L’action climatique multilatérale est la seule voie possible

Notre monde se situe à une croisée des chemins. Les effets dévastateurs du réchauffement climatique sont de plus en plus évidents, et la crise s’aggrave. Pour l’atténuer, il est impératif de réduire d’urgence les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si nous n’agissons pas maintenant, le tribut humain et économique s’alourdira.

 

La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP29) qui se tient à Bakou, en Azerbaïdjan, offre l’opportunité unique d’une action collective efficace. Dans un contexte de fortes tensions géopolitiques et d’incertitude mondiale, la COP29 constituera la mise à l’épreuve du système multilatéral sur lequel repose la capacité de l’humanité à surmonter cette menace existentielle.

Les bases de l’action coordonnée ont été posées à Rio de Janeiro en 1992, avec la création de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui a instauré la Conférence des Parties (COP) annuelle afin de promouvoir des solutions basées sur le consensus. La philosophie était simple : le changement climatique étant un problème mondial, sa résolution nécessite une approche collaborative.

La CCNUCC favorise la coopération entre les petits pays et les superpuissances, permet aux organisations de la société civile de dialoguer directement avec les gouvernements, et facilite les transferts de technologie transfrontaliers. Peut-être plus important encore, elle fournit un cadre pour l’action collective, dans lequel les efforts de chaque pays encouragent les autres à intensifier leurs propres actions.

Bien que le Protocole de Kyoto de 1997 ait fixé des objectifs de réduction des émissions pour les économies développées, il est rapidement devenu évident qu’il fallait accomplir davantage. C’est la raison pour laquelle les pays développés se sont engagés en 2009 à mobiliser 100 milliards $ chaque année jusqu’en 2020 pour soutenir les politiques climatiques des pays en voie de développement.

L’accord sur le climat conclu à Paris en 2015 a marqué un tournant, en fixant l’objectif consistant à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, et à faire en sorte qu’il demeure bien inférieur à 2°C. Pour qu’un suivi des avancées soit possible, l’accord a mis en place un système de contributions déterminées au niveau national (CDN), dans lequel chaque pays définit ses plans de réduction des émissions. Des audits mondiaux ont lieu périodiquement afin d’évaluer si les pays sont en bonne voie pour honorer leurs engagements climatiques.

Malheureusement, le premier audit mondial, publié avant la COP28 de Dubaï l’an dernier, a révélé que nous étions encore loin de respecter ces objectifs climatiques. L’audit a également fourni une feuille de route complète, appelant tous les pays à aligner leurs CDN sur l’objectif de 1,5°C, ainsi qu’à fixer des étapes et des délais clairs – y compris concernant la sortie des énergies fossiles – permettant de rendre atteignables les objectifs de l’accord de Paris.

La COP29 constitue l’étape suivante de l’approche multilatérale, les dirigeants devant s’entendre sur un renforcement significatif de l’objectif de financement climatique de 100 milliards $, baptisé Nouvel objectif collectif quantifié (NOCQ). Par ailleurs, chaque pays devra présenter ses CDN actualisées d’ici le mois de février 2025.

La transparence est indispensable à ce processus. Si les objectifs de l’accord de Paris constituent la destination, et les CDN la feuille de route, le NOCQ fournit le carburant pour y parvenir. Il est essentiel de bâtir la confiance dans l’engagement des pays à mener une action climatique audacieuse ainsi qu’à fournir les financements nécessaires.

À la présidence de la COP29, l’Azerbaïdjan appelle tous les pays à soumettre au plus vite leurs CDN alignées sur l’objectif de 1,5°C. Nous fournissons également tous les efforts pour parvenir à un nouvel objectif juste et ambitieux sur le plan des financements climatiques, qui réponde aux besoins des pays en voie de développement, et qui corresponde à l’ampleur ainsi qu’à l’urgence de la crise.

Échouer dans cette démarche signifierait devoir faire face à des questions difficiles : Sommes-nous prêts à accepter l’échec de l’accord de Paris ? Et quelles sont les alternatives ? Une chose est sûre : même sans plan de secours viable, nous devons tout faire pour atteindre l’objectif de 1,5°C. Le somnambulisme vers la catastrophe climatique n’est pas une option.

Le système multilatéral présente certes des défauts, mais il demeure le meilleur cadre pour surmonter ce défi de taille. Depuis une trentaine d’années, il permet une coopération internationale dans la durée, une compréhension partagée de la science, ainsi qu’un solide consensus s’agissant des objectifs climatiques mondiaux.

L’alternative au multilatéralisme serait une réponse fragmentée, consistant pour chaque État à poursuivre son propre agenda, sans coordination ni coopération. Cette approche signifierait des progrès plus lents, des coûts plus élevés et des résultats moins équitables. Sans un objectif fédérateur, le sentiment d’objectif commun risquerait de disparaître.

Prenons l’exemple de l’objectif de la COP29 consistant à finaliser les négociations relatives à l’article 6 de l’accord de Paris, qui vise à standardiser les marchés du carbone. En canalisant les ressources vers les projets d’atténuation les plus efficaces, ce cadre pourrait permettre d’économiser chaque année 250 milliards $ d’ici 2030 – un apport considérable à une époque de ressources limitées.

Compte tenu des alternatives, nous n’avons pas d’autre choix que de faire en sorte que le système actuel fonctionne. La présidence de la COP29 ne négligera aucune piste pour atteindre un consensus international. Poursuivant un agenda axé sur les progrès d’une action climatique transformatrice, l’Azerbaïdjan peut contribuer à réconcilier les divisions géopolitiques. Notre succès dépendra toutefois de la volonté des pays de s’investir pleinement et de manière constructive dans le processus multilatéral.

Les constats scientifiques sont sans équivoque, les cadres propices à une action coordonnée sont en place, et le plan a été élaboré. Il ne nous reste plus qu’à trouver la volonté de mettre en œuvre ces outils. La COP29 constitue l’opportunité de prouver que le multilatéralisme peut fonctionner.

 

Mukhtar Babayev, président désigné de la COP29, est ministre de l’Écologie et des Ressources naturelles de l’Azerbaïdjan.

 

Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

La fin de la démocratie américaine n’était que par trop prévisible

Comme bien d’autres, depuis la fin de la nuit de mardi à mercredi, mon téléphone croule sous les SMS me demandant comment cela a pu se produire (comme certains de mes amis, collègues et connaissances le savent, j’étais totalement convaincu que Donald Trump remporterait cette élection haut la main). Au lieu de répondre en détail à chaque message, je vais donner mon explication ici.

 

Depuis 2 300 ans, au moins depuis la République de Platon, les philosophes savent comment les démagogues et les aspirants tyrans gagnent les élections démocratiques. Le processus est simple et nous venons de le voir se dérouler.

Dans une démocratie, tout le monde est libre de se présenter aux élections, y compris les personnes qui ne sont absolument pas aptes à diriger ou à présider les institutions gouvernementales. L’un des signes révélateurs de cette inaptitude est la capacité à mentir sans retenue, notamment en se présentant comme le défenseur contre les ennemis perçus par le peuple, qu’ils soient extérieurs ou intérieurs. Platon considérait que les gens ordinaires étaient facilement contrôlés par leurs émotions et donc sensibles à ce type de messages – un argument qui constitue le véritable fondement de la philosophie politique démocratique (comme je l’ai soutenu dans des travaux antérieurs).

Les philosophes ont toujours su que ce type de politique n’était pas nécessairement voué au succès. Comme l’a affirmé Jean-Jacques Rousseau, la démocratie est la plus vulnérable lorsque l’inégalité dans une société s’est enracinée et qu’elle est devenue trop flagrante. De profondes disparités sociales et économiques créent les conditions nécessaires pour que les démagogues exploitent le ressentiment de la population et que la démocratie finisse par s’effondrer de la manière décrite par Platon. Rousseau a donc conclu que la démocratie exigeait une égalité généralisée ; ce n’est qu’à cette condition que le ressentiment des citoyens ne peuvent pas être exploités aussi facilement.

Dans mon propre travail, j’ai essayé de décrire, dans les moindres détails, pourquoi et comment les personnes qui se sentent lésées (matériellement ou socialement) en viennent à accepter des pathologies – racisme, homophobie, misogynie, nationalisme ethnique et bigoterie religieuse – qu’elles rejetteraient dans des conditions de plus grande égalité.

Ce sont précisément ces conditions matérielles d’une démocratie saine et stable qui font défaut aux États-Unis aujourd’hui. Au contraire, l’Amérique se définit aujourd’hui singulièrement par ses inégalités massives, un phénomène qui ne peut que saper la cohésion sociale et susciter le ressentiment. Alors que 2 300 ans de philosophie politique démocratique suggèrent que la démocratie n’est pas viable dans de telles conditions, personne ne devrait être surpris par le résultat de l’élection de 2024.

Pourquoi cependant, pourrait-on se demander, cela ne s’est-il pas déjà produit aux États-Unis ? La raison principale est qu’il existait un accord tacite entre les hommes politiques pour ne pas s’engager dans une forme de politique aussi extraordinairement clivante et violente. Rappelez-vous les élections de 2008. John McCain, le républicain, aurait pu faire appel à des stéréotypes racistes ou à des théories du complot sur la naissance de Barack Obama, mais il a refusé de s’engager dans cette voie, corrigeant d’un mot devenu célèbre l’une de ses propres partisanes, lorsqu’elle a suggéré que le candidat démocrate était un « Arabe » né à l’étranger. McCain a perdu, mais on se souvient de lui comme d’un homme d’État américain d’une intégrité irréprochable.

Bien sûr, les hommes politiques américains font régulièrement appel, de manière plus subtile, au racisme et à l’homophobie pour gagner les élections. C’est, après tout, une stratégie qui a fait ses preuves. Mais l’accord tacite de ne pas mener explicitement une telle politique – ce que le théoricien politique Tali Mendelberg appelle la norme d’égalité – excluait de faire appel trop ouvertement au racisme. Au lieu de cela, il fallait passer par des messages cachés, des appels du pied et des stéréotypes (par exemple en parlant de « paresse et de criminalité dans les quartiers défavorisés »).

Dans des conditions d’inégalité profonde, cette sorte de politique codée finit par devenir moins efficace que sa version plus explicite. Ce que Trump a fait depuis 2016, c’est jeter aux orties l’ancien accord tacite, en qualifiant les immigrés de vermine et ses opposants politiques « d’ennemis de l’intérieur ». Une telle politique explicite du « nous contre eux », comme les philosophes l’ont toujours su, peut être très efficace.

La philosophie politique démocratique, donc, propose une bonne analyse du phénomène Trump. Tragiquement, elle offre également une prédiction claire de ce qui va suivre. Selon Platon, le genre de personne qui fait campagne de cette manière gouvernera comme un tyran.

D’après tout ce que Trump a dit et fait au cours de cette campagne et de son premier mandat, nous pouvons nous attendre à ce que Platon ait, une fois de plus, raison. La domination du parti républicain sur toutes les branches du gouvernement ferait des États-Unis un État à parti unique. L’avenir offrira peut-être des occasions épisodiques pour que d’autres leur disputent le pouvoir, mais quelles que soient les joutes politiques à venir, elles ne seront probablement pas des élections libres et équitables.

 

Jason Stanley, professeur de philosophie à l’université de Yale, est l’auteur de Erasing History: How Fascists Rewrite the Past to Control the Future (Atria/One Signal Publishers, 2024).

 

Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

 

 

 

Un an après Kidal: Le Premier ministre alerte sur les divisions et défend les acquis de la Transition

Le Centre International de Conférences de Bamako (CICB) a abrité, ce samedi 16 novembre, un meeting organisé par les partisans du Premier ministre Dr. Choguel Kokalla Maïga, à l’occasion du premier anniversaire de la libération de Kidal.

L’événement a également servi de cadre pour aborder des sujets relatifs à la situation politique du Mali et aux perspectives de la Transition.
Le Premier ministre a ouvert son discours en rappelant la reconquête de Kidal par les Forces Armées Maliennes (FAMa) le 14 novembre 2023. Ce succès militaire, selon lui, marque un tournant décisif dans la restauration de l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale du Mali. Il a salué les efforts des FAMa, évoquant leur montée en puissance grâce à de nouveaux partenariats stratégiques et des réformes militaires adaptées.
Le Premier ministre a profité de ce meeting pour présenter un bilan des réalisations de la Transition. C’est ainsi qu’il a  cité l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle Constitution, accompagnées de réformes dans les domaines de la justice, de l’éducation, de la santé et de l’économie. Au titre de ces acquis figure également la sécurisation de plusieurs localités du nord du pays à la faveur de la reconquête de kidal. Il a aussi souligné l’expulsion des troupes étrangères, notamment celles de la MINUSMA, et la fin de l’opération Barkhane en août 2022. De plus, il a ajouté que le Mali a dénoncé le double langage de certaines puissances étrangères se livrant à des ingérences dans les affaires internes du pays.
Clarification de la transition
Le discours a également relevé les défis internes liés à la gestion de la Transition. Le Premier ministre a exprimé son inquiétude quant à l’absence de clarté sur la durée restante de la Transition, initialement fixée à 24 mois à compter de mars 2022, mais prolongée sans concertation officielle.
Il a évoqué un manque de communication entre les différentes institutions, critiquant l’opacité entourant le programme de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE). Cette situation, selon lui, nuit à la cohésion nationale et pourrait compromettre les acquis de la Transition.
Dr. Maïga a exhorté les Maliens à préserver l’unité nationale face aux menaces internes et externes. Il a insisté sur la nécessité de soutenir les Forces Armées Maliennes et de respecter les institutions de la Transition. Il a également mis en garde contre les divisions politiques, qu’il a qualifiées de « risques de graves reculs pour le Mali ».

CAN 2025: Les Aigles du Mali s’envolent vers le Maroc

Les Aigles du Mali ont validé leur billet pour la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025 en s’imposant 1-0 face au Mozambique lors de la cinquième journée des éliminatoires disputée ce vendredi 15 novembre. Cette victoire porte leur total à 11 points, assurant leur qualification avant la dernière journée prévue le 19 novembre.

Le match, disputé au Stade National de Maputo, a vu le Mali prendre l’avantage dès la 19e minute grâce à une réalisation de Kamory Doumbia. Ce but est le fruit d’une action collective initiée par Yves Bissouma, qui a délivré une passe décisive millimétrée à Doumbia, permettant à ce dernier de conclure avec sang-froid. ​​
Cette performance solide reflète la détermination des Aigles à se qualifier pour la phase finale de la CAN 2025, qui se tiendra au Maroc. Avec 11 points au compteur, le Mali occupe la première place du groupe I, devançant le Mozambique et la Guinée-Bissau. Cette avance confortable leur permet d’aborder sereinement la dernière journée des éliminatoires.
Le sélectionneur Tom Saintfiet, récemment nommé à la tête de l’équipe, a exprimé sa satisfaction : « Cette victoire est le résultat du travail acharné de nos joueurs et du staff technique. Nous avons montré du caractère et de la discipline sur le terrain. Maintenant, nous devons rester concentrés pour le dernier match et préparer la phase finale avec sérieux. »
Les Aigles du Mali affronteront l’Eswatini le 19 novembre à Bamako pour la dernière journée des éliminatoires. Bien que la qualification soit déjà acquise, ce match sera l’occasion de peaufiner les automatismes et de renforcer la cohésion de l’équipe en vue de la compétition continentale.
C’est la 10e fois consécutive que le Mali se qualifie à une phase finale de CAN.
La CAN 2025, prévue du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026 au Maroc, réunira les meilleures sélections africaines. Le Mali, fort de cette qualification anticipée, ambitionne de réaliser un parcours remarquable et de viser les sommets du football africain.

Sahel : Quel rôle pour les jeunes dans la gouvernance ?

L’engagement civique, citoyen et politique des jeunes au Sahel a connu un déclin ces vingt dernières années. Ce désengagement est la conséquence d’un mécontentement généralisé lié à la gouvernance. Face à ce constat, des initiatives sont en cours pour replacer la jeunesse du Sahel au cœur de la gouvernance et de la stabilité de la région.

Les jeunes ont joué un rôle important dans le basculement des régimes politiques au Sahel ces dernières années. Que ce soit à travers des manifestations de rue ou des espaces d’échanges sur les réseaux sociaux, la voix de la jeunesse a impacté l’évolution de la situation politique.

Pour fournir aux jeunes un cadre de dialogue, de réflexion, d’apprentissage et d’échanges d’expériences et de bonnes pratiques, afin de proposer de nouvelles perspectives, et améliorer leur participation à la citoyenneté et aux processus de paix en Afrique et au Sahel, la 5ème édition du Forum régional des jeunes s’est tenue du 12 au 13 novembre 2024 à Bamako, sur le thème « Rôle et engagement des jeunes dans la gouvernance, la citoyenneté et la paix au Sahel : aller au-delà de la contestation ».

Organisé par le Gorée Institute et l’École de maintien de la paix Alioune Blondin Bèye de Bamako, en collaboration avec le ministère de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne de la République du Mali et avec l’appui financier du Royaume des Pays-Bas, l’évènement a rassemblé plus de 150 jeunes acteurs de la société civile, des partis politiques, des organisations internationales et des institutions étatiques et non étatiques venant du Mali, du Sénégal, du Burkina Faso et du Niger.

Nouvelle force citoyenne

Dans sa note conceptuelle, l’Institut Gorée soutient que l’expérience des révoltes citoyennes victorieuses au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso et au Maghreb, majoritairement conduites par des jeunes, devrait « pousser les élites politiques traditionnelles à se rendre à l’évidence ». Il a aussi été convenu d’appeler ces mouvements « Nouvelle force citoyenne ».

Nous sommes en face d’une nouvelle conscience citoyenne appelée à demeurer dans le paysage politique par la contestation et la dénonciation fréquentes de la « gouvernance scandaleuse », souligne le document.

Néanmoins, les jeunes doivent aller au-delà de cette forme d’expression et s’affirmer sur le plan politique. Il est temps pour eux de se convertir en force de proposition au bénéfice des gouvernants, qu’ils soient militaires ou civils, poursuit la note.

Pour propulser ce changement auprès de la jeunesse, le forum visait à créer un espace pour un échange intergénérationnel de connaissances, d’enseignements et d’expériences et à recueillir les perspectives des jeunes, ainsi que leurs propositions de solutions, face à l’exacerbation de la conflictualité, à l’instabilité politique et à l’instabilité institutionnelle dans l’espace Sahel.

Jeunesse outillée

Ce rendez-vous régional des jeunes avait également pour objectifs de leur donner l’opportunité d’échanger sur le concept de citoyenneté en vue de le repenser dans le contexte africain ainsi que de mettre en place des mécanismes pour réduire l’impact de l’instabilité chronique dans l’espace Sahel. Il leur a permis également d’interagir avec les autorités étatiques, notamment maliennes, et les représentants des institutions internationales et sous-régionales.

Pendant deux jours, lors de divers panels, ils ont été sensibilisés sur plusieurs thèmes tels que leurs rôles et responsabilités dans la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent au Sahel, leurs réponses pour des transitions réussies dans les crises politiques et institutionnelles de la région, ainsi que leur leadership et leur engagement civique et politique comme moyens de contribution à la reconstruction de nos États.

Les échanges ont également porté sur la place d’Internet dans la contestation et la construction d’idées innovantes pour un meilleur changement, ainsi que sur le positionnement des jeunes femmes comme partenaires stratégiques dans les processus politiques et de paix au Sahel.

Mohamed Kenouvi

Navigation aérienne : le CNT valide la création de Mali Airlines

Le 14 novembre 2024, le Conseil National de Transition (CNT) du Mali a adopté le projet de loi portant création de Mali Airlines, une nouvelle compagnie aérienne nationale. Cette décision fait suite à l’approbation initiale du gouvernement lors du Conseil des ministres du 31 juillet 2024. ​​
La création de Mali Airlines vise à renforcer la connectivité aérienne du pays, en facilitant la mobilité des populations entre les capitales régionales. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des États généraux des transports de 2023, soulignant l’importance de développer les infrastructures de transport pour soutenir l’émergence économique du Mali. ​​
Le gouvernement malien a souligné que le Mali, vaste pays enclavé partageant 7 420 km de frontières avec sept pays, nécessite une compagnie nationale pour assurer des services aériens réguliers et désenclaver le pays tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. ​​
Les détails financiers relatifs à la création de Mali Airlines n’ont pas été divulgués publiquement. Les informations disponibles se concentrent principalement sur les objectifs stratégiques et les motivations de la création de la compagnie, sans mentionner les aspects financiers spécifiques. ​​
La mise en place de Mali Airlines représente une étape significative vers la modernisation des infrastructures de transport du Mali. ​​​​

 

La finance inclusive est la clé de l’action climatique

En tête de liste des mesures à adopter lors de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP29) à Bakou, en Azerbaïdjan, figure le nouvel objectif collectif quantifié (NCQG) sur le financement du climat, qui soutiendra l’action climatique dans les pays en développement après 2025. La principale préoccupation sera de fixer des objectifs de contribution pour les pays développés. Mais une autre question cruciale a été négligée : qui aura accès à ces fonds ?

 

Les communautés à faible revenu des pays les plus vulnérables sont loin d’avoir bénéficié d’une part suffisante du financement de la lutte contre le changement climatique. Ce sont ces pays qui sont touchés de manière disproportionnée par le réchauffement climatique, bien qu’ils soient ceux qui contribuent le moins à ce problème. On estime que 75 % des 4 800 milliards de dollars investis dans l’action climatique au cours de la dernière décennie l’ont été dans des pays à revenu élevé. Entre 2003 et 2016, moins de 10 % des fonds internationaux, régionaux et nationaux consacrés au climat ont été versés à des acteurs locaux.

Cela doit changer. Parmi les 3,3 milliards de personnes qui vivent dans des régions très vulnérables au changement climatique, nombreuses sont celles qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour se protéger, protéger leur famille ou leurs moyens de subsistance. L’octroi d’un financement climatique aux ménages et aux entreprises à faible revenu présente des avantages bien connus : ils peuvent se remettre plus rapidement des chocs climatiques, diversifier leurs activités génératrices de revenus et investir dans les technologies vertes nécessaires pour renforcer la résilience et faire progresser la transition énergétique. Si l’adoption d’un nouvel objectif en matière de financement de la lutte contre le changement climatique constitue une première étape cruciale pour obtenir des fonds, la question de savoir comment canaliser une plus grande partie de ces fonds vers les communautés locales doit être au cœur des discussions lors de la COP29, ainsi que sur la route menant à la COP30 à Belém, au Brésil.

L’une des solutions possibles consiste à développer des services financiers plus inclusifs. Au cours des dernières décennies, un écosystème d’investisseurs, de régulateurs et d’institutions financières s’est développé pour prendre des financements à grande échelle et les fournir sous forme de petites coupures aux ménages à faibles revenus tout en gérant les risques. Ces institutions ont des milliards de clients à long terme, dans les pays et les communautés vulnérables au climat. Elles ont noué des relations avec ces personnes, comprennent leurs besoins et savent comment les servir au mieux. À partir de cette base, il est possible de créer des produits qui stimuleront efficacement l’adaptation et la résilience au climat.

De nombreux programmes innovants ont déjà été mis en œuvre. Une assurance contre les vagues de chaleur à faible coût protège des centaines de milliers de femmes pauvres en Inde contre la hausse des températures. Des lignes de crédit conditionnelles aident les agriculteurs du Bangladesh à gérer les risques d’inondation. Et grâce à un produit mobile de mise de côté, les petits exploitants agricoles du Mali, du Sénégal et de la Tanzanie peuvent payer en plusieurs fois des intrants intelligents et des programmes de formation à l’agriculture durable.

En plus de renforcer l’adaptation et la résilience au climat, les produits et services financiers inclusifs peuvent aider à stimuler l’investissement dans l’atténuation et contribuer à une transition verte juste. Au Bangladesh, par exemple, le fabricant de cuisinières électriques Atec a déployé un modèle « cook-to-earn » (cuisiner pour gagner), qui consiste à verser aux clients une partie des recettes provenant de la vente de crédits carbone, sur la base des données d’utilisation des clients. En incitant les gens à adopter et à continuer d’utiliser cette technologie verte, ils créent un cercle vertueux.

L’adoption à grande échelle de ces initiatives naissantes pourrait accélérer l’action climatique au niveau local. Faire en sorte que les personnes à faible revenu ou défavorisées puissent accéder aux financements fournis par les pays développés favoriserait la résilience aux conditions météorologiques extrêmes et transformerait la lutte contre le réchauffement climatique. La finance inclusive pourrait également contribuer à réduire le déficit mondial de financement de la lutte contre le changement climatique, car le secteur a fait ses preuves en matière de mobilisation de capitaux privés pour des projets de développement. Ce qui était, il y a 30 ans, un secteur axé sur les ONG et les subventions est aujourd’hui une industrie commerciale de grande envergure.

Pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux, nous ne pouvons plus ignorer les personnes les plus exposées aux conséquences désastreuses de la hausse des températures. Le NCQG, bien qu’important et nécessaire, n’est qu’un point de départ. Alors que les pays développés se fixent de nouveaux objectifs en matière de financement de la lutte contre le changement climatique lors de la COP29, ils doivent également faire un effort plus concerté pour s’assurer que ces fonds parviennent à ceux qui en ont le plus besoin. Le financement inclusif est une partie évidente de la solution qui pourrait permettre d’obtenir bien plus qu’aujourd’hui.

 

Sophie Sirtaine est directrice générale du CGAP.

 

Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

Le suicide démocrate de 2024

Au moment de la rédaction de ces lignes, Donald Trump a recueilli près de 75,1 millions de voix à l’élection présidentielle américaine, contre environ 71,8 millions pour Kamala Harris. Bien que ces chiffres augmentent avec le décompte des votes par correspondance, le score final de Trump ne dépassera que légèrement ses 74,2 millions de voix obtenues en 2020. Pour Harris, en revanche, il s’agira d’une baisse considérable par rapport aux 81,2 millions de voix que Joe Biden avait recueillies, et cela malgré une augmentation de quatre millions du nombre d’Américains en âge de voter.

 

Autrement dit, Trump n’a quasiment pas gagné en soutien électoral durant ses quatre années de quête de rédemption. Si l’électorat n’avait pas changé, on pourrait même affirmer que Trump a tout simplement convaincu ses électeurs de 2020 de voter à nouveau pour lui. En effet, environ 13 millions d’Américains (pour la plupart en âge de voter) sont décédés, et quelque 17 millions ont atteint cet âge, ce qui signifie que Trump a pour ainsi dire remplacé un électeur perdu par un électeur gagné, tandis qu’une baisse de participation a coûté près de dix millions de voix aux Démocrates.

Ces chiffres remettent sérieusement en question les explications fondées sur la situation économique, et encore plus celle qui évoquent l’impact de la publicité et des campagnes de mobilisation des électeurs. La publicité, les rassemblements et les « efforts de terrain » se sont principalement concentrés sur les États clés, mais les résultats y ont été similaires à ceux observés à l’échelle nationale, y compris dans des États comme le Massachusetts et le Texas, où l’issue ne faisait aucun doute. Les plus grands basculements proportionnels en faveur de Trump ont eu lieu à New York, dans le New Jersey, en Floride et en Californie. Voilà à quoi a abouti le milliard de dollars dépensé par les Démocrates pour la campagne. Quatre ans auparavant, Biden avait fait mieux depuis son sous-sol.

Les résultats défient également les analyses fondées sur « l’électeur américain ». Le racisme, le sexisme, ainsi que le mécontentement concernant l’économie, l’immigration ou les droits reproductifs (le « thème d’espoir » des Démocrates cette année) existent incontestablement. Pour autant, ces sujets ne semblent pas avoir influencé les résultats davantage que durant les années précédentes (ni dans un sens, ni dans l’autre). Les électeurs qui se sont rendus aux urnes semblent avoir voté comme la fois précédente. Il y a toujours quelques « électeurs indécis », mais si les journalistes de terrain les recherchent comme les anthropologues pourchassaient autrefois les cannibales, c’est pour une bonne raison : ils ne courent pas les rues. La vérité, c’est que l’un des deux camps a voté en masse, et que l’autre ne l’a pas fait.

Il n’existe pas de données fiables sur les motivations idéologiques des abstentionnistes. En revanche, les sondages à la sortie des urnes indiquent que le changement dans la composition de l’électorat a été plus significatif parmi les classes à revenus faibles ; la part des électeurs aux revenus annuels inférieurs à 50 000 $ et ayant voté pour Biden était plus élevée que pour Harris. Parmi les Latino-Américains, en particulier les électeurs à faibles revenus résidant le long de la frontière texane (dans des comtés certes de très petite taille), le basculement vers Trump a été spectaculaire.

Une fois écartées les explications défaillantes, trois hypothèses raisonnables demeurent. La première concerne les modalités de vote. En 2020, en pleine pandémie, le vote avait été plus accessible que jamais auparavant. Plusieurs millions d’Américains avaient utilisé le vote par anticipation, par courrier électronique, le dépôt de bulletin de vote depuis le volant de leur voiture, les bureaux de vote ouverts 24h/24, ainsi que d’autres méthodes pratiques, et la participation (en proportion de l’électorat éligible) avait été la plus élevée depuis l’année 1900 – bien avant l’ère des droits civiques, et deux décennies avant le droit de vote des femmes. En 2024, certaines voire la totalité de ces méthodes n’existaient plus, après avoir déjà décliné en 2022. Aux États-Unis, il est courant de se baser sur l’organisation pratique du vote pour prédire des résultats : les longues files d’attente aux bureaux de vote découragent la participation, notamment chez les travailleurs à l’emploi du temps chargé.

Une deuxième explication plausible concerne l’inscription des électeurs. Les étudiants et les minorités à faibles revenus déménagent plus fréquemment, et doivent généralement se réinscrire chaque fois qu’ils changent d’adresse. Il est tout à fait possible que ce poids ait pesé plus lourdement sur les Démocrates.

La troisième hypothèse repose sur les divisions historiques au sein du Parti démocrate, qui est à 70-80 % centriste et à 20-30% de gauche, mais entièrement contrôlé par sa majorité centriste. Bien que cette situation prévale depuis la défaite de George McGovern en 1972, le contrôle s’étend désormais jusqu’au choix des candidats pour les sièges du Congrès, et jusqu’au financement des campagnes du parti au niveau fédéral.

Les Clinton et les Obama sont aujourd’hui de facto à la tête de la faction centriste, et Biden et Harris étaient leurs choix. Bernie Sanders avait porté le flambeau de la gauche en 2016 et 2020, puis finalement soutenu Biden en échange de concessions politiques. En 2024, il n’y avait plus de gauche démocrate, dans la mesure où n’avait eu lieu aucune primaire ni compétition, seulement un remplacement de candidat à la dernière minute, derrière des portes closes. Par ailleurs, certaines figures de la gauche, dont Robert F. Kennedy Jr. (interdit d’accès aux primaires démocrates) et Tulsi Gabbard, ont rejoint le camp de Trump. La seule véritable gauche en 2024 résidait dans un mouvement appelé « Palestine ». Elle n’avait de place dans aucun des deux partis.

Si le leadership démocrate a été l’artisan de cette situation, cela doit signifier qu’il l’a souhaitée. Après tout, gagnant ou perdant, il demeure au contrôle d’un vaste appareil parallèle : consultants, sondeurs, lobbyistes, collecteurs de fonds, postes clés au Capitole. Toute concession à de nouvelles forces au sein du parti aurait affaibli ce contrôle, contrairement à une défaite face aux Républicains. Pour cette direction démocrate, plutôt perdre une élection ou deux – voire devenir un parti définitivement minoritaire – que d’ouvrir les portes du parti à des personnes qu’elle ne pourrait contrôler.

L’élection de 2024 aura donc été un suicide. La direction démocrate se sera, au mieux, montrée indifférente à l’érosion de l’accès au vote, négligente dans la fidélisation des nouveaux électeurs de 2020, et proactive dans l’exercice consistant à favoriser l’abstention de ce qu’il restait de l’aile « gauche ». Elle aura tenté de dissimuler tout cela sous le vernis de soutiens politiques parmi les célébrités, ainsi que de politiques identitaires. Comme d’habitude, cela n’a pas fonctionné. Les mandarins du parti et leurs apparatchiks seront de retour la prochaine fois pour retenter leur chance.

 

James K. Galbraith est titulaire de la chaire de relations gouvernementales et d’entreprise ainsi que professeur de sciences politiques à l’Université du Texas à Austin. Il est coauteur (avec Jing Chen) de l’ouvrage à paraître intitulé Entropy Economics: The Living Basis of Value and Production (University of Chicago Press, 2025).

 

Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

An I de la reconquête de Kidal : L’État face aux réalités du terrain

Le 14 novembre 2023, les forces armées maliennes ont repris la ville de Kidal, mettant fin à plus de dix ans de contrôle par les rebelles de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). Cette reconquête s’est déroulée alors que les forces internationales, telles que la mission Barkhane de la France et la MINUSMA, se retiraient progressivement, laissant l’armée malienne seule responsable de la sécurité.

Nommé dans la foulée Gouverneur de la région, le Général El Hadj Ag Gamou a pris des mesures pour renforcer la présence de l’État et rétablir l’administration. Cependant la région fait face à de sérieux défis.

En matière d’éducation, 39 des 73 écoles sont encore fermées, privant près de 6 000 enfants de leur droit à l’école. Le manque d’enseignants qualifiés persiste, malgré les efforts des autorités pour attirer du personnel éducatif. Dans le domaine de la santé, plusieurs centres ont repris leurs activités, mais le manque de personnel limite l’accès aux soins. Une épidémie de paludisme en septembre 2024, suite aux pluies diluviennes que le pays a connues, a révélé les faiblesses des infrastructures de santé, avec 536 cas et 40 décès. De plus, cette année, selon les humanitaires, environ 2,3% des enfants de la région souffrent de malnutrition aiguë.

Les services de base comme l’eau et l’électricité demeurent précaires, avec des coupures fréquentes. Le chômage reste élevé, surtout chez les jeunes, alimentant la frustration sociale dans cette région, dont certaines localités sont difficilement accessibles à cause de l’insécurité.

En matière de sécurité, justement, la situation est fragile. En juillet 2024, des affrontements entre l’armée malienne et des éléments de la rébellion à Tinzaouatène, localité proche de la frontière algérienne, ont entraîné le déplacement de 5 000 à 6 000 personnes, principalement des femmes et des enfants, vers l’Algérie. Cet afflux a causé une crise humanitaire dans les localités algériennes d’In Guezzam et de Bordj Badji Mokhtar, déjà débordées. Par ailleurs, le banditisme persistant sur les axes routiers reliant Gao et Kidal complique les déplacements, rendant le commerce local difficile et dangereux.

Un an après la reprise de Kidal, l’État, sous l’impulsion du Gouverneur Gamou, continue de poser les bases d’un retour de l’autorité. Cependant, les défis restent importants et les progrès fragiles. D’où la nécessité d’intensifier les efforts pour que cette reconquête ne soit pas vaine.

Massiré Diop

Pour des propos controversés: Issa Kaou Djim de nouveau sous mandat de dépôt

L’ancien membre du Conseil National de Transition (CNT), Kaou Djim, a de nouveau été placé sous mandat de dépôt ce mercredi 13 octobre. Cette décision a été prise après sa comparution devant le procureur en charge de la cybercriminalité, suite à sa participation à l’émission Rendez-vous des idées diffusée sur Joliba TV.

Lors de cette émission, M. Kaou Djim a exprimé des doutes concernant la tentative récente de déstabilisation au Burkina Faso. C’est d’ailleurs suite à une plainte déposée par le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina Faso auprès de la Haute Autorité de la Communication (HAC) du Mali que cette interpellation a été déclenchée, en raison des propos jugés offensants pour les autorités et le peuple burkinabè. Actuellement en détention provisoire, Kaou Djim devrait y rester jusqu’à son procès, prévu pour février prochain.
Ce n’est pas la première fois qu’Issa Kaou Djim se retrouve en conflit avec les autorités de transition qu’il avait initialement soutenues. En octobre 2021, il avait déjà été emprisonné pour ses critiques publiques envers le gouvernement de transition. À l’époque, en tant que vice-président du CNT, il jouissait d’une influence politique importante, mais ses propos jugés provocants avaient conduit les autorités à le placer en détention pour « trouble à l’ordre public. » Cette première incarcération avait marqué une rupture notable entre Kaou Djim et les dirigeants de la transition.
Dans cette nouvelle affaire, le dossier de Joliba TV ne s’arrête pas avec l’arrestation de Kaou Djim. En effet, le directeur de la chaîne ainsi que le directeur de l’information, également animateur de l’émission en question, ont été convoqués par la Haute Autorité de la Communication (HAC) pour s’expliquer sur les conditions de diffusion de l’émission. Cette convocation, prévue pour ce jeudi 14 novembre, vise à clarifier le rôle de la chaîne dans la diffusion des propos de M. Kaou Djim.
Historique des relations entre la HAC et Joliba TV
La relation entre la HAC et Joliba TV est marquée par des antécédents de tensions. En 2022, la chaîne avait déjà été sanctionnée par une suspension de deux mois, après des propos jugés « diffamatoires » envers les autorités de la transition. Cette décision avait nécessité une convocation des responsables de la chaîne pour justifier le contenu diffusé.

COP29 : le Mali en quête de financement vert

La capitale de l’Azerbaïdjan, Bakou, abrite depuis ce mardi 12 novembre et ce jusqu’au 22 novembre prochain, les travaux de la 29e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP29). Un événement qui est placé sous le thème ambitieux : « Debout ensemble, solidaires pour un monde vert ».

Ce rendez-vous international de premier plan rassemble des pays du monde entier pour discuter des stratégies globales face aux défis climatiques des dix prochaines années. Pour la circonstance, le Mali est représenté par une forte délégation conduite par M. Mamadou Samaké, ministre de l’Environnement et du Développement durable. Cette délégation comprend également des membres de haut niveau, parmi lesquels des ministres, des représentants du Conseil National de Transition (CNT), ainsi que des représentants du Conseil économique et social et des organes de la société civile, y compris des ONG maliennes.

Le Mali est arrivé à la COP29 avec une vision claire et treize projets concrets, soigneusement préparés et soumis à des investisseurs internationaux. Ces projets visent à renforcer la résilience du pays face aux effets néfastes du changement climatique tout en promouvant des solutions durables pour l’environnement.

Lors de cette COP, un engagement financier important a été pris, s’élevant entre 500 et 1 000 milliards de dollars pour soutenir les pays en développement, particulièrement affectés par les conséquences de l’industrialisation des grandes puissances.

La délégation malienne va participer activement aux discussions et aux ateliers thématiques pour faire entendre la voix du Mali dans le dialogue mondial. Elle mettra également en avant l’urgence de soutenir les pays en développement, rappelant que les initiatives de lutte contre le changement climatique nécessitent non seulement des ressources financières, mais aussi un engagement plus fort.

Situation sécuritaire préoccupante à Bandiagara et Ségou : Appel des acteurs politiques à l’action

La situation sécuritaire dans les régions de Bandiagara et Ségou, plus particulièrement dans les cercles de Bankass et Ké-Macina, connaît une dégradation alarmante. Les récentes attaques, notamment celle survenue dans le village de « Digny Yolo » situé dans la commune de Ségué, cercle de Bankass, témoignent d’une intensification de l’insécurité.

Cette situation a provoqué une onde de choc parmi les populations locales, les responsables politiques et les groupes de défense communautaire, suscitant des réactions de soutien et d’appel à l’action pour assurer la sécurité dans ces zones fortement touchées.
Le 5 novembre 2024, le village de Digny Yolo a été la cible d’une attaque orchestrée par des groupes terroristes, engendrant des combats d’une violence inouïe qui se sont prolongés sur quatre jours, jusqu’au 8 novembre. Ce drame a causé la mort de sept personnes, dont cinq civils et deux chasseurs venus secourir les habitants. Le bilan fait également état de sept blessés. Le Mouvement Patriotique pour l’Unité et la Sauvegarde du Cercle de Bankass (MPUSCB), par la voix de son président Abdalah Togo, a fermement condamné cette attaque qu’il qualifie de barbare et exprime ses condoléances aux familles endeuillées, ainsi que ses vœux de rétablissement aux blessés.
Le MPUSCB a rendu hommage aux chasseurs locaux qui, malgré des moyens limités, se sont battus avec courage pour défendre leur communauté. Ces attaques récurrentes contraignent de nombreuses familles à abandonner leurs terres, générant un afflux de déplacés qui exacerbe davantage la crise humanitaire dans la région.
Face à l’escalade de la violence, le MPUSCB et d’autres leaders politiques ont exprimé leur vive inquiétude. Le mouvement déplore la situation sécuritaire le long de l’axe Bandiagara-Bankass, et en particulier au niveau du pont Parou-Songobia, devenu un point critique. Le MPUSCB appelle les autorités de la transition à déployer des efforts significatifs pour sécuriser la région de Bandiagara et à renforcer la protection sur cet axe stratégique.
Les déclarations de soutien et d’appel à l’action se multiplient également parmi les personnalités politiques nationales. Yeah Samaké, dans un message solennel de solidarité, a exprimé sa compassion pour les habitants des cercles de Bankass et Bandiagara, rappelant le droit inaliénable de chaque citoyen à la paix et à la sécurité. Samaké exhorte les autorités nationales et locales à intensifier les mesures de sécurité dans les zones affectées et encourage les organisations de la société civile à se mobiliser en faveur des communautés touchées.
De son côté, Moussa Mara, figure politique de premier plan, a exprimé sa solidarité envers les populations sinistrées. Il a appelé les autorités centrales et locales à déployer tous les moyens pour protéger les populations et a lancé un appel aux bonnes volontés pour soutenir les familles en détresse. Ces messages de solidarité visent non seulement à attirer l’attention des autorités, mais aussi à encourager une réponse collective pour alléger les souffrances des personnes impactées.
Le Parti de la Convergence pour le Développement du Mali (CODEM), réuni en séance ordinaire le 9 novembre 2024, a également fait part de ses préoccupations quant à l’évolution de la crise sécuritaire dans le pays. Le CODEM a exprimé son inquiétude face aux attaques répétées visant les populations civiles dans la région de l’inter-fleuve et dans le Centre du Mali. Le parti a lancé un appel pressant aux autorités pour qu’elles engagent des actions urgentes, dans le but de permettre aux populations de vivre en sécurité dans leurs localités d’origine. Le CODEM a aussi réaffirmé son soutien et sa solidarité envers toutes les victimes de la crise sécuritaire qui affecte le pays.
Enquête et actions antiterroristes
Le MPUSCB a également soulevé une question relative à l’approvisionnement en carburant des groupes terroristes. En effet, le mouvement invite le gouvernement à diligenter des enquêtes afin d’identifier et de poursuivre les individus impliqués dans la fourniture de carburant aux terroristes. Cette démarche vise à couper les sources de soutien logistique des groupes armés, un élément essentiel pour affaiblir leur capacité de nuisance.
Depuis un certain temps, la sécurité dans les régions de Bandiagara et Ségou est devenue une priorité nationale qui nécessite une réponse coordonnée et ferme. Les populations civiles attendent désormais des actes concrets et efficaces pour leur permettre de retrouver une vie paisible et digne.

Nouveau report du congrès du HCIM: Les obstacles au consensus demeurent

Le Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM) a de nouveau reporté son 4ᵉ congrès ordinaire, initialement prévu les 9 et 10 novembre 2024, sans fournir de communiqué officiel expliquant les raisons de ce report.​​ ​​

​​Rappelons que ces assises ont été reportées une première fois alors qu’elles étaient programmées, les 26 et 27 octobre 2024.
Ce report intervient dans un contexte de tensions internes et de manque de consensus au sein de l’organisation.​​ ​​
Des sources internes évoquent des difficultés financières pour l’organisation des assises, mais surtout une absence de consensus parmi les membres du HCIM.​​ ​​
Initialement, quatre candidats étaient en lice pour la présidence, mais ce nombre aurait grimpé à une dizaine, reflétant des divisions profondes au sein de l’institution.​​ ​​Parmi les candidats déclarés figurent Chérif Ousmane Madani Haïdara, président sortant du HCIM élu en 2019, qui brigue un second mandat malgré les critiques sur sa capacité à rassembler l’ensemble des tendances islamiques du pays ​​; Cheick Soufi Bilal Diallo, président de la Commission nationale de contrôle du HCIM, qui a exprimé des réserves sur la gestion actuelle de l’organisation et bénéficie du soutien du Rassemblement des Musulmans pour l’Union et la Paix (RMUP) ​​; Alphadi Wangara, imam de la mosquée Sidi Yehia de Tombouctou, dont la candidature reflète la diversité géographique et culturelle des prétendants.​​ ​​
Le mandat du président du HCIM est de cinq ans.​​ ​​Chérif Ousmane Madani Haïdara, élu en 2019 en succédant à l’imam Mahmoud Dicko, a souvent prôné le consensus et l’unité au sein de la communauté musulmane malienne.​​ ​​Cependant, sa candidature à sa propre succession n’a pas réussi à faire l’unanimité, certains membres estimant qu’il n’a pas su rassembler toutes les tendances islamiques du pays.
​​Le report du congrès du HCIM démontre les défis auxquels l’institution est confrontée, notamment l’unité et la cohésion, la transparence et la gouvernance et son rôle sociopolitique.​​ ​​Les divergences internes et la multiplication des candidatures reflètent une fragmentation qui pourrait affaiblir la voix des organisations musulmanes du Mali sur la scène nationale.​​ ​​Les critiques sur la gestion financière et organisationnelle du HCIM soulignent la nécessité de réformes pour renforcer la confiance des membres et de la communauté musulmane en général.​​ ​​
Pourtant, dans un contexte national marqué par des défis sécuritaires et politiques, le HCIM est appelé à jouer un rôle de médiateur et de guide spirituel.​​ ​​Les divisions internes pourraient limiter son efficacité dans cette mission.​​​​ ​​La recherche d’un consensus et d’une gouvernance transparente apparaît essentielle pour renforcer son rôle au sein de la société.

Rendre les financements climatiques abordables

 Les marchés émergents et les économies en voie de développement (EMDE) auront besoin d’un investissement climatique estimé à 2 400 milliards $ par an pour atteindre leurs objectifs en matière de climat, dont 1 000 milliards $ devront provenir de sources extérieures, d’après le Groupe d’experts indépendant de haut niveau sur les financements climatiques. L’accomplissement des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies nécessitera encore davantage de financements, à savoir une augmentation de 3 500 milliards $ de nouveaux investissements chaque année d’ici 2030. Ces chiffres sont vertigineux, mais ils ne sont pas négociables.

En temps normal, il serait déjà difficile de lever plusieurs milliers de milliards de dollars de nouveaux financements extérieurs. Ça l’est encore plus dans l’actuel contexte mondial de crise croissante de la dette. Comme l’a observé le Global Development Policy Center de l’Université de Boston après avoir examiné les données récemment disponibles concernant 108 EMDE, plus de la moitié d’entre eux – 62 pays – courent d’ores et déjà un risque élevé de surendettement. Par ailleurs, 33 autres EMDE sont sévèrement contraints dans leur capacité d’accès aux marchés de capitaux, principalement en raison de la mauvaise conjoncture économique qui a suivi la pandémie de COVID-19, des hausses de taux d’intérêt dans les économies développées, ainsi que de notes de crédit inférieures à la catégorie investissement.

Les EMDE sont en grande majorité confrontés au surendettement ou à des coûts d’emprunt prohibitifs. Or, ce sont précisément ces pays qui ont le plus besoin de financements pour atteindre leurs objectifs climatiques et de développement. Sur les 95 pays concernés, 83 présentent des besoins d’investissement dans l’atténuation du changement climatique (réduction des émissions) ou dans l’adaptation (renforcement de la résilience face aux événements météorologiques extrêmes) supérieurs à ceux d’un pays aux besoins médians. Par ailleurs, 73 d’entre eux ont davantage la possibilité d’étendre leurs zones nationales protégées, que ce soit sur terre ou en mer, par rapport à la moyenne des pays.

Problème majeur, les investissements consacrés par exemple à la préservation de la nature ne stimulent pas nécessairement la croissance économique à court terme. Ils contribuent davantage à une résilience à long terme – notamment à une meilleure capacité de résistance aux événements météorologiques extrêmes tels que les ouragans et les sécheresses – réduisant ainsi la probabilité de futures crises, y compris de futures crises de la dette : la vulnérabilité climatique et la dégradation de la nature peuvent compromettre la viabilité de la dette, de même que le changement climatique accentue le risque souverain et le coût du capital.

Pour rompre le cycle des crises environnementales et économiques, et passer à un nouveau cycle de croissance durable, les pays doivent investir dès maintenant. C’est pourquoi toute stratégie de lutte contre le changement climatique et d’accomplissement des ODD doit inclure des mesures consistant à abaisser les barrières aux nouveaux financements, notamment un allègement ciblé de la dette, ainsi que des mécanismes de financement plus créatifs.

Un allègement de la dette est inévitable. Une ambitieuse initiative de réduction de la dette, à l’image de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés, que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont mise en place en 1996, doit être menée pour concéder un allègement significatif à plusieurs dizaines de pays risquant une crise de la dette souveraine à part entière.

Pour que cela puisse fonctionner, il est nécessaire que tous les créanciers participent activement à la démarche. Pour comprendre cette nécessité, songez qu’au moins la moitié de l’encours total de la dette souveraine extérieure de 27 pays en situation de surendettement – dont beaucoup sont des pays à faible revenu ou de petits États insulaires en voie de développement – est due à des créanciers multilatéraux. Cela signifie que même si l’ensemble de la dette bilatérale et privée était annulée, certains des pays les plus vulnérables du monde resteraient accablés par la dette.

Les créanciers majeurs doivent également prendre des mesures pour réduire le coût du capital pour certains types d’investissements, notamment pour ceux qui contribuent à l’accomplissement des objectifs climatiques. À cet égard, de nombreuses propositions ont déjà été formulées. À titre d’exemple, des obligations pour un avenir durable pourraient permettre des délais de remboursement plus longs et des taux d’intérêt plus bas, ce qui les rendrait plus adaptées aux investissements produisant des rendements à plus long terme.

Les banques multilatérales de développement (BMD) ont également un rôle important à jouer pour faciliter l’accès des EMDE aux capitaux. Elles peuvent par exemple rehausser le seuil d’accès aux prêts concessionnels, effectuer des augmentations de capital en soutien de prêts plus élevés, et travailler avec les États et le secteur privé pour une réduction et un partage des risques.

Rendre abordables les financements destinés à l’action climatique et à la préservation de la nature constitue l’un des défis les plus urgents auxquels notre monde est confronté. La solution est claire : il s’agit de combiner allègement ciblé de la dette, améliorations du crédit, et réforme des BMD. La volonté manque toutefois jusqu’à présent dans la mise en œuvre de cette solution. Si cela ne change pas au plus vite, nous constaterons de nos propres yeux combien les coûts de l’inaction dépassent ceux de la prévention.

 

Rebecca Ray est chercheuse universitaire principale au Global Development Policy Center de l’Université de Boston. Ulrich Volz, professeur d’économie et directeur du Centre pour la finance durable à la SOAS de l’Université de Londres, est coprésident du projet Debt Relief for Green and Inclusive Recovery.

 

Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

Le paradoxe des données de la démocratie

Cette année électorale historique, au cours de laquelle le vote aura eu lieu dans des pays qui représentent la moitié de la population mondiale, a mis en évidence une sombre réalité : la vérité est attaquée. Qu’il s’agisse de l’ancien président américain Donald Trump, qui répand des mensonges sur la réponse fédérale à l’ouragan Helene, des politiciens d’extrême droite en Hongrie qui prétendent que leurs adversaires ont l’intention de déclencher la Troisième Guerre mondiale ou de la prolifération des « deepfakes » générés par l’intelligence artificielle, ce torrent de désinformation fait qu’il est difficile pour les électeurs de distinguer les faits de la fiction. Cela érode le fondement même de la gouvernance démocratique.

Au cœur de cette crise se trouve un paradoxe : les données, qui sont l’élément vital des démocraties modernes, peuvent devenir leur perte lorsqu’elles sont exploitées par de mauvais acteurs pour diffuser de la désinformation et saper les institutions démocratiques. Bien que cette menace soit particulièrement aiguë à l’approche d’élections majeures, il faut, pour y faire face, s’engager résolument en faveur de la vérité au-delà des campagnes électorales.

Les données jouent un rôle crucial dans le renforcement de la confiance du public dans les institutions politiques. Au fond, le contrat social entre les gouvernements démocratiques et leurs citoyens repose sur une compréhension commune de l’identité de ces citoyens. Les outils tels que les recensements et les cartes sont essentiels à ce processus, car ils reflètent la mesure dans laquelle les gouvernements reconnaissent les personnes qu’ils sont censés servir.

La transition de l’Afrique du Sud de l’apartheid à la démocratie en est un excellent exemple. Après des décennies d’exclusion et d’oppression systémiques, la construction d’une société démocratique nécessitait des informations fiables. À cet égard, le recensement de 1996 – le premier réalisé sous un gouvernement démocratique – a marqué un tournant décisif : un véritable effort a été fait pour dénombrer l’ensemble de la population. Les recensements précédents, conçus par le régime de l’apartheid, s’étaient concentrés sur les citoyens blancs tout en sous-estimant considérablement la majorité noire et d’autres groupes raciaux.

Comme l’immigration est au cœur des préoccupations des électeurs, la question de savoir qui peut être considéré comme un citoyen et comment traiter les non-citoyens se pose avec acuité. Des études montrent notamment que les électeurs européens surestiment systématiquement la taille des populations immigrées et que cette perception erronée alimente la demande pour des politiques qui sèment la discorde. Bien que l’immigration soit souvent une question controversée, ces débats pourraient être moins déstabilisants si les électeurs avaient une compréhension plus claire, basée sur des données, de la démographie de leur pays.

Pour que la démocratie s’épanouisse, les gouvernements doivent également rendre des comptes à leurs citoyens. Là encore, les données jouent un rôle essentiel. Des informations fiables permettent aux responsables politiques de prendre des décisions judicieuses et aux électeurs de demander des comptes aux dirigeants politiques.

Fournir ces informations est la tâche vitale – mais ingrate – des agences nationales de statistiques. Malgré un rendement remarquable de 32 dollars pour chaque dollar investi dans les données du secteur public, les gouvernements prvilégient les initiatives avec un attrait populaire plus immédiat, plutôt qu’investir dans l’infrastructure des données.

Mais il s’agit là d’un faux choix. Lorsqu’elles sont utilisées efficacement, les données peuvent augmenter les recettes fiscales et stimuler l’investissement privé, ce qui accroît les budgets publics et permet aux responsables politiques d’améliorer les services publics. Au Nicaragua, par exemple, une étude financée par la Banque mondiale a révélé que les projets d’égouts à grande échelle profitaient de manière disproportionnée aux ménages les plus riches. Les priorités en matière de dépenses ont donc été réorientées vers les latrines et les programmes d’éducation, qui ont profité aux communautés les plus pauvres à un coût moindre.

La responsabilité dépend également d’un échange continu d’informations entre les gouvernements et les citoyens. Pour que les démocraties fonctionnent, les gouvernements doivent investir dans la transparence, à la fois pour comprendre les attentes des électeurs et pour tenir le public informé de leurs propres actions. Comme l’a dit le vice-président ghanéen Mahamudu Bawumia, « les statistiques apportent à la fois de bonnes et de mauvaises nouvelles, mais les gouvernements efficaces ont besoin d’entendre les deux ».

Comme le montre bien l’année en train de s’écouler, il n’est pas facile d’empêcher les politiciens et les mauvais acteurs de répandre des mensonges pendant les campagnes électorales. Mais il est possible d’atténuer l’impact de ces mensonges. Alors que les organismes nationaux et internationaux se concentrent à juste titre sur la tâche urgente de réduire la désinformation sur les médias sociaux, les gouvernements peuvent aider les citoyens à naviguer dans l’écosystème de l’information d’aujourd’hui. En renforçant leur infrastructure de données, ils contribueraient à développer un système d’information public aussi résistant et efficace que les forces qui cherchent à l’affaiblir. Les gouvernements peuvent également promouvoir l’éducation aux médias, en dotant les citoyens des outils nécessaires pour identifier et rejeter la désinformation. L’intégration de ces compétences dans les programmes scolaires pourrait préparer les futurs électeurs à résister à la manipulation.

Des données crédibles et accessibles sont aussi essentielles à la gouvernance démocratique que les élections et les assemblées législatives. À l’heure où la démocratie elle-même est remise en question dans de nombreux pays, des données fiables sont essentielles pour préserver l’intégrité de nos écosystèmes d’information, permettre aux gouvernements de relever les défis les plus urgents et garantir que les institutions démocratiques puissent résister aux nouvelles menaces autoritaires.

 

Claire Melamed est directrice générale du Partenariat mondial pour les données du développement durable.

 

Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

Dialogue avec les terroristes : Les divergences persistent

Alors que l’État malien mène la guerre contre le terrorisme pour recouvrer l’intégrité territoriale du pays, les appels au dialogue avec les groupes armés terroristes, en tant qu’alternative au retour de la paix, sont fréquents depuis plusieurs années. Cependant, cette question continue de diviser et les autorités de la transition sont loin d’entamer des démarches de discussion avec ces groupes, malgré les recommandations formulées lors de diverses assises nationales depuis 2017. La question revient avec insistance au fil des années. La crise sécuritaire que traverse le Mali depuis 2012 n’en finit pas, malgré les nombreuses actions entreprises pour l’endiguer.

Face à l’insuffisance des réponses apportées jusqu’à présent sur le plan militaire, certains leaders communautaires et religieux ont appelé au dialogue avec les groupes armés terroristes. Une partie importante des populations des zones touchées par l’insécurité manifeste également un grand intérêt pour ce dialogue, parmi les réponses envisagées face à ce fléau.
Depuis la Conférence d’entente nationale en 2017, le Dialogue inter-malien pour la paix et la réconciliation en mai 2024, en passant par le Dialogue national inclusif en 2019 et les Assises nationales de la Refondation en 2021, toutes les rencontres de discussions au plan national ont recommandé le dialogue avec les groupes armés terroristes.
Le dernier appel d’envergure remonte au 15 août 2024. Lors d’une rencontre au ministère de la Défense, le président du Haut Conseil Islamique du Mali, Chérif Ousmane Madani Haidara a demandé aux militaires au pouvoir d’ouvrir le dialogue avec tous les groupes armés maliens, jihadistes ou non. Le leader religieux estime que le tout sécuritaire ne peut pas mettre fin aux violences. Dans la foulée, plusieurs partis politiques et associations ont soutenu cet appel.
Définir les contours du dialogue
Pour Baba Dakono, Secrétaire exécutif de l’Observatoire citoyen sur la gouvernance et la sécurité, ouvrir une possibilité de dialogue avec les acteurs armés, y compris les mouvements qualifiés de terroristes, est une piste à explorer. L’approche militaire menée jusqu’ici a montré certaines limites, autant qu’elle gèle les leviers endogènes pour mettre fin aux violences.
Maître Abdourahamane Ben Mamata Traoré n’est pas contre l’ouverture d’un tel dialogue. Mais pour cet avocat, il est nécessaire de définir avec qui et sur quoi l’État doit discuter. Il s’oppose catégoriquement à toute renégociation de l’architecture institutionnelle du Mali avec des groupes armés, quelle que soit leur puissance militaire.
« On peut négocier avec les groupes armés, non pas sur les questions politiques et institutionnelles ni sur la destinée de la nation, mais simplement sur les conditions du dépôt des armes et leur insertion dans la vie sociale, économique ou professionnelle », argue-t-il.
L’État opposé ?
Bien que les autorités de la transition, qui se sont engagées à mettre en œuvre toutes les recommandations issues des ANR ainsi que du Dialogue inter-malien, n’aient pas officiellement mis de côté le dialogue avec les groupes armés terroristes, elles ne semblent pas disposées à explorer cette option. Le 11 octobre dernier, le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga a exprimé son refus du dialogue avec les terroristes devant les membres de la Haute Administration et de la Haute Hiérarchie Militaire, lors de la session d’appropriation du Programme national d’éducation aux valeurs.
Pour le chef du gouvernement, il est hors de question de dialoguer avec ces groupes armés qui ont pris les armes contre l’État. « Nous ne négocierons pas avec les terroristes. Il faut les combattre », a-t-il tranché.
« Certains Maliens soutiennent que l’option militaire, à elle seule, ne suffit pas et qu’il faut négocier avec les terroristes. Personne ne dit le contraire. D’ailleurs, nous n’avons fait que négocier pendant 30 ans. Face au terrorisme, on se bat, on l’écrase et après on négocie. Un État qui se lance dans des négociations sans rapport de force favorable se voit imposer ce qu’on veut », a défendu le Premier ministre.
Mohamed Kenouvi

Système judiciaire : La transformation enclenchée

Le Conseil national de transition (CNT) a adopté le 31 octobre 2024 deux projets de loi portant sur le Code pénal et le Code de procédure pénale. En attente de promulgation, ces deux nouveaux codes, qui renferment plusieurs innovations, jettent les bases d’un renforcement de l’arsenal juridique du pays. Sept ans après le début de ce processus de longue haleine, les autorités doivent maintenant faire face à un autre défi : celui d’une mise en œuvre efficiente des dispositions des nouveaux textes pour une véritable transformation de la justice.

Adoptés en Conseil des ministres le 11 octobre 2023, les projets de loi portant sur le Code pénal et le Code de procédure pénale introduits par le gouvernement ont reçu le quitus des membres de l’organe législatif lors de la séance plénière ouverte le 31 octobre dernier.

Les deux textes, qui avaient été renvoyés lors de la précédente session du CNT à la session budgétaire en cours jusqu’au 31 décembre 2024, ont été largement approuvés par les parlementaires : 132 voix pour, 1 contre et 0 abstention pour le projet de loi portant sur le Code pénal, et 131 voix pour, 1 contre et 0 abstention pour celui portant sur le Code de procédure pénale. Avant de les adopter, les membres du CNT ont apporté au total 197 amendements aux textes initiaux proposés par le gouvernement.

Restaurer la confiance en la justice

Débuté en 2017, le processus de relecture des Codes pénal et de procédure pénale répond à la nécessité d’aboutir à des codes consensuels dont l’application contribuera non seulement à garantir la bonne gouvernance, la stabilité et la paix, mais aussi à restaurer la confiance des justiciables en la justice. En effet, les codes en vigueur depuis une vingtaine d’années ont soulevé des difficultés, tant dans leur architecture que dans leur contenu, en raison de l’évolution des enjeux et des défis concernant l’efficacité de la politique pénale face aux mutations significatives de la criminalité, ainsi que de la nécessité de prendre en compte les droits des personnes poursuivies, des témoins et des victimes et, par conséquent, des vides juridiques à combler.

Le rapport de la Commission des Lois constitutionnelles, de la législation, de la justice, des droits de l’Homme et des Institutions de la République, que nous avons consulté, souligne que la relecture de ces codes vise à équilibrer plusieurs impératifs, apparemment contradictoires mais complémentaires, tels que la sécurisation des personnes et des biens, la célérité et la fiabilité de la justice, ainsi que le respect des libertés individuelles et des droits de la défense.

« Cette démarche, en accord avec l’évolution des mœurs, de la société et du Droit en général, contribuera à renforcer l’État de droit, la confiance des citoyens dans les institutions de l’État et à mettre à la disposition des praticiens du Droit des instruments pertinents pour lutter contre la délinquance et la criminalité », soutient la Commission dans sa synthèse des auditions des personnes ressources.

Pour sa part, Dr. Boubacar Bocoum, Secrétaire général adjoint de l’Association malienne de Droit pénal (AMADP), estime que l’adoption du nouveau Code pénal et du nouveau Code de procédure pénale marque le début d’une nouvelle ère pour la justice au Mali.

« Ces réformes sont essentielles pour adapter le système judiciaire malien aux défis actuels et aux aspirations de la population. C’est une évolution majeure de paradigme dans la garantie des droits fondamentaux des citoyens », se réjouit celui qui est également Professeur de droit pénal à l’Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako (USJPB).

Innovations majeures

Le projet de loi portant sur le Code pénal comporte 1 116 articles, répartis en 7 livres, 26 titres et 83 chapitres. Il traite, entre autres, des crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique, des crimes et délits contre les personnes, des crimes et délits contre la propriété, ainsi que des contraventions de police.

Comparé à l’ancien Code pénal, en vigueur depuis 2001, le nouveau Code présente plusieurs innovations. Parmi celles-ci, on peut relever le renvoi à la Constitution pour la sanction de haute trahison, les mesures relatives à la protection des dénonciateurs, l’introduction du principe de responsabilité pénale des personnes morales, à l’exclusion de l’État et des collectivités territoriales, ainsi que la prise en charge de nouvelles infractions telles que l’esclavage, la traite des personnes, le trafic illicite de migrants et les infractions prévues par les actes uniformes de l’OHADA et de l’UEMOA.

Le nouveau Code pénal prévoit également l’introduction de règles de procédure, l’inscription des peines sur une échelle différente avec des peines plafonds, l’agrégation des textes épars dans un seul document, ainsi qu’une numérotation à quatre chiffres pour faciliter la mise à jour périodique des articles.

Quant au nouveau Code de procédure pénale, il comprend 1 373 articles, dont plus de la moitié (739) sont complètement nouveaux, répartis en 6 livres, 48 titres et 55 chapitres.

Traitant de l’action publique, de l’action civile, des autorités chargées de la conduite de la politique pénale et de l’instruction, des juridictions de jugement, des voies de recours contre les jugements, ainsi que des procédures d’exécution, le projet de loi renferme également de nombreuses innovations. Il renforce les principes directeurs du procès pénal, introduit la surveillance électronique comme alternative à la détention dans certains cas, ainsi que des procédures particulières, notamment les techniques spéciales d’enquête, et apporte des précisions sur l’extradition.

Ce nouveau Code de procédure pénale consacre également l’introduction du juge de l’application des peines (dont la mise en œuvre se fera progressivement en fonction du niveau de l’effectif des magistrats), l’actualisation des dispositions relatives au casier judiciaire et la création de trois pôles spécialisés autonomes en matière de lutte contre la délinquance économique et financière, contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, ainsi que contre la cybercriminalité.

L’institution du référé liberté, qui permet de demander la remise en liberté à tout moment et à toute étape de la procédure, la précision des pouvoirs de police judiciaire des maires et de leurs adjoints, l’introduction de sanctions contre les acteurs de la justice en cas de violations de certaines règles de procédure et la suppression des Cours d’assises au profit des Chambres criminelles au niveau des tribunaux de grande instance constituent également des nouveautés apportées par le projet de loi portant sur le Code de procédure pénale nouvellement adopté par le CNT.

Par ailleurs, le ministre de la Justice, Mahamadou Kassogué, a également annoncé la mise en place d’un collège des libertés et de détention qui, selon lui, permettra de réduire de manière considérable le nombre de mandats de dépôt.

Le défi de la mise en œuvre

Si l’ensemble des acteurs de la justice salue l’adoption des nouveaux Codes pénal et de procédure pénale comme une avancée majeure vers la mise en place d’un système judiciaire plus efficace et plus juste, il conditionne la réussite de sa mise en œuvre à l’application par l’État de certaines mesures d’accompagnement.

Parmi ces mesures, certains observateurs mettent l’accent sur la formation des acteurs judiciaires pour une bonne maîtrise des nouvelles dispositions légales, l’allocation de ressources nécessaires par l’État afin de garantir le bon fonctionnement du système judiciaire et la sensibilisation des populations pour leur faire connaître les nouvelles règles et encourager leur confiance dans la justice.

« Le succès de ces réformes dépendra de l’effectivité des textes adoptés et de la mobilisation de tous les acteurs concernés, que ce soit les pouvoirs publics, les acteurs de la justice, ou la société civile dans son ensemble », estime Dr. Boubacar Bocoum.

Lors d’un atelier de validation des avant-projets de loi des deux Codes en août 2022, l’ancien Président de la Cour suprême, Nouhoum Tapily, préconisait des démarches auprès de toutes les forces vives du pays afin qu’elles s’approprient les documents des deux lois, car, soutenait-il, l’efficacité des lois dépend de leur connaissance par les populations et de leur adhésion.

Une fois promulgués, la prochaine étape pour le gouvernement devrait donc être, selon certains observateurs, celle de la vulgarisation des nouveaux textes.

Mohamed Kenouvi

Pour prospérer, l’Inde doit combler son retard en matière d’emploi des femmes

Si la participation des femmes à la vie active est toujours inférieure à celle des hommes au niveau mondial, il existe de profondes disparités régionales, les écarts les plus importants étant observés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (Mena), ainsi qu’en Asie du Sud.

L’Inde est un exemple frappant de cette dynamique. Parmi les femmes âgées de 25 à 60 ans vivant dans les zones rurales, le taux de participation au marché du travail a fortement chuté, passant de 54 % en 1980 à 31 % en 2017 (National Sample Survey 1980 et Periodic Labor Force Survey 2017). Dans les zones urbaines, la baisse a été moins spectaculaire, passant de 26 % à 24 %. Dans le même temps, les taux d’emploi des hommes sont restés relativement stables, creusant davantage l’écart entre les sexes dans le pays le plus peuplé du monde.

Étant donné les avantages économiques bien documentés d’un taux d’emploi féminin plus élevé, les responsables politiques indiens sont désireux d’inverser cette tendance. Les projections suggèrent qu’une augmentation du taux de participation des femmes à la main-d’œuvre de seulement dix points de pourcentage pourrait accroître le PIB de l’Inde de 16 %. En fait, l’amélioration du taux d’emploi des femmes dans le monde entier pourrait ajouter 12 000 milliards de dollars au PIB mondial.

Pour encourager les femmes à entrer sur le marché du travail, les décideurs politiques doivent d’abord comprendre les causes profondes du faible taux d’activité des femmes en Inde. Les premières recherches font état d’une série d’obstacles liés à l’offre, tels que la relation en U entre le revenu et l’éducation, la division inégale du travail domestique (en particulier la garde des enfants et des personnes âgées) et les normes sociales qui découragent les femmes de travailler à l’extérieur du foyer. Le problème est également exacerbé par la préférence accordée aux femmes qui ne travaillent pas sur le marché du mariage, la mobilité limitée, la formation inadéquate et les problèmes de sécurité sur le lieu de travail et dans les espaces publics.

Nombre de ces obstacles sont enracinés dans la dynamique des ménages, mais les gouvernements peuvent encore jouer un rôle central pour les surmonter. L’un des moyens consiste à soutenir les industries orientées vers l’exportation. Alors que les contraintes liées à l’offre affectent les économies de la région Mena et de l’Asie du Sud, des pays comme le Bangladesh ont connu une augmentation de l’emploi féminin grâce à la demande croissante des secteurs axés sur l’exportation. Cela reflète l’expérience des pays d’Asie du Sud-Est, où l’industrie manufacturière orientée vers l’exportation a entraîné une augmentation du nombre de femmes entrant sur le marché du travail.

L’histoire offre également des indications précieuses. Aux États-Unis, le taux d’emploi des femmes a augmenté de façon spectaculaire en l’espace d’un siècle, passant de moins de 5 % en 1890 à plus de 60 % en 1990. Le tournant décisif s’est produit pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque les pénuries de main-d’œuvre ont entraîné une augmentation des salaires, une plus grande acceptation des femmes dans des emplois traditionnellement dominés par les hommes et l’émergence d’options alternatives en matière de soins.

En Inde, une grande partie du débat politique s’est concentrée sur les obstacles liés à la demande auxquels les femmes sont confrontées sur le marché du travail. La demande de main-d’œuvre n’a pas été favorable aux Indiennes, car la mécanisation du secteur agricole renforce les disparités entre les sexes, tandis que le manque d’emplois décents et la prédominance des petites entreprises – dont beaucoup n’offrent pas les services essentiels tels que les congés de maternité et les services de garde d’enfants – limitent les possibilités d’emploi des femmes.

L’impact de ces obstacles est aggravé par un soutien insuffisant à l’esprit d’entreprise des femmes et par la discrimination généralisée des employeurs à l’égard des femmes mariées et des mères. En outre, des réglementations bien intentionnées comme la loi sur les prestations de maternité et la loi POSH, destinées à accroître le nombre de femmes dans la population active, augmentent également le coût de leur embauche, ce qui crée involontairement des obstacles supplémentaires.

Reconnaissant que le faible taux d’emploi des femmes entrave la croissance économique, le gouvernement indien a alloué un pourcentage sans précédent de 6,5 % de son dernier budget annuel à des programmes visant à promouvoir l’égalité des sexes dans les domaines du logement, des pensions, de l’éducation et des soins de santé. Le budget augmente également le financement d’initiatives visant à améliorer la sécurité, la mobilité et les options de soins des femmes, telles que la mise en place de programmes ciblés de formation professionnelle, de foyers et de structures de garde d’enfants pour les femmes qui travaillent, et l’élargissement de l’accès au marché pour les entreprises gérées par des groupes d’entraide communautaires dirigés par des femmes.

Mais le véritable test sera la qualité et la fiabilité de ces services. Si les services de garde d’enfants ne répondent pas aux normes ou si les foyers ne garantissent pas la sécurité des femmes, la participation restera faible. En outre, les programmes de formation professionnelle en Inde ont eu peu de succès en dehors des grandes villes. Une étude récente menée dans l’Uttar Pradesh a révélé que seuls 11 % des diplômés des instituts de formation industrielle étaient en mesure de trouver un emploi. Des études internationales suggèrent également que l’insuffisance des opportunités d’emploi peut limiter l’impact des initiatives de développement des compétences. La création d’emplois de qualité offrant des salaires plus élevés est essentielle pour que les mesures axées sur l’offre soient efficaces.

Lorsque les hommes peinent à trouver un emploi, l’intégration des femmes dans la population active devient encore plus difficile. Notamment, près de 12 % des hommes indiens âgés de 20 à 35 ans vivant dans les zones urbaines et ayant terminé leurs études étaient au chômage en 2022. C’est pourquoi le dernier budget du gouvernement comprend plusieurs initiatives visant à stimuler l’emploi. L’un de ces programmes vise à encourager les stages, le gouvernement fournissant aux entreprises une allocation mensuelle de ₹5 000 (60 $) et offrant aux nouveaux venus sur le marché du travail une subvention unique d’aide au salaire pouvant aller jusqu’à ₹15 000. Les employeurs pourront également recevoir jusqu’à 3 000 ₹ par mois pendant deux ans après chaque nouvelle embauche, en compensation de leurs cotisations de sécurité sociale. D’autres mesures visant à élargir l’accès des petites entreprises aux marchés du crédit comprennent le doublement de la limite des petits prêts accordés par les banques du secteur public aux microentreprises, qui passe de 1 million d’euros à 2 millions d’euros.

Mais l’efficacité de certaines de ces mesures reste incertaine, étant donné que les entreprises les plus performantes sont susceptibles d’embaucher les candidats les plus qualifiés même en l’absence d’intervention gouvernementale. Les employeurs n’augmenteront leurs embauches que si les avantages l’emportent sur les coûts. Tant que les réglementations lourdes, les lois du travail inflexibles, les goulets d’étranglement dans les infrastructures et les politiques industrielles et commerciales défavorables persisteront, la création d’emplois continuera de stagner. En favorisant une économie favorable aux entreprises – qui simplifie l’entrée et la sortie des entreprises et supprime les obstacles à la croissance –, l’Inde pourrait à la fois favoriser l’émancipation des femmes et libérer son potentiel économique. C’est une leçon que de nombreux pays n’apprendront jamais assez tôt.

 

Kanika Mahajan est professeur associé d’économie à l’université Ashoka.

 

Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

Pour des financements climatiques adaptés aux économies en voie de développement

En 2011, l’accord de partenariat de Busan préconisait une plus grande appropriation nationale de l’agenda du développement, dans le cadre d’une initiative internationale en direction de politiques de développement plus efficaces. Cet accord marquait ainsi la reconnaissance positive du fait que les pays à faible revenu sont plus susceptibles d’améliorer l’allocation des ressources, et de parvenir à une croissance durable, lorsqu’ils définissent eux-mêmes leurs priorités de développement.

Plus de dix ans plus tard, l’approche dominante en matière de développement, une approche uniforme et imposée d’en haut, demeure obstinément en place. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les financements climatiques, très largement destinés à des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), y compris dans les pays qui ont le moins contribué à la crise climatique. À titre d’illustration, 58 % des 83,3 milliards $ de financements climatiques accordés par les pays du Nord aux pays en voie de développement en 2020 ont concerné des initiatives d’atténuation de ce type.

Le défi le plus urgent pour les pays à faible revenu consiste à renforcer la capacité de l’État et de la société à résister ainsi qu’à s’adapter aux effets dommageables du réchauffement climatique. Or, seulement 34 % des flux de financement climatique en direction des pays à faible revenu, soit un total de 28,6 milliards $, ont été alloués à des mesures d’adaptation en 2020. Ce pourcentage est tombé à environ 27 % en 2021 et 2022 (respectivement 24,6 milliards $ et 32,4 milliards $). Ces montants demeurent très éloignés des 160 à 340 milliards $ estimés nécessaires chaque année pour l’adaptation au changement climatique dans les pays en voie de développement.

Par ailleurs, près de trois quarts du total des financements climatiques fournis aux pays en voie de développement entre 2016 et 2022 ont été octroyés sous forme de prêts, ce qui risque d’aggraver l’instabilité macroéconomique et les vulnérabilités liées à la dette. Près de 60 % de ces pays sont déjà confrontés ou exposés à un risque élevé de surendettement, en raison du « péché originel » de l’emprunt étranger, lequel s’accompagne de taux d’intérêt écrasants qui alourdissent considérablement l’incidence budgétaire de la dette extérieure.

Si les investisseurs mondiaux sont attirés par les projets d’atténuation du changement climatique, c’est parce que ces projets génèrent des rendements plus immédiats, par opposition aux retombées à plus long terme des investissements dans l’adaptation. Or, cette approche déséquilibrée échoue à tenir compte de la nature du changement climatique : alors que les pays du Nord sont historiquement responsables d’une majeure partie des émissions de GES, c’est le Sud global (où les températures annuelles moyennes dépassent régulièrement le seuil de 24°C) qui en subit les pires effets, lui qui est également particulièrement vulnérable face aux futures augmentations de température qu’annoncent les prévisions.

Il est difficile d’imaginer comment les effets du changement climatique pourraient être plus graves encore pour les pays à faible revenu. En 2022, des inondations ont submergé un tiers du territoire du Pakistan, faisant 15 000 morts, plongeant dans la pauvreté plus de neuf millions de personnes, et provoquant des pertes économiques équivalant à 2,2 % du PIB. De même, en 2023, l’Afrique de l’Est (qui n’a contribué qu’à hauteur de 0,1 % aux émissions mondiales de GES) a connu des sécheresses extrêmes qui ont décimé pour environ 7,4 milliards $ de bétail, entraîné une terrible crise de la faim, et aggravé la pauvreté. Le refus des pays du Nord d’assumer leur responsabilité dans l’augmentation des températures, ainsi que de tenir compte des besoins spécifiques des pays vulnérables, risque d’amplifier les coûts économiques et sociaux déjà élevés de l’urgence climatique dans ces pays.

Aspect essentiel, les progrès dans l’adaptation ne dépendent pas entièrement de la réussite des mesures d’adaptation, en ce sens que la relation n’est pas unidirectionnelle. Certaines initiatives d’adaptation, telles que l’amélioration de l’isolation des bâtiments et les mesures de conservation de l’énergie, qui réduisent le recours aux centrales à charbon, peuvent dynamiser les efforts d’atténuation. Si nous n’adaptons pas nos comportements et nos systèmes pour modérer les effets dévastateurs des émissions de GES, les coûts sociaux et économiques du changement climatique continueront d’augmenter, et frapperont particulièrement les pays les plus vulnérables.

Plus largement, la construction d’infrastructures durables et résilientes permettrait de réduire la vulnérabilité des pays face aux chocs climatiques et autres risques associés. Non seulement ces infrastructures limiteraient l’impact budgétaire direct de tels chocs, ainsi que les passifs éventuels menaçant la stabilité macroéconomique et la viabilité de la dette, mais elles pourraient également permettre aux pays énergétiquement pauvres d’accomplir un bond vers une nouvelle ère d’énergie propre, accélérant ainsi la transition vers le zéro émission nette.

L’amélioration de la coordination entre les efforts d’adaptation et les efforts d’atténuation pourrait rendre les projets plus rentables et plus attrayants pour les investisseurs, catalysant ainsi davantage de financements d’adaptation au climat en direction des pays du Sud. Dans le même temps, la mobilisation de davantage de capitaux privés pour l’adaptation nécessite une augmentation du nombre de projets d’infrastructures résilientes prêts à recevoir des investissements, à un rythme durable et avec un partage approprié des risques entre les parties prenantes.

Selon une récente analyse de J.P. Morgan concernant les projets en phase de démarrage dans les économies émergentes et en voie de développement, on peut estimer dans ce pipeline à 1 200 milliards $ le montant des projets d’infrastructures durables à potentiel d’investissement, ce qui représente environ la moitié de l’investissement annuel dont ces économies ont besoin pour de telles infrastructures. Seulement voilà, nombre de ces projets n’en sont qu’aux toutes premières étapes de développement, et leur chantier ne sera pas prêt à être lancé avant plusieurs années. Il est ainsi clairement nécessaire que le côté demande de l’équation des financements pour l’adaptation soit renforcé de manière à diriger davantage de financements vers les pays à faible revenu, et que soit rééquilibrée l’allocation des financements climatiques par la communauté internationale, qui demeure trop axée sur l’atténuation.

Renforcer les financements pour l’adaptation du Sud global, c’est non seulement faire le bon choix pour la planète, mais également faire un choix intelligent sur le plan économique. Les premières estimations indiquent que chaque dollar investi dans l’adaptation pourrait générer jusqu’à 10 $ de gains économiques nets. Par ailleurs, reporter ou sous-estimer les investissements dans l’adaptation, ce serait prendre le risque de voir augmenter les coûts mondiaux, et compromettre les efforts internationaux visant à atteindre zéro émission nette d’ici 2050 ainsi qu’à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, objectif fixé dans l’accord de Paris sur le climat.

Le monde ne pourra pas remporter la lutte contre le changement climatique s’il néglige un front essentiel – celui de l’adaptation – sur lequel il risque des pertes considérables, notamment en termes de vies humaines. Pour éviter de se concentrer exclusivement sur l’atténuation, les pays riches doivent promouvoir un partenariat de développement plus inclusif, qui réduise le déficit de financement de l’adaptation dans les pays les plus vulnérables face au climat.

 

Hippolyte Fofack, ancien économiste en chef de la Banque africaine d’import-export, est membre du Réseau des solutions pour le développement durable à l’Université de Columbia, associé de recherche au Centre d’études africaines de l’Université d’Harvard, et membre de l’Académie africaine des sciences.

 

 Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

Tournoi qualificatif UFOA-A U17 : Le Sénégal sacré au bout du suspens

Dans une finale haletante et au bout du suspense, le Sénégal s’est imposé face au Mali dans le tournoi qualificatif UFOA-A U17. Le score final, trois buts partout à l’issue du temps réglementaire, a mené les deux équipes aux tirs au but, où les jeunes Sénégalais ont arraché la victoire par cinq tirs contre quatre.

Le match a offert un scénario digne des plus grandes finales. Les Aiglonnets maliens ont ouvert la marque, prenant rapidement les devants avec un avantage de deux buts, avant de voir leur avance fondre sous la pression sénégalaise. Les jeunes Sénégalais, loin de se laisser abattre, ont répondu avec détermination en alignant trois buts successifs, renversant ainsi la situation en leur faveur. Mais, fidèles à leur réputation, les Maliens n’ont pas baissé les bras et sont parvenus à égaliser, forçant une issue aux tirs au but pour déterminer le vainqueur. Malgré cette défaite amère, le Mali ressort de cette compétition avec la tête haute et une collection impressionnante de distinctions individuelles.
Un palmarès individuel imposant malgré la défaite
Bien que finalistes malheureux, les Aiglonnets du Mali ont laissé une empreinte inoubliable sur cette compétition en raflant tous les trophées individuels majeurs.
Seydou Dembélé, une étoile montante, a été désigné meilleur joueur du tournoi. Son agilité, son intelligence de jeu et sa maîtrise technique ont non seulement fait de lui un pilier de l’équipe malienne, mais ont également capté l’attention de nombreux observateurs. Seydou Dembélé a brillé par sa capacité à construire le jeu et à créer des occasions, une influence déterminante pour les Aiglonnets tout au long du tournoi.
Au poste de gardien, Lamine Sinaba a démontré une solidité remarquable. Avec trois clean sheets et seulement cinq buts encaissés dans toute la compétition, il s’est illustré comme un mur infranchissable pour les adversaires. Ses réflexes et sa lecture de jeu ont été des atouts essentiels, consolidant la défense malienne et instillant un sentiment de sécurité parmi ses coéquipiers. Ce prix du meilleur gardien vient récompenser son talent et son engagement.
Enfin, Bakary Simpara a confirmé sa place en tant que meilleur buteur avec un total impressionnant de cinq réalisations. Sa détermination face aux filets adverses et son flair pour le but ont fait de lui une menace constante pour les défenses adverses, assurant une présence offensive déterminante et incisive pour les Aiglonnets. Simpara a su convertir des occasions décisives, assurant la qualification du Mali jusqu’en finale.
Grâce à leurs performances dans le tournoi, les deux équipes ont déjà assuré leur qualification pour la prochaine Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025. 

Une escalade probable du conflit entre Israël et l’Iran

Les récentes frappes menées par Israël contre des installations militaires iraniennes, en représailles à l’attaque de missiles balistiques de l’Iran contre Israël, ont été suivies d’une impression générale selon laquelle le risque de nouvelle escalade était contenu. Les premières déclarations du dirigeant suprême de la République islamique ont suggéré que l’Iran ne répondrait pas davantage, et les marchés financiers semblaient d’accord, les prix du pétrole ayant chuté de 5 % immédiatement après les frappes israéliennes (même s’ils sont ensuite légèrement repartis à la hausse après de nouvelles déclarations belliqueuses de certains commandants militaires iraniens).

 

Or, cette impression générale est probablement erronée. L’évaluation de la menace iranienne par Israël a en effet considérablement évolué au cours des derniers mois. Les positions se sont en effet durcies, et pas seulement celles du Premier ministre Benyamin Netanyahou et de ses alliés de droite, mais également celles de plusieurs acteurs importants de l’opposition centriste et de centre-gauche, parmi lesquels Benny Gantz et Yair Lapid, qui considèrent eux aussi qu’Israël doit aller plus loin que ses frappes récentes.

Que l’on partage ou non cette évaluation israélienne de la situation, un consensus règne désormais en Israël : le régime iranien représente une menace immédiate, claire et présente. Les proxies de l’Iran continuant d’attaquer Israël – Hamas, Hezbollah, Houthis et milices chiites en Irak et en Syrie – les dirigeants israéliens concluent à la nécessité de résoudre le problème à sa source. Cela pourrait signifier frapper les installations nucléaires iraniennes, ainsi qu’éliminer les principaux dirigeants militaires et politiques du régime, comme Israël l’a déjà fait avec le Hamas et le Hezbollah. En neutralisant le leadership du Hezbollah, et en détruisant une grande partie de ses capacités offensives, les Israéliens ont significativement réduit l’effet dissuasif que l’Iran exerçait sur eux.

Face à ce changement radical dans l’équilibre des forces, l’Iran n’a plus qu’une option pour dissuader Israël, puisque même ses missiles offensifs et autres armes n’ont pas permis d’infliger de dommages significatifs à l’ennemi : accélérer la mise au point de sa capacité nucléaire. Seulement voilà, Israël considérant qu’un Iran doté de l’arme atomique constituerait une menace existentielle, l’État hébreu n’aurait pas d’autre choix que de frapper les installations nucléaires iraniennes (et les dirigeants iraniens) avant que le régime de Téhéran ne parvienne à développer un dispositif opérationnel.

De nouvelles frappes aériennes israéliennes sont par conséquent hautement probables, quelle que soit la retenue affichée par l’Iran. Une victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine pourrait donner à Israël un feu vert encore plus clair pour des frappes contre l’Iran, mais il est également possible qu’une victoire de Kamala Harris n’empêche par Israël de s’attaquer à ce qu’il perçoit comme une menace existentielle.

Si Israël commençait à intensifier progressivement ses attaques contre l’Iran, potentiellement après de nouvelles attaques iraniennes contre l’État hébreu, une administration américaine quelle qu’elle soit continuerait inévitablement de soutenir celui-ci, directement ou indirectement. La question de la capacité d’Israël à détruire l’essentiel du programme nucléaire iranien, ou à précipiter un changement de régime en Iran, importe peu ici ; des dégâts même limités sur les installations nucléaires iraniennes pourrait retarder de plusieurs années les ambitions nucléaires de Téhéran, et ainsi instaurer la dissuasion souhaitée par Israël.

Compte tenu de cette probabilité d’escalade dans les semaines et mois à venir, un certain nombre de risques économiques et financiers devront être gérés. Une importante frappe israélienne contre l’Iran pourrait sérieusement perturber la production et les exportations énergétiques en provenance du Golfe. S’il était poussé jusqu’au désespoir, l’Iran pourrait tenter de miner le Golfe, de bloquer le détroit d’Ormuz, et de frapper les installations pétrolières saoudiennes. Dans un tel scénario, le monde connaîtrait des chocs stagflationnistes comparables à ceux qui suivirent la guerre du Kippour de 1973 et la révolution iranienne de 1979.

Une flambée des prix du pétrole serait désastreuse pour l’économie mondiale ainsi que pour le bien-être de plusieurs milliards de personnes, et les dirigeants politiques devraient alors songer à des mesures permettant d’atténuer le choc. Si un conflit majeur devait survenir, il faudrait qu’il soit aussi court que possible. Il faudrait qu’Israël frappe l’Iran très violemment et avec une précision extrême, plutôt que sur une période de plusieurs mois, et que des navires de déminage (du type de ceux que le Japon utilise) soient ensuite déployés en mer au plus vite.

Par ailleurs, dans un tel scénario, il serait nécessaire que les États-Unis fournissent à l’Arabie saoudite des technologies de défense avancées – par exemple des systèmes antimissiles Patriot supplémentaires – pour minimiser le risque de destruction par l’Iran des infrastructures saoudiennes de production et de livraison de pétrole. Parallèlement, le Royaume pourrait massivement accroître sa production pétrolière et ses exportations liées à sa capacité excédentaire, afin de réduire le risque d’explosion des prix au niveau mondial, tandis que les États-Unis et d’autres puissances puiseraient dans leurs réserves stratégiques de pétrole pour amortir davantage l’impact.

Les gouvernements des économies développées et des marchés émergents pourraient également mettre en place des subventions budgétaires temporaires pour les consommateurs d’énergie – à l’image de celles instaurées après la flambée des prix qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. De leur côté, les banques centrales pourraient répondre à un choc stagflationniste en maintenant leurs taux directeurs à un niveau stable, voire en les abaissant. Les anticipations d’inflation étant bien ancrées (ce qui n’était pas le cas dans les années 1970), les banques centrales ne devraient pas, dans ce scénario, surréagir en opérant un resserrement face à un choc susceptible de se révéler temporaire (d’une durée de quelques mois).

Bien entendu, étant donné le risque considérable associé à une importante attaque israélienne contre l’Iran, une administration Harris déconseillerait probablement très fortement une telle décision. Outre les répercussions économiques et financières mondiales, un échec dans la destruction des installations nucléaires iraniennes ne ferait que renforcer la détermination du régime à développer l’arme atomique.

Un succès, en revanche, pourrait produire des bienfaits considérables. Le régime iranien – depuis longtemps source majeure d’instabilité au Moyen-Orient – serait alors sérieusement affaibli, tout comme ses proxies dans la région par voie de conséquence. Une révolution populaire en Iran ne serait pas à exclure à la suite d’attaques israéliennes de grande ampleur. Le régime est d’ores et déjà fragilisé aujourd’hui, impopulaire et rejeté par la plupart des Iraniens. S’il venait à chuter, le contexte évoluerait favorablement en direction d’un cessez-le-feu à Gaza, d’une normalisation des relations israélo-saoudiennes, et à terme d’une reprise des discussions autour d’une solution à deux États pour Israël et la Palestine.

Ainsi, une potentielle attaque israélienne contre l’Iran constitue une stratégie à la fois à haut risque et susceptible de produire de très importants résultats favorables, une stratégie qui pourrait conduire soit à un désastre économique planétaire, soit à une reconfiguration positive du Moyen-Orient. C’est en tous les cas ainsi qu’Israël voit les choses, sachant qu’il faut s’attendre à de nouvelles provocations iraniennes contre l’État hébreu. Quelles que soient les opinions des uns et des autres concernant l’évaluation israélienne de la situation, une escalade du conflit est très probable.

 

Nouriel Roubini, conseiller principal chez Hudson Bay Capital Management LP, est professeur émérite d’économie à la Stern School of Business de l’Université de New York. Son ouvrage le plus récent s’intitule Megathreats: Ten Dangerous Trends That Imperil Our Future, and How to Survive Them (Little, Brown and Company, 2022). Il a été conseiller principal au Trésor des États-Unis (1999-2000).

 

Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

11 leaders politiques arrêtés : Prolongation de leur séjour en prison

Plus de 4 mois après leur arrestation, les 11 leaders politiques issus des partis et regroupements signataires de la Déclaration du 31 mars 2024 n’ont toujours pas recouvré leur liberté. Malgré les appels incessants d’une partie de la classe politique et l’implication de certaines personnalités religieuses et de la société civile, ces leaders politiques restent en détention.

Si l’ordonnance de mise en liberté provisoire signée par le Juge d’instruction du Tribunal de première instance de la Commune V du District de Bamako le 9 septembre dernier avait été exécutée, les 11 leaders politiques auraient regagné leurs familles respectives, en attendant la tenue d’un procès.

Mais le Procureur du Tribunal de la Commune V avait dans la foulée introduit un pourvoi en cassation de la décision du Juge. Les hommes politiques écroués sont donc restés en prison en attendant le jugement de la Cour d’appel. Celle-ci a entendu les parties le 29 octobre 2024 et le délibéré de la demande de mise en liberté provisoire des 11 détenus a été fixé au 12 novembre prochain, prolongeant ainsi leur séjour en prison pour au moins deux semaines supplémentaires.

« Le Juge a entendu les parties et a réservé sa décision pour un autre jour. C’est normal parce que généralement ils ne délibèrent pas sur le siège », explique l’avocat d’un des hommes politiques détenus.

Appels à la libération

Au sein de la coalition des partis signataires de la déclaration du 31 mars 2024, les dirigeants avaient cessé pendant quelques semaines de demander la libération de leurs camarades et s’étaient abstenus d’appeler à des actions dans ce sens. Selon une source au sein du regroupement, cette attitude visait à laisser une chance aux médiations des personnalités qui étaient en cours auprès des autorités. Mais celles-ci n’ont jusque-là pas abouti.

Par conséquent, la coalition a décidé de sortir de son silence en levant la voix à travers des actions de communication symboliques. Depuis le 21 octobre, une campagne est en cours sur les réseaux sociaux demandant la libération des 11 leaders politiques.

« Quand ça fait trop, ça fait désordre, libérez-les sans condition », « Nous ne devons pas oublier nos camarades politiques détenus », « Libérez nos leaders politiques, un jour de plus c’est trop, et trop c’est trop » sont entre autres les messages partagés, avec un décompte quotidien du nombre de jours de détention des leaders politiques (130 jours de détention au 30 octobre 2024).

« Pause-liberté »

Le 28 octobre 2024 à 11 h, plusieurs partis de la coalition ont observé 3 minutes de pause à leur siège pour demander la libération de leurs 11 camarades politiques arrêtés, ainsi que de « tous les innocents et prisonniers d’opinion, notamment Rose la vie chère, Ras Bath, Étienne Fakaba Sissoko et Ben le Cerveau ».

Près d’une vingtaine de membres de la plateforme « An ko Mali Dron », dont l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, se sont retrouvés au siège du parti FARE Anka Wuli pour l’occasion.

« Nos camarades ont été arrêtés et sont injustement détenus depuis plus de 4 mois. L’acte que nous avons posé est un acte pacifique par lequel nous voulons manifester d’abord notre solidarité à leur égard et ensuite demander leur libération immédiate et sans condition pour leur permettre de rejoindre leurs familles », a indiqué Bréhima Sidibé.

Yaya N’Diaye, un autre membre de la plateforme, a également confié qu’il s’agissait pour eux de demander aux autorités de relaxer leurs camarades arrêtés depuis plus de 4 mois « et, en dehors d’eux, d’autres combattants de la liberté d’opinion et de la démocratie au Mali qui sont aussi détenus ».

Les 11 leaders politiques ont été arrêtés le 20 juin dernier lors d’une réunion dans un domicile privé, alors que les activités des partis politiques avaient été suspendues par décret. Après 4 jours d’audition, ils ont été placés sous mandat de dépôt le 24 juin 2024. Ils sont inculpés notamment d’opposition à l’exercice de l’autorité légitime.

Mohamed Kenouvi

Rentrée scolaire: un defi relevé malgré les obstacles

Ce lundi 4 novembre 2024, les élèves maliens ont repris le chemin de l’école, marquant le début de l’année scolaire 2024-2025. Cette rentrée, initialement prévue le 1ᵉʳ octobre, avait été reportée en raison des graves inondations qui ont touché le pays, entraînant l’occupation de nombreuses écoles par des sinistrés.

Selon les données du ministère de l’Éducation nationale, à la date du 4 octobre 2024, 128 écoles étaient occupées par des sinistrés, 167 inondées et 256 partiellement ou totalement effondrées. Des efforts concertés ont permis de libérer une partie de ces établissements. Par exemple, à Mopti, sur les 19 écoles occupées, 8 ont été libérées. Cependant, de nombreux établissements restent inaccessibles, nécessitant des solutions alternatives pour assurer la continuité pédagogique.
Face à ces défis, les autorités ont mis en place plusieurs actions pour garantir une rentrée scolaire effective. Parmi celles-ci, on peut citer la réhabilitation des infrastructures; la relocalisation des sinistrés; la mise en place de classes temporaires : Dans les zones où les écoles restent inaccessibles, des tentes et autres abris provisoires ont été installés pour servir de salles de classe.
Défis persistants
Malgré ces initiatives, la situation demeure préoccupante. En juin 2023, environ 1 500 écoles étaient fermées au Mali en raison de l’insécurité, affectant près de 450 000 élèves. Cette situation s’est aggravée au fil des mois. En janvier 2024, le Cluster Éducation a rapporté que 1 657 écoles étaient fermées, impactant directement 497 100 élèves et 9 942 enseignants. En mai 2024, ce nombre a atteint 1 788 écoles non fonctionnelles, privant 540 000 élèves et 11 000 enseignants d’accès à l’éducation. Ces fermetures, principalement concentrées dans les régions du nord et du centre du pays, sont dues à l’insécurité persistante et aux crises humanitaires. Les autorités maliennes, en collaboration avec des partenaires internationaux, s’efforcent de trouver des solutions pour rétablir l’accès à l’éducation dans ces zones affectées.
Les autorités maliennes, en collaboration avec les partenaires internationaux, sont appelées à intensifier leurs efforts pour assurer la sécurité des élèves et du personnel éducatif, réhabiliter les infrastructures endommagées et promouvoir l’accès à l’éducation pour tous les enfants, y compris ceux des zones les plus touchées. La mobilisation de ressources et la mise en œuvre de stratégies adaptées sont essentielles pour relever ces défis et garantir le droit à l’éducation.

Lutte contre les cancers féminins au Mali : Solidaris223 célèbre son 10e anniversaire en réaffirmant son engagement

L’association Solidaris 223 a célébré, le samedi 2 novembre, son 10ᵉ anniversaire en organisant la cinquième édition de sa conférence annuelle dédiée aux cancers du sein et du col de l’utérus.

Placée sous le thème « L’accès aux soins des cancers du sein et du col de l’utérus au Mali », cette rencontre s’est tenue à l’Azalaï Grand Hôtel de Bamako, dans le cadre de la campagne Octobre Rose, désormais une tradition pour l’association.
La présidente de Solidaris 223, Mme Amina Dicko, a ouvert la cérémonie en rappelant l’engagement continu de l’association depuis une décennie pour améliorer la santé des femmes au Mali. Elle a souligné l’importance de l’accès aux soins pour les cancers féminins, mettant en avant les défis persistants et les efforts nécessaires pour les surmonter.
Parmi les invités de marque figuraient des professionnels de la santé, des représentants d’organisations non gouvernementales et des survivantes du cancer, témoignant de la diversité des acteurs mobilisés pour cette cause.
Situation des cancers du sein et du col de l’utérus au Mali
Les données récentes indiquent que le cancer du sein est le plus fréquent chez les femmes maliennes, représentant 34,6 % des cas de cancer en 2023, avec 319 nouveaux cas recensés. Le cancer du col de l’utérus suit avec 20,5 %, soit 189 nouveaux cas la même année. Malheureusement, plus de 70 % de ces cancers sont diagnostiqués à des stades très avancés, compliquant la prise en charge et réduisant les chances de survie.
Coût et prise en charge des cancers féminins
La prise en charge de ces cancers demeure un défi majeur en raison des coûts élevés et de l’accès limité aux infrastructures de santé. Ainsi, le coût total du diagnostic du cancer du sein peut varier entre 258 000 et 379 000 FCFA, selon que les examens sont réalisés dans le secteur public ou privé. Le traitement, incluant chimiothérapie, chirurgie et radiothérapie, peut atteindre plusieurs millions de FCFA, rendant ces soins inaccessibles pour de nombreuses patientes.
Le Mali dispose de ressources limitées pour le traitement du cancer, avec seulement six oncologues médicaux pour l’ensemble du pays et un seul centre de radiothérapie. D’ailleurs, cette machine n’est toujours pas opérationnelle à 100%. Cette situation entraîne des délais dans le diagnostic et le traitement, aggravant le pronostic pour les patientes.
Lors de la conférence, Mme Bintou Sidibé, survivante du cancer du sein, a partagé son expérience. Diagnostiquée à un stade avancé, elle a bénéficié d’une prise en charge grâce à la collaboration entre Médecins Sans Frontières et les autorités maliennes. Son témoignage a mis en lumière l’importance du diagnostic précoce et de l’accès aux soins pour améliorer les chances de guérison.
La conférence a également permis de discuter des initiatives en cours pour améliorer l’accès aux soins, notamment le renforcement des infrastructures de santé, la formation de professionnels spécialisés et la mise en place de politiques de subvention pour les patientes.
En conclusion, la célébration du 10ᵉ anniversaire de Solidaris 223 a été l’occasion de réaffirmer l’engagement de l’association dans la lutte contre les cancers féminins au Mali. La présidente, Mme Amina Dicko, a appelé à une mobilisation collective pour surmonter les défis liés à l’accès aux soins et offrir un avenir meilleur aux femmes maliennes confrontées à ces maladies.

Renforcement du système judiciaire : De nouveaux Codes Pénal et de Procédure Pénale adoptés

Le 31 octobre 2024, le Conseil National de Transition (CNT) du Mali a adopté de nouveaux Codes pénal et de procédure pénale, introduisant des réformes majeures pour moderniser le système judiciaire.

Parmi les innovations notables figurent la création d’un Collège des libertés et de la détention, chargé de superviser les mandats de dépôt et l’institution du juge de l’application des peines, responsable du suivi des condamnations. L’introduction du bracelet électronique offre une alternative à l’incarcération, tandis que la suppression des cours d’assises vise à accélérer le traitement des affaires criminelles en les confiant aux chambres criminelles des tribunaux de grande instance. Les nouvelles dispositions reconnaissent également la responsabilité pénale des personnes morales, telles que les associations et entreprises et incriminent le recel ainsi que les produits issus du recel. La répression de la trahison est renforcée et les textes de l’UEMOA et de l’OHADA relatifs au droit pénal des affaires sont intégrés. Les dispositions pénales éparses ont été harmonisées et une renumérotation des articles facilite leur consultation. Notamment, l’esclavage par ascendance, la traite des personnes et l’homosexualité sont explicitement pris en compte. Le ministre de la Justice, Mamoudou Kassogué, a affirmé que toute personne pratiquant l’homosexualité ou en faisant l’apologie sera poursuivie, soulignant que le Mali n’acceptera pas que ses valeurs soient transformées par des influences extérieures. Ces réformes traduisent la volonté des autorités de promouvoir une justice plus efficace et adaptée aux réalités sociétales du pays.
Toutefois, selon certaines organisations, le Mali est signataire de plusieurs conventions internationales, dont la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ratifiée en 1986), la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ratifiée en 1973) et la Convention contre la torture (ratifiée en 2002). Ces conventions offrent une protection générale contre les mauvais traitements. Cependant, leur application reste limitée et des tensions subsistent entre les valeurs sociétales maliennes et certains principes de droits humains. En légiférant la repression contre certaines pratiques, il y a lieu de revoir la ratification de ces textes par les autorités maliennes.

Fin de l’impunité des crimes contre les journalistes : Une célébration marquée par la douleur et l’absence de justice

Le 2 novembre marque la célébration de la Journée internationale pour mettre fin à l’impunité des crimes contre les journalistes. Cette date symbolique, instaurée par l’ONU en 2013, fait écho à l’assassinat des journalistes de Radio France Internationale (RFI), Ghislaine Dupont et Claude Verlon, enlevés puis tués à Kidal. Onze ans après cette tragédie, l’enquête peine à avancer, minée par des tensions géopolitiques et des blocages judiciaires.

Ce drame, qui a secoué les défenseurs de la liberté de la presse à travers le monde démontre les dangers constants auxquels sont confrontés les journalistes en zone de conflit, souvent au prix de leur vie. En ce jour de commémoration, la quête de vérité pour Ghislaine Dupont et Claude Verlon demeure d’actualité.
Selon l’ONU, environ 90 % des assassinats de journalistes restent impunis. Aussi, plus de 1 000 journalistes ont été tués entre 2010 et 2022 dans le monde. S’y ajoute qu’entre 50 et 100 journalistes et lanceurs d’alerte meurent chaque année dans des conditions violentes ou périlleuses liées à leur travail.
En novembre 2013, Ghislaine Dupont et Claude Verlon étaient en mission à Kidal pour couvrir la situation au nord du Mali. Alors qu’ils s’apprêtent à quitter un entretien, ils sont enlevés par un groupe armé et tués peu de temps après. Ce double assassinat a suscité une vive émotion en France et une mobilisation internationale pour faire éclater la vérité.
Malgré les années écoulées, l’enquête n’a pas permis d’aboutir à des conclusions définitives, entravée par un climat diplomatique tendu entre Paris et Bamako. Depuis le retrait des troupes françaises de la région, la coopération entre les autorités françaises et maliennes est réduite à son minimum, rendant difficile l’accès aux témoins et aux informations locales.
Le blocage de l’enquête repose également sur des documents classés « secret-défense » en France, que les familles des journalistes et les organisations de défense de la presse réclament depuis des années. Ces informations, qui pourraient potentiellement éclairer certaines zones d’ombre sur les circonstances de l’enlèvement, demeurent protégées pour des raisons de sécurité nationale, selon les autorités françaises. Ce secret freine les efforts pour élucider les faits et entretient une douleur encore vive pour les familles, qui réclament inlassablement la transparence.
L’un des principaux suspects, Seidane Ag Hita, identifié comme membre influent d’un groupe terroriste local, reste introuvable. Considéré comme ayant participé activement à l’enlèvement, son rôle dans cette affaire demeure flou, bien que des témoins indiquent sa possible implication. L’absence de coopération entre la France et le Mali rend difficile toute tentative de localisation et d’arrestation.
Un message d’António Guterres pour la fin de l’impunité
À l’occasion de la journée du 2 novembre, le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a renouvelé son appel à la communauté internationale pour mettre un terme à l’impunité des crimes contre les journalistes. « La liberté de la presse est un pilier de la démocratie et des droits humains », a-t-il déclaré, soulignant que « l’impunité engendre la répétition des violences ». Ce message vise à rappeler aux États leurs obligations de protéger les journalistes et de garantir une justice effective pour les crimes commis contre eux, notamment dans les zones de conflit.
Les statistiques de l’ONU font état de neuf crimes sur dix contre des journalistes qui restent impunis. Ce chiffre accablant révèle l’ampleur des défis à relever pour garantir un environnement sécurisé pour ceux qui risquent leur vie au service de l’information.
Malgré les entraves diplomatiques et le secret d’État, les familles de Ghislaine Dupont et Claude Verlon et les associations qui les soutiennent poursuivent leur combat pour la vérité.

Insécurité alimentaire : le PAM et la Russie soutiennent le Mali

Le gouvernement du Mali, à travers le Commissariat à la sécurité alimentaire, en partenariat avec le Programme alimentaire mondial (PAM), a organisé, ce 30 octobre 2024, une cérémonie de remerciement à la Fédération de Russie pour son soutien dans l’assistance aux personnes en situation d’insécurité alimentaire.

Selon le PAM, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire atteint 1,4 million. Pour répondre à leurs besoins pendant les six prochains mois, le PAM doit mobiliser près de 98 millions de dollars.

Le don de la Russie fait partie des contributions essentielles, saluées par le PAM, qui aident les personnes les plus vulnérables. « Cette contribution d’un montant de deux millions de dollars américains ne se mesure pas seulement en termes financiers, mais aussi en termes d’espoir et de possibilités offertes à tant de personnes. Votre soutien nous permet donc de continuer à soutenir ceux qui comptent sur l’aide alimentaire pour satisfaire leurs besoins essentiels », a déclaré le représentant du PAM. Ces contributions volontaires sont nécessaires pour accompagner les efforts du gouvernement dans la lutte contre l’insécurité alimentaire au sein des communautés touchées par différents chocs. Elles permettent ainsi d’offrir des repas nutritifs à ceux qui en ont le plus besoin. Cette importante donation en denrées alimentaires, qui permettra au PAM de soutenir les personnes vulnérables, n’est pas la première, a rappelé le ministre commissaire à la sécurité alimentaire. Une solidarité qui s’était déjà exprimée en 2023 par un don de 75 000 tonnes de blé de la Russie en faveur du Mali, un précieux appui qui avait permis de contenir la flambée des prix des denrées de première nécessité.

Depuis quelques années, le Mali fait face à une situation marquée par l’insécurité et les chocs climatiques, entraînant des déplacements de population et compromettant la sécurité alimentaire.

Économie numérique : Une nouvelle politique pour corriger les lacunes

La place du numérique dans le développement socioéconomique est reconnue par le Mali, à l’instar d’autres pays du monde. Cependant, l’atteinte des objectifs en la matière se heurte à certains défis, dont un faible accès. C’est pourquoi les autorités envisagent à travers une politique de développement d’améliorer ces services afin de favoriser la digitalisation, la transparence et l’efficience des services publics, notamment.

Adoptés en 2015, la Politique nationale de développement de l’Économie numérique et son Plan d’actions ont mis en évidence certains faits. L’évaluation de « Mali numérique 2020 » fait ressortir un taux d’exécution global de 27,30%, soit 18 actions menées à terme sur les 66 programmées, avec un taux de mobilisation des ressources de 24,24%, soit 54,5 milliards sur les 224,792 prévus. Ces insuffisances soulignent la nécessité d’une nouvelle Politique nationale de développement de l’Économie numérique et de son Plan d’actions « Mali 2025-2029 », validés lors d’un atelier national le 24 octobre 2024. Selon ses auteurs, ce sont les attentes non comblées des précédentes politiques qui le justifient. En effet, la Politique de 2015 n’a pas été mise en œuvre parce que les organes prévus, notamment le Conseil national du Numérique et le Comité national de mise en œuvre, n’ont pas été créés et que la table-ronde des bailleurs n’a pas été organisée. Les mêmes absences de gouvernance et de financement expliquent l’échec de « Mali Numérique 2020 ».

Le nouveau document veut donc s’adapter à l’environnement actuel et permettre  « l’accès universel et aux normes internationales pour une économie numérique inclusive dans notre pays ».

Rattraper le retard

Le secteur de l’économie numérique est l’un des principaux moteurs de développement des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) par sa contribution au PIB. Le Mali fait partie des pays qui ont une faible contribution de cette économie numérique. L’Indice de développement des TIC (IDI-TIC) 2023 classe le Mali à la 5ème position avec 38,2%, derrière le Sénégal (66,5%), la Côte d’Ivoire (59%), le Togo (40,2%) et le Bénin (38,3 %), devant la Guinée-Bissau (33,1%) et le Burkina Faso (28,5%).

Dans l’utilisation d’Internet dans l’espace UEMOA, le Mali garde la même place avec 30,5% en 2023, derrière le Sénégal (55%), la Côte d’Ivoire (38%), le Togo (32,5%) et le Bénin (30,7%).

Le développement de l’économie numérique présente des opportunités pour le Mali, mais il révèle aussi des faiblesses, dont le manque d’infrastructures numériques adéquates, le coût élevé d’accès à Internet, les faibles compétences numériques et la faible qualité de la connexion Internet.

Fatoumata Maguiraga

Festival Bama Art : Une grande première à Kayes

La prochaine édition du festival culturel Bama Art se tiendra du 30 octobre au 3 novembre à Kayes. Sur le thème « Culture au service du développement et de la paix », c’est la première à se dérouler en dehors de la capitale. Présent dans le paysage culturel bamakois depuis six ans, Bama Art est devenu l’une des rencontres culturelles les plus incontournables du Mali.

Traditionnellement organisé chaque premier week-end du mois sur les berges du fleuve Niger ou Place du Cinquantenaire, le festival offre une belle opportunité aux jeunes artistes pour faire valoir leur talent. Cette année, il s’installera dans la Capitale des Rails, un tournant important pour l’événement.

Abou Guitteye, promoteur de Bama Art, souligne que cette édition à Kayes répond à plusieurs demandes des habitants de la région. « De nombreuses personnes quittent leur région pour assister à Bama Art. Au début, nous étions réticents à l’idée de nous éloigner de Bamako, craignant que cela n’attire pas autant de monde. Mais après six années d’hésitation, nous avons décidé de nous lancer ».

Il ajoute « cette édition à Kayes est une phase test. Si cela fonctionne, nous pourrons nous étendre à d’autres régions, comme Ségou, Mopti et même Tombouctou ». L’objectif est d’apporter la joie de Bama Art aux Kayésiens, afin qu’ils puissent bénéficier des mêmes expériences culturelles que les Bamakois.

De nombreuses activités seront proposées : foires artisanales, agricoles et minières, grillades, jeux en plein air, sport, tourisme local et spectacles traditionnels et modernes. Cette année, le festival passe de deux à cinq jours, une décision qui répond aux attentes croissantes des participants. « Avec tous les sacrifices et matériels que nous transportons, il serait imprudent de rester à deux jours ».

L’événement réunira des artistes de renom, tels que Seydou Chee, Mohamed Diaby, Lil Dou et Fatim Diabaté. À travers Bama Art, M. Guitteye souhaite contribuer à l’attractivité et au rayonnement du Mali à l’international. Il aspire également à soutenir la création, la production et la circulation d’œuvres de qualité, tout en valorisant le potentiel touristique et culinaire du pays.

Le festival s’annonce comme un véritable carrefour de la culture malienne, promouvant les talents locaux et créant des espaces d’échange et de partage enrichissants pour tous.

Fatouma Cissé

Exploitation minière au Mali : L’or au cœur de la souveraineté

En quête d’une plus grande maîtrise de ses ressources aurifères, le Mali s’est engagé dans plusieurs réformes majeures pour renforcer sa souveraineté sur le secteur minier. Considéré comme le troisième producteur d’or en Afrique, le pays entend récupérer une part plus équitable des 1 926 milliards de francs CFA de recettes d’exportation générées par la vente de son or en 2023. Cette ambition s’accompagne de tensions croissantes avec des géants miniers comme Barrick Gold. Parallèlement, la révision des textes régissant le secteur et la création de la SOREM visent à renforcer la souveraineté nationale. Ces initiatives pourraient transformer le paysage minier, impactant non seulement les multinationales mais aussi l’avenir économique du Mali.

En 2023, le Mali a atteint une production record de 65,91 tonnes d’or (Rapport ITIE 2023). Cette production a généré des recettes d’exportation dépassant 1 926 milliards de francs CFA. La production d’or est concentrée principalement dans les régions de Kayes et Sikasso. Les mines de Loulo-Gounkoto (23,49 tonnes, Barrick Gold) et de Fekola (20,63 tonnes, B2Gold) dominent cette production, suivies de SOMISY (6,76 tonnes) et SEMOS (6,28 tonnes). Ces chiffres témoignent de la richesse du sous-sol malien, mais aussi de l’importance stratégique de l’exploitation industrielle, qui représente près de 95% de la production. Malgré cette dépendance envers les multinationales, l’État malien affiche une volonté de prendre en main la gestion de ses ressources.

La concentration minière à Kayes et Sikasso fait de ces régions des pôles de développement économique pour le Mali, représentant respectivement des productions valorisées à 1 318 et 597 milliards de francs CFA. Cependant, cette dépendance accrue soulève des questions sur la durabilité de cette exploitation intensive et l’urgence de diversifier l’économie nationale. En effet, avec environ 644 milliards de francs CFA de recettes issues de l’industrie extractive en 2023, dont 602 milliards ont été directement alloués au Trésor public, le Mali compte significativement sur l’or pour soutenir ses finances publiques et ses projets de développement.

Pourtant, les déséquilibres régionaux se creusent, car Kayes et Sikasso concentrent non seulement la production minière, mais aussi les principales infrastructures soutenant ce secteur. Face à cette situation, le gouvernement malien a renforcé ses exigences envers les entreprises étrangères par le biais d’une clause de « Contenu local » dans le nouveau Code minier. Cela oblige les entreprises à investir dans les infrastructures locales et à favoriser l’emploi de la main-d’œuvre malienne, réduisant ainsi la dépendance aux travailleurs étrangers et augmentant les bénéfices locaux.

L’État et Barrick Gold à couteaux tirés

Le différend entre l’État malien et Barrick Gold porte sur un montant significatif de 500 milliards de francs CFA d’arriérés que les autorités souhaitent mobiliser pour financer des projets d’infrastructure essentiels. Barrick, de son côté, affirme avoir déjà versé 50 milliards. Le gouvernement malien a donc commandé un audit pour clarifier les contributions des différentes mines, mais le rapport officiel est toujours attendu. Pour le Mali, ces arriérés représentent plus qu’une somme d’argent, en ce sens qu’ils incarnent une bataille pour la « transparence » et la « réappropriation » des richesses nationales.

En réponse aux critiques de faible contrôle de ses ressources, l’État a adopté en 2023 un nouveau Code minier. Dans ce Code, la part gratuite de l’État dans le capital reste à 10%. Mais l’État peut prendre d’autres parts contre des numéraires à hauteur de 20%. Les sociétés ont aussi l’obligation d’ouvrir leur capital à des investisseurs nationaux à hauteur de 5%. Ce changement manifeste la volonté de renforcer la souveraineté nationale sur l’exploitation des ressources naturelles. Recommandée lors des Assises nationales de la refondation en décembre 2021, cette réforme répond à une aspiration collective pour que les bénéfices des ressources minières soient redistribués équitablement, en particulier vers les communautés locales, souvent marginalisées.

La création de SOREM et la symbolique de Yatela

La création de la Société de Recherche et d’Exploitation des Ressources Minérales du Mali (SOREM-Mali), qui contrôle désormais la mine de Morila, illustre parfaitement cette gestion nationale des ressources. Ce modèle de gestion devrait permettre au Mali de mieux contrôler les retombées économiques de son secteur minier. De plus, la reprise par l’État de la mine de Yatela, suspendue depuis 2013, marque une avancée symbolique vers la récupération des actifs miniers nationaux. Bien que la production de Yatela soit actuellement limitée, ce geste témoigne d’une volonté de renforcement de la souveraineté économique.

Avec l’échéance de l’un des permis d’exploitation de Barrick Gold, prévue en 2026, la pression s’intensifie. Le gouvernement pourrait refuser son renouvellement en cas de désaccord prolongé sur les redevances, un mouvement qui affirmerait la position de l’État dans les négociations futures avec les multinationales.

Les contraintes des conventions internationales

Cependant, la route vers une autonomie complète du secteur minier reste semée d’obstacles. Les contrats signés avec des multinationales incluent souvent des clauses de stabilité visant à protéger les investissements étrangers contre les changements législatifs. Ces clauses, reconnues par les textes internationaux, limitent parfois l’application de nouvelles réformes aux exploitants actuels. Bien que légitimes sur le plan international, ces restrictions contraignent les actions de l’État malien, qui doit concilier ses ambitions de souveraineté avec le respect de ses engagements internationaux.

Il convient de rappeler qu’en 2023 les revenus générés par le secteur extractif se sont élevés à 644 milliards de francs CFA, dont 602 milliards à destination du Trésor public. Ces fonds, essentiels au Budget national, sont affectés à des secteurs vitaux tels que l’éducation et la santé. La contribution des industries extractives représente près de 27,8% des recettes de l’État et 9,2% du PIB (en 2022), révélant l’importance de ce secteur pour le développement national.

Les recettes collectées servent également à soutenir des programmes sociaux importants, incluant 30 milliards de francs CFA de cotisations sociales et 9 milliards pour les assurances obligatoires, ainsi que divers paiements sociaux. En augmentant sa participation dans les sociétés minières, le Mali choisit de renforcer son indépendance économique. Cependant, cette décision pourrait potentiellement dissuader certains investisseurs étrangers, préoccupés par la stabilité de leurs investissements dans un cadre de régulation de plus en plus strict.

Vers une exploitation minière mieux contrôlée et souveraine ?

Plutôt que de céder aux exigences des multinationales, le Mali semble déterminé à réguler de manière plus équitable son secteur minier. En 2023, l’État a réparti entre divers fonds et budgets de soutien aux collectivités une partie des recettes minières. Cette manne financière permet de soutenir des secteurs vitaux pour le pays, mais elle souligne également l’importance d’une régulation rigoureuse pour garantir une exploitation équitable et transparente des ressources naturelles.

L’établissement de partenariats avec des experts locaux et la formation d’une main-d’œuvre qualifiée constituent des pistes prometteuses pour faire du secteur minier un pilier véritablement national. En diversifiant les activités minières et en optimisant les bénéfices pour le pays, le Mali pourrait réduire sa dépendance aux multinationales et renforcer sa souveraineté sur ses ressources.

En s’engageant résolument sur la voie de la souveraineté minière, le Mali affiche certes une ambition forte. Il s’agit de faire de ses ressources un levier de développement au service de tous. Bien qu’étant audacieux, ce choix comporte de nombreux risques. En effet, tourner le dos aux multinationales pourrait exposer le pays à des défis économiques et techniques majeurs, surtout avec des insuffisances techniques et des infrastructures encore insuffisamment développées. Les entreprises internationales, malgré leurs intérêts propres, apportent un savoir-faire et des moyens financiers dont le Mali pourrait difficilement se passer. Plutôt que de s’orienter vers un bras de fer aux issues incertaines, il serait peut-être plus sage de rechercher des partenariats « gagnant – gagnant », permettant d’avancer sans se couper de ressources précieuses.

Ainsi, pour le Mali, le principal défi pourrait résider dans l’équilibre entre indépendance et coopération. Si le pays parvient à maintenir une posture ferme tout en ouvrant la voie à des échanges équilibrés, l’exploitation de l’or pourra enfin servir non seulement les intérêts de quelques-uns, mais de tous les Maliens. En bâtissant des partenariats intelligents et des partenariats mutuellement profitables, en exigeant transparence et équité, le Mali pourrait atteindre une souveraineté minière qui profite réellement à sa population sans compromettre le développement du secteur. L’or malien, sous une gouvernance éclairée, pourrait devenir un véritable moteur de croissance et un pilier de stabilité pour le pays.

En tout état de cause, cette quête de souveraineté est une prise de position courageuse, mais elle doit être accompagnée de pragmatisme. L’indépendance, si précieuse, n’empêche pas de collaborer. Il s’agit pour le Mali de construire un modèle unique, un équilibre entre contrôle national et ouverture maîtrisée, où les richesses du sous-sol servent à construire un avenir solide pour tous les citoyens. Avec une vision à long terme et un pragmatisme réfléchi, le Mali pourrait démontrer qu’il est possible de transformer les ressources naturelles en un bien commun, durable et inclusif.

Journal du Mali