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Christophe Gomart : « Sécurité, économie et stabilité politique, trois piliers indissociables »
Ancien Général de corps d’armée et député européen élu en juin 2024 sur la liste des Républicains, Christophe Gomart est Vice-président de la Sous-commission Sécurité et Défense (SEDE) et membre de la Commission des Affaires étrangères au Parlement européen. En 2013, il a participé à l’Opération Serval au Mali. Dans cet entretien, il aborde les défis de la stabilisation du Sahel. Propos recueillis par Massiré Diop
Quelle est la clé pour stabiliser durablement le Sahel ?
La coopération régionale est indispensable. Les groupes terroristes exploitent les frontières pour se déplacer et opérer en toute impunité. Sans coordination entre les pays, cette lutte sera inefficace. L’exemple d’Europol en Europe montre l’importance d’une structure capable d’agir au-delà des frontières, une approche encore à construire dans le Sahel.
L’option militaire, à elle seule, peut-elle résoudre les problèmes ?
Non, l’option militaire est nécessaire mais insuffisante. Pour stabiliser le Sahel, il faut s’appuyer sur trois piliers : sécurité, économie et stabilité politique. Lors de l’Opération Serval, j’ai vu de jeunes Maliens rejoindre des groupes armés pour des raisons économiques. Si nous ne leur offrons pas d’alternatives, ces recrutements continueront. Sans institutions politiques solides pour soutenir un développement à long terme, aucun progrès ne sera durable. Une armée forte est essentielle, mais elle doit être accompagnée de gouvernements stables et non corrompus.
Quelle place pour l’environnement dans cette stratégie ?
L’environnement est une clé dans le pilier économique. La désertification, la raréfaction des ressources en eau et les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont des catalyseurs de l’instabilité. Reboiser, gérer durablement les terres et restaurer les écosystèmes sont nécessaires pour assurer des moyens de subsistance et éviter des migrations massives.
L’Europe joue-t-elle un rôle suffisant dans cette région ?
L’Union européenne fait beaucoup, mais il faut aller plus loin. La sécurité est importante, mais l’Europe doit également investir dans les infrastructures et encourager la création d’emplois pour éviter que les populations ne se tournent vers les groupes armés. L’engagement européen doit s’intensifier, car ce qui se passe au Sahel a des répercussions sur la sécurité en Europe.
Quels espoirs pour l’avenir ?
Si les trois piliers, à savoir la sécurité, l’économie et la stabilité politique sont renforcés de manière concertée, il est possible de stabiliser la région. Cela demandera un effort international soutenu, mais c’est la seule voie pour transformer le Sahel en un espace de paix et de prospérité.
Nouveau RSUE : João Cravinho nommé pour un nouveau chapitre dans les relations UE-Sahel
Désigné ce lundi 18 novembre 2024, João Cravinho, ancien ministre des Affaires étrangères du Portugal, prendra ses fonctions le 1er décembre prochain, en tant que représentant spécial de l’Union européenne (RSUE) pour le Sahel.
Cette nomination intervient à un moment critique, alors que les relations entre l’UE et les pays sahéliens tels que le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont marquées par des tensions liées aux transitions politiques en cours.
Sahel : Quel rôle pour les jeunes dans la gouvernance ?
L’engagement civique, citoyen et politique des jeunes au Sahel a connu un déclin ces vingt dernières années. Ce désengagement est la conséquence d’un mécontentement généralisé lié à la gouvernance. Face à ce constat, des initiatives sont en cours pour replacer la jeunesse du Sahel au cœur de la gouvernance et de la stabilité de la région.
Les jeunes ont joué un rôle important dans le basculement des régimes politiques au Sahel ces dernières années. Que ce soit à travers des manifestations de rue ou des espaces d’échanges sur les réseaux sociaux, la voix de la jeunesse a impacté l’évolution de la situation politique.
Pour fournir aux jeunes un cadre de dialogue, de réflexion, d’apprentissage et d’échanges d’expériences et de bonnes pratiques, afin de proposer de nouvelles perspectives, et améliorer leur participation à la citoyenneté et aux processus de paix en Afrique et au Sahel, la 5ème édition du Forum régional des jeunes s’est tenue du 12 au 13 novembre 2024 à Bamako, sur le thème « Rôle et engagement des jeunes dans la gouvernance, la citoyenneté et la paix au Sahel : aller au-delà de la contestation ».
Organisé par le Gorée Institute et l’École de maintien de la paix Alioune Blondin Bèye de Bamako, en collaboration avec le ministère de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne de la République du Mali et avec l’appui financier du Royaume des Pays-Bas, l’évènement a rassemblé plus de 150 jeunes acteurs de la société civile, des partis politiques, des organisations internationales et des institutions étatiques et non étatiques venant du Mali, du Sénégal, du Burkina Faso et du Niger.
Nouvelle force citoyenne
Dans sa note conceptuelle, l’Institut Gorée soutient que l’expérience des révoltes citoyennes victorieuses au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso et au Maghreb, majoritairement conduites par des jeunes, devrait « pousser les élites politiques traditionnelles à se rendre à l’évidence ». Il a aussi été convenu d’appeler ces mouvements « Nouvelle force citoyenne ».
Nous sommes en face d’une nouvelle conscience citoyenne appelée à demeurer dans le paysage politique par la contestation et la dénonciation fréquentes de la « gouvernance scandaleuse », souligne le document.
Néanmoins, les jeunes doivent aller au-delà de cette forme d’expression et s’affirmer sur le plan politique. Il est temps pour eux de se convertir en force de proposition au bénéfice des gouvernants, qu’ils soient militaires ou civils, poursuit la note.
Pour propulser ce changement auprès de la jeunesse, le forum visait à créer un espace pour un échange intergénérationnel de connaissances, d’enseignements et d’expériences et à recueillir les perspectives des jeunes, ainsi que leurs propositions de solutions, face à l’exacerbation de la conflictualité, à l’instabilité politique et à l’instabilité institutionnelle dans l’espace Sahel.
Jeunesse outillée
Ce rendez-vous régional des jeunes avait également pour objectifs de leur donner l’opportunité d’échanger sur le concept de citoyenneté en vue de le repenser dans le contexte africain ainsi que de mettre en place des mécanismes pour réduire l’impact de l’instabilité chronique dans l’espace Sahel. Il leur a permis également d’interagir avec les autorités étatiques, notamment maliennes, et les représentants des institutions internationales et sous-régionales.
Pendant deux jours, lors de divers panels, ils ont été sensibilisés sur plusieurs thèmes tels que leurs rôles et responsabilités dans la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent au Sahel, leurs réponses pour des transitions réussies dans les crises politiques et institutionnelles de la région, ainsi que leur leadership et leur engagement civique et politique comme moyens de contribution à la reconstruction de nos États.
Les échanges ont également porté sur la place d’Internet dans la contestation et la construction d’idées innovantes pour un meilleur changement, ainsi que sur le positionnement des jeunes femmes comme partenaires stratégiques dans les processus politiques et de paix au Sahel.
Mohamed Kenouvi
Bilan des violences et de l’insécurité au Sahel : Près de 2000 morts en deux mois, selon OCHA
Malgré une diminution continue des incidents sécuritaires, les populations du Sahel central subissent encore les conséquences de la violence, des conflits et de l’insécurité. Un rapport récent du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA) révèle que, pour les mois d’août et septembre 2024, 569 incidents ont été enregistrés, entraînant la mort de 1 946 personnes.
À titre de comparaison, les mois de mai et juin 2024 avaient vu 2 864 décès liés à des violences. Depuis le début de l’année, le nombre total d’incidents sécuritaires a atteint 10 599, selon la même organisation.
Au-delà des pertes humaines, les conflits au Sahel central continuent de provoquer des déplacements massifs de populations. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur des frontières du Burkina Faso, du Mali et du Niger s’élève désormais à 2,7 millions, soit une augmentation de 3 % par rapport à juin 2024. En parallèle, le nombre de réfugiés a légèrement diminué de 2 %, totalisant 319 500 individus.
Les populations déplacées, souvent les plus vulnérables, sont confrontées à une insécurité alimentaire sévère et à des niveaux critiques de malnutrition. L’accès aux services de base est limité, avec un impact aggravé par les inondations survenues pendant la saison des pluies de 2024. Le rapport précise que 8 218 écoles sont non fonctionnelles dans la région et que 494 centres de santé ne sont plus opérationnels. Le Burkina Faso est le pays le plus durement touché par ces fermetures.
Bien que les violences persistent et que les accès sont de plus en plus restreints, 310 organisations humanitaires demeurent actives sur le terrain, apportant une aide aux populations affectées. Cependant, les financements disponibles sont encore insuffisants pour répondre à l’ampleur des besoins. À ce jour, 885 millions de dollars ont été mobilisés, ce qui ne représente que 38 % des fonds requis pour soutenir 9 millions de personnes ciblées par les programmes d’aide.
Il convient de noter que ce rapport, publié par le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA), repose sur des données collectées auprès de sources variées, telles que ACLED, l’UNICEF, l’OMS, ainsi que les gouvernements nationaux concernés.
Harmonisation des documents de voyage et d’identité : Les experts de l’AES en réunion à Bamako
L’hôtel Salam de Bamako a abrité, les mercredi 2 et jeudi 3 octobre, une réunion des experts de l’Alliance des États du Sahel (AES). Présidée par Oumar Sogoba, Secrétaire Général du Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile, cette rencontre était consacrée à l’harmonisation des documents de voyage et d’identité au sein des pays membres de l’AES.
Mali – Transition : les mille et une difficultés des journalistes
Le rapport « Dans la peau d’un journaliste au Sahel », publié le 3 avril dernier par Reporters sans frontières, met en évidence d’immenses obstacles à être journaliste au Mali. Déjà confrontés au non versement de la subvention allouée aux médias depuis 2019 et à un ralentissement des mannes publicitaires, ils peinent également à faire leur travail à cause de l’insécurité et de la répression politique.
Il est de ces épreuves de vie qui sont plus dures que la mort. Depuis 2016, Birama Touré, journaliste de l’hebdomadaire Le Sphinx, est porté disparu après avoir été enlevé à Bamako. Sept ans sans donner signe de vie. « Personne ne sait s’il est vivant ou mort », dit l’un de ses proches, pour lequel la situation est toujours difficile. Le 6 avril dernier, c’est le journaliste Aliou Touré, Directeur de publication du journal Le Démocrate, qui a subi le même sort dans la capitale malienne, avant finalement d’être libéré le 10 avril par des ravisseurs non identifiés.
Une chance que n’ont toujours pas eue les journalistes maliens Hamadoun Nialibouly et Moussa M’Bana Dicko, enlevés respectivement en septembre 2020 et en avril 2021 au centre du Mali par des hommes armés.
À Bamako comme à l’intérieur du pays, les journalistes subissent des agressions. « Il est indéniable que le métier de journaliste au Mali est devenu extrêmement difficile en raison de l’insécurité qui règne dans le nord et le centre. Les risques auxquels sont confrontés les journalistes dans ces localités sont très élevés. Les enlèvements, les menaces et les intimidations sont monnaie courante pour eux », explique Modibo Fofana, Président de l’APPEL Mali. En outre, certains se retrouvent aussi « cyber harcelés et menacés », indique le rapport, qui met l’accent sur le cas de Malick Konaté. Victime régulièrement de cyber harcèlement et d’intimidation depuis début 2023, le journaliste reporter d’images (JRI), également fondateur de la web télévision Horon32, a dû quitter le pays.
Face à la situation, les organisations de la presse s’organisent. Une cellule réunissant l’ensemble des organisations professionnelles de la presse a été créée suite à la disparition du journaliste Aliou Touré. Et elle continue d’œuvrer malgré son réapparition. « Nous demandons à l’ensemble de la presse de continuer cette synergie d’actions et de se donner la main pour faire aboutir nos revendications les plus légitimes pour une presse libre, indépendante et responsable. Dorénavant, la Cellule de crise mise en place va s’intéresser au cas Birama Touré, pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire », a indiqué le 11 avril dernier le Président de la Maison de la Presse, Bandiougou Danté.
Sahel : RSF alerte sur les conditions des journalistes
Dans un rapport rendu public ce lundi 3 avril, Reporters sans frontière interpelle et dénonce les nombreuses suspensions des médias français au Sahel ainsi que les conditions de travail des journalistes.
‘’Couvrir librement les multiples crises du Sahel est de plus en plus difficile pour les journalistes, davantage encore depuis que des militaires ont pris le pouvoir dans plusieurs pays’’ a indiqué Reporters sans frontières dans un rapport publié ce lundi. Au Mali, au Burkina et au Tchad, les militaires ont cherché à contrôler les médias au travers de mesures d’interdiction ou de restriction, voire d’attaques ou d’arrestations arbitraires » ajoute le rapport.
Au Mali, le 17 mars 2022 les autorités ont suspendu toute diffusion de RFI et France 24 après une diffusion par ces médias de reportages selon lesquels l’armée malienne serait impliquée dans des exactions contre des civils.
Le 3 décembre 2022, le Burkina Faso a suspendu à son tour toute diffusion de la radio RFI sur l’étendue du territoire burkinabé. Le 27 mars 2023, la chaîne de télévision française France 24 voit à son tour être suspendue. Cinq jours après cette suspension, Sophie Douce du Monde et Agnès Faivre de Libération ont été expulsées samedi 1er avril. Autant de freins à la liberté de la presse au Sahel qui justifient cette sortie de reporters sans frontières.
Dans son rapport, RSF mentionne aussi la détérioration de la situation financière des médias sous l’effet de la crise et de l’arrêt des subventions des Etats.