Grève des Banquiers : la fin du bras de fer ?

Le Syndicat national des Banques, Assurances, Établissements Financiers et commerces du Mali (SYNABEF) a mis fin à son mouvement de grève le 10 juin 2024. Déclenché le 5 juin 2024 suite à l’arrestation et à la mise sous mandat de dépôt de son Secrétaire général, Hamadoun Bah, suite à une plainte pour faux et usage de faux. Cet énième mouvement, entamé à quelques jours de la fête de Tabaski, met à mal les droits des usagers. Au-delà, il traduit un malaise croissant entre les autorités et le syndicat et une forme de pression qui menace la paix et la justice sociale.

Pour protester contre l’arrestation le 5 juin 2024 du Secrétaire général du SYNABEF, Hamadou Bah, le syndicat a déclenché un arrêt de travail de 72 heures, décidé le 6 juin. Un mouvement largement suivi qui a été prolongé jusqu’au 10 juin. Exigeant la libération de son leader, le syndicat n’a mis fin à la grève qu’après la libération de ce dernier, qu’il considère plutôt comme victime de son action syndicale.

Mais la grève de 5 jours a eu des conséquences importantes sur les nombreuses opérations en cette veille de fête. « On est en pleine campagne de Prêt Tabaski.  C’est vrai qu’il y avait un service minimum, et cela pas dans toutes les banques, et qu’il ne concerne souvent que le ravitaillement des GAB ou l’ouverture d’un ou deux guichets », constate un cadre de banque. Cet arrêt a donc sérieusement ralenti les opérations, surtout en ce qui concerne les demandes, qui en principe ne prennent que 48 heures. Une situation qui fera que certains ne toucheront leurs Prêts Tabaski qu’après la fête.

Pour ceux qui devaient effectuer des opérations de retrait, il fallait être très patient le 11 juin. Des centaines de personnes ont d’assaut très tôt les différentes agences des banques. Arrivé aux environs de 8 heures, un client d’une des grandes banques de la place patiente. « Il y a 299 personnes avant moi », dit-il avec le sourire. À voir le nombre de personnes en attente, les agents risquent de travailler bien au-delà des heures de service, qui n’ont pas changé, confie un agent de sécurité.

Conséquences fâcheuses

Dans un communiqué publié le 9 juin 2024, les associations de consommateurs s’étaient indignées de la situation et avaient condamné ce mouvement, qui portait atteinte aux droits des consommateurs. L’Association des Consommateurs du Mali (ASCOMA), l’Association pour l’Assistance et la Défense des Consommateurs du Mali (ADAC – Mali) et le Regroupement des Consommateurs du Mali (REDECOMA) avaient regretté la fermeture de certaines banques et établissements financiers et de  certaines stations « dans un mépris total des usagers de ces secteurs économiques ». Dénonçant cette façon d’agir de ces structures, qui « violent les droits élémentaires des consommateurs, dont celui à l’information et celui à la satisfaction des besoins élémentaires », les associations s’étaient engagées à agir avec les moyens légaux pour remettre les consommateurs dans leurs droits.

Pour Abdrahamane Tamboura, économiste, l’une des conséquences de cette grève pourrait être l’effritement de la confiance des usagers dans les services bancaires. En ces périodes d’incertitude, ceux-ci pourraient avoir le réflexe de préférer garder des liquidités sur eux plutôt que dans les banques. Pour l’État et les entreprises, cela pourrait aussi entraîner des retards de paiement et provoquer des tensions en cette période de forts besoins. Pour les acteurs économiques, ces retards influencent l’activité de façon générale. Pour l’État, qui compte plusieurs fournisseurs en attente, la poursuite du mouvement aurait signifié un risque supplémentaire de tensions, d’où son intervention « contre son gré », puisqu’il s’agit d’une affaire judiciaire. Les banques sont aujourd’hui dans une position de force par rapport à l’État car au niveau de la sous-région, pour ses levées de fonds, ce sont principalement les établissements bancaires qui répondent à ses sollicitations. Compte tenu de cette situation et de la défaillance de l’État dans la gestion de certains aspects, l’autorité est sous la menace de la « tentation » à la grève. Et, avec cette première « victoire », les banques n’hésiteront plus à répéter leur mouvement pour demander la satisfaction de leurs revendications. Un recours qui n’est d’ailleurs pas exclu par les responsables du SYNABEF, qui estiment que la trêve sociale n’est pas synonyme de renoncement au droit de grève.

Apaisement

Reçu par les plus hautes autorités dès les premières heures de la grève, le Secrétaire général de la principale centrale syndicale, par ailleurs Président du Conseil Économique, Social, Culturel et Environnemental, s’est réjoui du dénouement de la crise. « Nous sommes responsables à l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM). Nous avons toujours agi avec la manière pour atteindre les résultats », s’est exprimé Yacouba Katilé à l’issue de la remise en liberté le 10 juin du Secrétaire général du SYNABEF, également Secrétaire général adjoint de l’UNTM. Une joie et un soulagement sans triomphalisme cependant, avait tenu à préciser le Secrétaire général de l’UNTM. « Son retour est un moment de satisfaction et prouve la force de notre engagement commun ». « Vous avez démontré que l’UNTM est une force unie et résiliente. Elle est capable de surmonter les épreuves avec dignité et fermeté. Il est crucial d’aborder cette victoire avec une attitude d’apaisement et de conciliation », avait encore insisté M.Katilé, qui a en outre salué  le respect par les autorités de leurs engagements. Pour le Secrétaire général du SYNABEF, il s’agit d’un « sentiment de fierté d’appartenir à un syndicat responsable ». Et de « prouver au monde que nous pouvons être solidaires dans l’unité et dans l’action ». Même si pour les syndicalistes ce compromis est une contribution à la préservation de la paix sociale, il s’agit pour certains observateurs d’une « victoire » et d’une « pression » au détriment de l’indépendance de la justice. En effet, la plainte pour faux et usage de faux, bien qu’ayant été retirée par la partie civile, est une action publique qui suit normalement son cours. Une affaire encore en instruction sur laquelle ne se prononce pas Maître Ladji Traoré, l’avocat de la partie civile.

Rebondissement à craindre ?

Fallait-il aller déclencher un mouvement de grève pour une affaire de faux et usage de faux impliquant deux particuliers, même syndicalistes ? Si les choses continuent de cette façon, il est à craindre une immixtion de l’État dans une affaire privée, au risque d’influencer la décision judiciaire, s’inquiète M. Tamboura. D’ailleurs, les deux syndicats de magistrats, à savoir le Syndicat Libre de la Magistrature (SYLIMA) et le Syndicat Autonome de la Magistrature (SAM), s’étaient exprimés le 7 juin 2024 dans un communiqué. Déclarant suivre « avec une particulière attention l’évolution du traitement par le Pôle national économique et financier de la procédure pénale mettant en cause un individu pour des faits de faux et d’usage de faux », ils ont invité leurs collègues magistrats à « rester sereins », tout en leur donnant l’assurance que « force restera à la loi et que l’égalité de tous devant la justice pénale sera également respectée ».

En situation de force, les banques n’ont pas hésité à créer une paralysie sans tenir compte des besoins des usagers, déplore M. Tamboura. Un choix peu appréciable de « mettre l’État en état de faiblesse ». Or, il s’agit plutôt d’une période à mettre à profit pour redonner à l’État son autorité et empêcher que des individus ne lui en imposent. Outre le syndicat des banques, d’autres pourraient s’impliquer, remettant du coup en cause l’esprit du Pacte de stabilité signé entre l’État et les partenaires sociaux en août 2023. Une situation à ne pas encourager. Il faut plutôt faire la part des choses et instaurer une véritable communication entre l’État et ces partenaires sociaux afin de gérer les éventuels conflits et surtout pour éviter à l’avenir que la justice soit à la merci de n’importe quelle pression.

Transition : quel bilan 3 ans après la « rectification » ?

Le 7 juin 2021, le Colonel Assimi Goïta était investi Président de la Transition, après avoir mis deux semaines plus tôt, le 25 mai 2021, « hors de leurs prérogatives » le Colonel-major à la retraite Bah N’Daw et Moctar Ouane, alors respectivement Président et Premier ministre de la Transition. 3 ans plus tard, le nouvel attelage Goïta – Maïga a réalisé des avancées notables, non sans quelques points négatifs. Alors que la période transitoire devrait encore s’étendre sur plusieurs mois, retour sur le bilan de la rectification et les perspectives futures.

L’an III de la Transition s’amorce sur les prémices d’une éventuelle rupture entre les alliés stratégiques depuis la rectification de mai 2021 : les militaires de l’ex CNSP et le M5-RFP. Cela pourrait constituer un tournant majeur dans la nouvelle année qu’elle entame. La tendance de ce mouvement proche du Premier ministre a publié le 24 mai dernier un mémorandum assez critique sur la gestion des militaires durant les 12 derniers mois. Le signataire du mémorandum, Boubacar Karamoko Traoré, Président par intérim du M5 tendance Choguel a été interpellé quelques jours plus tard dans les locaux de la Primature. Il a été placé sous mandat de dépôt le 28 mai pour outrage à magistrat, atteinte au crédit de l’État et diffusion de propos mensongers attribués à des tiers. Son jugement est prévu pour le 1er juillet. Cette arrestation, la deuxième d’un très proche du Premier ministre après Abdel Kader Maïga, ainsi que « l’assentiment » donné à une tendance du M5 dirigée par l’Imam Oumarou Diarra et Mountaga Tall, illustre les tensions entre les militaires et le Premier ministre. Dans le mémorandum, il est dénoncé une rupture du pacte le 1er juillet 2023, lors du remaniement ministériel qui a débarqué les ministres du M5-RFP du gouvernement « sans consultation ni proposition de Dr. Choguel K. Maïga, en sa double qualité de Premier ministre et de Président du M5-RFP ».

Pour le politologue Dr. Bréhima Mamadou Koné, une éventuelle rupture entre le M5 et les militaires n’aurait aucune conséquence pour la suite de la Transition parce que « le M5 a été surestimé, en réalité, aujourd’hui c’est une coquille vide, sans contenu ».

Si la 3ème année de la rectification s’ouvre sur cette détérioration apparente des relations entre la branche du M5-RFP fidèle au Premier ministre et les autorités militaires de la Transition, elle aura été, tout comme les deux années précédentes, marquée par plusieurs évènements majeurs.

An III dans la continuité

Après avoir mis fin à l’opération Barkhane, tourné le dos à la France, après une série de brouilles diplomatiques entre les deux pays, et annoncé le retrait du Mali du G5 Sahel, les autorités de la Transition sont restées dans la dynamique de rupture enclenchée depuis le second coup de force de mai 2021.

Le 16 juin 2023, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Abdoulaye Diop demande devant le Conseil de sécurité des Nations Unies le retrait sans délai de la MINUSMA, accusant la mission onusienne d’être devenue une partie du problème malien en alimentant les tensions communautaires exacerbées par des allégations d’une extrême gravité et arguant que la MINUMSA n’avait pas atteint son objectif fondamental. Cette demande sera approuvée deux semaines plus tard par le Conseil de sécurité, qui décidera le 30 juin 2023 de mettre fin au mandat de la mission onusienne après 10 ans de présence dans le pays. Ce retrait de la MINUSMA est effectif depuis le 31 décembre 2023, mais la phase de liquidation est encore en cours.

Dans la foulée de ce départ des forces onusiennes, l’armée malienne reprend les différents camps de la Mission et entame une reconquête du territoire marquée par la reprise de la ville de Kidal, le 14 novembre 2023. Deux mois après, le 25 janvier 2024, le gouvernement de transition annonce la fin de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, signé en 2015 avec les groupes armés indépendantistes.

Le 16 Septembre 2023, le Burkina Faso, le Niger et le Mali signent la Charte du Liptako-Gourma, actant la création de l’Alliance des États du Sahel, avec pour objectif d’établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle entre les 3 pays, qui annonceront plus tard, le 28 janvier 2024, leur retrait de la CEDEAO.

Sur un autre plan, longtemps voulu mais toujours abandonné par la suite par les anciens Présidents, le passage à la 4ème république a été acté le 22 juillet 2023, avec la promulgation par le Président de la Transition de la nouvelle Constitution, largement plébiscitée lors du référendum du 18 juin 2023.

« Pour moi, le bilan positif de l’an III 3 de la transition se limite à la réussite de la récupération de Kidal. C’est une vraie victoire militaire et politique, un symbole fort et le couronnement d’une volonté politique clairement affichée. Mais en dehors de Kidal, pour le reste c’est un désespoir profond. La Transition navigue à vue, sans vision ni perspectives, et on avance en essayant de communiquer pour occulter les vrais sujets », estime Dr. Amidou Tidiani, enseignant-chercheur à l’Université Paris-13.

Bilan global mitigé

Pour les proches du Premier ministre, depuis la rectification de la trajectoire de la Transition, les résultats du changement pour la refondation du Mali sont « irréfutables, visibles et tangibles à tous les niveaux ».

 « C’est un bilan satisfaisant. Quand on prend les 5 axes principaux du Plan d’action gouvernemental approuvé par le CNT en août 2021, on se rend compte qu’il y a eu des avancées dans presque tous les axes. Il n’y a que sur l’axe de l’organisation des élections générales qu’on peut estimer d’une certaine manière que les autorités de la Transition n’ont pas réussi », argue un collaborateur du Premier ministre. Toutefois, lors de son dernier passage devant le CNT, en avril 2022, les membres de l’organe législatif de la Transition s’étaient montrés très critique à l’égard du Premier ministre. Il est de nouveau convoqué par le CNT à une date qui n’est pas encore connue.

Dr. Amidou Tidiani résume pour sa part ce bilan en quatre étapes : l’étape du tâtonnement, l’étape de la résistance, celle de la victoire militaire et ensuite les « déconvenues de la gestion politique et économique ». Pour lui, cette dernière étape jette un « gros point négatif » sur le bilan global de la Transition. « Les opposants se retrouvent malmenés. On essaye de faire taire toute forme d’opposition politique et toute idéologie contraire est opprimée. En plus, aujourd’hui, économiquement nous avons un État dont les finances publiques sont calamiteuses, privé de toute capacité d’investissement et qui a du mal à résoudre la crise énergétique qui secoue le pays », déplore l’universitaire. Le 10 avril dernier, les autorités de la Transition ont annoncé la suspension jusqu’à nouvel ordre des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations.

Perspectives

Le Dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale a recommandé une prolongation de 2 à 5 ans de la durée de la Transition et formulé plusieurs autres recommandations, dont certaines pourraient être prioritaires pour la suite de la Transition en fonction de la décision des plus hautes autorités.

L’organisation de l’élection présidentielle semble être reléguée au second plan et pour beaucoup la question sécuritaire doit continuer d’être prioritaire sous la Transition. « La priorité reste la sécurisation de l’ensemble du territoire national. Il faudra la poursuivre jusqu’à la stabilisation du pays, parce qu’il n’est pas facile de combattre le terrorisme, malgré les capacités opérationnelles renforcées de l’armée sur les théâtres d’opérations », souligne Dr. Bréhima Mamadou Koné.

« Après, il reviendra aux autorités de juger d’organiser ensuite des élections si les contextes sécuritaire et sociopolitique le permettent et si elles jugent être en capacité de mobiliser les ressources financières nécessaires », poursuit-il.

Au-delà de la question des élections, qui ne semble pas prioritaire, le Mali, le Burkina Faso ainsi que le Niger vont amorcer l’après CEDEAO à partir de janvier 2025. Un retrait de l’instance sous-régionale qui pourrait avoir un effet papillon sur les acquis entre les différents États et s’étendre à la question monétaire, le franc CFA étant très souvent pris pour cible.

Mais, pour Dr. Tidiani, si la Transition devait se poursuivre, il faudrait un « changement d’hommes ». « Quand on regarde aujourd’hui le gouvernement de Transition, on ne voit personne avec de véritables perspectives susceptibles de sortir le pays de la crise. Ce n’est pas tant le résultat des trois années passées qui pose problème, mais beaucoup plus l’absence de perspectives pour la suite », glisse l’enseignant-chercheur.

CEDEAO : quelles chances pour un retour des pays de l’AES ?

Les appels du pied et les initiatives pour ramener le Burkina Faso, le Mali et le Niger dans la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se multiplient depuis un moment. Alors que les trois pays, qui ont annoncé leur départ du bloc sous-régional fin janvier, sont pleinement tournés vers la création de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel, un retour dans la CEDEAO est-il envisageable ?

La CEDEAO est visiblement décidée à tout mettre en œuvre pour ne pas laisser s’en aller le Burkina Faso, le Mali et le Niger de la communauté sous-régionale. D’ailleurs, dès l’annonce du retrait des trois pays, le 29 janvier 2024, l’institution ouest africaine a affiché son intention de privilégier le dialogue avec les pays concernés pour parvenir à un compromis.

À l’issue de la deuxième Session extraordinaire du Parlement de la CEDEAO de l’année 2024, tenue du 20 au 25 mai dernier à Kano, au Nigéria, il a été décidé  de la création d’une Commission ad hoc de facilitation, de médiation et de réconciliation pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Objectif, « trouver des compromis entre les États membres désireux de quitter la CEDEAO et les instances dirigeantes de la Communauté ».

« Je ne pense pas que cette commission pourra faire des miracles parce que tant que les questions sécuritaires ne seront pas réglés, les militaires au pouvoir dans ces 3 pays n’organiseront pas les  élections. Si la CEDEAO est capable de laisser tomber toutes ses exigences, il y a peut-être une chance que ces pays reviennent », estime un analyste.

Plus tôt, le 16 mai, lors de la visite du Président Bassirou Diomaye Faye au Nigéria, le Président nigérian Bola Ahmed Tinubu, par ailleurs Président en exercice de la CEDEAO, avait invité son homologue sénégalais à « collaborer et à rencontrer les autres frères (le Mali, le Burkina Faso et le Niger) pour les persuader de revenir au bercail ». Ce dernier vient d’ailleurs d’effectuer le 30 mai une visite de travail au Mali et au Burkina Faso. A Bamako, le chef de l’Etat Sénégalais a assuré qu’il n’était pas là en tant que médiateur de la CEDEAO avant d’ajouter : « Je ne désespère pas de voir la CEDEAO repartir sur de nouvelles bases qui nous évite la situation que nous traversons aujourd’hui. Tant que nous sommes dans cet élan, je considère qu’il nous faut travailler au sein de la CEDEAO avec les différentes parties prenantes pour voir comment réconcilier les positions ». Il a également fait que ce n’était pas à l’ordre du jour pour le Sénégal de rejoindre l’AES.

Le 30 avril, réuni à Abidjan, le Conseil des sages de la CEDEAO, présidé par l’ancien Président nigérian et ancien médiateur de la CEDEAO au Mali Goodluck Jonathan, avait également exprimé des inquiétudes et invité les trois pays membres de l’AES à « reconsidérer leur position dans l’intérêt de l’unité de la Communauté ».

Un retour difficile 

Malgré la volonté affichée des dirigeants de la CEDEAO de faire revenir le Burkina Faso, le Mali et le Niger dans le bloc régional, la tâche s’annonce compliquée, d’autant plus que les trois pays semblent bien engagés dans une dynamique de non retour.

« Notre itinéraire est un chemin de non retour. Les chaînes que nous sommes en train de briser, c’est pour toujours. C’est fini, plus de CEDEAO », avait d’ailleurs martelé le Président de la transition du Burkina Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré, le 31 janvier dans un entretien accordé au journaliste Alain Foka.

Pour Boubacar Bocoum, analyste politique et en économie de guerre au Centre d’études stratégiques Sènè, la décision de l’AES est une décision « mûrement réfléchie et responsable » et il est  hors de question de retourner dans le giron de la CEDEAO.

« Ce serait totalement illogique, parce que ce qui est reproché à la CEDEAO n’a pas changé, rien n’a évolué. Je ne vois donc pas comment les pays de l’AES décideraient aujourd’hui d’arrêter leur projet de confédération pour retourner au sein de la CEDEAO », clame-t-il.

Pour lui, par ailleurs, c’est à la CEDEAO de se reconvertir vers l’Alliance des États du Sahel et non le contraire. « Les États de la CEDEAO qui souhaiteraient une union monétaire et une cohésion des États en Afrique de l’Ouest doivent muter vers une nouvelle dynamique fédérative qui prenne en compte les intérêts des communautés », soutient M. Bocoum.

CSP-JNIM : les conséquences d’un pacte « réchauffé »

Depuis la réunion qui a consacré son changement de dénomination et l’assignation de nouveaux objectifs, fin avril dernier, le Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-PDA) a entamé des discussions de « coexistence pacifique » avec le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM) d’Iyad Ag Ghaly. Ce rapprochement, aujourd’hui à un stade « avancé », pourrait impacter la situation sécuritaire sur le terrain et redéfinir les priorités des différentes entités en guerre.

Dans un message audio qui circule sur les réseaux sociaux depuis le 17 mai 2024, Algabass Ag Intalla, « Chargé de la réconciliation, de la cohabitation et des relations avec les autorités traditionnelles » au sein du CSP, demandait aux combattants du Cadre de ne pas s’opposer aux discussions en cours avec le JNIM. Selon ses propos, le haut cadre touareg avait déjà obtenu certaines avancées par ce biais et en espérait d’autres avec le groupe terroriste.

À en croire le porte-parole du CSP, Mohamed Elmaouloud Ramadane, dans des propos relayés par un quotidien étranger, ce rapprochement entre les deux entités n’est pas pour autant une alliance, mais « un pacte tacite de non agression ».

En effet, selon une source au Cadre, Alghabass Ag Intalla, qui présidait le Cadre jusqu’au changement de nom fin avril, a été mandaté par le Directoire du CSP pour obtenir un pacte de non agression afin de permettre non seulement la libre circulation des combattants, mais aussi un partage d’informations sur les mouvements de « l’ennemi commun », l’armée malienne et ses partenaires.

« Il n’est pas question d’une réconciliation à proprement parler, mais de mettre en place des mécanismes pour éviter la confrontation et de pouvoir coexister sur un même territoire », a confié un cadre du CSP à un média étranger. Joint par nos soins, le Porte-parole du Cadre n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Une  « coexistence » redéfinie

Si aujourd’hui les rebelles du CSP-PDA et les terroristes du JNIM sont en discussion pour ne pas en venir aux affrontements, un pacte de non agression existait déjà entre les deux entités depuis 2012, selon plusieurs observateurs, lorsque les groupes armés contrôlaient une grande partie du Nord du Mali. En effet, pendant les années où la CMA tenait Kidal, aucun affrontement n’a opposé les deux camps.

La « coexistence » pacifique entre le CSP-DPA et le JNIM a été seulement mise à mal le 5 avril 2024, lors de combats à Nara entre les deux entités. Les terroristes du JNIM avaient enjoint aux rebelles du CSP de ne pas mener des opérations dans le centre et le sud du pays, zones qu’ils considèrent comme étant leur « terrain ».

Mais, dans leur tentative de riposte à l’armée malienne après leur long silence depuis qu’ils avaient été défaits à Kidal en novembre 2023, les groupes armés rebelles du CSP ont tenté d’attaquer un camp des FAMa à partir des environs de la forêt du Wagadou, à la frontière entre la Mauritanie et le Mali. Ils sont tombés sur des combattants du JNIM et des affrontements s’en sont suivis entre les deux camps.  Bilan, une dizaine de morts de part et d’autre.

C’est suite à cet accrochage qu’une médiation a été lancée entre les deux groupes, dès le lendemain. Leader du Haut conseil pour l’unicité de l’Azawad (HCUA), dont le mouvement figurait parmi ceux du CSP à s’être alignés sur la demande du JNIM de ne pas mener des opérations sur leur « terrain », et anciennement proche d’Iyad Ag Ghaly au sein du groupe Ansar Dine, Algabass Ag Intalla a été tout naturellement  chargé de mener les discussions pour éviter de nouveaux affrontements et éventuellement  obtenir la libération de prisonniers et la restitution de véhicules.

« Il nous faut nous concentrer sur les ennemis qui menacent notre existence, en l’occurrence les mercenaires de Wagner et l’armée malienne. Nous n’avons pas de temps à perdre avec d’autres conflits parallèles », affirme un cadre du CSP, cité par le média étranger précité.

Quel impact sur le terrain ?

Selon des sources au CSP, le rapprochement avec le JNIM n’inclut pas des attaques conjointes de la part des deux entités. « Éviter la confrontation avec le JNIM ne signifie pas coopérer sur le terrain avec lui. Nous n’avons pas la même idéologie que lui », clarifie d’ailleurs le cadre cité plus haut.

En quoi ce pacte de non agression et ce rapprochement entre le CSP-PDA et le JNIM pourrait-il impacter la situation sécuritaire sur le terrain, notamment les rapports de force avec l’armée malienne, « l’ennemi commun » des deux entités ? Cette nouvelle donne constituerait-elle une menace pour les Forces de défense et de sécurité maliennes engagées depuis plusieurs mois dans une dynamique offensive sur le terrain ?

Pour Soumaila Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité, les réponses à ces interrogations sont négatives. « Je ne pense pas que ce rapprochement puisse avoir un impact assez décisif sur les actions de l’armée malienne. Le JNIM et le CSP ne sont pas dans la même logique. Même si tous les deux décident d’aller à ce rapprochement, leurs agendas ne concordent pas au point de faire évoluer les deux camps ensemble », argue-t-il.

« L’impact est plutôt à rechercher du côté du CSP, qui a adopté une nouvelle stratégie et qui, pour la mener à bien, doit chercher des accompagnements. Ce type d’action vise plutôt à avoir l’aval du JNIM pour se déplacer dans des parties du territoire considérées comme des chasses gardées du JNIM. Le CSP cherche à minimiser les risques en terme de déplacements de ses troupes », poursuit cet analyste.

Nouvelle marge de manœuvre ?

Après la reprise de Kidal en novembre 2023, même si globalement tous les groupes armés terroristes actifs sur le territoire national sont dans le viseur des FAMa, les offensives de l’armée semblent beaucoup plus cibler l’État islamique au Sahel (EIS) dans son fief de la Zone des trois frontières. Plusieurs chefs terroristes de l’EIS ont d’ailleurs été neutralisés ces derniers mois, tandis que certains combattants ont été contraints à la reddition. Le 26 mai, les FAMa ont toutefois neutralisé une trentaine de terroristes du JNIM qui avaient attaqué leurs positions.

Sur le terrain, un affaiblissement de l’EIS, qui subit des frappes ciblées de l’armée malienne, pourrait dans une certaine mesure offrir une nouvelle marge de manœuvre au JNIM et au CSP-PDA, tous deux ennemis déclarés de l’État islamique, qui pourraient se libérer d’éventuels nouveaux affrontements avec l’EIS et concentrer leurs différentes actions entièrement contre les FAMa.

« Ce sont des groupes qui ont la capacité de s’adapter par moment aux réalités du terrain et de se réinventer. Aujourd’hui, ils sont dans une logique de repositionnement et le fait de pouvoir tirer profit d’un éventuel affaiblissement de l’EIS va dépendre de l’évolution du contexte sur le terrain », estime Soumaila Lah.

Par ailleurs, selon Mohamed Elmaouloud Ramadane, la priorité du CSP est de « combattre l’État malien et Wagner » en déplaçant les combats vers le sud, « pour se rapprocher du cœur du pouvoir de l’ennemi, c’est-à-dire de Bamako ».

Pour M. Lah, cette progression annoncée du CSP-PDA, vers le sud du pays sera très difficile pour les rebelles touaregs, même avec l’aval du JNIM pour leur « libre circulation ».

« Je ne pense pas que le CSP et le JNIM soient suffisamment outillés pour mener des actions de grande envergure vers le sud. Je pense que c’est possible sur une partie du nord et du centre, mais au sud je les vois mal prospérer », glisse le spécialiste des questions sécuritaires.

Réduction du nombre de partis : quelle nouvelle architecture politique?

Cela figurait déjà parmi les recommandations des Assises nationales de la Refondation, il y a un peu moins de 2 ans et demi. Le Dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale, qui s’est achevé le 10 mai dernier, l’a réitéré. La réduction du nombre des partis politiques semble de plus en plus promise à une mise en œuvre effective prochaine. Cela laisse entrevoir une nouvelle architecture de la classe politique, dont la configuration pourrait profondément évoluer.

Gauche, Droite ou Centre. Républicains ou Démocrates. La politique malienne va-t-elle muer dans les années à venir vers un système occidental ou du moins s’en inspirer pour redéfinir son architecture ? Une chose est sûre, une importante partie des Maliens estime qu’il faut traiter la pléthore de partis politiques qui existe aujourd’hui dans le pays en limitant leur nombre.

Certes, le Dialogue inter-Maliens qui vient de s’achever a recommandé de réduire le nombre des partis, de durcir les conditions de leur création et de supprimer le financement public à leur endroit, mais la procédure à adopter, notamment les critères, pour parvenir à un nombre réduit de formations politiques n’est pas encore clairement définie.

D’ailleurs, certains analystes se dressent contre cette recommandation, d’autant plus que, selon eux, sa mise en œuvre créera plus de problèmes qu’elle n’en résoudra. « À mon avis, une réduction des partis politiques va nous conduire dans une autre polémique, alors que le pays a d’autres défis à relever. Quels partis supprimer et quels partis maintenir alors que tous les partis sont légalement et juridiquement constitués ? », s’interroge le politologue Ballan Diakité.

Pour sa part, Dr Bréhima Koné, politologue, est catégorique : réduire le nombre des partis politiques est anti-démocratique et anti-républicain. « La création des partis est consacrée par la Constitution. Si on en réduit le nombre, on va vers une violation de la Loi fondamentale et ces partis peuvent saisir les juridictions compétentes », clame-t-il.

Blocs idéologiques

Si les analystes sont contre une réduction drastique du nombre des partis, ils sont en revanche d’accord sur la nécessité d’une réorganisation de la classe politique malienne. La nouvelle architecture pourrait consacrer la naissance d’un « modèle politique malien ».

« La plupart des partis politiques au Mali sont d’idéologie socialiste ou libérale. Je pense que les partis peuvent se regrouper en fonction de leur idéologie pour réduire la pléthore qui existe aujourd’hui », suggère Jean-François Marie Camara, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences administratives ( FSAP) de Bamako.

Bréhima Mamadou Koné abonde dans le même sens. « Il faut réorganiser les partis politiques en les constituant en 3 blocs en fonction des idéologies. Les partis politiques à tendance socialiste peuvent constituer un bloc, ceux de la tendance libéral peuvent aussi en constituer un et pareil pour les partis qui se réclament du Centre », dit-il. Pour ce politologue, une telle reconfiguration présenterait d’ailleurs plusieurs avantages pour la classe politique et pour le pays.

« Cela permettra non seulement aux partis politiques d’être efficaces et efficients dans la formation des citoyens, mais aussi à l’État de réduire le coût de financement des formations politiques. Au lieu de financer les partis individuellement, on pourra mettre en place un mécanisme qui permettra de financer ces 3 blocs », avance M. Koné.

« Une telle configuration permettrait également d’éviter les contestations après les élections. Si on a 3 blocs, cela veut dire que pour l’élection présidentielle on n’aura que 3 candidats, à l’exception des candidatures indépendantes », poursuit -il.

« Guerre » de leadership ?

Dans un environnement politique déjà gangrené par la personnification des partis politiques, le risque d’une accentuation des crises de leadership au sein des éventuels futurs blocs idéologiques n’est pas à écarter.

« Une architecture politique en blocs peut créer un autre problème, celui de la capacité des leaders politiques à s’unir autour d’un idéal au sein d’un seul parti », craint Jean-François Camara.

Mais pour Bréhima Mamadou Koné, cette question devrait être réglée par une relecture de la Charte des partis politiques. « L’accession à la tête d’un bloc doit intervenir au bout d’un processus électoral transparent et on doit exiger des partis d’organiser des primaires pour choisir leurs candidats aux différentes élections », argue le politologue.

Confédération de l’AES : les défis de la concrétisation

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger viennent de franchir une nouvelle étape dans la mise en place de l’architecture de la Confédération regroupant les trois États. Réunis à Niamey le 17 mai 2024, les ministres des Affaires étrangères des trois pays ont adopté les textes de création de la future entité. En attendant la validation des textes par le sommet des chefs d’État, les défis et les attentes sont déjà grands pour cette future alliance.

« Nous pouvons considérer très clairement que la Confédération des États de l’Alliance des États du Sahel (AES) est née », s’est réjouit le ministre malien des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Abdoulaye Diop, à l’issue d’une rencontre avec le chef de l’État du Niger. En effet, le ministre Diop et ses homologues du Burkina Faso et du Niger ont été reçus par le Président de la Transition au Niger après la réunion ministérielle qui a adopté les textes de création de la Confédération de l’AES, le 17 mai dans la capitale nigérienne. Quatrième du genre, cette rencontre des ministres des Affaires étrangères était une étape supplémentaire vers la concrétisation de la Confédération. « La phase d’organisation de la nouvelle entité confédérale se déroule bien », assure un spécialiste.

L’alliance stratégique incarnée par l’AES prendra bientôt forme et la préparation des « documents-cadres donne satisfaction », poursuit notre interlocuteur. Il ne reste plus aux chefs d’État que de « valider leur volonté politique de mettre en place cette Confédération, qui porte les espoirs de la renaissance africaine ». Ainsi, plus qu’une entité politique destinée à répondre à des défis communs, cette Confédération est aussi, pour certains analystes, le début d’une nouvelle ère.

Opportunités

L’Alliance des États du Sahel est le point de départ d’une nouvelle Union africaine, estime pour sa part Ousmane Bamba, modérateur du « Forum du Kénédougou », et invité du plateau du Débat du dimanche sur la chaîne de télévision Africable. Selon lui, quand la Confédération aura démontré ses avantages, elle pourra devenir une fédération. Il suggère ainsi que le traité fondateur de la Confédération soit assez « contraignant », afin de diminuer l’impact des droits de réserve des États, qui pourraient dépouiller l’alliance de son essence. Il doit aussi rester « ouvert » afin de permettre des adhésions futures.

Face aux défis communs, notamment sur le plan sécuritaire, les États de l’AES ont vite envisagé une synergie d’action, concrétisée par l’adoption de la Charte du Liptako Gourma le 16 septembre 2023. Une dynamique poursuivie lors de la 1ère réunion des ministres des Affaires étrangères des trois pays à Bamako, le 30 novembre et le 1er décembre 2023. Elle s’est traduite par la « mise en place de la synergie d’action pour prendre en compte les aspirations profondes des 3 peuples », a expliqué le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakary Yaou Sangaré, dans le communiqué sanctionnant la réunion ministérielle. Le but de la Confédération est de mutualiser les forces afin de résoudre les problèmes communs, auxquels les États pris individuellement ne peuvent faire face. Une réalité que les États de l’AES ont déjà expérimenté sur le plan sécuritaire avec des résultats probants, admettent les observateurs. Appelés à aller au-delà de cette « architecture de défense collective et d’assistance mutuelle », les États de l’AES veulent désormais bâtir une « unité militaire et économique plus poussée ».

Conditions de la réussite

Condamnés à réussir la prise en main de leur destin commun, les États de l’Alliance ont l’obligation de financer leurs propres projets pour ne pas finir comme le G5 Sahel, avertissent les observateurs. L’un des avantages de la future Confédération, comme pour toute intégration, est la mutualisation d’un certain nombre de moyens et l’élaboration de certaines politiques communes », note le Professeur Abdoul Karim Diamouténé, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences économiques et de gestion (FSEG). Ces politiques peuvent permettre l’élimination de certaines contraintes, dans le cadre par exemple de la libre circulation des biens et des personnes. Et, à ce titre, les entraves à la libre circulation dans le cadre de la CEDEAO sont des expériences à capitaliser, ajoute-t-il.

Sur le plan de l’énergie, la décision du Niger de fournir les pays membres de l’AES en carburant est un atout qui n’existait pas forcément entre les pays de la CEDEAO. Ces facilités pourraient aussi permettre la mutualisation de certains investissements, conséquence d’une prise de conscience qui se concrétisera dès que le processus actuellement en cours sera formalisé.

Suite logique du départ des pays de l’AES de l’organisation commune, la CEDEAO, la création de la Banque de l’AES, qui se chargera de certains investissements, est aussi une étape à envisager pour consolider la future alliance. Elle sera en tout cas différente de celle qui existe déjà. Parce que, dans l’ancien espace, la politique et les conditions administratives « nous échappaient ».

La nouvelle Banque de développement devrait donc faciliter la prise de décisions au niveau des pays, avec une prise en compte réelle des critères, ce qui représenterait « une belle perspective » par rapport à ce qui existait auparavant. Les États de l’AES constituent donc un marché pour les pays côtiers qui en dépendent, et non le contraire, soutient M. Diamoutènè. Les résultats dépendront donc de l’efficacité des actions à mener.

Après les menaces et les sanctions suite au départ des pays de l’AES de la CEDEAO, les leaders de l’organisation tentent une médiation pour le retour en son sein des trois États du Sahel. Un retour qui n’est pas souhaitable et qui serait même une régression, estime l’économiste.

Désormais, il faut envisager l’existence de deux entités qui seront donc contraintes à négocier de nouveaux accords. Disposant de ressources naturelles et d’un marché intérieur de 70 millions d’habitants, les pays de l’Alliance peuvent envisager l’introduction de barrières tarifaires à leurs frontières pour développer leur capacité industrielle, en deçà de celle de la zone, et de protéger leurs marchés. Une opportunité qui amènerait plutôt certains pays de la CEDEAO à rejoindre l’AES. Une « autre CEDEAO, qui prendrait mieux en compte les aspirations des pays de l’AES et même de certains de la CEDEAO ».

La panacée ?

La réunion de Niamey a permis la validation des textes du Cadre d’intégration politique, économique et social, à savoir le Traité portant création de la Confédération de l’AES et le Règlement intérieur du Collège des chefs d’État, et constitue la dernière ligne droite vers la tenue de la première session du Collège des chefs d’Etat. Mais le chemin vers la réalisation des ambitions de l’organisation reste semé d’embûches. La principale condition au succès de l’Alliance « est la réalisation de la souveraineté, qui inclut la sécurisation intégrale », note notre analyste. Les autres sont relatives à la définition de politiques adaptées aux problèmes existants déjà dans les pays qui ont créé l’AES, la rigueur dans la mise en œuvre de ces politiques, grâce à des acteurs très engagés, et la garantie du temps long des transformations, ce qui suppose une continuité dans le processus. Parce que, même si l’essentiel est disponible, une volonté politique et un leadership affirmé qui ont permis de franchir des étapes importantes, le chemin vers la prospérité sera long.

Pour le ministre Diop, « le travail principal aujourd’hui est d’avancer pour finaliser et formaliser les actes nécessaires pour permettre à cette Confédération de fonctionner ». Il faut surtout « prendre la juste mesure des défis », suggère un observateur.

La Confédération ne doit pas être une réponse ponctuelle à des défis existentiels mais une solution pérenne aux aspirations de populations déjà intégrées, grâce à des mécanismes de gestion adaptés. Une dynamique des peuples qu’il faut désormais respecter, selon Boubacar Bocoum, analyste politique.

Orange Mali lance les « Rendez-vous Orange »

L’hôtel Radisson Collection de Bamako a servi de cadre vendredi 17 mai 2024 au lancement des « Rendez-vous Orange » autour d’un petit déjeuner avec les représentants des médias. L’opérateur de téléphonie mobile a profité pour mettre en lumières ses différentes initiatives innovantes dans la promotion du développement durable, à l’occasion de la commémoration de la journée mondiale des télécommunications et de la société de l’information.

Les « Rendez-vous Orange » sont des rencontres trimestrielles entre Orange Mali et l’ensemble des acteurs du monde la presse au Mali notamment les grands regroupements, associations et faitières de presse, l’ensemble de la presse écrite et la presse en ligne, les radios, les télévisions, et les blogueurs et influenceurs. « Ces rencontres auront lieu tous les 3 mois avec le monde des médias pour présenter de manière originale, les actions d’Orange Mali réalisées au cours du trimestre mais également, pour faire un focus sur nos axes stratégiques tels qu’entre autres l’innovation, la dimension citoyenne et responsable, l’engagement pour un Mali numérique, le service client », a expliqué Fatoumata Sangaré Doucouré, Cheffe de division communication institutionnelle et sponsoring d’Orange-Mali. Cette édition inaugurale des « Rendez-vous Orange » a coïncidé avec la célébration de la journée mondiale des télécommunications et de la société de l’information, célébrée chaque année le 17 mai, dont le thème cette année était « l’innovation numérique au service du développement durable ». Orange Mali a donc saisi l’occasion pour présenter certains de ses projets innovants et impactant mis en œuvre par ses différentes Directions. Il s’agit de la de la solarisation des sites ruraux (100% dans le grand Nord du Mali) et le taux d’énergie renouvelable, du projet de fermes solaires et Orange Energies à travers la Direction de la Stratégie et des grands projets, des services dédiés au monde rural ( M-Agri et Kounafoni), la sensibilisation aux méfaits de l’internet dans les écoles à travers la Division, RSE, le déploiement des écoles numériques dans les différentes localités du pays à travers la Fondation Orange. De 2018 à 2023, 105 écoles numériques ont été déployées à travers le Mali, avec près de 60.000 élèves et enseignants bénéficiaires, représentant un investissement de plus de 235 millions FCFA. Orange Digital Center, un centre qui réunit dans un même espace plusieurs programmes stratégiques ( Orange Digital Kalanso, Orange Fab, Fab Lab Solidaire, ODC Multimédia et Orange Ventures Africa) ayant pour but la favorisation de l’inclusion numérique et booster l’employabilité des jeunes du Mali, a été également présenté aux hommes de média. Plusieurs entrepreneurs ayant participé au projet OSE (Orange soutient l’entreprenariat) ont été également récompensés par la remise de trophées lors de ce premier « Rendez-vous Orange ». Il s’agit entre autres de « Santé Mobile », une start up spécialisé dans la fourniture de soins et d’infirmiers à domicile, de « Succes Way Mali », une entreprise de placement d’étudiants maliens dans les universités à l’étranger, de l’entreprise « Diarra Agriculture », d’ « Akalan », une plateforme de E-learning et de la pharmacie « M’pewo ». Le projet « OSE » initié depuis 3 ans met en exergue l’entreprenariat malien et célèbre la semaine mondiale de l’Entreprenariat.

Pèlerinage 2024 : baisse du taux d’inscription

Pour assurer une meilleure organisation du pèlerinage à La Mecque, les autorités saoudiennes ont décidé d’arrêter le processus de délivrance des visas pour le Hadj 2024 dès le 24 mars 2024. Les premiers pèlerins maliens doivent entamer le voyage ce 23 mai 2024, dans un contexte particulier, car le quota alloué n’a pas été atteint. Ce qui pose quelques défis aux acteurs de la filière privée, notamment.

« Les préparatifs se déroulent normalement malgré le chronogramme », déclare Dr Abdel Fatah Cissé, Directeur général de la Maison du Hadj. Selon lui, ce chronogramme serré fait partie des nouvelles mesures envisagées par les autorités saoudiennes qui ont entraîné un démarrage des préparatifs dès le mois de juin 2023. Mais, à ce jour, le quota des 13 323 pèlerins accordé au Mali n’a pas été atteint et le taux d’inscription pour ce Hadj 2024 est de 80%. Malgré cet « objectif non atteint », les préparatifs sont bien avancés, autant sur le plan administratif que sur le plan de la formation des pèlerins.

Si les raisons de cette « faible affluence » sont à chercher dans « la chute du pouvoir d’achat due à la hausse des prix généraux sur le marché », ainsi que la crise multiforme que connaît le Mali, cette situation entraîne un risque supplémentaire pour les organisateurs privés du Hadj. En effet, compte tenu des exigences des autorités saoudiennes, les organisateurs privés ont voulu anticiper et, en fonction des quotas, ont « procédé à des préfinancements ». Avec les inscriptions limitées, « cela risque de plonger des agences dans des déficits incalculables pour leurs activités », explique Mme Cissé Fatimata Kouyaté. Présidente de l’Association malienne des agences de voyage et de tourisme (AMAVT).

Coût prohibitif ?

Pour les pèlerins de la filière gouvernementale, il faut débourser la somme de 4 166 425 francs CFA et pour ceux de la filière privé la somme de 4 675 000 francs. Des sommes colossales qui ne sont pas à la portée de tous, surtout dans un contexte de crise et de renchérissement des coûts. C’est au même moment que les organisateurs du Hadj ont décidé de mettre en place de nouvelles dispositions, ramenant le délai de clôture pour les inscriptions seulement quelques jours après le début du mois de Ramadan. Il faut dire que les autorités saoudiennes sont dans une dynamique d’augmentation constante du taux des pèlerins. Pour la Omra cette année, 13,55 millions de Musulmans ont effectué le déplacement sur les lieux saints durant le mois de Ramadan, soit une augmentation de 58%. D’ici 2030, les autorités saoudiennes visent 30 millions de visiteurs pour la Omra et 5,4 millions pour le grand pèlerinage.

Dialogues et assises : des recommandations qui peinent dans leur mise en œuvre

Après chaque dialogue ou assises, la question de la mise en œuvre des recommandations revient très souvent. Quel est l’état de mise en œuvre des recommandations des précédents fora ?

Il y a un peu plus d’un an, le 8 mai 2023, le Coordinateur du Comité indépendant de suivi-évaluation pour la mise en œuvre des recommandations des Assises nationales de la refondation, CINSERE-ANR, Me Amadou Tiéoulé Diarra, a remis un rapport au Président de la Transition, le Colonel Assimi Goita. Selon ce document, sur les 55 actions prioritaires des Assises nationales de la refondation, 12 avaient été réalisées, soit un taux 21,82%. Ces recommandations portaient entre autres sur : la recomposition du Conseil national de la transition; la relecture de la loi électorale; l’intégration d’imprescriptibilité des actions en matière de délinquance financière dans le Code de procédure pénale; la simplification de la procédure d’obtention et de délivrance de la carte Nina en nationalisant sa confection; la poursuite de l’équipement des FAMa ou encore l’instauration du service militaire obligatoire pour les nouvelles recrues. 34 sur les 55 étaient en cours de réalisation, selon le Coordinateur. À l’issue des Assises nationales de la refondation organisées en décembre 2021, 517 recommandations avaient été formulées. En 2019 s’est tenu le Dialogue national inclusif. Les participants se sont concertés du 11 au 30 décembre sur six thématiques (Paix, sécurité et cohésion sociale, Politique et institutionnel, Gouvernance, Social, Économie et finances et enfin Culture, jeunesse et sport). Les actions à réaliser ont été classées par priorité : court, moyen et long terme. Toutefois, les participants ont surtout retenu quatre résolutions fortes. Ils ont ainsi recommandé l’organisation des élections législatives (avant le 2 Mai 2020); l’organisation d’un référendum pour la révision de la Constitution du 25 février 1992; le redéploiement immédiat des forces armées et de sécurité reconstituées sur l’ensemble du territoire; la relecture de certaines dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale selon son article 65 ainsi que la négociation avec Hamadoun Kouffa et Iyad Ag Ghali (dirigeants de groupes armés liés à Al-Qaïda) pour « ramener la paix au Mali ». Les législatives se sont bien tenues les 29 mars et 19 avril pour le second tour, mais une crise post-électorale s’en est suivie, conduisant jusqu’au coup d’État contre le Président IBK en août 2020. Deux ans avant le Dialogue national inclusif, les autorités avaient organisé la Conférence d’entente nationale en 2017. Plusieurs recommandations ont été faites à l’issue de cette CEN, dont notamment d’améliorer la gouvernance, la justice et la gestion des ressources publiques; de criminaliser toutes les revendications basées sur la violence et l’usage des armes ou encore de négocier avec Iyad Ag Ghaly et Hamadoun Kouffa, les chefs du groupe terroriste JNIM. C’est alors que ces recommandations peinaient dans leur mise en œuvre que s’est tenu le DNI.

Transition : nouveau cap après les recommandations du dialogue inter-Maliens ?

Le rapport général final du dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale a été remis au président de la Transition le 13 mai 2024, trois jours après la fin des travaux de la phase nationale. Plus de 300 recommandations ont été retenues. Leur mise en œuvre pourrait constituer une nouvelle phase de la transition dont la prolongation semble déjà actée.

Quand le président de la transition annonçait le 31 décembre 2023 la tenue d’un dialogue direct inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale, suivi dans la foulée de la fin de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, il était attendu que le nouveau dialogue aboutisse à une alternative au défunt Accord et ouvre une nouvelle phase dans le processus de paix.

Mais dès la phase communale, certaines propositions de recommandations enregistrées semblaient sortir de l’objectif annoncé qui était de diagnostiquer les causes des conflits intra communautaires et intercommunautaires afin de tracer une architecture de paix durable, recoudre le tissu social et renforcer le vivre-ensemble.

Pour l’enseignant-chercheur à la Faculté des sciences administratives et politiques (FSAP) de Bamako, Dr. Ahmadou Touré, l’objectif réel du dialogue, tel qu’annoncé dans le discours du président de la transition n’a pas été atteint.

« Dès qu’on sort de l’Accord pour la paix et la réconciliation, il faut retrouver un mécanisme de reconfiguration et faire ramener tous les Maliens sous la couverture de la paix et de la réconciliation. Or les groupes armés n’ont pas été présents à ce dialogue et la question du développement entre le nord et le sud n’a pas été posée », souligne-t-il.

Recommandations diverses

Les propositions de base relatives entre autres à la prolongation de 2 à 5 de la transition, à la candidature du président de la transition à la prochaine élection présidentielle et à l’élévation au grade de général de division des colonels de l’ex-CNSP en plus du Colonel Abdoulaye Maiga ont été retenues à l’issue de la phase nationale et figurent dans les recommandations finales.

Parmi les autres recommandations recueillis par le comité de pilotage à travers les 5 thématiques définies, on peut également retenir la relecture de la charte de la transition ainsi que celle des partis politiques en vue de réduire leur nombre et de supprimer l’aide publique de l’Etat qui leur était destiné, l’ouverture du dialogue doctrinal avec les groupes armés dits djihadistes, la dissolution des milices et les groupes d’auto-défense et la réinsertion socioprofessionnelle de leurs combattants ou encore l’engagement d’un dialogue avec tous les mouvements armés maliens.

Les participants au Dialogue inter-Maliens ont aussi recommandé de créer un cadre de concertation entre les pouvoirs publics, les partis politiques, la société civile, les légitimités traditionnelles, en vue d’un consensus autour de la Transition, de dépolitiser l’Administration par l’introduction des règles de bonne conduite et un système de choix axé sur l’enquête de moralité des agents de l’Etat, d’ accélérer l’opérationnalisation des nouvelles entités territoriales (régions, cercles, arrondissements et Communes) et d’opérationnaliser les coordinations de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) dans les nouvelles régions.

Ils ont en outre recommandé la réduction du train de vie de l’Etat, l’amélioration de la bonne gouvernance, la restauration de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national, l’installation des postes de sécurité dans les points sensibles sur la Route RN15, l’établissement d’une forte coopération entre les Forces de défense et de sécurité (FDS) des pays de l’AES ou encore le renforcement de la diplomatie avec les pays de l’Asie et du Golfe.

« Les recommandations sont vagues. Elles doivent être retravaillées pour voir si elles peuvent s’inscrire sur la durée, si elles sont objectivement transposables dans les faits, et si elles ont un intérêt pour le pays. Ce travail n’a pas été fait », pense Soumaila Lah, analyste politico-sécuritaire, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la sécurité.

Quid de la mise en œuvre ?

Le comité de pilotage du dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation n’a pas défini de chronogramme spécifique pour la mise en œuvre des différentes recommandations faites lors des assises. Mais en se basant sur le nombre important de ces recommandations, on peut estimer que leur entière mise en œuvre va s’étaler sur plusieurs mois ou années.

« Pour ma part, j’engage les organes de la Transition à prendre les dispositions qui s’imposent pour la mise en œuvre diligente et le suivi des recommandations que vous avez formulées au nom du peuple malien, en gardant constamment à l’esprit la défense de ses intérêts vitaux », a indiqué le président de la Transition dans son discours de clôture des travaux le 10 mai 2024.

« Ce rapport ne signifie  pas la fin du processus, mais le début d’une mise en œuvre rigoureuse des résolutions et recommandations pour réaliser les aspirations profondes du peuple malien à la paix, à la réconciliation et au développement durable », a-t-il insisté par la suite lors de la remise du rapport final.

A l’instar des Assises nationales de la Refondation et comme recommandé à l’issue du Dialogue, une structure pour le suivi et l’évaluation des recommandations devrait très rapidement être mise en place. Selon un membre du comité de pilotage, il appartient désormais au président de la Transition d’examiner les différentes recommandations et de donner les instructions pour leur mise en œuvre selon les priorités.

« Il va de soi que les autorités de la Transition vont diligenter la mise en œuvre de certaines recommandations plutôt que d’autres. La prolongation de la transition par exemple devrait être assez rapidement formalisée tandis que la réduction du train de vie l’Etat ne sera probablement pas effectif à court terme », glisse un analyste.

Prolongation « légitimée »

Pour certains, dès le départ l’objectif principal de l’organisation du dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation était une nouvelle prolongation de la transition. « Ce dialogue est un outil comme tant d’autres qui ont été utilisés au moment de l’adoption de la Charte de la Transition ou encore des Assises nationales de la refondation. Tous les canaux de discussion qui ont eu lieu depuis le début de cette Transition n’ont servi qu’à légitimer des causes déjà connues à l’avance et le Dialogue inter-Maliens ne fera pas exception à cette règle », confiait récemment dans nos colonnes, l’analyste politique et enseignant-chercheur à l’Université Paris-13, Dr. Amidou Tidjani.

Comme lui, maître Cheick Oumar Konaré s’interroge également sur la finalité réelle  du Dialogue. « A ce que je sache , il n’y avait pas dans les thématiques annoncées par le dialogue, la question de la prorogation de la durée de la transition ni celle de la candidature du colonel Assimi Goita aux prochaines élections. Je pense que ces deux thèmes se sont invités dans les débats et que le dialogue a traité de quelque chose qui n’était pas parmi les sujets à traiter », souligne l’avocat.

Par ailleurs, plusieurs acteurs politiques qui avaient boycotté le dialogue ont fustigé les conclusions et recommandations.

Sécurité : face aux FAMa, les redditions de terroristes se multiplient

Face à la dynamique offensive des Forces armées maliennes (FAMa) enclenchée depuis quelques mois, de plus en plus de groupes ou de combattants terroristes sont contraints à la reddition.

Sale temps pour les groupes armés terroristes qui sévissaient depuis des années, sans être véritablement inquiétés, dans la plupart des régions du nord et du centre. Engagée dans une mission de sécurisation complète du territoire national et dans une lutte sans merci contre le terrorisme depuis un moment, l’armée malienne, de mieux en mieux équipée pour mener la guerre, semble avoir pris le dessus.

Au moins cinq importants chefs terroristes ont été neutralisés au cours des deux derniers mois dans les régions du nord et du centre du pays. Ces neutralisations ont été suivies de redditions de groupes et de combattants terroristes.

Le 30 avril, l’armée a annoncé la reddition deux jours plutôt d’un important groupe armé à Aguel Hoc, dans la région de Kidal. « Ces hommes armés se sont présentés pour rendre volontairement tous leurs équipements, constitués de 5 véhicules, de matériels de guerre composés de mitrailleuses, de munitions et de divers équipements militaires », a indiqué le communiqué de l’État-major.

Deux semaines après, selon toujours l’État-major de l’armée, le 12 mai, deux autres combattants, dont l’un des chefs terroristes du fuseau Ansongo, se sont également rendus aux FAMa avec leurs armes et autres effets militaires lors d’une opération de reddition qui « a eu lieu sans incident ».

Coups durs pour le terrorisme

Selon des analystes, les redditions aux FAMa des groupes terroristes qui se multiplient peuvent s’expliquer par plusieurs raisons. « Nous avons le fait que depuis un certain temps l’étau est en train de se resserrer autour de ces groupes, ce qui n’est pas étonnant, parce qu’il y a de grosses manœuvres militaires qui se produisent dans plusieurs zones du pays. En plus, beaucoup de chefs terroristes ont été dernièrement neutralisés, contribuant au fait que la base n’a plus de commandement et préfère se rendre », soutient Maciré Diop, journaliste et analyste sécuritaire.

À en croire ce spécialiste des groupes armés terroristes, ces redditions portent un important coup à la dynamique des GAT présents dans le nord et au centre du pays et auront beaucoup d’impact dans la lutte contre le terrorisme sur l’ensemble du territoire national.

« De plus en plus de mouvements terroristes vont perdre des combattants et, au fur et à mesure, cela peut aller jusqu’à ce qu’ils ne soient complètement réduits et contraints à la disparition », estime-t-il.

Quels avantages pour l’armée ?

Alors qu’elle multiplie les offensives sur le terrain et bénéficie de plus en plus de renseignements précis sur l’organisation, la planification et même les déplacements des différents groupes armées terroristes à travers le pays, l’armée malienne pourrait encore mieux peaufiner sa stratégie et obtenir plus de résultats efficaces dans ses futurs opérations à partir des redditions de ces groupes.

« Avec ces redditions, l’armée fait des prisonniers et peut avoir une idée sur les prochaines actions et la maîtrisé même de ces groupes, de leurs chefs, de comment ils évoluent sur le terrain, entre autres. Cela lui permettra également de pouvoir porter un coup beaucoup plus important à ces groupes. Je pense que cela crée aussi un effet dissuasif, c’est un facteur de démobilisation des autres combattants au niveau de ces groupes », avance Maciré Diop.

Mais, au même moment où elle pourrait tirer des avantages de ces groupes terroristes et des combattants qui déposent les armes, l’armée court aussi le risque d’éventuelles infiltrations terroristes en son sein. Nos tentatives auprès de la Dirpa pour davantage d’informations sur les dispositions prises pour s’assurer de la « bonne foi » des «terroristes repentis » et de leur sort après leur reddition n’ont pas abouti.

Maïs : le Bénin interdit son exportation vers ses voisins

Au Bénin, les prix du maïs connaissent une hausse importante. Une situation qui a conduit les autorités à interdire l’exportation de cette céréale. La mesure vise à assurer un approvisionnement correct du marché et une disponibilité du produit pour les consommateurs. Cette interdiction d’exporter vers les pays voisins pourrait entraîner une tension autour de cette denrée, essentielle à la consommation humaine et animale dans la zone.

L’exportation incontrôlée du produit vers les pays voisins aurait conduit à une rareté et une cherté inédites du produit. Pour stabiliser cette situation et rendre le maïs accessible aux populations, les autorités ont décidé d’interdire la sortie du produit jusqu’à nouvel ordre, selon plusieurs médias. Intervenant en avril dernier sur la question, le ministre béninois de l’Agriculture, Gaston Dossouhoui, avait expliqué les tensions autour du maïs. Selon lui, c’est à la faveur de l’interdiction d’importer des produits carnés, il y a deux ans, que les éleveurs de poulets ont voulu constituer des stocks de maïs pour leurs élevages. Une situation qui a amené les commerçants à entamer des spéculations. La deuxième raison, toujours selon le ministre, est d’ordre exogène. Elle émane de la forte demande de la zone du Sahel, devenue grande consommatrice de cette céréale. Or « le corridor le plus sécurisé est celui du Bénin », a-t-il soutenu. Citant notamment le Nigeria, il a estimé que ce pays avait besoin du maïs béninois, malgré sa grande production, compte tenu de l’importance de ses élevages.

Forte demande du Sahel

« Les sorties massives et frauduleuses vers les pays de l’Interland (Burkina Faso, Mali, Niger) » seraient la cause de cette hausse de prix. Malgré une hausse régulière de sa production, qui est passée de 1 100 000 tonnes environ à 1 800 000 tonnes, avec des besoins autour de 1 000 000 de tonnes, les spéculations et la forte demande ont fait grimper les prix. Cette mesure d’interdiction « jusqu’à nouvel ordre », selon les autorités, est une mesure de précaution, qui vise à protéger le stock national de sécurité.

Estimée à 4,1 millions de tonnes pour la campagne 2023-2024, la production malienne de maïs reste la plus importante, devant le riz (3 millions de tonnes), le mil et le sorgho. Le pays prévoit une hausse d’environ 12% de sa production céréalière pour la campagne 2024-2025. Le deuxième producteur de céréales en Afrique de l’Ouest après le Nigeria avait aussi adopté une mesure d’interdiction d’exporter en 2021 pour éviter une pénurie.

Banque – Assurance : AFG Group dévoile les nouvelles identités visuelles de ses filiales au Mali

Au Mali, AFG est présente à travers la BICIM qui devient AFG Bank et Atlantique Assurances qui sera désormais AFG Assur. La cérémonie de rebranding a été officialisée ce jeudi 9 Mai 2024 à Bamako en présence du ministre de l’Industrie et du Commerce.

Atlantic Financial Group (AFG), la holding bancaire du milliardaire ivoirien Koné Dossongui a procédé au changement de nom et d’identité visuelle de son pôle financier au Mali. Ainsi, ses filiales bancaires et assurancielles seront respectivement identifiées par l’appellation d’AFG Bank et AFG Assur. « Nous avons 7 banques, 5 compagnies d’assurances il était important pour le groupe d’harmoniser et d’affirmer son identité » a expliqué Raoul Yapo, directeur général adjoint chargé des assurances.

Avec à son compteur au moins 13 agences au plan national, la BICIM se taille une place de choix dans le financement de l’économie. Ce rebranding entre dans le cadre du programme de modernisation et de transformation digitale d’Atlantic Financial group. Comme la banque, Atlantique Assurance entend également tisser sa nouvelle toile avec ce changement, pour être encore plus près de sa clientèle. L’objectif de ce changement de nom est une vision de leadership pour les deux secteurs d’activité. Présent à la cérémonie de rebranding, le ministre du commerce a lancé un appel pour le financement des PME et PMI qui sont selon lui le socle de l’économie nationale, représentant 80% de cette économie. D’après le Directeur général d’AFG Bank Mali, la banque a financé à plus de 100 milliards de FCFA les titres d’Etat et à plus de 150 milliards de FCFA contre 60 milliards à la reprise les particuliers.

Holding Financière de Atlantic Group fondée par l’homme d’affaires Ivoirien Koné DOSSONGUI il y a plus de 40 ans, AFG est active dans le secteur bancaire francophone et compte aujourd’hui six (6) filiales bancaires, cinq (5) filiales d’assurances, deux (02) banques d’affaires (AFG Capital CEMAC & Ile Maurice) et une entité technologique (Digital Business Solutions).

FAMa : la dynamique offensive

Depuis plusieurs mois, les Forces armées maliennes (FAMa), engagées dans la sécurisation de l’ensemble du territoire national, multiplient la traque des groupes armés terroristes. Ces opérations, qui ont permis la neutralisation d’importants chefs terroristes ces dernières semaines, s’intensifient dans la zone des trois frontières, où ces groupes armés radicaux semblent de plus en plus acculés.

Le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, avait donné le ton le 14 novembre 2023, après la reprise de Kidal par l’armée malienne à la suite d’un raid déclenché quelque jours plus tôt en direction de la ville, contrôlée depuis plusieurs années par les groupes armés rebelles.

« Notre mission n’est pas achevée. Dans les jours qui viennent, nos FAMa poursuivront leurs interventions et bénéficieront de toute la confiance de notre vaillante peuple », avait averti Assimi Goïta, rappelant que cette mission consistait à « recouvrer et à sécuriser l’intégrité du territoire, sans exclusive aucune, conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité ». « Cette opération n’a pas d’autres buts que la lutte contre le terrorisme et la sécurisation de notre pays », avait assuré le Président de la Transition.

Depuis, dans cette lutte contre le terrorisme, les Forces armées maliennes maintiennent une dynamique offensive, avec des résultats significatifs.

Chefs terroristes neutralisés

Au moins cinq importants chefs terroristes ont été neutralisés au cours des deux derniers mois dans les régions du nord et du centre du pays. Le 29 avril 2024, l’armée a annoncé avoir tué Abou Houzeifa, alias Hugo, haut responsable de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), au cours d’une opération de grande envergure dans le Liptako-Gourma. La tête de ce terroriste étranger, « auteur de plusieurs exactions sur les populations civiles innocentes et d’attaques contre les Forces armées des pays de l’AES et des forces étrangères », avait été mise à prix par les États-Unis pour sa responsabilité dans la mort de quatre soldats américains des Forces spéciales au Niger en 2017.

« Sa disparition pourrait être un coup dur pour l’État islamique au Grand Sahara, tant sur le plan moral que logistique, c’est-à-dire la capacité de l’EIGS d’organiser et d’élaborer de nouvelles embuscades contre l’armée », estime l’analyste sécuritaire Dr Ahamadou Touré. Pour ce chercheur en Sciences politiques, paix et sécurité, la neutralisation d’ Abou Houzeifa pourrait également impacter l’architecture militaire de l’EIGS. « Cette architecture pourrait connaitre une déstabilisation temporaire durant le temps de deuil et avant la nomination d’un nouveau chef militaire », analyse-t-il.

Une semaine avant la mort d’Hugo, un autre terroriste, Akalifa Sawri, a été neutralisé entre Douetiré et Acharane, dans la région de Tombouctou. « Ce redoutable criminel impliqué dans toutes les attaques contre les FAMa, y compris des tirs d’obus et des braquages contre les civils le long de la route Tombouctou – Goundam, était vivement recherché », a indiqué dans un communiqué l’État-major général des FAMa le 22 avril.

Dans un autre communiqué, en date du 18 avril 2024, l’armée a annoncé la neutralisation le 12 avril d’Ali Sékou alias Diouraydi, chef terroriste du secteur de Dogo, dans la zone de Youwarou, ainsi que de plusieurs autres terroristes aux environs de Laounia, dans la région de Mopti. À en croire l’État-major général des armées, ce terroriste vivement recherché, qui était l’adjoint d’un autre chef terroriste, Hassane Alias Cheik Oumar, était responsable de plusieurs exactions sur les populations et de pose d’engins explosifs improvisés (EEI) dans le secteur.

La mort d’Ali Sékou alias Diouraydi a été suivie quatre jours plus tard, le 16 avril, de l’interpellation à Niono d’Almahdi Ag Almahmoud, un autre « chef terroriste de renommée ». L’offensive, menée au nord-est de Niono, a également permis la découverte de deux refuges des groupes armés terroristes et la saisie d’un important lot de matériel de guerre, composé entre autres de grenades artisanales, de munitions 12,7mm, de tenues et rangers militaires, de batteries et de détonateurs, a indiqué l’armée.

Un mois plus tôt, le 18 mars, les FAMa neutralisaient un autre chef terroriste, Boura Lobbi, originaire du village de Tana, qui sévissait dans une grande partie de la région de Douentza, particulièrement au nord, jusqu’à Diona. « Il a été tué ainsi que plusieurs de ses gardes au cours d’un accrochage avec les FAMa dans la forêt de Niabi. Ce chef terroriste, auteur de plusieurs exactions sur les populations et d’attaques contre les FAMa dans la région de Douentza et activement recherché, a été formellement identifié parmi les terroristes neutralisés », précise un communiqué de l’armée en date du 8 avril.

En janvier dernier, Aboul Wahab Ould Choghib, l’un des plus grands dirigeants de l’EIGS, ainsi que deux de ses lieutenants avaient été également neutralisés par l’armée malienne. La mort de ce chef terroriste, principal instigateur du massacre de plusieurs centaines de civils dans la région de Ménaka entre 2022 et 2023, ayant occasionné le déplacement de milliers d’autres civils, est intervenue après celles d’autres figures de ce groupe, survenues au début du mois de décembre 2023. Parmi elles, l’émir militaire de l’EIGS Oussama Dallo alias Modallo.

Zone des 3 frontières ciblée

Dans la nouvelle dynamique enclenchée depuis quelques mois par l’armée malienne dans la lutte contre le terrorisme et la sécurisation du territoire national, les offensives se multiplient dans la Zone des trois frontières, avec le Burkina Faso et le Niger, dans le cadre des opérations de la Force conjointe de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Si des opérations conjointes, d’une part entre le Mali et le Burkina Faso et de l’autre entre le Mali et le Niger, se menaient déjà ces dernières années, elles se ont intensifiées, avec des résultats plus probants depuis la création de la Force conjointe de l’AES, en mars dernier, même si jusqu’à présent ces opérations ne sont pas menées sous un commandement commun.

En avril, au moins trois grandes opérations coordonnées des trois armées dans cette zone ont conduit à la neutralisation de plusieurs groupes terroristes et à la destruction d’importantes bases logistiques.

Selon les informations de l’État-major général des armées du Mali, le 13 avril 2024 dans le secteur de Douna, à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso, une action conjointe impliquant des vecteurs  maliens et burkinabé a permis de démanteler une importante base logistique.

Le même jour, une importante quantité de matériels de guerre a été détruite, ainsi que plusieurs terroristes neutralisés, aux environs du village de Hourara, situé à environ 12 km au nord-ouest de Labbezanga, à la frontière entre le Mali et le Niger.

Trois jours plus tôt, le 10 avril, la coordination entre les armées malienne et nigérienne a permis de procéder à une frappe nigérienne qui a détruit un important lot logistique et neutralisé plusieurs terroristes dans la zone de Amalawlaw, dans le secteur de Labbezanga.

« C’est dans cette partie frontalière que l’on a une présence marquée des hommes de l’État islamique. Donc il faut comprendre que les trois armées veulent réduire de façon drastique les capacités de nuisance de ce groupe terroriste. Jusqu’ici, c’est Al-Qaïda qui a le plus subi de pertes. Les récentes opérations se concentrent davantage sur l’État islamique », expliquait récemment dans nos colonnes Dr Aly Tounkara, Directeur exécutif du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S).

Mais si les FAMa enchainent et réussissent des opérations portant des coups durs à l’organisation et à la capacité de nuisance de l’État islamique dans le Liptako-Gourma, elles ne sont en retour pas à l’abri des ripostes, mais aussi d’autres attaques venant du Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans ( JNIM) et de la menace des groupes rebelles du CSP-DPA.

Sans actions d’envergure depuis leur défaite à Kidal, ces derniers, désormais tournés de nouveau dans une lutte indépendantiste, préparent activement leur retour au combat contre l’armée malienne et sur tout le territoire malien.

FAMa : les dépenses militaires ont explosé

Selon le rapport annuel de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), dont les données font autorité concernant les dépenses militaires, le Mali a déboursé en 2023 un peu plus de 727 millions de dollars, soit un peu plus de 443 milliards de francs CFA.

Une augmentation de 24,91% par rapport à 2022, durant laquelle les dépenses ont été évaluées à 582 millions de dollars. Outre les achats d’équipements militaires, SIPRI inclut toutes les dépenses publiques pour les forces armées et les activités militaires, y compris les salaires et les avantages sociaux, les frais de fonctionnement, les infrastructures militaires, la recherche et développement, l’administration centrale, le commandement et le soutien.

Depuis ce que les autorités nomment « la rectification » de la Transition, plusieurs équipements militaires ont été achetés, sans que leurs coûts ne soient toutefois communiqués. Le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, a par exemple reçu le 16 mars 2023 des aéronefs militaires de combats et de surveillance L39 et TB2. Cette remise faisait suite de celle d’une autre vingtaine d’aéronefs, livrés le 19 janvier 2023, et le lancement des travaux de construction du camp moderne de dernière génération de Bougouni, dont la pose de la première pierre a eu lieu le 14 mars 2023.

D’après un autre rapport de SIPRI paru en 2023, sur la période 2018 – 2022, la plus forte hausse des importations d’armes au sud du Sahara a été enregistrée au Mali. Plus de 210% en comparaison avec les cinq années précédentes. La Russie a été le principal fournisseur du Mali au cours de cette période. Mais le Mali s’approvisionne aussi auprès d’autres pays, notamment la Turquie, avec des drones TB2 qui font partie des fleurons en la matière. Le gouvernement en a réceptionné une vingtaine le 4 janvier dernier. Ce qui fait aussi le succès de ce drone, outre son utilisation très simple, est son prix. Selon le site spécialisé Fortune.com, il est estimé à 1 million de dollars pièce, soit un peu plus de 618 millions de francs CFA. Même si les dépenses militaires maliennes sont importantes, elles sont loin derrière celles du voisin algérien. Les dépenses militaires de l’Algérie ont augmenté de 76% pour atteindre 18,3 milliards de dollars. Il s’agit du niveau de dépenses le plus élevé jamais enregistré par l’Algérie et cela s’explique en grande partie par une forte augmentation des recettes issues des exportations de gaz vers les pays d’Europe, à mesure que ces derniers se sont éloignés des approvisionnements russes.

Sécurité : changement de cap pour les groupes armés rebelles ?

Le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), qui regroupait depuis 2021 les ex-rebelles des groupes armés du nord à dominante touareg, est officiellement devenu depuis le 24 avril 2024 le Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA). Un changement de dénomination, avec de nouveaux objectifs, qui semble ouvrir un nouveau chapitre dans la guerre qui a repris depuis quelques mois entre ces groupes et l’armée malienne.

Comme son nom l’indiquait, le désormais ex-CSP-PSD, composé de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), de la Plateforme et de certains Mouvements de l’inclusivité, avait été mis en place dans le but de sécuriser les régions du Nord, d’accélérer leur développement et d’accompagner la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale signé en 2015.

Le Cadre stratégique pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA), qui le remplace, s’adapte, selon ses initiateurs, au contexte, qui a évolué depuis plusieurs mois. En effet, contrairement à la situation de dialogue entre ces groupes armés et l’État malien pour la mise en œuvre de l’Accord pour la paix qui prévalait à la création du CSP-PSD en 2021, les deux parties sont aujourd’hui de nouveau en guerre et l’Accord qui les liait n’existe plus.

« Les objectifs changent en fonction du contexte du moment. Avec le CSP-DPA, d’autres décisions importantes seront prises », affirme Mohamed Elmaouloud Ramadane, Porte-parole du Cadre.

Retour à la lutte indépendantiste ?

En plus de changer la dénomination du Cadre qui les réunit, les groupes armés rebelles du Nord ont également dissous la CMA et la Plateforme, ou plutôt une tendance du GATIA dirigée par Fahad Ag Almahmoud et qui leur est fidèle. Le CSP-DPA est dirigé par le Chef du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), Bilal Ag Achérif. Ce dernier, qui prend la place d’Alghabass Ag Intalla, qui présidait l’ex CSP-PSD, est connu pour son militantisme poussé pour l’indépendance de l’Azawad.

« C’est peut-être une indication pour les ex-rebelles, pour signifier que désormais leur principale revendication ne sera plus la demande de développement des régions du Nord du Mali ou encore une décentralisation plus poussée, mais carrément plutôt l’indépendance de plusieurs régions de cette partie du pays », estime un analyste.

Officiellement, ce retour à la lutte indépendantiste n’est pas encore acté, d’autant plus que, selon certaines sources, le débat ne serait pas encore tranché au sein du CSP-DPA. En effet, sur cette question et sur bien d’autres, les différents groupes qui composent le Cadre ne seraient pas sur la même longueur d’ondes. Selon nos informations, au moins deux tendances divergentes se sont formées au sein de la nouvelle coalition. D’un côté l’aile la plus dure, incarnée par le MNLA de Bilal Ag Achérif et les soutiens de Fahad Ag Almahmoud qui seraient en Mauritanie, et de l’autre des mouvements comme le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), dont les principaux tenants se trouveraient du côté de l’Algérie.

Mais, que ce soit pour une réplique après sa défaite à Kidal en novembre dernier ou pour des velléités indépendantistes, une reprise des combats contre l’armée malienne était déjà en préparation du côté de l’ex-rébellion touareg depuis plusieurs mois. Début mars dernier, Alghabass Ag Intalla, alors Président du Cadre, avait procédé à la nomination de nouveaux Commandants de zone dans les régions du Nord et le Porte-parole de la coalition affirmait alors que la reprise des combats n’était plus qu’une question de temps. Le 6 avril dernier, la tendance portée par Bilal Ag Achérif et Fahad Ag Almahmoud a tenté une incursion vers Nara, mais l’attaque a été repoussée par les terroristes du … JNIM. Ces derniers leur avaient interdit toute attaque dans cette zone, la considérant comme la leur, injonction respectée par le HCUA mais pas par le MNLA. Selon certaines sources, une dizaine de morts a été enregistrée des deux côtés. Ni les FAMa, ni les autorités n’ont réagi officiellement aux dernières actualités des rebelles du Nord, mais l’armée est aujourd’hui engagée dans une dynamique offensive, notamment dans la Zone des trois frontières, ce qui a permis de neutraliser de nombreux terroristes, dont un important chef de l’État islamique.

Crise énergétique au Mali : le court-circuit économique

Le bout du tunnel n’est visiblement pas pour demain. Alors que l’on s’attendait ces dernières semaines à des améliorations dans la fourniture de l’énergie, les délestages intempestifs continuent de plus belle pendant de longues heures, voire des journées, à travers le pays, y compris à Bamako. Fortement impactées par la crise énergétique depuis près d’un an, de plus en plus d’entreprises sont à l’arrêt ou contraintes à une baisse de production. Durement éprouvée, l’économie tient. Jusqu’à quand ?

Près de 48h sans électricité durant le mois d’avril dans certains quartiers de Bamako. Certaines pistes de solutions ont été évoquées depuis quelques mois, mais la société Énergie du Mali (EDM SA) n’est toujours pas en mesure d’assurer la fourniture de l’énergie électrique en continu sur l’ensemble du territoire national.

Au-delà des ménages, l’impact de la crise énergétique se fait de plus en plus sentir dans le fonctionnement du tissu économique avec des entreprises de différents secteurs qui sont à bout de résistance. La situation, qui empire jour après jour, les plonge dans d’énormes difficultés et suscite des interrogations sur leur survie à court terme.

Entreprises impactées

« Depuis bientôt un mois, la Société des eaux minérales du Mali (SEMM) traverse une période difficile. En raison des soucis de distribution d’électricité qui sévissent dans le pays, notre production se retrouve malheureusement affectée, malgré les multiples investissements en champs solaires et en groupes électrogènes », a alerté dans un communiqué, le 22 avril 2024, la Société des eaux minérales du Mali, productrice de l’eau Diago. « En effet, nous faisons face à une diminution de la quantité habituelle en cartons d’eau minérale DIAGO que nous mettons à la disposition de notre clientèle », poursuit le communiqué.

Dans la foulée, la grande bouteille d’eau minérale Diago, qui était jusque-là vendue 400 francs CFA, est passé à 500 francs. L’eau minérale Eva, même si la société productrice n’a pas communiqué sur des difficultés, est également difficile à trouver sur le marché depuis un moment.

À l’instar de la SEMM, beaucoup d’autres entreprises et d’activités économiques dans d’autres secteurs sont frappées de plein fouet par la crise énergétique qui secoue le pays. Moussa Doumbia est promoteur de l’entreprise de production de boissons naturelles « Jus Bougouni ». Il affirme qu’à un certain moment, pour tenir face à l’insuffisance en énergie électrique, son entreprise a du revoir sa production à la  baisse, avant de retrouver récemment sa production normale, non sans contraintes.

« Le marché est très lent, parce que la crise touche tous les secteurs et diminue le pouvoir d’achat des consommateurs qui demandent une diminution de prix alors qu’au même moment, au niveau de l’entreprise, nous avons une augmentation des coûts de production. Il y a un déséquilibre et même si nous arrivons à tenir c’est sur des marges très réduites pour ne pas aller à des résultats négatifs », confie-t-il.

Le secteur informel, qui représente une part importante dans la structuration de l’économie malienne, subit également l’impact de la crise énergétique. Plusieurs tailleurs, soudeurs ou encore acteurs de la chaine du froid, dont les métiers dépendent essentiellement de l’énergie électrique, ne sont pas épargnés.

« Notre travail est lié à l’électricité. On paye chaque jour au moins 15 000 francs de carburant pour notre groupe électrogène, qui peine à fonctionner aussi. Cette situation réduit nos revenus et certains de nos clients ne sont pas contents, parce qu’il est difficile de respecter les délais », témoigne sous anonymat un propriétaire de pressing de Bamako.

« Le taux de profit étant très faible dans le secteur informel, vouloir compenser l’indisponibilité de l’énergie par l’achat d’un groupe électrogène ou l’utilisation d’autres méthodes alternatives engendre des coûts supplémentaires, ce qui oblige la plupart des travailleurs à mettre un terme à leurs activités », analyse l’économiste Dr. Abdoul Karim Diamouténé.

L’économie mise à mal

Selon Modibo Mao Makalou, en dehors de la plupart des PME/PMI, les micro entreprises du secteur informel, qui constituent plus de 90% des unités économiques, tournent au ralenti ou sont à l’arrêt, ainsi que les 3/4 des grandes unités industrielles qui ne peuvent pas marcher à partir de groupes électrogènes pendant une durée substantielle.

« Il faut absolument de l’énergie électrique. D’abord, les groupes électrogènes ne sont pas faits pour tourner de longues heures. Or les coupures dépassent très souvent 12h par jour. Ensuite, le carburant et l’entretien de ces groupes électrogènes coûtent excessivement cher et cela ne permet pas à ces unités, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, de rentrer dans leurs coûts. Cela entraine donc une mévente au niveau des produits ou un arrêt de la production », explique l’économiste.

« Et quand il y a arrêt de la production, les salariés sont soit en chômage technique soit définitivement mis au chômage. Il en découle des difficultés économiques, parce que la réduction de la consommation a un impact négatif sur l’économie du pays en général et sur le PIB en particulier, ainsi que sur les revenus de l’ensemble de la population active », poursuit-il.

Dr Abdoul Karim Diamouténé abonde dans le même sens. Pour cet enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences économiques et de gestion (FSEG), c’est toute l’économie qui est étouffée par la crise énergétique qui perdure et son impact se ressent à plusieurs niveaux, y compris pour l’État, qui fait face à un manque à gagner considérable.

« Les recettes publiques proviennent des impôts, soit sur la production, soit sur les chiffres d’affaire et autres. Mais lorsque les entreprises subissent des retards ou des baisses dans leurs productions, il est tout à fait à fait normal que cela ait des répercussions sur leurs chiffres d’affaire, ce qui, par conséquent, devrait entrainer la baisse du niveau des recettes fiscales de l’État », souligne-t-il.

Résilience à long terme ?

Alors qu’elle a tenu tant bien que mal jusque-là face à cette crise énergétique sans précédent pour le pays, l’économie malienne pourra-t-elle encore résister pendant longtemps au choc ? Pour M. Diamouténé, le coût de reconversion peut s’avérer difficile pour l’économie, mais c’est surtout le risque social qui est à craindre.

« Tout va dépendre de la situation sociale si les différents ménages arrivent à tenir longtemps le coup sans grogne. Sinon, économiquement, les grandes firmes trouveront les moyens de s’adapter à la situation, même si évidemment cela aura des incidences sur leurs performances et les revenus qu’elles engrangent », soutient l’économiste.

« Les entreprises subissent des coûts énormes liés à cette crise énergétique. Des coûts d’adaptation et de reconversion. Soit elles ne sont pas en mesure de trouver les moyens de continuer et elles abandonnent, soit elles se reconvertissent ou s’adaptent. Quoi qu’il en soit, cela a un impact sur les productions et les revenus », précise-t-il.

Dans un communiqué en date du 30 avril 2024 suite à une mission d’une de ses équipes au Mali du 21 au 26 avril 2024, le Fonds monétaire international (FMI) estime que les perspectives à court terme de l’économie malienne sont « incertaines et sujettes à d’importants risques baissiers ».

« La croissance du PIB réel devrait ralentir à 3,8 % en 2024 en raison de graves pannes d’électricité, des effets négatifs du départ de la MINUSMA sur le secteur tertiaire, d’une baisse dans la production d’or et de l’incertitude entourant le report des élections et la sortie de la CEDEAO, mais devrait revenir à 4,4 % en 2025 », indique le FMI.

« Assurer un approvisionnement en électricité stable et rentable est la priorité numéro un du Mali. La convergence vers le plafond de déficit budgétaire de 3% de l’UEMOA est également importante dans un contexte de conditions de financement serrés et de coûts d’emprunt élevés », préconise l’institution de Breton Woods.

Bandiagara : jusqu’où ira le mécontentement ?

Depuis plusieurs années, la région de Bandiagara fait face à des enlèvements de bus de transport en commun sur l’axe Bandiagara – Bankass de la  RN15. De nouveaux  enlèvements, le 16 avril 2024, sur le même axe ont provoqué l’ire des forces vives de la région, qui ont depuis entamé plusieurs actions dont l’arrêt est conditionné à la satisfaction de plusieurs doléances qu’elles ont soumises aux autorités.

Suite à un mot d’ordre de désobéissance civile, les populations du cercle de Bankass étaient dans les rues le 18 avril 2024, bloquant par la même occasion l’axe Bandiagara – Bankass sur la RN15. Plusieurs véhicules dont des cars, des camions et des minibus se sont ainsi retrouvés bloqués à l’entrée de la ville pendant deux jours, avant la levée du blocus dans la matinée du 20 avril 2024.

« Nous avons décidé de lever le blocus  à la demande d’un grand leader religieux de notre région. Mais les autres décisions que nous avons prises sont maintenues », explique Mamoudou Guindo, Président du Conseil local de la jeunesse du cercle de  Bankass.

En effet, ces jeunes ont décidé de boycotter la phase régionale du Dialogue inter-Maliens et de maintenir le mot d’ordre de désobéissance civile jusqu’à la prise en charge totale de leurs doléances. Même la levée du blocus de la route est temporaire, comme l’explique M. Guindo. « Le blocus est levé juste pour quelques jours. Si nous n’avons pas de réactions des autorités, nous nous réunirons le 24 avril pour nous mettre d’accord sur la conduite à tenir pour la suite ».

L’État interpellé

En plus des actions entamées dans le cercle de Bankass, l’ensemble des forces vives de la région de Bandiagara est monté au créneau dans un communiqué en date du 19 avril 2024, en dénonçant la persistance des attaques terroristes dans la région, les récents enlèvements et prises d’otages de civils au niveau de Parou  Songobia sur la RN15, le nombre croissant de déplacés dans les grandes agglomérations de la région, « l’inaction » des forces armées et de sécurité dans la région, « malgré la montée en puissance de nos vaillantes armées », et la lenteur dans le processus de dialogue avec les différents groupes armés. « Plusieurs rencontres et dénonciations ont été faites et des promesses ont été tenues par les plus hautes autorités du pays, mais le constat demeure amer », soulignent les forces vives de la région de Bandiagara.

Dans le même communiqué, transmis au Gouverneur de la région, elles demandent aux autorités de la transition d’installer un camp militaire au niveau de Parou Songobia sur la RN15, d’engager une patrouille mixte d’envergure sur tout le territoire de la région de Bandiagara, de libérer la route Koro – Ouahigouya, de diligenter les actions en vue de la libération de tous les otages et d’accélérer le processus de dialogue pour faciliter le retour des déplacés.

Enlèvements récurrents

Selon des sources locales, au moins 110 civils sont retenus en otages par des terroristes présumés suite à l’enlèvement des bus du 16 avril 2024 sur l’axe Bandiagara – Bankass. C’est la 4ème fois depuis 2021 que des enlèvements ont lieu  dans cette zone.

« Le 10 novembre 2021, 3 de nos cars ont été enlevés et jusqu’à présent les otages ne sont pas libérés, parmi lesquels un maire adjoint, un chef de village et le premier Vice-président du Conseil local de la jeunesse », raconte Mamoudou Guindo.

Pour rappel, deux ans plus tard, le 7 novembre 2023, 3 véhicules appartenant à différentes compagnies de transport avaient été également enlevés sur le même axe.  Les assaillants avaient libéré toutes les femmes à bord, avant d’amener avec eux tous les hommes. Un véhicule et ses passagers avaient été par la suite libérés sous caution. Quelques jours plus tard, un autre car avait été à nouveau intercepté au même endroit et ses passagers masculins emmenés vers une destination inconnue.

Campagne cotonnière 2024 – 2025 : tenir les promesses

Les acteurs des filières coton du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Sénégal, du Togo et du Tchad sont réunis à Bamako depuis le 22 avril 2024. C’est à l’occasion de la 16ème réunion bilan du Programme régional de production intégrée du coton en Afrique (PR-PICA). Une rencontre qui se tient à un « moment de défis pour les acteurs », notamment l’invasion de jassides, qui avait fait chuter la production de 50% par endroits. Producteurs, chercheurs et industriels sont donc chargés de trouver ensemble les solutions idoines pour booster les rendements et surtout pérenniser une culture vitale pour plusieurs pays.

Marquée par une forte infestation de jassides dans la plupart des pays producteurs de coton en Afrique, la campagne cotonnière 2022 – 2023 a été caractérisée par une baisse significative de la production. Des « ravageurs de fin de cycle qui sont malheureusement intervenus plus tôt », avec l’émergence d’une nouvelle espèce, plus invasive. Une situation inattendue qui a entraîné des dégâts à tous les stades de développement du cotonnier. Avec des niveaux élevés au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Sénégal et au Togo, l’invasion de jassides a entraîné une baisse de production estimée entre 30 et 50%. Avec des prévisions de production au Mali en 2022 de 780 000 tonnes, au Burkina Faso de 647 800 tonnes et en Côte d’Ivoire de 492 820, les récoltes ont été respectivement de 390 000, 411 970 et 236 190 tonnes.

Par rapport à 2021, la production totale dans la Zone Ouest et Centre de l’Afrique a baissé de 30%, passant de 3 139 068 tonnes à 2 102 801 tonnes. Quant aux rendements, ils ont été en deçà de 800 kg/ha et particulièrement inférieurs aux prévisions dans la plupart des pays les plus touchés, comme la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal et le Burkina Faso. Une situation qui a occasionné l’endettement des producteurs et la mise en place par les États de subventions afin de leur permettre de se maintenir dans l’activité pour la campagne 2023 – 2024.

Maintenir la production

Après les résultats catastrophiques de la campagne cotonnière 2022 – 2023, les acteurs de l’espace ont envisagé des mesures destinées à soutenir les producteurs de la filière. Ainsi, les scientifiques ont identifié les causes et préconisé les mesures pour lutter contre ce phénomène nouveau, qui a compromis les résultats de la campagne et au-delà. Avec de nombreuses plantes hôtes autres que le cotonnier, l’insecte ravageur constitue une véritable menace pour la sécurité alimentaire, avertissent les chercheurs.

Lors de la réunion extraordinaire du PR-PICA à Lomé, au Togo, les acteurs ont recommandé notamment trois nouveaux produits, le traitement des semences avec des doses de produits plus relevées que d’ordinaire, l’obtention de dérogations pour l’utilisation de produits non encore homologués et la modification des programmes de traitement pour intégrer les nouveaux produits. Des mesures fortes qui ont permis aux producteurs de garder espoir.

Estimée à 690 000 tonnes de coton graines pour 2023 – 2024, la production malienne a permis aux acteurs de retrouver l’optimisme après la précédente campagne perturbée par l’invasion des jassides. Ainsi, le Mali retrouve sa place de premier producteur africain. Devant le Bénin, 553 587 tonnes, le Burkina Faso, 407 500 tonnes, la Côte d’Ivoire, 394 631 tonnes et le Cameroun, 350 000 tonnes, selon les données du PR-PICA.

Selon les responsables de la Compagnie malienne de développement textile (CMDT), cette performance malienne est attribuable au maintien de la subvention et à l’augmentation du prix d’achat du coton graine. La reprise est aussi due aux « stratégies » déployées par la société pour respecter le dispositif de veille mis en place pour prévenir les attaques des jassides grâce aux produits proposés par l’Institut d’économie rurale (IER), en collaboration avec les chercheurs du PR-PICA.

Malgré donc son démarrage dans des conditions d’inquiétude, la campagne, dont les résultats ont été annoncés par la réunion du Comité de pilotage du PR-PICA en décembre 2023, permettra au Mali de reconquérir sa place de leader des producteurs du coton africain.

Même si cette production enregistre un recul de 11% par rapport aux prévisions, elle représente tout de même un rebond de 76% comparé à la précédente campagne.

Perspectives conditionnées

En pleine période de « mise en place », en attendant la fixation des prix du coton et des intrants qui doivent en principe être connus durant ce mois d’avril, les producteurs restent préoccupés par certaines difficultés. « La première inquiétude que nous avons c’est le retard dans le paiement des prix du coton, qui ne dépasse pas 52% dans l’ensemble », témoigne Issa Konaté, producteur de coton dans la région de Sikasso.

Si des dépenses peuvent être engagées sous certaines conditions, il est difficile pour un producteur qui vit de la culture du coton d’entamer une nouvelle saison sans être totalement payé pour la production précédente. L’autre sujet de préoccupation est relatif au prix des intrants, qui peuvent soit réjouir les producteurs soit les « décourager », ajoute M. Konaté. En effet, lorsqu’ils dépassent un certain niveau, cela peut être un facteur déterminant pour la décision.

Encore désorganisée il y a 3 ans environ, la Confédération des producteurs de coton qui est mise en place cette année est un préalable important qui, espère-t-il, continuera d’assurer l’équilibre et la sérénité au sein de ces acteurs primordiaux de la filière. Concernant les attaques des jassides, après les premières et les mesures adoptées elles ont été endiguées et il faut maintenir cette situation en garantissant la disponibilité des produits, suggère M. Konaté.

Évoquée par les responsables de la CMDT lors de l’ouverture de la réunion du PR-PICA le 23 avril 2024 à Bamako, la question des rendements est un défi constant, qui interpelle lui aussi. Pour le producteur, les différentes qualités de semences disponibles ont montré leurs limites et il est essentiel que d’autres variétés, qui seront plus adaptées aux conditions et aux réalités des sols, soient adoptées. Par ce que les « rendements ne sont pas vraiment à hauteur de souhait », déplore M. Konaté. Puisque c’est au rendement qu’est effectué le paiement, il est important que « nous ayons des semences plus performantes en la matière ».

Espérant une hausse du prix au producteur cette année, M. Konaté attend également une baisse du coût des intrants et surtout le paiement des sommes dues au titre de la campagne précédente pour entamer avec plus d’engouement la prochaine, qui doit confirmer les « bons résultats » de 2023 – 2024.

Évoluer face aux défis

Créé au Burkina Faso en 1998, le Projet régional de prévention et de gestion de la résistance de Helicoverpa armigera aux pyréthrinoïdes en Afrique de l’Ouest (PR-PRAO) est devenu en 2005 le Programme régional de protection intégrée du cotonnier en Afrique (PR-PICA) en décidant d’intégrer toutes les disciplines de la production, notamment l’amélioration variétale, il est désormais le Programme régional de production intégrée du cotonnier en Afrique (PR-PICA).

Même s’ils affichent des « résultats intéressants dans la gestion de la résistance des ravageurs », ses responsables entament cette session avec d’importants défis. Ils sont relatifs à la faiblesse des rendements, qui sont encore inférieurs à une tonne à l’hectare. « Inacceptable », à l’heure actuelle, compte tenu des nombreux progrès dans le domaine. La variabilité de la pluviométrie et la question centrale de la transformation du coton africain sont aussi des problématiques qui sont à l’ordre du jour du développement du secteur du coton.

Des questions centrales sur lesquelles les chercheurs des huit pays producteurs du PR-PICA, ainsi que leurs partenaires, réunis à Bamako sont donc attendus pour faire des recommandations pertinentes, capables de booster le secteur et surtout d’assurer sa viabilité, compte tenu de son importance dans l’économie des pays producteurs.

Choguel Kokalla Maïga : dans le viseur du CNT, le Premier ministre va-t-il tomber ?

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga est attendu dans les prochains jours au Conseil national de transition (CNT) pour présenter le bilan de l’exécution du Plan d’action gouvernemental. Deux ans après son premier passage devant l’organe législatif de la Transition, Choguel Maïga, très attendu par les membres du CNT, pourrait être contraint à présenter sa démission et celle de son gouvernement.

Le Président du Conseil national de Transition, le Colonel Malick Diaw, a annoncé dans son discours d’ouverture de la session ordinaire d’avril, le 8 avril 2024, le prochain passage du Premier ministre devant l’organe législatif dans le cadre de l’orientation, du contrôle et du suivi-évaluation de la Feuille de route de la Transition.

Le Chef du gouvernement, très attendu par les membres du CNT, devra faire le point de l’avancement dans l’exécution de son Plan d’action gouvernemental sur les deux dernières années et faire face aux multiples interrogations sur différents sujets d’actualité lors de ce passage, dont la date doit être fixée et rendue publique après la prochaine Conférence des présidents du CNT.

Et si cette interpellation annoncée du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga était le début d’un processus aboutissant à sa destitution de la tête du gouvernement ?  Pressenti comme étant sur un siège éjectable depuis des mois, le Chef du gouvernement bénéficie toujours de la confiance du Président de la Transition. Mais pourra-t-il conserver celle du Conseil national de transition et obtenir son quitus pour prolonger son séjour à la Primature ?

Motion de censure ?

Lors de son dernier passage devant le CNT, en avril 2022, 9 mois après sa prise de fonction, Choguel Kokalla Maïga avait été déjà vivement critiqué pour la lenteur dans la mise en œuvre du Plan d’action gouvernemental, dont seulement 33,87% des activités avaient été exécutées.

Aujourd’hui, deux ans après, beaucoup de membres du CNT pensent que l’exécution de ce plan et de la Feuille de route de la Transition n’ont guère avancé. Selon nos informations, l’institution, dont la majorité des membres n’est pas très satisfaite de l’action gouvernementale, pourrait adopter une motion de censure contre le Premier ministre et le contraindre à la démission.

À en croire certains analystes, ce scénario n’est pas exclu, d’autant plus que le Premier ministre n’est visiblement pas prêt à rendre le tablier de lui-même et que les militaires auxquels il s’est allié ne veulent pas le débarquer, au risque de se mettre à dos le M5-RFP pour la suite de la Transition, même si le mouvement est aujourd’hui divisé.

Dialogue inter-Maliens : mal embarqué ?

La première phase du Dialogue inter-Maliens s’est achevée le 15 avril dans les différentes communes du pays. Alors que ce dialogue vise à contribuer à la restauration de la paix, de la cohésion sociale et de la réconciliation nationale, certaines propositions issues des échanges vont dans le sens d’une prolongation de la Transition. Boycotté en outre par des acteurs majeurs de la classe politique et certains groupes armés rebelles du nord, le dialogue voit sa réussite déjà compromise.

Les phases régionale et nationale du Dialogue inter-Maliens doivent se tenir respectivement du 20 au 22 avril et du 6 au 10 mai 2024. Mais le ton a été déjà donné dans les différentes communes, du 13 au 15 avril dernier. Les travaux au niveau communal, qui se sont globalement bien déroulés sur l’ensemble du territoire national, ont abouti à des recommandations en rapport avec les thématiques soumises aux participants, à savoir « Paix, réconciliation nationale et cohésion sociale », « Questions politiques et institutionnelles », « Économie et développement durable », « Aspects sécuritaires et défense du territoire » et « Géopolitique et environnement international ».

Différentes propositions ont été faites lors de ces échanges. Dans la Commune III du District de Bamako, pour ce qui est de l’économie et du développement durable, certains participants proposent de développer le secteur primaire, la pêche, l’élevage et surtout l’agriculture, de promouvoir l’entreprenariat et la consommation locale et de « contrôler au maximum notre économie pour créer notre propre monnaie ».

Concernant la question sécuritaire et de défense du territoire, ils recommandent de  recruter le maximum de jeunes volontaires pour la défense de la patrie, d’acquérir des armements de guerre modernes et de renforcer les écoles de guerre. Sur la même thématique, en Commune II, les participants recommandent l’instauration d’une police de proximité et une meilleure collaboration entre la population et les forces de défense et de sécurité.

À Bafoulabé, les participants ont opté pour un désenclavement du cercle, qui doit « impérativement passer par la construction de ponts sur le fleuve Sénégal à Bafoulabé et ses voies d’accès », et la révision des cahiers de charges des unités de production pour favoriser le recrutement des jeunes locaux. Ils ont aussi plaidé pour que les ressources naturelles du cercle « brillent pour les communes où elles sont exploitées ».

Parmi les recommandations à Ansongo, dans la région de Gao, on note essentiellement le retour des réfugiés et l’érection du cercle en région, tandis qu’à Goundam, dans la région de Tombouctou, les participants ont insisté sur le retour de la paix dans la région.

Du coté de Bandiagara, dans le centre, l’intégration des combattants des groupes armés d’autodéfense dans les rangs des forces armés, la dissolution des milices, la reconstruction des villages endommagés ainsi que le retour effectif de tous les déplacés dans leurs localités respectives sont les principales recommandations faites.

Dialogue taillé sur mesure ?

Dans la thématique consacrée aux questions politiques et institutionnelles, certaines communes proposent une nouvelle prolongation de la Transition. Cette proposition de prolongation, allant de 30 mois à 10 ans ou encore jusqu’à la sécurisation complète et la stabilisation du pays, est revenue à plusieurs reprises, notamment, entre autres, à Bafoulabé, Ségou, Kidal et Gao.

Même si ces recommandations doivent encore être validées au niveau régional avant d’être retenues ou non au niveau national, elles suscitent déjà des interrogations sur d’éventuels objectifs inavoués qui auraient motivé la tenue de ce Dialogue inter-Maliens.

« Ce dialogue est un outil comme tant d’autres qui ont été utilisés au moment de l’adoption de la Charte de la Transition ou encore des Assises nationales de la refondation. Tous les canaux de discussion qui ont eu lieu depuis le début de cette transition n’ont servi qu’à légitimer des causes déjà connues à l’avance et le Dialogue inter-Maliens ne fera pas exception à cette règle », pense Dr. Amidou Tidjani, enseignant-chercheur à l’Université Paris-13.

Mais pour certains les recommandations sur la prolongation de la Transition sont « hors sujet » et doivent être recadrées conformément aux objectifs du dialogue. En effet, selon les termes de référence validés au plan national et soumis au Président de la Transition, les objectifs spécifiques du dialogue inter-Maliens sont, entres autres, d’identifier les sources des crises qui affectent le pays ainsi que les conditions de retour des réfugiés et des déplacés, de prévenir et de gérer les conflits en valorisant les mécanismes endogènes de gestion pour la consolidation de la paix, de renforcer la confiance entre les populations et les forces armées et de sécurité ou encore de renforcer la participation des femmes, des jeunes et des personnes vivants avec un handicap dans les mécanismes de prévention et de résolution des conflits.

Du plomb dans l’aile ?

En plus de l’orientation ambiguë que semble avoir prise le Dialogue inter-Maliens à l’issue de la première phase au niveau des communes, le processus, qui se veut inclusif et ouvert à tous les Maliens, est boycotté par une grande partie de la classe politique et les groupes armés réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD).

En riposte à la décision des autorités de transition de suspendre jusqu’à nouvel ordre les activités des partis politiques, plusieurs formations majeures à l’instar de l’Adema-PASJ, du parti Yelema, du RPM, du Parena, de la Codem, de l’ASMA-CFP, de l’UDD et du PDES, entre autres, ont enjoint à leurs militants de pas prendre part aux travaux de ce dialogue.

Pour les groupes armés du CSP, le Dialogue inter-Maliens est un « simulacre de dialogue ». « S’il y a un problème aujourd’hui, c’est bien entre les représentants de l’État et ceux du CSP et des mouvements djihadistes tels que le JNIM. Je ne vois pas l’objectif d’un dialogue qui exclut ces parties », martèle Mohamed El Maouloud Ramadane, Porte-parole du CSP.

L’absence de ces différents acteurs va-t-elle impacter l’efficacité du Dialogue inter-Maliens et la viabilité des recommandations pour la paix et la réconciliation nationale qui vont en découler ? Les avis sont partagés sur la question. « L’absence des groupes armés et de certains partis politiques n’est pas un frein à la réussite du dialogue. Dans un pays en crise, s’il y a des groupes qui ont pris les armes contre l’État et contre les populations civiles, on ne peut pas les inviter à un dialogue sans qu’ils acceptent de faire une trêve », soutient le politologue Bréhima Mamadou Koné.

Dr. Amidou Tidiani partage cet avis, même si les raisons qu’il met en avant ne vont pas dans le même sens. « Je pense que l’absence des partis politiques ne portera pas de coup au Dialogue inter-Maliens. Au contraire, c’est une occasion pour les autorités de la Transition, qui ont pour projet de délégitimer les partis politiques, d’utiliser ce dialogue pour arriver à cette fin », avance l’enseignant-chercheur.

Par contre, pour Soumaila Lah, analyste politique et Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité, « aller à ce dialogue avec les paramètres actuels c’est le faire souffrir d’un manque de légitimité et, à la fin, beaucoup ne se reconnaitront pas dans les conclusions ».

« L’essence d’un dialogue est de réconcilier des gens qui ont des positions différentes. Mais aujourd’hui ce dialogue crée plus d’antagonismes entre les Maliens que de points de convergence », déplore celui qui soutient également que les autorités auraient véritablement dû travailler en amont pour rechercher l’inclusivité, peu importe les antagonismes.

UEMOA : la diaspora transfère près de 281 milliards de francs CFA

Les travailleurs de la diaspora provenant des pays de l’UEMOA et vivant en Côte d’Ivoire ont transféré 280,9 milliards de francs CFA vers leurs pays d’origine en 2022. Un chiffre en hausse de 28% par rapport à l’année précédente représentant 58% des transferts effectués par les diasporas vers les pays de la région, selon la BCEAO.

Selon le site Sikafinance, ceci dénote d’une forte présence des travailleurs des pays de la sous-région en Côte d’Ivoire. En tête de ces pays, le Mali, dont les ressortissants ont envoyé 70,8 milliards, suivi du Burkina Faso avec 60,7 milliards. Ces chiffres représentent 47% du volume global des transferts vers l’UEMOA. On trouve ensuite le Sénégal avec 52,2 milliards de francs CFA, le Togo, 41,7 milliards, et le Bénin, avec 40,6 milliards. Le Niger et la Guinée Bissau sont les pays ayant reçu le moins de transferts, avec respectivement 13,8 milliards et 619,7 millions  de francs CFA.

En tout, les flux de transferts des diasporas locales à l’intérieur de la région ont progressé de 19% pour s’établir à 663,6 milliards de francs CFA en 2022 contre 557,2 milliards en 2021.

Quant à la diaspora installée dans la région, elle a transféré 84,4 milliards  de francs CFA. Des sommes provenant essentiellement du Sénégal (26,9 milliards), du Mali (22,3 milliards), du Burkina Faso (17,2 milliards FCFA), du Bénin (9,5 milliards), du Togo (6,5 milliards), du Niger (1,3 milliard) et de la Guinée Bissau (548,2 millions de francs CFA).

Soumaïla Lah : « Rien ne laissait présager des affrontements entre le CSP et le JNIM »

Le CSP et le JNIM se sont affrontés le 6 avril dernier à Nara, occasionnant des pertes des deux côtés. Comment comprendre cet affrontement inédit entre deux groupes que beaucoup d’experts présentaient comme alliés ? Est-ce un tournant ? Soumaïla Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la sécurité répond.

Plusieurs sources indiquent des affrontements entre le CSP et JNIM le 6 avril dernier à Nara. Comment l’interpréter ?

Ces affrontements sont difficiles à justifier quand on sait la collusion entre le CSP et le JNIM depuis la suspension par les groupes armés de leur participation à l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, sur fond de rétrocession des camps de la MINUSMA. Pour rappel, les deux entités, à plusieurs reprises, ont convergé pour s’opposer à la récupération des camps par les Famas. Pour autant, au regard de l’historique des relations entre elles, ce n’est pas la première fois que des alliances de circonstance sont nouées et dénouées selon le contexte du moment. Cependant, rien ne laissait présager ces affrontements entre le CSP et le JNIM au moment où le contexte est favorable à la logique de la continuité d’une alliance de circonstance. Des différents idéologiques ou territoriaux peuvent justifier ces affrontements. 

Alors que la collusion était avérée entre ces deux groupes, ces affrontements marquent-ils un tournant ?

Absolument, même s’il est difficile pour l’heure d’en déterminer les tenants et les aboutissants. En 2012 déjà, ce type d’alliance avait été scellé pour finalement éclater sur fond de différents idéologiques et sécuritaires irréconciliables. 

Le CSP, dont la base se trouvait au nord, notamment à Kidal, a voulu s’incruster vers Nara? Comment comprendre cette stratégie ? Pourquoi ?

Le CSP n’a plus accès à Kidal depuis un moment. Il a trouvé un point de chute aux  confins de la frontière entre le Mali et l’Algérie. Cette perte de repères, perçue comme un repli stratégique, ouvre forcément la voie à la recherche de nouvelles positions. Nara est stratégique et facilite le transit entre le Mali, la Mauritanie et l’Algérie, mais c’était sans compter sur la volonté du JNIM de ne pas laisser un mouvement, fût-il un allié de circonstance, prendre position dans une zone où il a posé ses bagages depuis un moment, sa zone de confort. 

Nara n’est pas loin de la frontière mauritanienne. Peut-on supposer que des combattants du CSP se réorganisent en Mauritanie plutôt qu’en Algérie ?

Nara constitue aujourd’hui un carrefour et le CSP est à la recherche de zones stratégiques pour se réorganiser. Cette hypothèse n’est donc pas à exclure.

Transition : le réveil des partis politiques ?

Longtemps silencieux concernant la Transition, certains partis et regroupements politiques redonnent de la voix. Depuis la fin de la période transitoire, le 26 mars 2024 conformément au décret No2022-003/PT-RM du 6 juin 2022 en fixant la durée à 24 mois, ils montent au créneau pour exiger des autorités la tenue rapide de l’élection présidentielle qui mettra un terme à la Transition. Mais feront-ils le poids face à un pouvoir bien assis et qui semble avoir relégué au second plan un retour à l’ordre constitutionnel ?

Avalanche de réactions au sein de la classe politique. Depuis le 26 mars 2024, date à laquelle était censée prendre fin la Transition, certains partis et regroupements politiques montent au créneau pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel.

Dans une déclaration anticipée, le 25 mars, le RPM, après avoir invité les autorités de la Transition au respect des engagements souverainement pris devant la communauté nationale et internationale, appellait à la « mise en place de toute urgence d’un nouveau mécanisme transitionnel pour un retour à l’ordre constitutionnel dans un délai de 6 mois ».

De leur côté, le M5-RFP Malikura et Yelema recommandent en urgence une concertation avec les responsables des forces vives nationales, pour redéfinir le contour et les objectifs et identifier les acteurs d’une nouvelle transition courte. « Le M5-RFP Mali Kura et le parti Yelema « le Changement » sont convaincus qu’après 3 ans et 8 mois de report en report provoqué, la Transition ne saurait aux forceps s’éterniser », ont dénoncé les deux entités dans une déclaration commune le 26 mars.

Dans la même veine, l’Adema-PASJ a lancé le 27 mars 2024 un « appel vibrant » aux autorités de la Transition pour « accélérer le processus devant conduire à la tenue de l’élection présidentielle qui mettra fin à la Transition ». Le parti, dans une  déclaration, estime que le « silence prolongé » des autorités de la Transition sur le chronogramme électoral suite au léger report de la date des élections « ne participe nullement à l’apaisement du climat sociopolitique ni à la consolidation de la cohésion sociale chère à tous les Maliens démocrates et républicains ».

L’Action républicaine pour le Progrès (ARP), pour sa part,  dans un mémorandum en date du 27 mars, appelle à la démission immédiate du gouvernement et à la mise en place d’un Exécutif d’union nationale dans le cadre d’un nouveau dispositif de transition véritablement inclusif. L’Alliance politique dirigée par l’ancien ministre Tiéman Hubert Coulibaly propose également de fixer une « date consensuelle raisonnable » pour l’élection présidentielle qui marquera le retour du Mali dans la normalité institutionnelle.

Actions 

Au-delà de leurs différentes réactions initiales, plusieurs partis et regroupements politiques, ainsi que des organisations de la société civile, ont réitéré leur position dans une déclaration commune le 31 mars 2024. « Nous demandons aux autorités en place, au regard du vide juridique et institutionnel ainsi provoqué, de créer les conditions d’une concertation rapide et inclusive pour la mise en place d’une architecture institutionnelle, à l’effet d’organiser dans les meilleurs délais l’élection présidentielle », indique la déclaration signée de près d’une centaine de partis politiques parmi lesquels, entre autres,  l’Adema-PASJ, le RPM, la Codem, l’ASMA-CFP, les Fare An Ka Wuli, le parti Yelema et l’UDD.

En plus d’attirer l’attention du gouvernement sur la fin de la Transition, conformément à l’article 22 de la loi No2022-001 du 25 février 2022 révisant la Charte de la Transition et au décret No2022-0335/PT-RM du 06 juin 2022 fixant le délai de la Transition à deux ans, ces partis avertissent qu’ils utiliseront « toutes les voies légales et légitimes pour le retour de notre pays à l’ordre constitutionnel normal ».

Le 28 mars dernier déjà, la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA) et l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP), toutes deux membres de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali, signataire de la déclaration du 31 mars 2024, avaient déposé une requête devant la Cour constitutionnelle. Les deux structures demandent à la juridiction de « constater la vacance de la présidence de la Transition, de prononcer la déchéance de tous les organes de la Transition et d’ordonner l’ouverture d’une nouvelle transition à vocation de rassemblement et réconciliation », incluant toutes les composantes de la Nation, y compris l’armée républicaine, avec comme missions principales assignées l’organisation des élections en vue du retour à l’ordre constitutionnel.

À en croire Alassane Abba, Secrétaire général de la CODEM, tous les partis, regroupements politiques et organisations de la société civile se réuniront dans les prochains jours pour la mise en place du Comité de suivi de la Déclaration commune du 31 mars et pour se mettre d’accord sur les futures actions à mener.

« Sûrement que nous allons mener d’autres actions pour avoir gain de cause, parce que je ne vois pas le gouvernement tout d’un coup accéder à notre demande, compte tenu du fait qu’ils sont aussi dans leur logique. Le Premier ministre l’a dit et on le sent à travers les propos de beaucoup d’entre eux, les élections ne sont pas d’actualité », confie celui qui n’exclut pas par ailleurs parmi des futures actions la désobéissance civile. « C’est la première des choses à laquelle nous pensons », glisse M. Abba.

Bloc d’opposition ?

Depuis le début de la Transition, des plateformes opposées à la gestion des autorités se sont constituées, sans pour autant parvenir à inverser les rapports de force en leur faveur. Que ce soit le Cadre d’échange des partis et regroupements pour un retour à l’ordre constitutionnel, l’Appel du 20 février pour sauver le Mali ou encore, plus récemment, la Synergie d’action pour le Mali, elles peinent toujours à peser  face aux militaires au pouvoir.

Mais pour la première fois, ces trois plateformes, même si la Synergie d’action pour le Mali n’est pas signataire en tant qu’entité mais est représentée par Espérance Jiguiya Kura, se mettent ensemble pour mener des actions communes. Au-delà de la déclaration commune et d’éventuelles futures actions, l’initiative pourrait-elle aboutir à la formation d’un bloc d’opposition à la Transition solide ? Pour le Secrétaire général de la Codem, cela ne semble pas évident.

« Les partis ont signé, mais ils n’ont pas les mêmes positions. Certains ont signé juste parce qu’ils se sont d’accord pour le retour à l’ordre constitutionnel. Mais de là à faire un bloc d’opposition, ce n’est pas aisé. Les partis n’ont pas les mêmes visions. L’opposition suppose qu’il y ait un chef de file et il n’est pas facile de le dégager dans ce contexte », concède Alassane Abba.

Par ailleurs, selon certains observateurs, le succès même des actions communes annoncées des partis, regroupements politiques et organisations de la société civile signataires de la déclaration du 31 mars 2024 n’est pas garanti. « Il sera très difficile pour ces partis de mener des manifestations qui puissent aboutir à quelque chose de probant. Le pouvoir en place semble décidé à ne laisser émerger aucune forme de contestation », glisse un analyste.

« Quand la Synergie d’action pour le Mali a voulu mener ses activités, elles ont été tout simplement interdites pour motif de sécurité par la Délégation spéciale du District de Bamako. Je pense que les autorités vont brandir les mêmes motifs pour interdire également toute manifestation de la nouvelle dynamique des partis et regroupements politiques qui est en train de se mettre en place », prédit-il.

Vague de chaleur : le Mali suffoque

Si les mois de mars et avril marquent habituellement la période de pic pour la chaleur au Mali, cette année s’annonce particulière avec dès ce début avril des jours et des nuits très chauds. Une vague de chaleur qui devrait se poursuivre jusqu’en fin de semaine avec des températures au-dessus de 40°C partout au Mali. Ces températures extrêmes, qui concernent l’Afrique et au-delà, s’expliquent selon les experts par le changement climatique.

Déjà signalée par la World Weather Attribution (WWA), la « chaleur anormale » enregistrée dans la zone sud de l’Afrique de l’Ouest début février est selon les observations l’une des conséquences du changement climatique induit par l’homme. « L’indice de chaleur moyen par zone est aujourd’hui environ 4°C plus élevé dans le climat actuel, plus chaud de 1,2°C. En outre, une telle chaleur humide est devenue beaucoup plus probable. Elle est au moins 10 fois plus probable dans le monde d’aujourd’hui », note le rapport de WWA.

Absence d’anticipation

Alors que le coût de l’adaptation pour les pays en développement se situe entre 215 et 387 milliards de dollars par an au cours de cette décennie, les données et les recherches, limitées, des services de météorologie dans la zone concernée semblent caractériser la situation. Ainsi, beaucoup de pays « ne semblent pas avoir procédé à une planification en cas de chaleur extrême ». Or « des investissements majeurs sont nécessaires en Afrique pour renforcer la résilience face aux chaleurs dangereuses ».

Au Mali, la période coïncide cette année avec le mois de Ramadan et une crise énergétique qui complique davantage la situation. Avec des températures minimales d’environ 30°C, les premières heures de la matinée sont déjà éprouvantes pour les individus. Avec des maximales prévues à 44°C, notamment à Bamako, les nuits, habituellement plus douces, enregistrent aussi des pics.

L’épisode de cette année sera plus intense et plus fort que durant les 30 dernières années, avaient expliqué les services de la météorologie début mars. Un mois d’avril  où les nuits seront aussi chaudes que la journée, surtout dans les régions de l’ouest (Kayes), où la température a atteint 46°C le 2 avril, et dans les régions du nord. Cette augmentation de la chaleur, due à un dérèglement climatique mondial entraînant une hausse globale des températures, est aussi liée à une forte urbanisation, notamment dans la capitale malienne. L’augmentation des émissions de gaz à effets de serre contribuant au réchauffement de l’atmosphère et la « saharisation » de Bamako, avec la diminution significative des arbres, sont aussi des causes évoquées par les spécialistes.

VBG : de plus en plus de victimes

En 20 ans, entre 2002 et 2022,  le nombre de  victimes de violences basées sur le Genre (VBG), très majoritairement des femmes, a explosé, passant de 2 283 à 14 264 cas, selon les chiffres du ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. Une tendance alarmante qui souligne l’ampleur croissante de ce fléau social au Mali.

Il existe 6 différents types de VBG : le viol, l’agression sexuelle, le mariage d’enfants,  le déni de ressources, d’opportunités ou de services et les violences psychologiques ou émotionnelles. Selon le Bulletin statistique annuel 2021 de la Direction nationale de la population (DNP), parmi les types de VBG rapportés en 2021, les données montrent une prédominance des violences sexuelles (38%), dont 23% de viols. Pour le reste, 20% sont des agressions physiques et des violences psychologiques, 15% sont des agressions sexuelles, 12%, des dénis de ressources et 10% des mariages précoces.

Parmi les 14 264 cas de VBG enregistrées au Mali en 2022, 14% étaient des violences sexuelles et 12% des victimes étaient des enfants de 12 à 17 ans. Si les statistiques de l’année 2023 ne sont pas encore publiées, au Programme national pour l’abandon des VBG on craint des chiffres plus élevés que ceux de 2022. Selon une source au sein de la structure, entre janvier et juin 2023 plus de 7000 cas avaient été déjà enregistrés.

Les agressions sexuelles en hausse

Selon le Bulletin annuel de la DNP, les statistiques de 2021 montrent une tendance à la réduction des cas de violences sexuelles de 3% (23% en 2020 contre 20% en 2021). Par contre, les cas d’agressions sexuelles sont passés de 15% en 2020 à 34% en 2021. La même tendance à la hausse se poursuit pour les cas de violences physiques, qui sont passés de 20% en 2020 à 27% en 2021, soit un taux d’augmentation de 7%.

« Pour le mariage d’enfants, le taux est resté inchangé (de 10% à 2020 il est resté le même en 2021). Le déni de ressources, d’opportunités ou de services a connu aussi une évolution de 6%. De 12% en 2020 il est passé à 18% en 2021. Seules les violences psychologiques ou émotionnelles ont connu une baisse significative : elles passent de 20% en 2020 à 11% en 2021 », indique le bulletin.

Si les VBG se multiplient au fil des années au Mali, il n’existe toujours pas de loi spécifique pour lutter contre le fléau. Plusieurs tentatives d’adoption d’une loi spécifique ont échoué par le passé, mais la réforme du Code pénal en cours devrait permettre de prendre les VBG en compte dans le nouveau texte.

Femmes dans la transition : encore du chemin à faire

Malgré certaines avancées dans  la promotion du Genre ces dernières années, les femmes restent peu représentées dans les organes de prise de décision sous la transition. Si elles ne sont pas complètement en marge du processus de refondation, elles peinent à peser dans les différentes instances.

La faible représentativité des femmes au sein du Comité de pilotage du Dialogue inter-Maliens, mis en place le 31 janvier 2024, est venue confirmer une tendance globale depuis le début de la Transition. La loi  N°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant les mesures pour promouvoir le Genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives peine à être respectée lors des nominations aux postes de responsabilité. Sur 140 membres qui composent ce comité, seulement 28 sont des femmes.

À l’instar du Comité de pilotage du dialogue inter-Maliens, les femmes restent sous-représentées dans toutes les organes de la Transition et au niveau d’autres importantes instances, à commencer par le Gouvernement, où elles ne sont que 6 membres sur 28, soit une représentativité de 21,42%. Plus alarmant, seule une femme est Secrétaire générale au niveau des différents départements ministériels, selon le Réseau des femmes africaines ministres et parlementaires ( REFAMP).

Le Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif de la Transition, ne compte de 42 femmes sur 147 membres (28, 57%) et dans la Commission de finalisation de l’avant-projet de nouvelle Constitution mise en place en janvier 2023, les femmes n’étaient que 11 sur les 69 personnes désignées (15,94%). Même constat à  l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), installée le 10 janvier 2023 et qui ne compte que 4 femmes sur ses 15 membres, soit une représentativité féminine de 26,66 %. Au Conseil économique, social, environnemental et culturel, seulement 15 femmes sont présentes sur 68 membres. Par ailleurs, à en croire les données de l’Institut d’études de sécurité (ISS), au sein de l’Administration générale en 2021, lors du début de la 2ème phase de la Transition, les femmes constituaient  15% seulement des directeurs et directrices des services centraux et 11% des ambassadeurs et ambassadrices.

« Les chiffres parlent. Nous avons encore du chemin à faire. Je pense que les femmes sont impliquées dans la conduite de la Transition, mais pas à hauteur de souhait. Le gouvernement a fourni des efforts, mais il faut encore une forte volonté politique pour améliorer la participation et la représentativité des femmes  au niveau des différents organes », souligne Mme Fomba Fatoumata Niambaly, Secrétaire générale adjointe du REFAMP.

Actives malgré tout

Malgré le tableau peu reluisant de leur représentativité au sein des instances de décision, les femmes du Mali ne sont pas restées en marge du processus de refondation enclenché depuis le début de la Transition. Tout en menant des plaidoyers pour l’application effective de la loi 052, elles se sont impliquées à divers niveaux dans les grands rendez-vous décisionnels de la Transition.

« Les femmes ont joué et continuent de jouer un rôle important dans le processus de paix et de réconciliation pour la refondation du Mali. Elles sont très impliquées dans les différents mouvements de gestion de crise, jouent des rôles stratégiques et sont très actives dans la société civile. Grâce à des organisations de femmes, leur rôle est reconnu dans la gestion des crises et elles sont présentes dans les différentes instances de la Transition », rappelle Mme Doumbia Fatoumata Koité, Présidente du Consortium des femmes leaders du Mali.

Ce consortium, constitué de la Plateforme des femmes leaders du Mali, du Réseau paix et sécurité des femmes de l’espace CEDEAO (REPSFECO), du Réseau des femmes leaders du Mali (AWLN-Mali), du Réseau des femmes africaines ministres et parlementaires (REFAMP) et du Réseau plaidoyer et médiation, a contribué à la mise en place d’un mécanisme cohérent pour la participation des femmes aux réformes de refondation du Mali.

« Nous avons travaillé entre autres pour la prise en compte des besoins spécifiques des femmes dans toutes les décisions concernant la refondation du Mali, pendant la Transition et au-delà, pour faire connaitre leur rôle incontournable dans la vie de la Nation et dans la reconstruction de la cohésion sociale et du vivre ensemble et pour exiger leur présence, à travers des expertes, dans les équipes de réflexion, de rédaction et de proposition des textes devant régir la Transition », affirme Mme Doumbia.

Loi 052, l’interminable  combat»

« À l’occasion des nominations dans les institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion de personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30% », stipule l’article 1er de la Loi N°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant les mesures pour promouvoir le Genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives.

Pour la Secrétaire générale adjointe du REFAMP, le non-respect des dispositions de cette loi ne peut s’expliquer en partie que par une absence de volonté politique, parce « qu’il y a des femmes compétentes qui peuvent mieux jouer leur rôle que certains hommes ».

Mme Maiga Oumou Dembélé est du même avis. Pour la Présidente du Cadre de concertation des femmes des partis politiques (CCFPP), également, la faible représentativité des femmes au sein des instances de prises de décisions n’est liée qu’à la volonté et à une décision politique de la part des autorités dirigeantes.

« Les décisions politiques n’émanent pas de nous. Il faut que les décideurs aient la volonté de changer les choses pour que cela bouge. Nous, en tant que femmes, nous pouvons juste mener des plaidoyers pour que la loi soit respectée », avance-t-elle.

Mais, à en croire Mme Fomba Fatoumata Niambaly, l’argument de la non disponibilité de femmes compétentes ressort souvent pour justifier leur faible représentativité dans les instances. Face à cela, le REFAMP, explique-t-elle, a initié des projets pour identifier les femmes cadres afin d’avoir un répertoire pour faire des propositions lors des nominations. « Nous allons redynamiser ce cadre d’identification pour réactualiser ce répertoire de toutes les femmes qui peuvent occuper des postes », assure-t-elle.

Si la volonté politique est remise en cause pour l’application de la loi 052, les femmes reconnaissent également des pesanteurs sociales qui freinent leur participation dans ces instances. « Il arrive que les maris s’opposent aux nominations de leurs épouses et les obligent à se désister », se désole la Secrétaire générale adjointe du REFAMP, soulignant qu’il faudrait donc agir à deux niveaux.

« Nous devons plaider d’une part au niveau du gouvernement et d’autre part agir à notre niveau en tant que femmes pour mieux nous  préparer. Il est incompréhensible que nous nous battions pour avoir des postes et que dans le même temps certaines femmes qui sont désignées se désistent », admet-elle.

« Nous sommes à pied d’œuvre pour renforcer  les capacités des femmes,  pour qu’elles puissent être à la hauteur, parce qu’il ne s’agit pas seulement de désigner, il faut savoir qui désigner. Il faut que les femmes qui sont désignées puissent bien jouer leur rôle », insiste Mme Fomba.

En attendant une totale application de la loi 052, les femmes ont plaidé et obtenu une disposition dans la nouvelle loi électorale adoptée en 2022. L’article 78 de ladite loi est sans équivoque : « les listes de candidatures présentées par les partis politiques, groupements de partis politiques ou candidats indépendants sont irrecevables lorsqu’elles présentent plus de 70% de femmes ou d’hommes ».

Primature : Choguel Kokalla Maiga sur un siège éjectable ?

La crise au sein du M5-RFP a pris de nouvelles proportions le 5 mars 2024,  avec la révocation de Choguel Kokalla Maiga de la tête du Comité stratégique par la tendance Imam Oumarou Diarra. Alors qu’il a été nommé Premier ministre en juin 2021 en tant que Président de ce Comité stratégique, le chef du gouvernement est-il désormais menacé à la Primature ?

Lors de sa conférence de presse du 2 mars 2024, le Comité stratégique du M5-RFP tendance Imam Oumarou Diarra avait donné un ultimatum de 72 heures à Choguel Kokalla Maiga pour « rassurer face aux graves accusations de manipulation qui pèsent sur lui et sur sa responsabilité éminente dans la situation actuelle ».

« À défaut, il sera purement, simplement et démocratiquement démis de ses fonctions de Président du Comité stratégique et ramené au niveau de militant à la base, sans qu’il soit besoin de suspensions ou d’exclusions, qui restent les armes des faibles », avait avertit l’Imam Oumarou Diarra, épaulé par d’autres figures du mouvementn à l’instar de Me Mountaga Tall et de Jeamille Bittar.

De la parole ils sont passés à l’acte le mardi 5 mars, après une réunion extraordinaire tard dans la nuit, à l’issue de laquelle ils ont annoncé avoir démis Choguel Maiga de ses fonctions de Président du Comité stratégique.

« Réunis en session extraordinaire ce mardi 5 mars 2024 pour examiner les suites réservées par Choguel Kokalla Maiga aux demandes l’invitant à se hisser à la hauteur de ses responsabilités, constatant l’expiration du délai qui lui a été imparti pour ramener la cohésion et la sérénité au sein du mouvement M5-RFP, regrettant au contraire les propos injurieux et diffamatoires de ses porte-voix attitrés, décident de révoquer purement, simplement et démocratiquement le mandat de Président du Comité stratégique initialement confié à Choguel Kokalla Maiga » ont-ils déclaré.

Secousses à la Primature ?

Si cette révocation de Choguel Maiga de la tête du Comité stratégique est un « non-évènement » pour le camp qu’il incarne, parce que « la plupart de ceux qui ont pris la décision ont été déjà suspendus du Comité stratégique », pourrait-elle toutefois avoir des conséquences sur le Premier ministre pour la suite de la Transition ?

Lors d’une intervention, le 1er mars dernier, le chef du gouvernement lui-même avait déclaré être la cible de certains militaires qui mettent tout en œuvre pour l’affaiblir. « Il y a des militaires qui veulent affaiblir le M5. Ils font des réunions toutes les nuits, appellent des membres du M5 et leur disent qu’ils ne savent pas si je veux devenir Président ou pas. Donc, pour m’affaiblir, il faut qu’ils disent qu’ils ne veulent plus de moi et quand je serai faible je vais me rendre », a-t-il révélé.

Pour certains observateurs, la crise au sein du M5 fragilise incontestablement le Premier ministre et cela pourrait lui coûter son départ de la Primature. « Sa base solide était le M5. Il menaçait et parlait au nom du M5. Si ce mouvement se trouve aujourd’hui en lambeaux, les militaires en face sauront que le Premier ministre n’a plus d’arrière-garde. Il est forcément plus affaibli et devient une proie facile », confie un analyste.

Mais, pour un autre analyste politique, Boubacar Bocoum, le « cinéma » de certains membres du comité stratégique du M5-RFP ne devrait pas remettre en cause le poste de Premier ministre de Choguel Kokalla Maiga. « Ce n’est pas le Comité stratégique du M5-RFP qui gère le pays, mais plutôt le Colonel Assimi Goïta et ses collègues. Tant que le Président voudra de Choguel Maiga en tant que chef du gouvernement, il va le garder », soutient-il.

Même son de cloche chez une source proche du M5-RFP, tendance Boubacar Karamoko Traoré, qui a requis l’anonymat. « Tant que les militaires reconnaitront le seul Comité stratégique qu’incarne Boubacar Traoré, le Premier ministre ne pourra pas être inquiété. La preuve, quand d’autres sont partis créer un autre mouvement, cela n’a eu aucun effet », glisse-t-elle.

CMAS : le gouvernement annonce la dissolution de la coordination

Au cours du conseil des ministres de ce mercredi, le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation le Colonel Abdoulaye Maiga, a annoncé la dissolution de la « Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants de l’Imam Mahmoud DICKO (CMAS) ».

Pour cause, selon le compte rendu du conseil, depuis un certain temps, la CMAS s’adonne à des activités contraires à ses objectifs de départ et à son statut. Selon le Chef de l’Administration territoriale, la CMAS, créée en vue d’œuvrer pour la stabilité et la paix sociales, s’est transformée en un véritable organe politique de déstabilisation et de menace pour la sécurité publique suite au « léger » report de l’élection présidentielle.

Il est reproché également au parrain de la CMAS, l’imam Mahmoud Dicko, de s’adonner clairement à des activités subversives susceptibles de troubler l’ordre public.

Cette dissolution fait également suite à des récentes visites à l’extérieur de l’Imam Dicko et ses rencontres
officielles avec des personnalités de puissances étrangères sur des questions d’intérêt national sans l’autorisation des autorités du Mali. Cette circonstance, selon le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, constitue un manquement aux dispositions statutaires de la CMAS et une atteinte aux intérêts supérieurs du pays selon le communiqué.

La dissolution intervient également alors que le retour de l’imam Dicko à Alger depuis plusieurs semaines est annoncé pour bientôt. Pour certains analystes, c’est un avertissement qui lui est lancé. La CMAS a réagi dans la foulée, assurant ne pas être surprise et appelant ses membres à garder leur calme en attendant que la décision leur soit formellement notifiée. Les dissolutions d’association deviennent récurrentes.  Pour rappel, L’ Observatoire pour les Élections et la Bonne Gouvernance et l’Association  Solidarité pour le Sahel (SOLSA), ont été également dissoute.

La dissolution la plus récente est celle de, L’association Kaoural Renouveau qui a été dissoute le mercredi dernier lors du conseil des ministres. L’association est accusée d’avoir orchestré une campagne de dénigrement contre la transition en place. Le président de l’association aurait tenu des propos diffamatoires et subversifs visant à discréditer les autorités et à semer le trouble dans l’ordre public.

La commission nationale des droits de l’Homme CNDH se dit préoccupée face aux menaces sérieuses pesant sur l’exercice de certains droits civiques et politiques, notamment la liberté d’association. Elle s’indigne contre la tendance systémique de dissolution et/ou de suspension de partis politiques et/ou d’associations.

Elle a par ailleurs rappelé les responsabilités de l’État sur la protection des citoyens, et sur la garantie des libertés fondamentales comme la liberté d’association, conformément à la réglementation, en tout temps, en tout lieu et en toute circonstance.

M5-RFP : La guerre des clans bat son plein

Le M5-RFP est au bord de l’implosion. Déjà diminué par le  départ de certains de ses cadres, réunis depuis au sein du M5-RFP Malikura, le mouvement continue de traverser des remous internes. Depuis  quelques semaines, deux tendances opposées à l’intérieur du Comité stratégique se battent pour son contrôle.

Le malaise interne au M5-RFP depuis plusieurs semaines a fini par se révéler au grand jour le 22 février 2024, lors de la réunion ordinaire hebdomadaire marquée par des invitées inhabituelles : les forces de l’ordre.

Si cette présence de la police à une réunion ordinaire du Comité stratégique n’a pas été du goût de certains membres opposés à la gestion du Vice-président Boubacar Karamoko Traoré, qui l’ont donc boycottée, pour les partisans de ce dernier elle est était justifiée.

« C’est parce que le Vice-président a reçu des informations selon lesquelles les jeunes se préparaient à venir le faire sortir de force qu’il a demandé à la police de venir sécuriser la réunion », confie un membre du Comité stratégique proche de lui.

Deux « Présidents » à bord

Suite aux évènements du 22 février, le Comité stratégique présidé par Boubacar Karamoko Traoré a décidé dans la foulée de suspendre « jusqu’à nouvel ordre » certains membres dudit Comité pour, entre autres, la « gravité des incidents et des agissements » qu’ils ont posés lors de la réunion, les « atteintes graves à la cohésion et la violation de l’esprit d’union sacrée autour des idéaux du peuple malien portés par le M5-RFP » et « leur mépris à l’endroit des forces de l’ordre ».

Parmi les membres du Comité stratégique suspendus figurent entre autres le Coordinateur du mouvement EMK, Tiémoko Maïga, le Président du Pôle politique du consensus (PPC) et Porte-parole du M5, Jeamille Bittar, Paul Ismaël Boro, membre du FSD ou encore Ibrahim Traoré dit Jack Bauer, membre de la Coordination des jeunes du M5.

Mais ces derniers et d’autres membres du Comité stratégique issus de diverses entités ont également annoncé le 23 février avoir mis « un terme, avec effet immédiat, à la mission de Boubacar K. Traoré comme Vice-président du Comité stratégique du M5-RFP » et désigné « à titre d’intérimaire l’Imam Oumarou Diarra, 3ème Vice-président, en qualité de Vice-président du Comité stratégique jusqu’à  nouvel ordre ».

Pour le camp Traoré, la destitution du Vice-président est sans effet. « Ils ont tenté de destituer Boubacar Karamoko Traoré mais ils ne le peuvent pas. Non seulement ils n’ont pas la majorité, mais ils ne peuvent pas destituer quelqu’un étant suspendus », argue une source interne du Comité stratégique.

Mais, dans une déclaration en date du 26 février 2024 signée du Président par intérim désigné, l’Imam Oumarou Diarra, cette tendance du M5 a qualifié de « puéril, enfantin et dérisoire » le communiqué de « l’ancien Vice-président » portant  suspension de certains membres du Comité stratégique.

Elle a également demandé au Premier ministre, Président du Comité stratégique, de « sortir sans délai de son mutisme pour rassurer face aux graves accusations de manipulation qui pèsent sur lui »

Quête d’intérêts ?

À en croire des membres du Comité stratégique que nous avons approchés, la situation actuelle au sein du M5-RFP résulte de la quête d’intérêts personnels de certains. « Certains responsables du M5 qui étaient nommés comme chargés de mission dans certains ministères ont perdu leurs fonctions ces derniers temps. C’est eux qui sont en train de nourrir la protestation », accuse un membre du Comité stratégique proche de Boubacar Karamoko Traoré.

« Si vous regardez bien les visages, ce sont des gens soit qui ont été limogés, soit qui voulaient des postes ou des marchés, en plus de quelques jeunes qui demandaient à avoir du boulot mais qui n’en ont pas eu », appuie pour sa part un autre proche du Premier ministre.

Des accusations que Jeamille Bittar réfute. Lors de la lecture de la déclaration destituant le Vice-président, le Porte-parole du M5 a affirmé que ni les questions de poste ni les calculs politiques ne motivaient leur démarche.

Toutes nos tentatives pour avoir les versions de cette tendance sur les causes de la situation actuelle au sein du M5-RFP ont été sans suite. Elle prévoit une conférence de presse ce jeudi 29 février, où « aucune question ne sera taboue », assure M. Bittar.