nous pensons que si on veut faire les élections avec le nouveau découpage il va falloir attendre encore 5 ans. Alors que le gouvernement a pris des engagements et réitéré sa volonté de respecter le chronogramme de 24 mois.

La Mission dénonce également le vote par anticipation des forces armées et de sécurité. Pourquoi ?

Nous estimons que cette disposition pourrait être un élément majeur de fraudes. Nous pensons que même si on déploie des observateurs, voire les délégués des candidats, dans un camp, ils n’auront pas le courage de dénoncer les éventuelles irrégularités. Pour nous, il faut faire voter les militaires le même jour que le reste de la population. Par ailleurs, il n’y a pas de fichier électoral distinct entre militaires et civils.

ASMA-CFP : la vie sans Soumeylou Boubeye Maïga

L’An I du décès de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga rappelle l’immensité de l’homme et les défis que son parti doit relever pour continuer d’exister après lui.

Cela fait un an que le « Tigre de Badala » ne rugit plus. En prison depuis août 2021, accusé entre autres de « faux et usage de faux et d’atteinte aux biens publics dans l’affaire de l’acquisition de l’avion présidentiel et des achats d’équipements militaires », l’état de santé de Soumeylou Boubeye Maiga s’était sévèrement dégradé durant sa détention. Il est décédé le 21 mars 2022 à Bamako dans la clinique où il était hospitalisé depuis décembre 2021, sans jamais avoir été jugé. Le chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath, invité à prendre la parole lors de la 3ème Conférence nationale du parti, le 11 mars dernier, a affirmé que Soumeylou Boubeye Maïga avait été « assassiné ». Convoqué le 13 mars par la police, il a par la suite été placé sous mandat de dépôt par le Parquet de la Commune IV pour « simulation d’infraction ».

Les militants de l’ASMA-CFP, qui évitent de s’exprimer sur cette dernière affaire, indiquent « rester unis, debout et plus que jamais déterminés » à œuvrer pour que le parti continue de « peser » sur l’échiquier politique malien. Une volonté qui, selon des analystes, ne sera pas simple à matérialiser.

« Il y a la culture de la personnification des partis politiques au Mali. Et l’ASMA ne fait pas exception à cela. La disparition de l’ancien Premier Ministre fait que le parti se retrouve dans une situation un peu délicate, dans la mesure où toute la question qui se pose c’est la pérennité du parti. Il n’est pas évident qu’il puisse trouver en son sein quelqu’un de charismatique et qui dispose des moyens financiers et intellectuels nécessaires pour faire face au vide qu’il a laissé », craint l’analyste politique Ballan Diakité. Outre l’absence de figure charismatique, le spécialiste met aussi l’accent sur la non représentativité du parti sur tout le territoire du Mali.

Une dissension interne risque également d’obscurcir l’horizon de l’ASMA. Le 2 mars dernier, le 3ème Vice-président, Aboubacar Ba, et le Secrétaire général adjoint, Boubacar Traoré, ont été suspendus « pour leurs initiatives et attitudes qui sont de nature à compromettre le parti et à porter atteinte à son image », a justifié l’ASMA dans un communiqué.

Pour le Secrétaire général du parti, Issa Diarra, « au-delà de tout ce qui s’est passé », le parti a su prendre un nouveau départ, avec de nouvelles ambitions. « Contrairement à ce que beaucoup de gens auraient pensé, la disparition de notre Président a requinqué beaucoup de militants et nous a donné beaucoup plus de courage pour ne pas baisser les bras. Nous sommes dans cette optique », assure-t-il.

Unité

Même après le décès de son Président, le parti essaye de jouer des coudes pour rester présent sur la scène politique. Avec le Cadre des partis et regroupements politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel, dont il est l’un des principaux initiateurs, l’ASMA-CFP a participé aux différents ateliers et forums sur les réformes politiques et constitutionnelles organisés par les autorités de la Transition. Mais le manque de vigueur dans ses prises de positions ne réjouit pas tout le monde au sein de cette entité.

« Dès les premières heures de la Transition le parti s’est engagé dans une dynamique de soutien en vue de relever les défis sécuritaires et d’aboutir à un retour à l’ordre constitutionnel normal, à travers l’organisation d’élections justes, transparentes, crédibles dans un esprit de consensus et d’inclusivité », rappelle Amadou Baba Cissé.

L’ASMA se projette déjà pour les prochaines élections, si les dates sont tenues. Lors de sa première participation aux élections communales, en 2016, sur 185 partis qui s’étaient présentés, il était sorti 7ème, avec 300 conseillers et 14 maires. « Nous avons eu également 4 députés élus lors des législatives qui ont suivi. Mais nous ne nous satisfaisons pas trop de cela. Nous comptons travailler pour tirer ce parti encore plus vers le haut », indique le Secrétaire général Issa Diarra. Mais autre temps, autre contexte, puisque Soumeylou Boubeye Maiga vivait encore à ces dates et que son influence, renforcée après son passage à la Primature, lui avait permis de propulser haut le parti.

Chronogramme électoral : l’inévitable glissement

C’était un secret de Polichinelle. C’est désormais officiel. Le référendum, initialement prévu pour le 19 mars 2023, a été reporté le 10 mars dernier à une date ultérieure. Ce report, qui ne faisait plus guère de doute depuis quelques semaines, pourrait impacter la tenue à date des autres scrutins prévus dans le chronogramme de la Transition.

« Ce report se justifie par la ferme volonté des autorités de la Transition d’appliquer les recommandations des Assises nationales de la refondation (ANR), notamment la pleine opérationnalisation de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), à travers l’installation de ses démembrements dans les 19 régions administratives du Mali et le District de Bamako dans les plus brefs délais, ainsi que la vulgarisation du projet de Constitution », a expliqué le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Porte-parole du gouvernement, le Colonel Abdoulaye Maiga.

« C’est à nous, quand on regarde le temps restant, de fournir beaucoup d’efforts afin que tous les objectifs que nous nous sommes fixés soient atteints », a-t-il souligné, assurant que le Président de la Transition « tient fermement au respect de la date butoir que nous avons pu négocier avec la CEDEAO ».

Un chronogramme impacté

La loi portant création des circonscriptions administratives en République du Mali, dont dépend l’installation des démembrements de l’AIGE et le projet de loi portant modification de la loi N2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale, adoptés respectivement les 20 et 28 février 2023 par le Conseil national de Transition (CNT), ne sont pas encore promulgués par le Président de la Transition.

Pour Hamidou Doumbia, Porte-parole du parti Yelema, un deuxième report va sûrement suivre : celui de l’élection des conseillers des collectivités territoriales, prévue en juin prochain, parce que « le Collège électoral devait être convoqué fin mars mais qu’aujourd’hui les démembrements de l’AIGE ne sont pas mis en place ».

« Il y a vraiment des doutes sur le reste du processus. Nous espérons que le gouvernement, notamment le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, va rencontrer tous les autres acteurs pour qu’ensemble nous essayions de voir ce qui peut être fait pour que nous ne sortions pas du délai global », indique M. Doumbia.

« Il y aura forcément un décalage dans le reste du chronogramme », tranche pour sa part Bréhima Mamadou Koné. Selon cet analyste politique, le chronogramme que le gouvernement avait établi  était juste un « document de politique ». « Avec la mise en place de l’AIGE, c’est de sa responsabilité d’établir un chronogramme électoral, en synergie avec l’ensemble des acteurs, les partis politiques et les organisations de la société civile, et c’est sur la base de ce chronogramme qu’on pourrait être fixé sur la tenue des différentes élections à venir », soutient-il.

Dr. Ibrahima Sangho, Président de la Mission d’observation des élections au Mali (MODELE) est de cet avis. À l’en croire,  le chronogramme de juin 2022 avait  été donné « juste pour sortir de l’embargo de la CEDEAO ». « Un chronogramme réaliste n’est pas encore sur la table. Aujourd’hui, il n’appartient plus au gouvernement de donner un chronogramme, d’organiser des élections en République du Mali. Il appartient à l’AIGE d’organiser les élections, donc de donner un chronogramme », appuie l’expert électoral.

Impératif réaménagement

Le gouvernement de transition a indiqué que la nouvelle date du référendum sera fixée après concertation avec l’Autorité indépendante de gestion des élections et l’ensemble des acteurs du processus électoral. Cette nouvelle date, devrait, selon des analystes, conduire à un réaménagement de tout le chronogramme initial, ce qui pourrait aboutir à repousser la date des différentes élections ou à en abandonner certaines.

« C’est sûr que nous serons obligés de renoncer aux élections locales (élections des conseillers des collectivités territoriales, NDRL) et de nous concentrer sur le référendum et les élections  couplées présidentielle et législatives. Je pense que c’est possible de redéfinir les choses de cette manière », propose l’analyste Dr. Mahamadou Konaté, Directeur général de Conseils Donko pour la gouvernance et la sécurité.

« Ce qui est possible de faire pour sortir de la Transition, il faut le faire. À notre avis, le référendum peut se tenir en juin. Si c’est le cas, au premier trimestre 2024 on peut organiser les élections législatives et la présidentielle ou alors uniquement la présidentielle, pour mettre fin à la Transition », renchérit Dr. Ibrahima Sangho.

Dans un communiqué en date du 20 février, la Coalition pour l’observation citoyenne des élections au Mali (COCEM), composée de l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH), de la Jeune Chambre Internationale (JCI-Mali), de Wildaf Mali, du RPL (Réseau Plaidoyer et Lobbying) et de SOS Démocratie, avait proposé aux autorités de la Transition de prévoir le référendum le 25 juin 2023, l’élection des conseillers des collectivités territoriales le 29 octobre 2023 et celle couplée du Président de la République et des députés à l’Assemblée nationale le 4 février 2024 pour les premiers tours et le18 février 2024 pour les seconds, le cas échéant.

« Il est fort possible de changer un peu l’ordre des élections, de surseoir à certaines si la nécessité est. Mais ce qui est important, c’est que la Transition doit prendre fin comme prévu en 2024. Nous espérons que nous allons pouvoir travailler et essayer de dégager un chronogramme pour que nous puissions, avec une certaine rigueur, respecter nos engagements », plaide Hamidou Doumbia, pour lequel tout dépendra de ce qui sera discuté avec le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation.

« Dès qu’on observe un  retard, il faut appeler les acteurs pour en discuter et travailler techniquement à voir ce qui peut être sauvé et non attendre que les échéances arrivent avant d’informer sur un report », insiste le porte-parole du parti de l’ancien Premier ministre Moussa Mara.

Février 2024, tenable ?

Malgré les assurances du gouvernement pour le retour à l’ordre constitutionnel « dans le respect de la durée de la Transition après avoir mené les réformes nécessaires », pour plusieurs observateurs, l’échéance de février 2024 qui a été donnée à la Transition risque de ne pas être respectée avec la tenue effective de toutes les élections prévues, en raison du retard pris et du décalage dans le calendrier qui va découler du report du référendum.

« On ne peut pas, à mon avis, tenir tous les scrutins tels qu’ils étaient prévus et rester dans le délai imparti de la Transition », avance Dr. Mahamadou Konaté, qui préconise la renonciation à au moins l’un des scrutins prévus pour rester dans le délai. Certains acteurs politiques qui alertent depuis quelques mois sur la lenteur dans la mise en œuvre du chronogramme de la Transition n’excluent pas, par ailleurs, que le gouvernement de transition traîne à dessein dans le processus afin d’aboutir à une nouvelle prolongation de la Transition au-delà des 24 mois supplémentaires convenus.

Dr. Mahamadou Konaté ne partage pas cette crainte. « Pour l’instant, je crois que le gouvernement a toujours l’intention de tenir le délai », glisse-t-il. « On n’est pas encore au point où des actes de mauvaise foi sont suffisamment patents pour démontrer que les autorités souhaitent à nouveau aller vers une prolongation de la Transition », recadre cet analyste.

Pour lui, jusqu’à la fin la fin de l’année  2023, « tant qu’on n’aura pas perdu la possibilité de redéfinir le calendrier et de renoncer à une ou deux élections pour se concentrer sur celles qui sont essentielles pour le retour à l’ordre constitutionnel, je pense que c’est toujours possible de tenir le délai de février 2024 ».

Elections : la loi électorale modifiée

Le Conseil national de transition (CNT), a adopté mardi 28 février un projet de loi portant modification de la loi N2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale. C’était à l’issue de la deuxième et dernière séance plénière de la session extraordinaire de février 2023.

Adopté à l’unanimité, (129 voix pour, 0 contre, 0 abstention), le projet de loi apporte plusieurs modifications à la loi initiale de juin 2022 telles que l’élargissement des lieux d’implantation des bureaux de vote dans les garnisons militaires, l’institution du vote par anticipation des membres des Forces armées et de sécurité et le remplacement de la carte d’électeur biométrique par la carte nationale d’identité biométrique sécurisée comme unique document autorisé dans le bureau de vote.

L’une des innovations majeures est le raccourcissement du délai d’installation des coordinations de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) qui passe de 6 à 3 mois au plus avant la tenue des scrutins.

« C’est à la pratique qu’on s’est rendu compte qu’effectivement, il va falloir intervenir sur la loi électorale pour apporter des modifications qui permettront de faire en sorte que le chronogramme qui est adossé à cette même loi électorale puisse permettre une application efficiente au bénéfice du processus électoral. C’est à la suite de cela que les innovations ont été entreprises », a expliqué devant les membres de l’organe législatif de la Transition,  Mme Fatoumata Sékou Dicko, ministre déléguée chargée des Réformes politiques et institutionnelles.

Toutes ces modifications apportées ont pour objectif de faire en sorte que le processus électoral se déroule de manière transparente, crédible et sécurisée, a-t-elle soutenu.

Le projet de loi initié par la ministre déléguée  chargée des réformes politiques et institutionnelles avait été adopté en Conseil des ministres le 15 février 2023.

Au cours de cette session extraordinaire convoquée par le Président de la Transition, le CNT a également adopté un projet de loi portant création des circonscriptions administratives en République du Mali, consacrant le nouveau découpage territorial qui retardait la mise en place des coordinations de l’AIGE.