Enregistrement des naissances : De lents progrès

L’enregistrement des naissances a connu une augmentation, bien qu’il reste des défis à relever. En effet, 13% des enfants au Mali ne sont pas enregistrés à la naissance, selon le rapport de l’UNICEF intitulé « Un bon départ dans la vie ».

Cette situation prive des millions de filles et de garçons d’une identité juridique, les exposant ainsi à des vulnérabilités. C’est pourquoi le Comité des droits de l’enfant incite les autorités à adopter des mesures telles que la numérisation des enregistrements ou des dispositions spécifiques concernant les enfants réfugiés et les déplacés internes.

Dans son état des lieux de l’enregistrement des naissances dans le monde, l’UNICEF estime que plus de 500 millions d’enfants âgés de moins de 5 ans ont été enregistrés à la naissance au cours des cinq dernières années. Bien que le taux mondial d’enregistrement des naissances ait atteint 77%, contre 75% en 2019, environ 150 millions d’enfants de moins de 5 ans n’ont pas été déclarés et demeurent invisibles pour les systèmes gouvernementaux, selon le fonds.

Par ailleurs, plus de 50 millions d’enfants dont la naissance a été déclarée ne possèdent pas d’acte de naissance. Cet acte fondamental garantit pourtant à l’enfant une reconnaissance juridique, lui conférant une protection contre les mauvais traitements et l’exploitation, ainsi que l’accès à des droits essentiels, tels que l’éducation et la santé.

Redoubler d’efforts

Si l’UNICEF se félicite des progrès réalisés, l’organisation invite les décideurs à redoubler d’efforts afin que chaque enfant, partout dans le monde, soit enregistré à la naissance. Les progrès et les améliorations varient considérablement dans les régions d’Afrique subsaharienne. Alors que l’Afrique australe enregistre un taux de 88%, l’Afrique de l’Ouest a connu la meilleure amélioration en 15 ans, atteignant un taux de 63%, tandis que l’Afrique de l’Est est à la traîne avec seulement 41%.

Au Mali, 87% des enfants de moins d’un an sont enregistrés à la naissance. Bien que cette amélioration soit significative, elle présente des disparités qui nécessitent un suivi pour relever les défis restants. Depuis 2022, l’UNICEF accompagne les initiatives du gouvernement pour numériser l’enregistrement des naissances. Ce processus a connu des avancées grâce à l’approbation d’un projet de plateforme regroupant les principaux événements de l’état-civil (naissance, mariage, décès). Cette plateforme, conçue après consultation des parties prenantes du système des faits d’état-civil, constitue la première entièrement dédiée, répondant aux besoins des usagers et aux normes internationales ainsi qu’au cadre légal. Le système pilote a été mis en place dans 10 zones regroupant les centres d’état-civil, les structures de santé et les tribunaux. Selon le représentant de l’UNICEF au Mali, cette étape permettra d’accélérer les efforts vers l’enregistrement universel.

Dr. Bakary Sambe « La militarisation excessive ne garantit pas une sécurité durable : l’implication des communautés locales est essentielle »

Dr. Bakary Sambe, président-fondateur du Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies, dirige un think tank spécialisé dans les questions de paix et de sécurité en Afrique. Avec des bureaux à Dakar, Niamey et Bamako, l’institut s’appuie sur des recherches scientifiques pour inspirer les politiques publiques et fournir un appui stratégique aux gouvernements et partenaires internationaux. Actif dans la diplomatie préventive et la résolution des conflits au Sahel, il aborde des enjeux liés à la montée du terrorisme, aux stratégies de lutte des États sahéliens, à l’implication des communautés locales, et aux impacts de la désinformation sur la stabilité régionale.

Dans cette interview, Dr. Sambe analyse l’évolution des menaces terroristes au Sahel, les approches adoptées par les États, ainsi que l’importance d’une collaboration avec les communautés et d’une approche holistique face aux défis sécuritaires actuels.

Comment décririez-vous l’évolution de la menace terroriste au Sahel ces dernières années, notamment en ce qui concerne les stratégies adoptées par les groupes extrémistes ?

Les groupes terroristes ont évolué dans leur stratégie depuis le débordement de l’épicentre du Nord du Mali vers le Centre d’où la menace s’est beaucoup communautarisée. Aujourd’hui, la présence djihadiste se présente de la manière suivante, il y a ISWAP à travers Boko Haram, l’état islamique, Islamic State West African Province, donc au Nigéria, qui opère aujourd’hui sur le bassin du lac Tchad, concernant aussi bien le Nigéria, le Niger, le nord du Cameroun et le Tchad dans les régions de Bol, Bagassola, autour du lac. Il y a aussi la présence de l’état islamique au Sahel, qui était l’état islamique au Grand Sahara et qui s’est transformé en état islamique au Sahel depuis mars 2022, avec un redéploiement plus assidu dans le Liptako Gourma, dans les zones des trois frontières communes au Mali, au Niger et au Burkina Faso et qui essaie d’avancer, mais qui a eu beaucoup de mal par rapport au JNIM, groupe de soutien à l’islam musulman de Iyad Ag Ghali, branche d’Al-Qaïda, qui contrôle les vastes zones à partir de Tombouctou, jusqu’à aujourd’hui dans l’est du Burkina Faso. Maintenant, il y a une stratégie de localisation de ce djihad-là, avec la Katiba Macina qui est la frange la plus active du JNIM aujourd’hui et qui avance dans la région de Kayes et qui opère depuis le centre du Mali, mais aussi d’autres katibas comme la Katiba Hanifa qui opère au Bénin. Et aujourd’hui, il y a la crainte d’une jonction entre les groupes qui se développent au Niger, mais aussi au nord du Bénin à partir du département de l’Alibori et jusqu’au Borgou, qui est une région au nord du Bénin, mais qui est connectée aujourd’hui aux réalités du Nigéria, où se développe un type de djihadisme mêlant activités criminelles et attaques terroristes, notamment dans le nord-ouest du Nigéria, dans les états comme Jigawa, etc. Les récentes manifestations d’une violence extrême dans le Nord-Ouest du Nigeria notamment avec le nouveau groupe Lukurawa n’augurent pas d’une accalmie.

Quelle est votre évaluation des différentes stratégies mises en œuvre par les États sahéliens, comme le Niger, le Mali et le Burkina Faso, pour lutter contre le terrorisme ? Quelles approches ont montré des résultats probants ?

La première approche était de combiner efforts nationaux et interventions étrangères dans le cadre d’une coopération sécuritaire qui n’a pas porté ses fruits que ce soit au Mali, au Burkina Faso ou encore au Niger. Cela ressemblait à une sous-traitance de la sécurité dans laquelle les résultats étaient vraiment mitigés. Aujourd’hui avec le rejet de ces coopérations notamment avec la France et le recours à la Russie, les défis restent encore nombreux malgré une politique d’acquisition de matériel militaire plus facile qu’auparavant et un meilleur équipement des armées. Le fait d’établir une coopération plus soutenue entre les trois pays qui sont devenus l’AES suite aux profonds désaccords avec la CEDEAO après les coups d’État militaires, avait redonné un certain espoir notamment en termes de synergie et une meilleure coordination de la lutte avec le partage des mêmes défis transfrontaliers autour du Liptako Gourma. Avec des résultats au Nord du Mali malgré les difficultés dans la zone de Ménaka dues surtout aux rivalités entre les groupes terroristes, Bamako devrait mieux intégrer la nature évolutive de la menace et éviter une radicalisation de certaines communautés. Le Niger semble avoir des difficultés dans le Tillabéri tandis que la Burkina Faso peine à reprendre le contrôle de grandes parties du territoire malgré le réarmement des troupes et l’intervention des VDP. Je pense que les trois pays de l’AES devraient mieux intégrer les dynamiques communautaires dans l’élaboration des stratégies et sur certains aspects de la lutte collaborer avec des pays voisins même s’ils ne sont pas de leur organisation mais partageant les mêmes défis.

Dans quelle mesure l’implication des communautés locales est-elle cruciale dans la lutte contre le terrorisme, et comment les États peuvent-ils renforcer cette collaboration ?

On a vu que la militarisation à outrance de la lutte bien qu’elle aide à gérer les impératifs sécuritaires et les urgences n’installe pas une sécurité durable. La menace n’est plus exogène ; elle est secrétée par conjonction de facteurs internes sur lesquels les éléments extérieurs se greffent pour profiter de l’instabilité par l’instrumentalisation des griefs. Une réelle approche sécurité humaine s’impose. A la différence des approches classiques qui placent l’État et les forces de sécurité au cœur de tout dispositif, l’approche sécurité humaine permettrait de réduire le fossé grandissant entre FDS et populations locales et les communautés qui sont au cœur des solutions durables. La Mali avait initié le principe du dialogue inter-malien et l’implication des communautés malgré l’opposition de certains partenaires qui était contre. Aujourd’hui, malgré les avancées au Mord mitigée par la situation du Centre, le Mali devrait saisir davantage les possibilités qu’offrent les mécanismes traditionnels et endogènes basés sur le dialogue et l’implication des communautés. Cela aiderait les autorités à faciliter l’appropriation des mesures sécuritaires par les communautés et donc leur engagement auprès des forces de sécurité. Mais il va falloir un changement progressif de paradigme qui n’est pas évident.

Vous avez souligné que la désinformation constitue une menace réelle pour la sécurité au Sahel. Pouvez-vous expliquer comment la désinformation influence la stabilité de la région et quelles mesures pourraient être prises pour la contrer ?

 Les fake news, fausses nouvelles ou informations non vérifiées distillées sur les réseaux sociaux, le poids des influenceurs sur l’opinion publique, la course au scoop et au buzz, sont autant d’éléments aggravant les effets incontrôlés de la démocratisation de la diffusion et de l’accès à l’information à l’heure du numérique. Les pays du Sahel qui, en plus, d’absence de cadres normatifs ou de régulation, font face à ce flux d’informations et à sa manipulation par divers acteurs. Tout cela dans un contexte d’incertitudes et de tensions politiques internes, de menaces sécuritaires mais aussi d’escalades sur le plan diplomatique. Récemment, de fausses informations ont failli déclencher des émeutes au Mali et dans d’autres pays de la région sur fonds de lutte contre le terrorisme et de contestation des présences militaires étrangères. Maintenant, cette désinformation perturbe le travail des forces de sécurité et de défense, les mets en danger comme elle provoque et attise parfois des conflits intercommunautaires dans beaucoup de pays de la région. Le terrain malien est depuis peu le laboratoire d’expérimentation de toutes formes de communication d’influence. Dans un contexte d’insécurité et d’instabilité politique, la désinformation revêt plusieurs formes et se cache derrière bien des campagnes de communication bien ciblées. La période de la transition avec la montée de diverses formes de contestation des dominations sur fond d’escalades diplomatiques et de guerre de positionnement de nouvelles puissances est particulièrement propice à ce phénomène. Mais en accentuant la guerre informationnelle on est en train de jouer avec le feu. La lutte contre la désinformation est un enjeu de sécurité et de stabilité pour les pays du Sahel. En présence d’une crise et d’une angoisse des populations les tentatives de manipulations de l’opinion à travers les réseaux sociaux et les différents médias peut compromettre les politiques publiques et même la crédibilité des institutions ; ce qui représente une menace grave contre la viabilité des États, du système démocratique, de la paix et de la sécurité au Sahel. Dans ce contexte de rivalités internationales, il faudra que nos pays réfléchissent à des solutions locales pour faire face à ce phénomène qui constitue une réelle menace à la stabilité.

Quel est votre point de vue sur l’impact des interventions militaires étrangères dans la région, notamment celles de la France et des Nations Unies, sur la dynamique sécuritaire au Sahel ?

Vous savez, la sous-traitance de la sécurité n’a jamais été une solution durable et quel que soit le partenaire. La coopération internationale est par ailleurs une nécessité car les défis sont transnationaux. Il y a des bases militaires étrangères dans les pays qui sont parmi les plus souverains comme l’Allemagne mais aussi au Qatar avec la présence américaine ; l’une des plus importantes. L’essentiel c’est la définition des termes de la coopération et de son contenu, dans le respect des intérêt de chacune des parties. Mais l’Afrique devrait davantage compter sur la coopération régionale et surtout la réactivation des cadres régionaux et penser à une meilleure mutualisation des capacités. C’est pour cela, au niveau sous-régional, on devrait vite sortir de la crise entre les pays membres de l’AES et de la CEDEAO pour faire face ensemble aux défis sécuritaires que nous avons en commun.

On observe une extension de l’insécurité du Sahel vers les pays côtiers du Golfe de Guinée. Quelles leçons ces pays peuvent-ils tirer des expériences sahéliennes pour éviter les mêmes erreurs dans la lutte contre le terrorisme ?

Les pays côtiers doivent veiller à ne pas être emportés par l’élan de victoires militaires partielles et temporaires au point de réveiller les sentiments communautaires qui alimenteront les cellules terroristes locales de demain. On pourrait dire que le contre-terrorisme classique certes, semble avoir les faveurs des partenaires internationaux. Cependant il ne s’attaque qu’aux symptômes d’un mal déjà profond, à un résultat qu’est même le fait terroriste. Toutefois, il s’avère impuissant face aux racines de ce mal qui se déclinent en plusieurs fléaux. Ils ont pour noms, entre autres, la pauvreté, le mal-développement, la mal-gouvernance, les injustices et les griefs entretenus sur certains groupes ethniques et populations par une reproduction des imaginaires nés de l’époque coloniale et reproduits par les Etats postcoloniaux sur des populations entières auxquelles on n’offre que la répression comme réponse. De même, au Sahel, toutes les tentatives infructueuses de privatiser la gestion sécuritaire par le biais de milices d’autodéfense ont, de manière contreproductive, abouti à la stigmatisation de populations qui, frustrées et instrumentalisées, sont finalement allées grossir les rangs de l’Etat islamique au Grand Sahara et d’autres groupes terroristes qui n’ont même plus besoin de l’idéologie djihadiste pour recruter massivement. Différente du contre-terrorisme, la prévention de l’extrémisme violent s’attaque aux causes structurelles de la radicalisation et des frustrations. Cette dimension ne devrait pas être perdue de vue. Sa prise en compte devra passer par la définition préalable des questions les plus urgentes à gérer selon les pays ainsi que de l’environnement extérieur à prendre nécessairement en compte. La conquête des cœurs par le renforcement du sentiment d’appartenance nationale des citoyens des zones transfrontalières et les investissements massifs sur le désenclavement s’avèrent plus durable que de leur imposer des conditions draconiennes de sécurité donnant l’impression d’un Etat à visage répressif. Une plus grande présence de l’État protecteur dont l’interface doit être des forces de défense et de sécurité ayant gagné la confiance des populations et la bataille du renseignement humain, participera du travail de prévention dans une démarche holistique et inclusive.

Quels sont, selon vous, les principaux défis à anticiper dans les prochaines années concernant la sécurité au Sahel, et quelles stratégies devraient être adoptées pour y faire face efficacement ?

Deux des plus grandes préoccupations pour nos États dans les années vont être la communautarisation du terrorisme et la détérioration des rapports entre les États centraux et les communautés locales qui profitent aux groupes terroristes. En fait la stratégie d’AQMI, dans la région semble, aujourd’hui, tourner autour de la création de zones d’instabilité et de l’instrumentalisation des conflits intercommunautaires comme ceux liés au pastoralisme en profitant de la frustration des communautés due aux travers de la lutte contre le terrorisme et des bavures des armées nationales. L’instabilité politique permet à AQMI de prospérer en cherchant surtout des terrains propices aux alliances avec les communautés « persécutées » où il peut y avoir des couveuses locales. Les terroristes ont réussi à se présenter, désormais, comme des protecteurs des populations locales en proie à l’insécurité. Malgré la réadaptation annoncée de la coopération sécuritaire par des pays comme la France, les Etats de la région et leurs partenaires internationaux s’embourbent dans la militarisation à outrance, une fausse solution, elle-même partie intégrante du problème. La dure réalité est que, selon la forme actuelle de la coopération militaire, nos armées s’entraînent en y mettant beaucoup d’énergies et de moyens à des formes de batailles qu’elles n’ont que peu de chance à livrer. Cette stratégie dans laquelle on s’entête en négligeant la part du dialogue avec les communautés avait déjà largement montré ses insuffisances en face de la menace asymétrique. Les États de la région semblent vouloir compenser les échecs de leurs forces de défense et de sécurité par une stratégie qui dresse des milices d’auto-défense et les volontaires contre des communautés ostracisées tout en créant les conditions de recrutements massifs dans ces mêmes communautés. Le fait est qu’à chaque fois que ces armées déclarent, triomphalistes, avoir ratissé telles zones et neutralisé des terroristes, elles sèment, en même temps, les graines des futures conflits intercommunautaires qui embraseront davantage la région.

Dans quelle mesure les répercussions de la crise syrienne, notamment la dispersion des combattants étrangers et les flux d’armes, pourrait-elle aggraver l’instabilité sécuritaire au Sahel et influencer les stratégies des groupes terroristes locaux ?

La conquête de la Syrie aujourd’hui par Hayat Tahrir al-Sham, qui a renversé Bachar Assad, pourrait avoir des implications lointaines en Afrique, d’autant plus que déjà la Syrie était la base à partir de laquelle s’organisait beaucoup de logistique pour la Russie vers le Sahel, le recrutement de mercenaires comme ceux dont certains ont parlé au Niger par exemple etc. Mais aussi c’était un dispositif important pour la Russie, notamment avec les bases militaires de Tartous et de Lattaquié. Et aujourd’hui, je pense que cette situation va priver quand même la Russie de quelques moyens si elle n’arrive pas à négocier avec les nouvelles autorités qui ont pris le pouvoir à Damas, ça va la priver d’une base logistique assez importante qui lui permettrait de se déployer aussi bien en Ukraine qu’au Sahel. Maintenant, sur le terrain en Syrie, le groupe Hayat Tahrir al-Sham est un groupe qui au début est né sur les flancs de l’État islamique avec Jabhat al-Nusra, mais qui a évolué vers l’Al-Qaïda, ce qui pourrait présager un lien entre ces djihadistes et l’Al-Qaïda. Mais au Sahel Al-Qaïda a changé complètement de stratégie, ils ne sont plus dans des stratégies globalistes et globalisantes, ce sont des formes de régionalisation de la stratégie sur le continent africain et dans le Sahel de manière générale. C’est le JNIM qui y est actif, qui est une part de l’Al-Qaïda, mais qui fonctionne de manière très autonome avec des Katibas qui sont ancrés dans les communautés, comme la Katiba Macina qui prend de l’importance. On le voit aujourd’hui, c’est ainsi que l’Al-Qaïda, à travers le JNIM, arrive à avancer au Burkina Faso, mais aussi dans les pays côtiers. Mais je pense que ça peut avoir des implications plutôt lointaines et pas directes pour l’instant. Mais il est sûr que si la guerre en Ukraine venait à prendre fin surtout avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, nous serons dans l’expectative sur la place que va désormais occuper le Sahel dans la stratégie russe.

Rentrée Solennelle de l’AMA-CESTI : Décryptage des enjeux migratoires et climatiques

Le samedi 21 décembre 2024, la Maison de la Presse de Bamako a accueilli la rentrée solennelle de l’Amicale des Anciens Étudiants et Stagiaires Maliens du CESTI de Dakar (AMA-CESTI). Cet événement, placé sous le thème « Migrations, Genre et Changements climatiques : comment construire et diffuser une bonne information ? », a rassemblé experts, journalistes, chercheurs et acteurs institutionnels pour aborder des défis mondiaux à travers le prisme des médias.

Le thème expose l’interconnexion entre migrations, changements climatiques et genre, révélant des enjeux à la fois globaux et locaux. Les perturbations climatiques exacerbent les migrations, touchant particulièrement les femmes, souvent les plus vulnérables dans les contextes de crises économiques et sociales. Face à cette situation, il a été reconnu le rôle stratégique des médias pour sensibiliser, déconstruire les préjugés et influencer les politiques publiques.
Dans son mot de bienvenue, le président de la Maison de la Presse, Bandiougou Danté a félicité l’AMA-CESTI pour le choix de ce thème important. Avant d’appeler les journalistes à s’impliquer davantage sur cette question d’actualité. De son côté, le président de L’AMA-CESTI, Tiégoum Boubèye Maïga a insisté sur la responsabilité des journalistes dans la production d’une information véridique et stratégique pour atténuer les effets des migrations illégales et du changement climatique. Il a rappelé l’importance de la formation continue pour les professionnels de l’information.
« Les migrations sont une tragédie humaine qui ne peut être abordée sans un traitement rigoureux et professionnel de l’information. Les journalistes doivent être des vecteurs de sensibilisation et des acteurs du changement pour encourager des réponses appropriées » a-t-il encouragé.
Pour sa part, le ministre des Maliens établis à l’extérieur et de l’intégration africaine, Mossa Ag Attaher, a mis en avant des chiffres marquants pour contextualiser les enjeux migratoires. Selon les Nations Unies, sur les 281 millions de migrants internationaux dans le monde, 36 millions sont africains, mais 80 % de ces migrations africaines se font à l’intérieur du continent. Il a insisté sur la nécessité d’une coopération renforcée entre les États africains et les médias pour une gestion humaine et efficace des flux migratoires.
« Les migrations, loin d’être une fuite massive vers l’Europe comme certains l’imaginent, sont principalement internes au continent africain. Cette réalité mérite une couverture médiatique équilibrée pour déconstruire les perceptions erronées. Les médias sont essentiels pour alerter sur les causes réelles des migrations, notamment les effets des changements climatiques » a relevé le ministre.
Deux figures majeures ont enrichi les discussions :
Siratigui Traoré, ancien journaliste à l’ORTM, a souligné l’importance des médias pour fournir des informations équilibrées, notamment pour prévenir les migrations forcées liées à des crises économiques ou climatiques.
Mme Cissé Oumou Ahmar Traoré, spécialiste des questions de genre, a exposé les répercussions des changements climatiques sur les femmes, appelant à inclure leurs voix dans les récits médiatiques.
Les échanges ont porté sur plusieurs axes importants. Ainsi, un accent a été mis sur l’importance de produire une information journalistique rigoureuse pour déconstruire les stéréotypes et sensibiliser sur les véritables causes des migrations.
Le rôle des médias dans la mobilisation des décideurs et des communautés autour des enjeux climatiques et migratoires à également été souligné. Il en est de même pour la nécessité d’une synergie entre les gouvernements, les ONG et les médias pour renforcer la résilience des populations vulnérables.
Tous les intervenants ont insisté sur l’urgence d’une action collective. Le président de l’AMA-CESTI a exhorté les journalistes à collaborer avec les institutions publiques et les organisations internationales pour promouvoir des politiques adaptées aux défis migratoires et climatiques. Le ministre, quant à lui, a souligné que les migrations ne sont pas un problème à résoudre mais une réalité à gérer de manière humaine et stratégique.
Cette rentrée solennelle de l’AMA-CESTI a ouvert la voie à un journalisme plus engagé et inclusif, capable de répondre aux défis complexes de notre époque. En articulant migrations, genre et climat, cet événement a dévoilé le rôle majeur des médias pour construire un avenir durable, où l’information devient un levier de changement. AMA-CESTI réitère son engagement à accompagner les professionnels des médias dans cette mission essentielle pour le développement durable et la justice sociale.

CHAN 2025 : La Mauritanie bat le Mali à l’aller, un match retour décisif à Bamako

Les Mourabitounes de Mauritanie ont pris une option sérieuse pour la qualification au Championnat d’Afrique des Nations (CHAN) 2025 en battant les Aigles locaux du Mali sur le score de 1-0, ce dimanche 22 décembre 2024.

Cette rencontre, disputée à Nouakchott, a mis en lumière une équipe mauritanienne solide et opportuniste, qui a su tirer profit de son avantage à domicile pour prendre l’ascendant dans cette double confrontation.

Le match retour, prévu le dimanche 29 décembre 2024, se tiendra au Stade du 26 mars à Bamako. Ce rendez-vous est d’une importance capitale pour les Aigles du Mali, qui devront impérativement s’imposer avec au moins deux buts d’écart pour renverser la situation et décrocher leur ticket pour la phase finale du CHAN 2025. Une victoire 1-0 en leur faveur entraînerait une séance de tirs au but, ajoutant une pression supplémentaire aux joueurs et à l’encadrement technique.
L’édition 2025 du CHAN se déroulera pour la première fois dans trois pays : le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. Prévue du 1ᵉʳ au 28 février 2025, cette compétition réservée exclusivement aux joueurs évoluant dans leurs championnats nationaux représente une opportunité unique de briller sur la scène continentale. Pour les Aigles du Mali, ce serait également l’occasion de redorer leur blason après un début de campagne compliqué.
Un défi de taille pour les Aigles
Le Mali devra se montrer efficace et discipliné pour renverser la situation face à une équipe mauritanienne déterminée et bien organisée. Les supporters maliens, connus pour leur ferveur, seront sans aucun doute au rendez-vous pour pousser leur équipe à la victoire dans ce match décisif.
Le duel du 29 décembre s’annonce comme un moment intense de football pour ces deux nations ouest-africaines, où l’honneur et une place parmi les meilleures équipes du continent sont en jeu.

AES vs CEDEAO : Refus du délai, alerte maximale et rappel des tensions au Sommet d’Abuja

Ce dimanche 22 décembre 2024, le Collège des Chefs d’État de la Confédération des États du Sahel (AES) a diffusé un communiqué ferme et sans concession, lu au journal de 20 heures sur la télévision nationale malienne. Cette déclaration, portée par le Général Assimi Goïta, président de l’AES, rejette catégoriquement la proposition de la CEDEAO de prolonger de six mois le retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger.

Selon l’AES, cette décision est perçue comme une « tentative de déstabilisation orchestrée par des puissances néocoloniales, notamment la France, appuyées par certains États membres de la CEDEAO ». En réponse, l’AES a décrété une mise en alerte maximale de ses forces de défense et de sécurité et a appelé à la vigilance accrue des populations.

Le sommet extraordinaire de la CEDEAO, tenu le 15 décembre 2024 à Abuja, avait marqué une étape clé dans la gestion des relations tendues avec les trois pays membres de l’AES. Lors de cette rencontre, les chefs d’État de la CEDEAO ont décidé d’acter le retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger, prévu initialement pour le 29 janvier 2024, tout en proposant une période de six mois supplémentaires, jusqu’en juillet 2024, pour définir les modalités pratiques de ce départ. Cette décision visait à explorer une éventuelle réintégration de ces États tout en permettant à la CEDEAO de mieux préparer la transition, notamment à travers la délocalisation de ses bureaux et la réorganisation institutionnelle. Toutefois, cette proposition a été rejetée catégoriquement par l’AES.
Dans son communiqué, l’AES a réaffirmé le caractère irréversible et immédiat du retrait de ses membres de la CEDEAO, qualifiant la prolongation de six mois de « tentative dilatoire ». Selon les dirigeants de l’AES, cette décision aurait pour but de permettre aux puissances étrangères, notamment la France, de renforcer des stratégies de déstabilisation dans la région. L’AES accuse également certains dirigeants de la CEDEAO d’être manipulés par des agendas étrangers, sapant ainsi les efforts de souveraineté et d’intégration régionale que la Confédération des États du Sahel entend incarner.
En réponse à cette situation, l’AES a pris des décisions sécuritaires d’envergure. Les forces armées des trois pays membres ont été placées en état d’alerte maximale pour contrer toute menace, qu’elle soit interne ou externe. L’AES a également annoncé la mise en place d’un théâtre unique d’opérations militaires couvrant l’ensemble de l’espace confédéral, ce qui permet une coordination renforcée face aux défis sécuritaires communs, tout en maintenant les opérations militaires nationales. Par ailleurs, un appel a été lancé aux populations pour redoubler de vigilance et collaborer étroitement avec les forces de sécurité. Elles sont invitées à signaler tout comportement suspect et à rejeter catégoriquement toute tentative d’enrôlement dans des groupes terroristes.
Le communiqué de l’AES accuse ouvertement la France de dissimuler ses ambitions néocoloniales derrière la fermeture apparente de certaines bases militaires. Selon l’AES, ces bases seraient remplacées par des dispositifs plus discrets mais tout aussi opérationnels. L’AES dénonce également un soutien logistique et financier apporté à des groupes armés dans des zones frontalières sensibles, notamment entre le Niger et le Nigeria, le Niger et le Bénin, ainsi que le Burkina Faso et le Bénin. Ces activités viseraient à alimenter une instabilité régionale, compromettant ainsi les efforts sécuritaires de l’AES.
Incident diplomatique entre le Niger et le Nigeria
La situation s’est également tendue sur le plan diplomatique, notamment entre le Niger et le Nigeria. Récemment, le ministre des Affaires étrangères du Niger a convoqué la chargée d’affaires de l’ambassade du Nigeria à Niamey pour protester contre l’installation présumée de bases militaires étrangères à la frontière entre les deux pays. L’AES soupçonne que ces installations pourraient servir de plateforme pour des actions visant à déstabiliser la région et compromettre la souveraineté du Niger.
Les tensions entre l’AES et la CEDEAO démontrent des divergences profondes sur les questions de souveraineté et de gouvernance régionale. Alors que la CEDEAO cherche à préserver son intégrité et son influence dans la région, l’AES entend s’affirmer comme une entité souveraine et indépendante, rejetant toute ingérence étrangère. Toutefois, cette crise risque d’avoir des répercussions majeures sur la stabilité régionale, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires.
À l’approche de l’échéance de janvier 2025, les tensions entre l’AES et la CEDEAO semblent s’aggraver, laissant peu de place à un compromis. L’AES, forte de sa dynamique souverainiste, devra relever des défis sécuritaires et diplomatiques de taille, tandis que la CEDEAO devra ajuster ses stratégies pour éviter une escalade régionale. La stabilité et la paix au Sahel restent suspendues à l’issue de cette confrontation entre deux visions diamétralement opposées de l’avenir de la région.

AIPMK : Pose de la première pierre de la nouvelle Tour de contrôle moderne et du Bloc Technique

Le Premier ministre a présidé le samedi 21 décembre, une cérémonie consacrée à la pose de la première pierre de la nouvelle Tour de contrôle moderne et du Bloc Technique de l’Aéroport international Président Modibo KEITA Sénou. Cet événement a également marqué l’inauguration officielle de la nouvelle Base de sauvetage et de lutte contre l’incendie (SLI).

Plusieurs membres du Gouvernement ainsi que le Directeur général de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) étaient présents, témoignant de l’importance de ces projets pour le renforcement de la sûreté et de la sécurité aériennes au Mali.
Le coût de la construction de la Tour de contrôle et du Bloc technique s’élève à 4,45 milliards de francs CFA, avec un délai d’exécution de 30 mois. Quant à la nouvelle caserne des pompiers, elle représente un investissement supplémentaire de plus de 1,3 milliard de francs CFA. Ces infrastructures ambitieuses s’inscrivent dans une vision globale de modernisation et de développement de l’aéroport, considéré comme une infrastructure stratégique pour le pays.
Dans son discours, Mme Dembélé Madina Sissoko, Ministre des Transports et des Infrastructures, a détaillé les caractéristiques de ces nouvelles installations. La Tour de contrôle, construite sur une structure de R+7, abritera des services de navigation aérienne et de veille météorologique. Le Bloc technique, quant à lui, conçu en R+2, regroupera les services techniques de la Représentation de l’ASECNA, optimisant ainsi les opérations de maintenance et de supervision.
Le Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga, a souligné l’importance stratégique de ces projets pour la sécurité et la sûreté aérienne au Mali. Interrogé par la presse, il a rappelé que ces réalisations interviennent dans un contexte national marqué par des défis sécuritaires et économiques majeurs. « Ces infrastructures sont le fruit de l’engagement des autorités maliennes à offrir un cadre de travail moderne et approprié, garantissant ainsi des services de qualité en navigation aérienne et météorologie, » a-t-il déclaré.
Cet effort d’investissement est d’autant plus significatif qu’il a été réalisé en partenariat avec l’ASECNA, organisme régional jouant un rôle central dans la sécurité et la gestion du trafic aérien en Afrique. Le Directeur général de l’ASECNA a également pris la parole pour féliciter les autorités maliennes pour leur vision et leur détermination.
La construction de ces infrastructures marque une étape majeure dans le processus de modernisation de l’aéroport international Président Modibo KEITA Sénou, porte d’entrée principale du Mali. Ce projet renforce non seulement la capacité opérationnelle de l’aéroport, mais positionne également le Mali comme un acteur crédible et engagé dans le domaine du transport aérien.
Avec un délai de réalisation ambitieux et une implication forte des partenaires techniques et financiers, cette initiative est une promesse d’avenir pour le secteur aérien malien.
La modernisation de l’aéroport Président Modibo KEITA Sénou, véritable porte d’entrée économique et diplomatique du pays, s’inscrit ainsi dans une dynamique de progrès et de résilience face aux défis.

5e congrès ordinaire de l’URD : Un nouveau Bureau exécutif et des réformes pour renforcer la présence politique

L’Union pour la République et la Démocratie (URD) a organisé son 5ᵉ congrès ordinaire au Centre International de Conférences de Bamako (CICB), le samedi 21 décembre 2024. Ces Assises ont rassemblé des délégués venus de toutes les régions du Mali, témoignant de la vitalité et de l’engagement des militants du parti. 

Plus de 1 300 délégués étaient présents et la salle principale, pleine à craquer, a obligé les organisateurs à installer des écrans géants pour accueillir les nombreux militants restés à l’extérieur.
Lors de ce congrès, un Bureau Exécutif National (BEN) consensuel de plus de 300 membres a été mis en place pour un mandat de cinq ans. Gouagnon Coulibaly, président sortant, a été reconduit à l’unanimité, consolidant ainsi son leadership et la confiance que lui accordent les membres du parti. Par ailleurs, Abass Diallo, acteur clé dans la fondation de l’URD en 2003 et fidèle collaborateur de feu Soumaïla Cissé, a été reconduit à la commission des finances, poste qu’il occupe depuis la création du parti.
Les délégués ont approuvé des amendements aux statuts et au règlement intérieur de l’URD, visant à adapter le fonctionnement du parti à la nouvelle réorganisation territoriale et administrative du pays. Désormais, l’URD compte 166 sections à l’intérieur du pays et 44 sections à l’extérieur, renforçant ainsi sa présence territoriale. Ces modifications reflètent la volonté de l’URD de rester en phase avec les évolutions institutionnelles du Mali.
Appel à la cohésion nationale et à la réconciliation
Dans son discours, Gouagnon Coulibaly a salué les avancées de la Transition malienne, notamment l’adoption d’une nouvelle Constitution et la création de l’Alliance des États du Sahel. Il a également plaidé pour la libération des détenus politiques et le retour des exilés, soulignant l’importance de l’apaisement du climat socio-politique pour le développement harmonieux du pays. Ce 5ᵉ congrès, placé sous le thème « L’URD pour la paix, la prospérité, le renouveau politique et social du Mali », a également réuni plusieurs partis politiques amis, témoignant de la reconnaissance et du respect qu’inspire l’URD au-delà de ses rangs.
Préparation des échéances électorales
Le congrès a défini une feuille de route stratégique en vue des prochaines élections générales. L’URD ambitionne de présenter des candidats compétitifs et de jouer un rôle déterminant sur l’échiquier politique national, réaffirmant ainsi son engagement en faveur de la démocratie et du progrès social. Cette ambition s’inscrit dans la continuité des victoires électorales obtenues grâce au leadership de feu Soumaïla Cissé et au travail acharné des figures majeures du parti, dont Abass Diallo.
Depuis le décès de son leader charismatique, Soumaïla Cissé, en décembre 2020 des suites du COVID-19, l’URD a traversé une période de bouleversements. Cissé, ancien chef de file de l’opposition malienne, avait été enlevé le 25 mars 2020 par des groupes armés alors qu’il faisait campagne pour les élections législatives dans la région de Tombouctou. Il avait été libéré le 6 octobre 2020, après plus de six mois de captivité.
Sa disparition a laissé un vide au sein du parti, entraînant des départs de figures influentes mécontentes de la nouvelle orientation prise par l’URD. Cependant, le 5ᵉ congrès ordinaire a prouvé la résilience du parti. Sous la direction de leaders comme Gouagnon Coulibaly et Abass Diallo, l’URD a maintenu la cohésion et l’unité de ses rangs, malgré les divisions et les convoitises.
Abass Diallo, homme de confiance de feu Soumaïla Cissé, a particulièrement contribué à préserver l’héritage de ce dernier et à conduire le parti à travers ces défis. Sa rigueur, sa fidélité et son sens des responsabilités ont permis de consolider les acquis de l’URD et de lui assurer une place de premier plan sur l’échiquier politique national.
Ce congrès marque une étape importante dans la refondation de l’URD, qui aspire à renforcer sa position sur la scène politique malienne et à contribuer activement à la consolidation de la démocratie et de la paix dans le pays.

 

Les garanties publiques stimuleraient l’industrie verte européenne

 Au cours des deux dernières années, l’Union européenne a fait du développement de son secteur des technologies propres une priorité absolue. Comme l’a souligné la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ce secteur est essentiel à la compétitivité économique, à la sécurité énergétique et au leadership industriel de l’Union.

L’UE possède un avantage en matière d’innovation dans plusieurs technologies propres, de l’hydrogène vert au stockage de l’énergie à long terme. Mais il est difficile de commercialiser ces technologies sur le continent. Un déficit d’investissement d’environ 50 milliards d’euros (52 milliards de dollars) doit être comblé pour fabriquer, d’ici à 2030, au moins 40 % des dispositifs solaires et éoliens, des batteries, des pompes à chaleur, des électrolyseurs d’hydrogène et des technologies de captage et de stockage du carbone que l’UE doit déployer.

Lors de la présentation de son récent rapport historique sur la compétitivité européenne, l’ancien premier ministre italien Mario Draghi a succinctement résumé le problème : « Il y a trop d’obstacles à la commercialisation des innovations et à leur mise à l’échelle dans l’Union européenne« . En particulier, l’UE doit développer de nouvelles méthodes de production et de nouvelles méthodes de financement de la construction d’usines « premières dans leur genre », qui nécessitent de longs délais de mise en œuvre, l’accès à de grandes quantités de capitaux et une main-d’œuvre hautement qualifiée.

Les États-Unis et la Chine, reconnaissant que les industries vertes peuvent générer des emplois et de la prospérité, ont canalisé des milliards de dollars dans ces secteurs. La loi sur la réduction de l’inflation du président américain Joe Biden, qui offre des crédits d’impôt pour la production nationale de technologies propres, devrait débloquer plus de 3 000 milliards de dollars d‘investissements privés au cours de la prochaine décennie, selon une analyse de Goldman Sachs. La Chine, pour sa part, a largement subventionné son industrie solaire, entre autres.

L’UE n’a pas la puissance de feu fiscale de la Chine et des États-Unis. Ainsi, au lieu de construire ces industries par le biais de subventions généreuses et d’incitations fiscales, les décideurs politiques européens doivent utiliser les fonds publics de manière à attirer les capitaux privés. C’est là que les garanties publiques entrent en jeu.

Les clients attendent souvent des entreprises qui vendent des technologies non éprouvées à l’échelle commerciale qu’elles offrent des garanties étendues au cas où le produit ne fonctionnerait pas comme annoncé. Ces garanties sont appuyées par des garanties bancaires, pour lesquelles les entreprises sont tenues de détenir un nantissement complet. Or, les entreprises de technologies propres ont besoin de niveaux d’investissement relativement élevés pour développer et étendre leurs activités, et le fait de détenir de grandes quantités de liquidités en guise de garantie bloque des capitaux qui pourraient être mieux utilisés pour construire des installations supplémentaires, embaucher et former des travailleurs et honorer les commandes des clients.

Pour alléger ce fardeau, le secteur public pourrait fournir des contre-garanties, en promettant de rembourser une partie de tout paiement effectué par une banque à un client. Les experts du secteur ont préconisé cet instrument comme moyen de décarboniser les industries à forte consommation d’énergie et de réduire les risques d’investissement dans les technologies propres. Il figure également en bonne place dans le rapport qui invite l’UE à accroître sensiblement « l’utilisation des garanties […] pour soutenir les secteurs stratégiques de l’économie« .

Les garanties publiques se sont déjà avérées efficaces pour développer l’innovation dans le domaine des technologies propres en Europe. En 2022, Bpifrance, la banque publique d’investissement française, a garanti un financement de 51 millions d’euros à Verkor, un fabricant français de batteries. Cette garantie a permis à Verkor d’obtenir des investissements privés et un engagement de Renault à s’approvisionner en batteries pour véhicules électriques auprès de l’entreprise, ce qui lui a permis de lancer la construction de sa première gigafactory, à Dunkerque.

Ces garanties sont très efficaces, chaque euro d’argent public débloquant jusqu’à des milliers d’euros de fonds de roulement pour les innovateurs. Par exemple, un mécanisme de garantie de 5 milliards d’euros créé par la Banque européenne d’investissement pour les entreprises du secteur éolien soutiendra jusqu’à 80 milliards d’euros de nouveaux investissements dans cette importante source d’énergie renouvelable.

En outre, l’argent du contribuable n’est dépensé que si une demande d’indemnisation est présentée, ce qui, d’après les données disponibles, est rare. La Chambre de commerce internationale estime que le taux de perte moyen pour les garanties se situe entre 0,2 % et 1,7 %. Si le risque est plus élevé pour les technologies innovantes, il vaut la peine d’être pris pour soutenir des solutions climatiques susceptibles de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de créer des emplois verts et de futures recettes fiscales.

Une évolution positive est que la BEI a proposé un instrument de contre-garantie de 500 millions d’euros pour les entreprises de technologies propres, en attendant l’approbation de son conseil d’administration au début de l’année 2025. Si la BEI concrétise cette promesse, certaines des entreprises européennes les plus prometteuses dans le domaine des technologies propres atteindront probablement la viabilité financière, ce qui favorisera la compétitivité économique de l’Union et constituera une aubaine pour la planète.

 

Doris Hafenbradl est directeur de la technologie et directeur général d’Electrochaea, une startup qui propose une solution de stockage de l’énergie sous forme de méthane.

 

 Project Syndicate, 2024.
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L’exploitation minière responsable peut contribuer aux objectifs environnementaux mondiaux

 Alimentée par la transition vers les énergies propres et par la flambée des prix de l’or, la demande de minéraux et de métaux essentiels augmente à un rythme sans précédent. Cette tendance entraîne une intensification des activités minières, ce qui constitue une sérieuse menace pour la biodiversité et les populations vulnérables, en particulier pour les communautés autochtones. Afin d’en atténuer l’impact et d’éviter le pire, une action mondiale coordonnée est plus urgente que jamais.

 

L’exploitation des minéraux et des métaux est évidemment indispensable à la transition énergétique ainsi qu’à la croissance économique mondiale. Pour autant, elle met également en péril les écosystèmes essentiels à la vie, entraînant destruction et fragmentation des habitats, déforestation, pollution de l’eau et des sols, empoisonnement des espèces sauvages, insécurité alimentaire, et disparition des bassins versants. Les communautés autochtones et locales sont souvent les premières victimes de cette crise, qui menace leurs moyens de subsistance ainsi que leur droit à un environnement propre et sain.

Dans le même temps, selon plusieurs études récentes, la demande de minéraux critiques, principalement alimentée par l’accélération de la transition écologique, devrait doubler d’ici 2030, et quadrupler d’ici 2040. Il faut par ailleurs s’attendre à ce que la baisse des taux d’intérêt, l’incertitude géopolitique, la diversification des portefeuilles et les investissements spéculatifs poussent les prix de l’or encore davantage à la hausse.

Dans ce contexte, la Colombie a récemment appelé à la conclusion d’un accord international contraignant visant à garantir la traçabilité, la transparence et la responsabilité sur l’ensemble de la chaîne de valeur des minéraux – de l’exploitation minière jusqu’au recyclage – d’ici à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP30) qui se tiendra l’an prochain au Brésil.

Dévoilée lors de la 16e Conférence des parties (COP16) à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, qui a eu lieu en Colombie, cette proposition suit les recommandations du groupe d’experts auprès du secrétaire général des Nations Unies sur les minéraux essentiels à la transition énergétique. Elle vise à renforcer le devoir de diligence, à promouvoir la responsabilité des entreprises, ainsi qu’à établir un marché mondial pour les intrants indispensables aux énergies propres. Elle repose sur l’engagement consistant à promouvoir l’extraction responsable des minéraux et des métaux, sans renoncer aux objectifs en matière d’environnement et de biodiversité. À cette fin, la proposition de la Colombie était accompagnée d’une déclaration volontaire conjointe sur les pratiques minières responsables, qui énonçait une série de mesures concrètes, notamment la création d’un groupe de travail intergouvernemental et multipartite ad hoc.

Il n’est pas surprenant que la Colombie, l’un des pays les plus riches en biodiversité au monde, s’inscrive en première ligne des efforts visant à promouvoir des pratiques minières responsables. L’extraction illégale d’or et de minerais en Amazonie colombienne ainsi que le long de la côte pacifique – souvent contrôlée par des groupes criminels armés – contamine au mercure les sources d’eau, et met en péril les communautés locales et autochtones. L’exploration des terres rares dans la région de l’Amazone et de l’Orénoque vient aggraver ces chocs environnementaux et sociaux, les travailleurs les plus vulnérables de l’industrie étant contraints d’endurer des conditions précaires, proches de l’esclavage.

L’histoire de la Colombie en matière de conflits armés et de déplacements intérieurs, ainsi que la menace soulevée par les groupes criminels qui ciblent les communautés autochtones, d’origine africaine et locales, soulignent la nécessité d’une approche de l’extraction minière qui soit fondée sur les droits de l’homme. Dans cette perspective, la déclaration conjointe préconise une transition écologique juste, qui garantisse des conditions de vie dignes pour tous.

L’expérience de l’Afrique offre de précieuses indications sur la manière de parvenir à une extraction responsable des ressources. Au cours de la dernière décennie, de nombreux pays africains ont adopté des exigences de diligence raisonnable ainsi que des normes de traçabilité concernant le tantale, l’étain, le tungstène et l’or, en s’appuyant sur des cadres tels que la Déclaration de Lusaka de 2010. Cet accord historique, adopté par les États membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, a introduit plusieurs mécanismes de responsabilité, notamment un système de certification régional visant à renforcer la transparence ainsi qu’à réduire l’exploitation minière illégale.

De même, le Guide OCDE de 2016 sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque fournit aux entreprises qui s’approvisionnent en matières premières dans des régions instables un certain nombre d’outils pratiques leur permettant d’identifier et de signaler les violations des droits de l’homme ainsi que les atteintes à l’environnement. Plusieurs cadres adoptés par la suite, tels que le Guide OCDE de 2018 sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises et les Principes directeurs de 2023 à l’intention des sociétés multinationales sur la conduite responsable des entreprises, ont incité les entreprises à prendre en compte les effets plus larges de leurs activités, en abordant des questions telles que le droit du travail, la durabilité et la gouvernance éthique.

Malheureusement, l’application et le contrôle du respect de ces mesures demeurent largement confinés à des régions spécifiques. En facilitant l’échange transfrontalier de connaissances et d’expertise, les dirigeants politiques mondiaux pourraient élaborer de solides mécanismes de responsabilité, couvrant l’ensemble du cycle de vie des métaux et des minéraux, de l’extraction et du commerce jusqu’au recyclage et à l’élimination.

La coopération multilatérale est essentielle pour mener à bien cette transformation. L’initiative de la Colombie marquera, espérons-le, l’émergence d’un nouveau paradigme qui stimulera l’action climatique mondiale, et qui ouvrira la voie au développement durable.

 

Mauricio Cabrera Leal est ministre adjoint chargé des politiques et réglementations au sein du ministère de l’Environnement et du Développement durable de la Colombie.

 

Project Syndicate, 2024.
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Mine de Goulamina: Optimiser la création de richesses

Dans un contexte tourné vers les solutions d’énergie décarbonée et la forte demande en batteries performantes et durables, le lithium se retrouve au cœur de la stratégie de développement des énergies renouvelables. Avec la récente inauguration de sa première usine de lithium à Goulamina, le Mali ambitionne d’occuper le leadership dans la production de ce minerai en Afrique de l’Ouest. Pour profiter des atouts de ce secteur, le pays doit voir au-delà de l’extraction.

Selon les estimations du Fonds Monétaire International (FMI), l’Afrique subsaharienne possède environ 30% des réserves prouvées de minerais essentiels. Mais, pour tirer parti de ce potentiel, l’institution financière préconise des stratégies aux plans national et régional.

Le Zimbabwe, le Mali et la République Démocratique du Congo possèdent des gisements substantiels de lithium, « même s’ils sont encore inexplorés », estime le FMI. Les estimations de recettes tirées de l’extraction de quatre minerais-clés (Cuivre, nickel, cobalt et lithium) au cours des 25 prochaines années pourraient atteindre 16 000 milliards de dollars. L’Afrique subsaharienne pourrait récolter 10% de ces recettes, soit une augmentation possible de 12% de son PIB d’ici 2050.

Créer la valeur ajoutée

Au Mali, la mine de Goulamina, située au sud du pays, dans la région de Bougouni, qui est entrée en production ce 15 décembre, est la première mine de lithium d’Afrique de l’Ouest. C’est une mine de classe mondiale qui va propulser le pays à la deuxième place des producteurs africains et à la cinquième au plan mondial. Le pays pourrait même devenir le premier producteur africain si sa deuxième mine de lithium, située dans la même région, entrait en production en 2025.

Avec un premier chiffre d’affaires annuel de 680 milliards de francs CFA et 71 milliards de dividendes, dont 30% reviendront à l’État et 5% au secteur privé, le Mali pourra également compter sur environ 30 milliards pour le Fonds de développement local et l’application de la loi sur le contenu local, qui permet que tous les travaux de sous-traitance soient effectués par des entreprises maliennes.

Mais, pour davantage de retombées, l’État doit avoir une vision stratégique, notamment la capacité de négocier afin de mettre en place une usine de fabrication de batteries. Cela lui évitera d’exporter tout son minerai brut et empêchera la répétition du modèle de l’or, explique M. Djibril Diallo, expert minier. Ainsi, les batteries à lithium, qui coûtent actuellement très cher, pourraient avoir des coûts plus intéressants pour la population et faciliter l’accès à l’énergie solaire, contribuant ainsi à réduire le déficit énergétique. L’usine constituerait également une possibilité supplémentaire de création de richesses, mais sa mise en place nécessitera une implication au plus haut niveau.

Fatoumata Maguiraga

Chiffres :

– Capacité : 506 000 tonnes de spodumène par an

– Chiffre d’affaires : 680 milliards de francs CFA

– Emplois directs et indirects : 2000

CEDEAO – AES : Une période transitoire pour éviter le divorce ?

À l’issue de la 66ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO, tenue à Abuja le 15 décembre 2024, l’organisation a décidé d’octroyer une période de transition supplémentaire de six mois avant d’acter définitivement le retrait des pays de l’AES.

Bien que le divorce semble inévitable entre les deux organisations, la CEDEAO laisse ses portes ouvertes à un retour en son sein du Burkina Faso, du Mali et du Niger, tout en examinant les modalités de leur départ.

Dans le communiqué final de ce 66ème sommet, la CEDEAO indique avoir pris note de la notification par la République du Mali, la République du Niger et le Burkina Faso de leur décision de se retirer de l’organisation. Elle reconnaît que, conformément aux dispositions de l’article 91 du Traité révisé de 1993, les trois pays cesseront officiellement d’être membres de la CEDEAO à partir du 29 janvier 2025.

Cependant, la note précise que « la Conférence décide de fixer la période du 29 janvier au 29 juillet 2025 comme période de transition au cours de laquelle les portes de la CEDEAO resteront ouvertes au retour des trois pays ».

Pendant cette période, la Commission de la CEDEAO devra gérer la situation des salariés contractuels de l’organisation originaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger, tout en préparant le déménagement des différentes agences communautaires dont les sièges sont situés dans ces trois États, membres fondateurs de la communauté ouest-africaine.

Une session extraordinaire du Conseil des ministres de la CEDEAO se tiendra également au cours du deuxième trimestre 2025 pour examiner et adopter à la fois les modalités de séparation et le plan de contingence couvrant les relations politiques et économiques entre la CEDEAO et les trois pays de la Confédération des États du Sahel.

Ultime médiation

Parallèlement à la finalisation du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger, la CEDEAO continuera de dialoguer avec les dirigeants de ces trois pays pour tenter de les convaincre de revenir sur leur décision de quitter le bloc sous-régional.

Le sommet du 15 décembre a décidé de proroger le mandat des Présidents sénégalais et togolais, Bassirou Diomaye Dhiakar Faye et Faure Essozimna Gnassingbé, « pour poursuivre leur médiation jusqu’à la fin de la période de transition, en vue du retour des trois pays ».

Selon la Présidence sénégalaise, le Président Faye devrait effectuer une visite dans les prochaines semaines dans les trois pays pour « poursuivre le dialogue diplomatique en vue de leur réintégration ». Bassirou Diomaye Dhiakar Faye s’était déjà rendu au Mali et au Burkina Faso le 30 mai dernier.

Cependant, l’hypothèse d’un retour des trois pays membres de l’AES au sein de la CEDEAO semble peu probable. Réunis à Niamey le 13 décembre dernier pour débattre de la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace AES, les ministres des Affaires étrangères des trois pays ont réaffirmé le caractère irréversible de leur décision de quitter la CEDEAO.

La période supplémentaire de dialogue entre les médiateurs de la CEDEAO et les dirigeants des pays de l’AES pourrait-elle aboutir à une réconciliation entre les deux blocs ? « Rien n’est exclu. Les lignes peuvent encore bouger, mais, au vu de la situation actuelle, il sera très difficile pour les médiateurs de la CEDEAO de convaincre les chefs d’État de l’AES de retourner au sein de l’organisation ouest-africaine. Je pense qu’il faudrait plutôt discuter des modalités de ce retrait et surtout de la cohabitation future entre la CEDEAO et l’AES », répond Ibrahim Sidibé, analyste politique.

Dr Amidou Tidiani, enseignant-chercheur à l’Université Paris-13, partage cet avis. Selon lui, il est très peu probable que le Mali, le Niger et le Burkina Faso, avec leurs autorités actuelles, décident de revenir au sein de la CEDEAO. « Encore plus si la CEDEAO s’inscrit dans une dynamique purement politique, elle n’obtiendra pas de fléchissement de la part des pays de l’AES », conclut-il.

Mohamed Kenouvi

Ségou : Commémoration de la Journée internationale des migrants 2024

La salle de conférence de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Ségou a accueilli, le jeudi 19 décembre, le lancement officiel de la Journée Internationale des Migrants, édition 2024.

Pour la circonstance, le présidium était occupé par le Premier Ministre le Général de Division Abdoulaye Maïga, le ministre des Maliens établis à l’Exterieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher.
L’événement a réuni les autorités administratives et communales de Ségou, des représentants des partenaires techniques et financiers, des services techniques, des organisations de la société civile, des notables et d’autres personnalités de la région.
Le thème retenu pour cette édition est : « Migrations, Genre et Changements climatiques : quelle protection pour les personnes en mobilité ? ». Ce thème met l’accent sur la protection des migrants, particulièrement les populations vulnérables, dans un contexte mondial marqué par les changements climatiques.
D’après l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), plus de 30 000 migrants ont perdu la vie ou disparu au cours des dix dernières années en tentant de rejoindre l’Europe, avec 8 606 décès enregistrés en 2023 et 6 997 en 2024.
Le Ministère des Maliens Établis à l’Extérieur, en collaboration avec l’OIM, a mis en œuvre des mesures pour réduire les impacts de la migration irrégulière. Ces efforts ont permis le retour volontaire et digne de plus de 44 000 Maliens au cours des dernières années, dont 9 000 en 2024, ainsi que la réinsertion socio-économique de 33 000 personnes.

Drogue au Mali : Le trafic et la consommation en hausse

Le phénomène du trafic de drogue et de substances psychoactives prend des proportions inquiétantes dans le pays. Le rapport des neuf premiers mois de 2024 de l’Office Central des Stupéfiants (OCS) décrit une réalité alarmante. Le pays est devenu un point névralgique pour les trafiquants internationaux, tandis qu’une majorité des acteurs impliqués sont des nationaux, en grande partie des jeunes âgés de 18 à 39 ans. Ce fléau pose de sérieux défis à la stabilité et au développement.

Depuis un certain temps, le Mali est confronté à une crise préoccupante liée au trafic de drogues et de substances psychoactives. La situation tend à échapper à tout contrôle, comme en témoigne le rapport des neuf premiers mois de 2024 de l’OCS. Le pays est en passe de devenir une plaque tournante du trafic de drogue. Le constat est qu’une majorité des acteurs de ce trafic sont des nationaux, principalement des jeunes. En effet, plus de 75% des personnes impliquées dans le trafic de stupéfiants se situent dans la tranche d’âge de 18 à 39 ans.

Au cours de cette période, les autorités maliennes ont interpellé 372 personnes, dont 355 de nationalité malienne, soit 95,43% des interpellés, et 17 étrangers, soit 4,57%. Parmi les interpellés, 41 étaient des femmes (11,02%) et 331 des hommes (88,98%). Les statistiques révèlent également que 231 personnes ont été déférées (62,10%), tandis que 141 sont toujours recherchées (37,90%). Ces chiffres soulignent l’ampleur du problème et la nécessité d’actions concertées pour faire face à cette crise.

Par ailleurs, les saisies de drogues dans le pays montrent une tendance inquiétante. En effet, les autorités ont saisi plus de 4,708 tonnes de produits pharmaceutiques contrefaits, ainsi que 26,32 kg de cocaïne. Le cannabis demeure la drogue la plus couramment saisie, suivi de produits comme le Skunk et le Kush.

De plus, les régions de Sikasso, Bougouni et Dioïla sont particulièrement préoccupantes, affichant des volumes de saisies élevés, ce qui indique une activité intense de trafic dans ces zones. Les chiffres révèlent également des saisies notables, avec 20 498 pieds de cannabis découverts.

Des champs utilisés comme couvertures

La découverte de champs de cannabis est particulièrement révélatrice de la stratégie des trafiquants et de leur capacité à s’adapter à n’importe quel environnement. Ainsi, des champs de 15 000 pieds à Bougouni, 5 000 pieds à Dioïla et 4 800 pieds à Sikasso ont été identifiés, illustrant l’ampleur de la culture illicite. Ces plantations témoignent d’un changement de tactique de la part des trafiquants, qui s’adaptent aux dispositifs de sécurité mis en place tout en continuant à alimenter le marché local.

Il convient de préciser également que la violence des trafiquants représente un autre défi majeur. Pour protéger leurs activités, ces derniers n’hésitent pas à s’armer. Des interpellations ont conduit à la saisie d’armes, dont des pistolets artisanaux, et de munitions. Cette militarisation du trafic crée des risques importants pour la sécurité publique et démontre la nécessité d’une réponse adaptée de la part des autorités.

Pourtant, le cadre législatif national en matière de drogues distingue le trafic et la consommation, avec des peines spécifiques pour chaque infraction. La Loi N°01-078/AN-RM du 18 juillet 2001 sur le contrôle des drogues et des précurseurs, modifiée par l’Ordonnance n°2013-012/P-RM du 2 septembre 2013, a notamment créé l’Office Central des Stupéfiants (OCS), chargé de coordonner les actions de lutte contre le trafic illicite de drogues. Les sanctions prévues pour le trafic, la détention et le transport de drogues sont sévères, allant de 5 à 10 ans d’emprisonnement. En revanche, la consommation est qualifiée de délit, passible d’une peine d’emprisonnement de 6 mois à 3 ans.

Notons également que le Mali est signataire de plusieurs conventions internationales relatives aux stupéfiants, notamment la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 et la Convention des Nations unies contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes de 1988. Ces engagements ont influencé la législation nationale, notamment en ce qui concerne la classification des infractions liées aux drogues et les sanctions correspondantes.

L’OCS, en tant qu’organisme d’enquête principal, est composé d’agents de divers services, tels que la police, la gendarmerie, la douane, la justice et la santé, qui travaillent ensemble pour prévenir et réprimer le trafic de drogues.

La jeunesse, une cible privilégiée

Le rapport souligne aussi les conséquences désastreuses de la toxicomanie sur la jeunesse malienne. La dépendance accrue aux drogues entraîne une série de problèmes sociaux et économiques. Les jeunes, souvent en proie à des conditions de vie précaires, sont de plus en plus attirés par le trafic et la consommation de drogues. Cela a des répercussions directes sur leur santé, entraînant une augmentation des maladies chroniques et des troubles mentaux. De plus, cette situation favorise la criminalité, avec des jeunes impliqués dans des actes de vol et de violence pour financer leur consommation.

L’impact de cette crise va au-delà de la santé individuelle. Un avenir marqué par une jeunesse dépendante des drogues est synonyme d’une diminution de la productivité et un affaiblissement du capital humain. Une main-d’œuvre malade et dépendante compromet les secteurs économiques clés, limite l’innovation et freine le développement industriel. Cette situation engendre également une baisse de l’engagement scolaire, réduisant ainsi le niveau d’éducation et les compétences disponibles sur le marché du travail.

Les statistiques du rapport des 9 premiers mois de l’année dressé par l’OCS révèlent des tendances inquiétantes concernant la participation des femmes dans le trafic. Bien que représentant une minorité des interpellés, leur nombre est en augmentation. Cela pourrait signaler une évolution dans la dynamique du trafic, avec des femmes prenant un rôle plus actif dans les activités criminelles, ce qui mérite une attention particulière.

En parallèle, les rapports sur les saisies de drogues en 2023 montrent une augmentation alarmante des quantités saisies par rapport aux années précédentes. Rappelons qu’en 2022 les autorités ont saisi 36,89 tonnes de cannabis et plus de 823 706 comprimés de Tramadol. En 2023, les saisies de cocaïne ont également augmenté, atteignant 11,028 kg. Cette tendance souligne la nécessité d’une vigilance continue face à la montée des activités criminelles.

Dans le même temps, force est de reconnaître que l’axe Dakar – Bamako est devenu une route stratégique pour les trafiquants, facilitant le transit des drogues entre le Sénégal et le Mali. Plusieurs opérations récentes ont démontré cette dynamique, révélant l’implication de réseaux internationaux sophistiqués. En février 2024, un réseau de trafic de Tramadol opérant entre Dakar, Bamako et Niamey a été démantelé, mettant en évidence la complexité et l’envergure du problème, qui est en passe de se transformer en crime transfrontalier.

Les groupes armés non étatiques jouent également un rôle dans l’intensification du trafic. Ils tirent profit de la situation en taxant les trafiquants pour leur garantir un passage sécurisé à travers les zones qu’ils contrôlent. Ce qui contribue à l’instabilité croissante dans la région, rendant la lutte contre le trafic encore plus complexe.

La situation actuelle nécessite une réponse collective et concertée. Les efforts de l’OCS, bien que significatifs, doivent être renforcés pour faire face à l’évolution des méthodes des trafiquants et à la violence. L’engagement des autorités maliennes dans la lutte contre le trafic de drogues sera déterminant pour restaurer la sécurité et protéger la jeunesse du pays.

Le Mali fait donc désormais face à une crise qui touche profondément sa société et son économie. La participation notoire des jeunes dans le trafic, couplée à une violence accrue, pose des défis majeurs pour l’avenir. Dans ce contexte, l’heure doit être consacrée à l’union des efforts pour combattre ce fléau et offrir des perspectives d’avenir à la jeunesse malienne, afin de prévenir une détérioration supplémentaire de la situation. Selon de nombreux experts de la question, pour lutter efficacement contre ce fléau, protéger la jeunesse et assurer la stabilité de la Nation, il faut une approche intégrée alliant répression, sensibilisation et prévention.

Massiré Diop

Agansi Awards: 10 artistes plasticiens primés lors de la 1ère édition

La première édition des Agansi Awards, une cérémonie de récompense en l’honneur des artistes plasticiens, s’est déroulée le 14 décembre 2024 au complexe culturel Blonba de Bamako.

Au total, 25 prix ont été décernés à des artistes plasticiens et à d’autres acteurs de la culture malienne. Parmi ces artistes, 10 proviennent du programme « Les artistes de Agansi ».
Le programme « Les artistes de Agansi », lancé en 2021, consiste à offrir des opportunités de renforcement des capacités et de suivi des artistes plasticiens. À la suite d’un appel à candidatures, ces 10 artistes ont été retenus et ont bénéficié de résidences de création, d’ateliers thématiques, ainsi que d’une campagne digitale pour leur donner de la visibilité.
Cette soirée des Awards, qui clôturait ce programme en cours depuis 3 ans, a également été l’occasion pour la plateforme Agansi de décerner des attestations de reconnaissance à l’ancienne génération d’artistes plasticiens du Mali, ainsi qu’à ses différents partenaires.
« Nous avons constaté que les plasticiens sont de grands travailleurs, mais malheureusement, ils ne sont pas connus. Les initiatives que nous portons à Agansi consistent à mettre en lumière les arts plastiques, à offrir des opportunités de renforcement des capacités et de suivi des artistes plasticiens », a souligné Massira Touré, promotrice de la plateforme Agansi.
Agansi est une plateforme de diffusion pour la production, la commercialisation, la distribution et la conservation des œuvres des créateurs d’arts plastiques. Elle met l’accent sur les artistes d’Afrique en général et du Mali en particulier.
Mohamed Kenouvi

Afrique de l’Ouest et le Sahel: le dernier rapport de l’ONU appelle à une réponse urgente et coordonnée

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a reçu ce vendredi une présentation détaillée du dernier rapport du Secrétaire général sur la situation en Afrique de l’Ouest et au Sahel, couvrant la période du 1ᵉʳ juillet au 30 novembre 2024. Présenté par Leonardo Santos Simão, Représentant spécial et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), ce document souligne les défis importants dans une région marquée par l’instabilité politique, les violences armées et une crise humanitaire sans précédent.

Le rapport souligne les incertitudes entourant les transitions politiques dans plusieurs pays du Sahel. Au Burkina Faso, au Mali et au Niger, les gouvernements de transition ont consolidé leur Alliance du Sahel tout en confirmant leur retrait irrévocable de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En revanche, la Guinée a choisi de maintenir son adhésion, optant pour une approche différente face aux sanctions de l’organisation régionale.
Des progrès notables sont cependant rapportés dans les réformes institutionnelles, notamment en Gambie et en Sierra Leone, où les processus constitutionnels avancent malgré des contextes socio-politiques complexes. La région reste néanmoins confrontée à des tensions électorales, avec des échéances majeures prévues en Côte d’Ivoire (2025) et des élections législatives reportées en Guinée-Bissau.
L’insécurité demeure un défi majeur. Le rapport révèle que plus de 8 000 décès ont été recensés en raison de violences intercommunautaires et d’attaques terroristes, principalement dans le Sahel central (Burkina Faso, Mali, Niger). Ces actes sont exacerbés par des conflits entre groupes armés non étatiques et des tensions locales.
Malgré les efforts de la Force multinationale mixte pour sécuriser le bassin du lac Tchad, des divergences stratégiques entre les États membres limitent l’efficacité des actions concertées contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.
Une crise humanitaire alarmante
Les défis sécuritaires s’accompagnent d’une crise humanitaire sans précédent. Plus de 29 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire urgente, un chiffre en hausse de 20 % par rapport à l’année précédente. Les inondations généralisées ont aggravé la situation, affectant plus de 2,5 millions de personnes, notamment au Nigeria et au Ghana.
Le rapport indique également le sort de 10 millions de déplacés internes et 1,4 million de réfugiés, contraints de fuir les violences ou les impacts du changement climatique. Les besoins humanitaires restent massifs, avec un financement partiellement couvert à hauteur de 60 %.
Sur le plan économique, la région subit les contrecoups des instabilités politiques et climatiques. La croissance prévue pour 2024 stagne à 3,8 %, loin des performances nécessaires pour relever les millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Les sanctions de la CEDEAO, notamment contre les pays en transition, ont entraîné des contractions économiques significatives, atteignant -1,5 % dans certains cas.
Le rapport du Secrétaire général appelle à une intensification des efforts pour répondre aux crises multidimensionnelles. Parmi les recommandations clés figurent le renforcement de la gouvernance démocratique, à travers un soutien technique et financier aux processus électoraux et aux réformes institutionnelles; une meilleure coordination des efforts sécuritaires, notamment en harmonisant les stratégies régionales contre le terrorisme et en impliquant davantage les populations locales; une réponse humanitaire accrue, avec une mobilisation internationale pour combler les déficits de financement des interventions d’urgence; et l’intégration des défis climatiques, afin de renforcer la résilience des communautés affectées par les chocs environnementaux.
M. Simão a conclu sa présentation en exhortant la communauté internationale à agir rapidement pour éviter une aggravation de la situation. « La stabilité de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel est une condition essentielle pour la paix et le développement mondial. Nous devons travailler ensemble pour transformer les défis actuels en opportunités de reconstruction et de résilience » precise-t-il.

CHAN 2024 : Les Aigles locaux visent la qualification

Exempté du premier tour des éliminatoires du CHAN 2024, le Mali a rendez-vous avec la Mauritanie pour le compte du 2ème et dernier tour. Cette double confrontation s’avère décisive, avec à la clé un billet qualificatif pour le prochain Championnat d’Afrique des Nations (CHAN), qui se tiendra du 1er au 28 février 2025 au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie.

Les Aigles locaux se rendront d’abord à Nouakchott pour le match aller, prévu le 22 décembre 2024, avant de recevoir les Mourabitounes locaux le 26 décembre au Stade du 26 mars de Bamako pour la manche retour.

Pour ce duel crucial, le sélectionneur national Baye Ba a convoqué 30 joueurs. Ces derniers sont entrés à l’internat à Kabala le 9 décembre pour une mise au vert de 10 jours. Cette dernière étape des préparatifs avait déjà débuté quelques semaines auparavant avec des matchs amicaux contre des clubs de première division. Les Aigles locaux s’envoleront pour la capitale mauritanienne le 19 décembre prochain.

Objectif qualification

Après 2011, 2014, 2016, 2020 et 2022, les Aigles locaux souhaitent décrocher une 6ème qualification au CHAN, tournoi réservé exclusivement aux joueurs locaux évoluant dans les championnats de leurs pays.

« Nous ne ménagerons aucun effort pour atteindre notre objectif, qui est de nous qualifier pour la phase finale du tournoi », confie le sélectionneur national Baye Ba, qui reconnaît toutefois la qualité de l’adversaire.

« Ce seront deux grands matchs, à Nouakchott comme à Bamako. L’équipe mauritanienne est solide, avec des joueurs qui, pour la plupart, évoluent en équipe nationale senior », glisse le technicien.

Retrouvailles

Ce sera la quatrième fois dans l’histoire que le Mali et la Mauritanie se rencontrent lors des qualifications du CHAN. La première remonte aux qualifications du CHAN en 2016. Lors du match aller disputé au Stade du 26 Mars, les Aigles locaux s’étaient imposés 2-1 avant d’aller décrocher quelques jours plus tard un match nul (1-1) en Mauritanie, assurant ainsi leur billet pour la phase finale.

En 2018, les Mourabitounes locaux avaient pris leur revanche en s’imposant 1-0 à Bamako après un match nul 2-2 à domicile.

Les deux équipes se sont à nouveau rencontrées lors des éliminatoires du CHAN en 2020. Après avoir tenu les Mourabitounes locaux en échec 0-0 lors du match aller à Nouakchott, les Aigles locaux avaient dominé le match retour à Bamako 2-0.

Mohamed kenouvi

Acclamer la première femme présidente de la Namibie

En tant que première femme présidente démocratiquement élue en Afrique, je connais mieux que quiconque l’importance de briser le plafond de verre. Pendant des décennies, les plus hautes fonctions politiques en Afrique ont été l’apanage des hommes. Mais aujourd’hui, Netumbo Nandi-Ndaitwah a récidivé en devenant la première femme à diriger la Namibie après avoir remporté l’élection présidentielle de novembre.

L’élection de Mme Nandi-Ndaitwah représente un changement important sur le continent : il est de plus en plus admis que les femmes sont tout aussi capables que les hommes de diriger un gouvernement. Sa victoire est plus qu’une étape importante pour la Namibie ; elle a redonné à l’Afrique un sentiment de fierté et de possibilités.

Lorsque j’ai pris mes fonctions en 2006, j’étais en terrain inconnu. L’idée d’une femme chef d’État africain semblait révolutionnaire, presque inconcevable pour beaucoup. Au cours des années qui ont suivi, les femmes ont accédé à de nombreux postes de premier plan sur le continent, modifiant les perceptions de ce à quoi le leadership peut et doit ressembler. Mais le succès de la candidature de Nandi-Ndaitwah à la présidence réaffirme que les obstacles auxquels sont confrontées les femmes dirigeantes sur le continent ne sont pas insurmontables.

L’accession d’une femme à la plus haute fonction d’un pays transforme les aspirations d’innombrables filles et jeunes femmes. Pendant des années, on a dit aux femmes africaines – parfois subtilement, parfois brutalement – que la politique était un domaine réservé aux hommes. Mais voir des femmes comme Nandi-Ndaitwah accéder au pouvoir remet en cause ces stéréotypes bien ancrés.

Son succès souligne également la valeur inhérente à la présence de femmes dans des rôles décisionnels. D’après mon expérience, les femmes dirigeantes ont tendance à mettre l’accent sur la collaboration, l’inclusion et la résilience – des qualités essentielles pour construire des sociétés plus fortes et plus équitables. En outre, une démocratie s’épanouit lorsque ses dirigeants reflètent la diversité de sa population. L’élection de femmes n’est pas un geste symbolique ; il s’agit de libérer le potentiel et de conduire des changements significatifs.

Alors que la Namibie se réjouit, l’importance de ce résultat se répercute sur l’ensemble du continent. Il indique que les citoyens africains sont prêts à accueillir les femmes en tant que leaders. Loin d’être un événement isolé, la victoire de Nandi-Ndaitwah s’inscrit dans un mouvement plus large d’autonomisation des femmes africaines et de leur accession à des postes d’influence dans la politique, les affaires et la société civile. Son parcours montre que des progrès sont possibles lorsque les institutions et les communautés s’engagent en faveur de l’inclusion.

Malgré cela, nous ne devons pas ignorer les défis persistants auxquels sont confrontées les femmes qui aspirent à des rôles de direction. La discrimination systémique, les préjugés sociétaux et l’inégalité d’accès aux ressources restent des obstacles considérables. L’entrée en politique est toujours considérée comme un privilège plutôt que comme un droit. Pour changer cette perception, les gouvernements africains devraient adopter des politiques qui favorisent une représentation égale, y compris des réformes électorales et des initiatives visant à lutter contre les préjugés sexistes. Les sociétés doivent éradiquer les normes néfastes qui découragent les femmes de briguer un mandat électif, tandis que les hommes doivent reconnaître que l’égalité des sexes profite à tous.

La présidence de Nandi-Ndaitwah n’est pas seulement un accomplissement à célébrer, c’est un appel à l’action. Elle nous rappelle que le progrès exige de la persévérance. Le soutien aux femmes dirigeantes doit rester une priorité absolue, depuis l’activisme de base jusqu’aux politiques nationales. D’autres pays africains devraient suivre l’exemple de la Namibie, en créant des environnements politiques où les femmes peuvent s’épanouir et rivaliser sur un pied d’égalité. Les voies du leadership doivent être accessibles à tous ceux qui veulent servir.

Pour les femmes qui s’efforcent déjà de diriger, la victoire de Nandi-Ndaitwah est une source d’espoir renouvelé. La lutte pour la parité hommes-femmes porte ses fruits. Plus important encore, cette victoire inspirera la prochaine génération de jeunes filles. Le fait de voir une femme présidente en Afrique montre que leurs ambitions sont valables et réalisables. Elles aussi peuvent viser la plus haute fonction sans excuses ni hésitations.

L’Afrique vit un moment décisif. Il semble que le continent soit de plus en plus prêt à accueillir le plein potentiel de ses habitants. Laissons la première femme présidente de Namibie consolider notre détermination collective à lutter pour l’égalité des sexes, encourager les femmes à occuper des postes de direction et dynamiser les efforts visant à construire un paysage politique plus inclusif. Les progrès peuvent prendre du temps, mais un avenir où les femmes ont autant de chances que les hommes de remporter les élections est à notre portée.

La Namibie a ouvert un nouveau chapitre pour le leadership des femmes en Afrique. Le reste du continent doit continuer à tourner les pages.

 

Ellen Johnson Sirleaf, lauréate du prix Nobel de la paix et ancienne présidente du Liberia, est la fondatrice du Centre présidentiel EJS pour les femmes et le développement et la coprésidente du groupe indépendant sur la préparation et la réponse aux pandémies.

 

 Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

Nicolas Sarkozy : la Cour de cassation confirme sa condamnation pour corruption et trafic d’influence

L’ancien président de la République française, Nicolas Sarkozy, a vu son pourvoi rejeté ce mercredi 18 décembre 2024 par la Cour de cassation. Cette décision rend définitive sa condamnation à trois ans de prison, dont un an ferme à purger sous bracelet électronique.

Les faits remontent à 2014 lorsque Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, utilisaient des téléphones sous un pseudonyme pour échanger des informations confidentielles. Les enquêteurs ont mis en lumière une tentative de corruption envers Gilbert Azibert, magistrat à la Cour de cassation. En échange de renseignements sur une procédure judiciaire en cours, Sarkozy aurait promis au magistrat un poste de prestige à Monaco.
Ces révélations ont donné naissance à l’« affaire des écoutes », ou « affaire Bismuth », qui a ébranlé la classe politique française. Malgré les arguments de la défense, qui dénonçaient des méthodes contestables lors de l’enquête, les juridictions successives ont confirmé la culpabilité de l’ancien président.
En mars 2021, le tribunal correctionnel de Paris avait condamné Nicolas Sarkozy à trois ans de prison, dont un an ferme. Cette peine avait été confirmée en mai 2023 par la cour d’appel de Paris. La décision de ce 18 décembre 2024 de la Cour de cassation ferme définitivement la voie des recours pour l’ancien président, qui devra exécuter sa peine sous surveillance électronique.
En plus de cette peine, Nicolas Sarkozy est frappé d’une interdiction d’exercer des fonctions publiques pendant trois ans, compromettant tout éventuel retour en politique.
Réactions et perspectives judiciaires
Nicolas Sarkozy a vivement réagi à la décision, affirmant son intention de saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour contester le déroulement de son procès. Cependant, ce recours ne suspend pas l’exécution de sa peine.
L’ancien président fait également face à d’autres procédures, notamment dans le cadre du financement présumé illégal de sa campagne de 2007 par le régime de Mouammar Kadhafi. Un procès est prévu pour janvier 2025, où il encourt des peines supplémentaires.
Cette condamnation est un signal fort envoyé par la justice française, affirmant que nul n’est au-dessus des lois, y compris les plus hauts responsables politiques. Elle soulève néanmoins des interrogations sur l’impact à long terme sur la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques.

Développement du Liptako-Gourma : Bamako accueille le 1er Forum International

Du 10 au 13 décembre 2024, Bamako a abrité le Premier Forum International sur le Développement Territorial du Liptako-Gourma. Cet événement majeur, placé sous le thème : « Relèvement et Stabilisation : Facteurs Clés du Développement Territorial de la Région du Liptako-Gourma », a été lancé le mardi 10 décembre sous la présidence du Général de Corps d’Armée Ismaël Wagué, Ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion Nationale.

Organisé avec l’appui de l’Autorité du Liptako-Gourma (ALG) et du Projet Communautaire de Relèvement et de Stabilisation du Sahel (PCRSS), ce forum a rassemblé un large éventail d’acteurs : des représentants des gouvernements du Mali, du Burkina Faso et du Niger, des partenaires techniques et financiers, ainsi que des experts et membres des comités scientifiques des trois pays.
La cérémonie d’ouverture a été marquée par des interventions de haut niveau. Le Général Ismaël Wagué a salué la résilience des populations face aux défis régionaux et souligné l’importance d’une approche intégrée et inclusive associant paix, sécurité et développement durable.
Madame Hawa Cissé, Secrétaire Exécutive de l’ALG, a quant à elle présenté ce forum comme un cadre unique pour la stabilisation et le relèvement de la région, permettant d’aborder des problématiques essentielles telles que la gestion durable des ressources naturelles, l’amélioration des infrastructures et la cohésion sociale.
L’activité a également été marquée par la présence effective de plusieurs personnalités dont le Directeur des programmes de développement durable, le représentant du Gouverneur de la région Nord du Burkina Faso, le Secrétaire Général du Ministère de l’Enseignement Supérieur du Niger, les Coordonnateurs des projets communautaires du PCRSS des trois pays…
Cette mobilisation exceptionnelle témoigne de l’importance accordée à la région du Liptako-Gourma, carrefour stratégique reliant les trois nations.
Des recommandations ambitieuses pour la stabilisation et le développement
Les trois jours de travaux intenses ont permis d’élaborer des recommandations concrètes pour répondre aux défis complexes de la région. Parmi celles-ci, nous pouvons citer la mise en place d’une force régionale intégrée pour sécuriser les frontières et garantir une paix durable, le renforcement des programmes de déradicalisation et des initiatives de réinsertion socio-économique des jeunes, dans une perspective de résilience, l’accélération des projets de développement territorial, grâce à une approche concertée et inclusive, la valorisation des pratiques culturelles locales pour renforcer la cohésion sociale et promouvoir l’unité nationale.
Une Déclaration de Bamako pour l’avenir
Les échanges fructueux de ce forum seront consolidés par la Déclaration de Bamako, véritable feuille de route stratégique pour orienter les actions futures dans la région du Liptako-Gourma. Cette déclaration incarne une vision commune, visant à instaurer une stabilité durable et à promouvoir une prospérité partagée pour les populations locales.
Un jalon décisif pour le Sahel
La clôture, présidée avec solennité le 12 décembre par le Général de Corps d’Armée Ismaël Wagué, a dévoilé le caractère historique de cette initiative. En réunissant les acteurs clés autour d’une même table, ce forum marque est une étape majeure dans la coordination des efforts pour la stabilisation et le développement socio-économique du Liptako-Gourma.
En mobilisant les gouvernements, les partenaires techniques et financiers, et les communautés locales, ce premier forum ouvre la voie à des actions coordonnées, concrètes et porteuses d’espoir pour une région longtemps éprouvée. Le Liptako-Gourma s’affirme ainsi comme un terrain d’innovation et de coopération, unissant les trois nations dans un même élan pour la paix et la prospérité.

Ademola Lookman sacré Ballon d’Or Africain 2024

Ademola Lookman a été élu Ballon d’Or Africain 2024, succédant à son compatriote Victor Osimhen. Ce sacre confirme la domination actuelle du Nigeria sur la scène africaine et permet au pays de devenir le plus titré de l’histoire du Ballon d’Or Africain, devançant ainsi la Côte d’Ivoire et le Cameroun.

L’ailier de l’Atalanta Bergame a marqué les esprits grâce à une saison impressionnante, ponctuée d’un triplé mémorable en finale de l’Europa League, offrant à son club un sacre historique. En sélection, Lookman a été un acteur majeur du parcours des Super Eagles jusqu’à la finale de la CAN 2024, ce qui lui a valu une place dans le XI type du tournoi.
Face à lui, la concurrence était particulièrement relevée avec des finalistes comme Serhou Guirassy, auteur d’une saison prolifique avec Stuttgart, Simon Adingra, brillant avec Brighton et la Côte d’Ivoire, Ronwen Williams, le gardien sud-africain impérial avec Mamelodi Sundowns et en sélection, et Achraf Hakimi, le latéral marocain incontournable avec le PSG.
D’autres distinctions marquantes ont accompagné cette édition des CAF Awards. Le Sud-Africain Ronwen Williams a été élu meilleur gardien africain de l’année, tandis que le Malien Yves Bissouma a obtenu sa place dans le XI type africain. L’Ivoirien Emerse Faé a été désigné meilleur entraîneur d’une sélection africaine, une récompense méritée après avoir guidé la Côte d’Ivoire jusqu’à un parcours remarquable. La Côte d’Ivoire, quant à elle, a été couronnée meilleure nation africaine de l’année, confirmant la richesse de son football.
Chez les femmes, la Zambienne Barbra Banda a été sacrée Joueuse Africaine de l’année, symbolisant l’ascension fulgurante du football féminin africain.
Ce sacre d’Ademola Lookman illustre la puissance du football nigérian, qui inscrit une nouvelle page dans son histoire en devenant la nation la plus titrée du Ballon d’Or Africain, tout en témoignant du niveau croissant des talents à travers le continent.

Compétitions africaines: Djoliba AC accroche un nul, le Stade Malien s’incline au Maroc

Le dimanche 15 décembre 2024, les deux clubs phares du Mali, Djoliba AC et Stade Malien de Bamako, ont poursuivi leurs campagnes respectives en Ligue des Champions de la CAF et en Coupe de la Confédération. Si le Djoliba AC a obtenu un match nul à domicile face à Sagrada Esperança d’Angola, le Stade Malien a été défait 1-0 au Maroc par la Renaissance Sportive de Berkane. Ces résultats laissent entrevoir des perspectives contrastées pour la suite des compétitions.

Avec ce nul face à Sagrada Esperança, le Djoliba AC totalise désormais 2 points après trois journées de la phase de groupes de la Ligue des Champions (deux nuls et une défaite). L’équipe occupe provisoirement la troisième place de son groupe, mais reste en course pour une qualification en quarts de finale.
Avec trois rencontres restantes (deux à l’extérieur et une à domicile), le Djoliba devra impérativement obtenir au moins deux victoires pour espérer figurer parmi les deux premiers du groupe.
La prochaine réception de Pyramids FC sera cruciale, tout comme une éventuelle victoire lors du déplacement en Angola contre Sagrada Esperança.
Il s’agira ainsi pour les rouges de Bamako de se fixer comme objectif 8-9 points minimum pour espérer une qualification, en fonction des résultats des autres équipes.
Stade Malien : 3 points en 3 matchs
De son côté, le Stade Malien, engagé en Coupe de la Confédération, connaît une situation légèrement meilleure grâce à sa victoire inaugurale contre Stellenbosch FC. Toutefois, après deux défaites consécutives (face au CD Lunda-Sul et à la RS Berkane), les Maliens restent bloqués à 3 points, occupant la troisième place de leur groupe.
Le Stade Malien devra impérativement faire un résultat lors de son prochain match à domicile contre la RS Berkane pour relancer sa campagne.
Les deux rencontres restantes à Bamako seront déterminantes pour maximiser les points.
Ici aussi, l’objectif est d’atteindre 10 points (deux victoires à domicile et un nul à l’extérieur) pour figurer dans le top 2.
Chances de qualification
Malgré les résultats en demi-teinte, les deux clubs ont encore leur destin en main pour se qualifier dans leurs compétitions respectives.
Les Rouges doivent rapidement convertir leurs efforts en victoires, sous peine de voir leurs chances se réduire à néant. La qualification reste envisageable, mais chaque match sera une finale à jouer.
Pour le Stade malien de Bamako, avec 3 points, leur marge d’erreur est réduite. Les Blancs de Bamako devront tirer profit de leur expérience et de leur soutien à domicile pour surmonter les obstacles restants.
Les trois derniers matchs de cette phase de groupes, aussi bien pour le Djoliba AC que pour le Stade Malien, détermineront leur capacité à rester compétitifs sur la scène continentale.

66e sommet de la CEDEAO : un délai de six mois accordé aux pays membres de l’AES pour finaliser leur retrait

Lors du 66ᵉ sommet ordinaire tenu le 15 décembre 2024 à Abuja, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a approuvé le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger, membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), en fixant une période de transition du 29 janvier au 29 juillet 2025.

Cette décision fait suite à l’annonce, en janvier 2024, par les trois pays de leur intention de quitter la CEDEAO, accusant l’organisation de sanctions « inhumaines et irresponsables » et d’inaction face à leurs crises sécuritaires internes.
La période transitoire vise à permettre une évaluation approfondie de la situation des employés de la CEDEAO présents dans ces pays. De plus, il va falloir aussi organiser le transfert des sièges et bureaux de l’organisation situés sur leurs territoires.
La Conférence des chefs d’État a mandaté le Conseil des Ministres pour convoquer une session extraordinaire au deuxième trimestre de 2025 afin d’examiner et adopter les modalités de départ, ainsi qu’un plan d’urgence concernant les relations politiques et économiques avec ces trois nations.
Les ministres des Affaires étrangères du Mali, du Burkina Faso et du Niger, réunis la veille du sommet, ont réaffirmé le caractère irréversible de leur décision de retrait de la CEDEAO.
Par ailleurs, le Collège des chefs d’État de l’AES a annoncé que les ressortissants de la CEDEAO pourront entrer, résider et exercer des activités au sein de l’espace AES sans nécessiter de visa, témoignant ainsi de leur volonté de maintenir des liens avec les populations de la région.
Le retrait de ces trois pays, confrontés à des défis sécuritaires majeurs liés à des insurrections djihadistes, soulève des préoccupations quant à l’avenir de la coopération régionale en matière de sécurité et d’économie.
La CEDEAO, créée en 1975, a pour mission de promouvoir l’intégration économique et politique en Afrique de l’Ouest.
Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger pourrait fragiliser les acquis de l’organisation, notamment en ce qui concerne la libre circulation des personnes et des biens, ainsi que les efforts conjoints de lutte contre le terrorisme.
Perspectives d’avenir
La période transitoire offre une opportunité aux deux parties de définir les modalités précises du retrait et d’explorer de nouveaux cadres de coopération.

Dégel politique : Vers un retour à l’ordre constitutionnel ?

Depuis la nomination du Général Abdoulaye Maïga comme Premier ministre, fin novembre 2024, la scène politique malienne évolue. Ce changement intervient dans un contexte de transition délicat, avec des élections prévues pour 2025 même si le calendrier reste flou.

En procédant à la création d’un ministère délégué aux Réformes électorales et à la reprise du dialogue avec les partis politiques, les autorités de la Transition ont suscité autant d’espoirs que de scepticisme.

Malgré ces signaux, qui paraissent positifs, l’heure ne semble pas encore à l’optimisme. C’est ainsi que Hamidou Doumbia, Secrétaire politique du parti Yelema, exprime des réserves : « le premier pas devait être la présentation d’un chronogramme électoral, mais aucune déclaration n’a été faite à ce jour ». Bien qu’il existe des prévisions dans la Loi des finances, l’expérience passée de reports d’élections, comme en 2021, renforce son scepticisme. Un véritable engagement des autorités est donc nécessaire pour avancer.

Concernant les récentes rencontres avec les partis politiques et la société civile, Hamidou Doumbia estime que : « nous saluons cette initiative, mais nous restons prudents ». À ses yeux, l’inclusion ne se limitera pas à rassembler plusieurs partis pour dresser un état des lieux. Il souligne la nécessité d’impliquer les acteurs dans l’élaboration de textes importants, tels que la Loi électorale. Il déplore fortement le manque de transparence autour des projets de lois, qui sont le plus souvent inconnus des principaux concernés.

Libération des détenus politiques : Un premier pas

La récente libération de onze responsables politiques, le 5 décembre 2024, est perçue comme un tournant. Me Mountaga Tall du CNID qualifie cette décision de « bonne nouvelle pour le Mali ». Il souligne que ce geste répond à un besoin d’apaisement, affirmant que cela « pourrait permettre au nouveau Premier ministre d’avoir des relations plus apaisées avec la classe politique ». Me Tall appelle également à élargir cette dynamique à d’autres détenus d’opinion. Sur le même sujet, Hamidou Doumbia n’a pas manqué de citer les cas de Rose Doumbia, Clément Dembélé, Ras Bath, Étienne Fakaba Sissoko, etc., appelant à leur libération pour garantir une sérénité pour la suite de la Transition.

Partageant le même avis, Amadou Koïta, Président du Parti Socialiste Yeleen Kura, affirme aussi « qu’il est temps, pour le bien du Mali, d’organiser le retour à l’ordre constitutionnel ». Ce consensus politique souligne que la libération des détenus n’est qu’une première étape. Pour restaurer pleinement la confiance, des actions supplémentaires seront nécessaires.

Des défis à relever

Pourtant, les récentes initiatives montrent une volonté de mettre fin à la Transition et de préparer des élections inclusives, mais plusieurs défis demeurent. La transparence du processus et l’implication réelle de la classe politique et de la société civile seront déterminantes. Pour Hamidou Doumbia, « la restauration de la confiance dépendra de la capacité des autorités à tenir leurs engagements, mais aussi de leur transparence et de leur neutralité dans la conduite du processus de transition ».

La question de l’inclusion des acteurs politiques et de la société civile reste posée. Sans un véritable engagement et une volonté d’inclure toutes les parties prenantes, les réformes pourraient être perçues comme une simple formalité. Le retour à l’ordre constitutionnel au Mali est un processus complexe, marqué par des avancées encore insuffisantes pour rassurer l’ensemble des acteurs. La nomination du Général Maïga et les mesures récemment prises témoignent d’une volonté de changement, mais celles-ci doivent être accompagnées d’engagements fermes et d’actions concrètes. La prudence affichée par la classe politique est à la hauteur des attentes et des enjeux. Pour de nombreux acteurs, seule une démarche inclusive et respectueuse des principes démocratiques pourra garantir une transition réussie.

Massiré Diop

Ibrahim Maïga, Conseiller principal pour le Sahel à l’ICG : « Le souverainisme répond à un double mécontentement populaire »

Alors que la CEDEAO se prépare à un sommet décisif le 15 décembre 2024 pour discuter du retrait annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger, Ibrahim Maïga, Conseiller principal pour le Sahel à l’International Crisis Group (ICG), analyse les dynamiques du souverainisme malien, son impact sur la jeunesse et les défis régionaux. 

Quels éléments expliquent le choix souverainiste des autorités maliennes après le double coup d’État ?

Deux raisons-clés motivent ce tournant souverainiste. D’abord, les autorités maliennes ont adopté cette posture comme un moyen de renforcer leur légitimité et de résister aux pressions extérieures, notamment après un second coup d’État en moins de neuf mois. Ensuite, ce souverainisme répond à un double mécontentement populaire. D’une part, face à des élites politiques nationales jugées corrompues et inefficaces. D’autre part, en réaction aux forces internationales, qui, depuis 2013, n’ont pas réussi à endiguer la dégradation sécuritaire marquée par l’expansion des groupes jihadistes.

 

Comment le discours souverainiste est-il perçu par la jeunesse malienne ?

Le souverainisme bénéficie d’une large adhésion parmi les jeunes Maliens, notamment grâce à l’essor d’Internet et des réseaux sociaux. Depuis la fin des années 2010, ces canaux ont permis de diffuser ces idées et de renforcer leur popularité. Cependant, la situation économique actuelle, marquée par une crise énergétique sans précédent et un chômage élevé, fragilise cette adhésion. Les frustrations liées au manque d’opportunités économiques remettent en question l’efficacité des politiques des autorités souverainistes, surtout auprès de cette frange de la population.

Quelles sont les attentes pour le sommet de la CEDEAO, prévu le 15 décembre prochain, concernant le retrait du Mali et des autres pays de l’AES ?

Le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO constitue un défi majeur pour l’intégration régionale. Cette décision aura des répercussions sécuritaires, politiques et économiques, bien qu’il soit difficile de les évaluer à ce stade. Une possibilité pour le sommet serait d’envisager une prorogation du délai de retrait, initialement fixé au 29 janvier 2025. Cette prolongation offrirait une opportunité de négocier une séparation en douceur afin d’atténuer ses impacts sur les populations ou même solution ambitieuse : ramener les Etats de l’AES à faire marche arrière.

 

La montée du souverainisme s’accompagne-t-elle de dérives ?

Oui, on observe un rétrécissement de l’espace civique sous prétexte de défendre l’intérêt national. Certains perçoivent ce durcissement comme une tentative des autorités de renforcer leur contrôle et de conserver le pouvoir. Cependant, il est important de noter que la popularité actuelle du régime ne signifie pas un rejet des principes démocratiques par les Maliens. Elle traduit plutôt une désillusion envers les régimes précédents, accusés d’avoir échoué à répondre aux aspirations populaires.

 

L’ICG insiste sur l’importance d’un dialogue politique inclusif au Mali. Pourquoi est-ce crucial ?

Les autorités maliennes devraient adopter un souverainisme plus ouvert et plus inclusif. Le pays traverse une crise multiforme qui ne peut être résolue sans un consensus national impliquant tous les segments de la société. En l’absence de ce dialogue, les divisions internes risquent de s’aggraver, rendant encore plus complexe la résolution des problèmes sécuritaires et économiques. De manière concrète, les autorités de transition doivent saisir l’opportunité de l’élaboration d’une charte pour la paix, l’une des recommandations issues du dialogue intermalien de mai 2024, pour apaiser le climat politique et relancer des pourparlers avec les forces belligérantes.

 

Un dernier mot sur les défis régionaux et le rôle de la CEDEAO ?

La CEDEAO est à un moment charnière de son histoire. Elle doit trouver un équilibre entre fermeté et diplomatie pour gérer la crise actuelle. Le sommet du 15 décembre sera crucial pour redéfinir ses relations avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Si l’organisation parvient à préserver son unité tout en répondant aux aspirations souverainistes de ces États, elle pourra non seulement renforcer son rôle régional, mais aussi démontrer sa capacité à concilier stabilité, sécurité et respect des souverainetés nationales.

La COP29 a-t-elle laissé tomber les femmes ?

La dernière conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP29) s’est concentrée sur le financement, mais elle a échoué à plus d’un titre. Les négociations controversées – les représentants de plusieurs pays en développement ont quitté les lieux en signe de protestation – ont défié les pronostics pour aboutir à un engagement – le « Pacte de Bakou pour l’unité climatique » – de la part des économies développées de fournir 300 milliards de dollars de financement climatique par an à leurs homologues plus pauvres d’ici à 2035. C’est le triple de l’objectif convenu en 2009 (et atteint, pour la première fois, en 2022), mais c’est loin d’être le financement annuel estimé à 1,3 trillion de dollars dont les économies en développement auront besoin au cours de cette période. Bien que l’accord représente un progrès, nous devons reconnaître qu’il ne s’agit que d’un point de départ.

 

Cependant, l’insuffisance du financement n’est qu’une partie du problème. En réalité, alors que les dirigeants mondiaux s’affrontaient à Bakou dans un contexte de tensions internationales sans précédent, la véritable bataille qui se livrait concernait l’avenir du financement de la lutte contre le changement climatique et le rôle des femmes dans ce domaine. Les femmes et les enfants courent 14 fois plus de risques de mourir dans des catastrophes liées au climat que les hommes, et les femmes représentent 80 %des personnes déplacées par des conditions météorologiques extrêmes. Ces disparités ne sont pas fortuites, elles sont enracinées dans des inégalités systémiques. Pourtant, le nouvel objectif collectif quantifié sur le financement du climat ne fait qu’une seule référence aux femmes et aux filles : au paragraphe 26, il « exhorte les parties et les autres acteurs concernés à promouvoir l’inclusion et l’extension des avantages pour les communautés et les groupes vulnérables dans les efforts de financement du climat, y compris les femmes et les filles ».

La plus grande vulnérabilité des femmes et des filles au changement climatique reflète l’inégalité systémique de l’accès à l’éducation, aux opportunités économiques et au pouvoir de décision. Ces différences sont également visibles dans les forums sur le climat. Alors que la COP de cette année a été annoncée comme la plus équilibrée en termes d’inscriptions, les femmes ne représentaient que 35 % des délégués (contre 34 % lors de la COP28). Sur les 78 dirigeants mondiaux présents, huit seulement étaient des femmes, et quatre seulement ont abordé des questions liées au genre dans leurs déclarations.

Il a été démontré que les initiatives en matière de climat qui incluent explicitement les femmes produisent de meilleurs résultats pour des communautés entières. En outre, les femmes sont déjà à la tête de certaines des initiatives climatiques les plus innovantes et les plus efficaces au niveau mondial, dans des domaines allant de l’agriculture durable au déploiement des énergies renouvelables.

La conclusion devrait être évidente : le potentiel du financement climatique sensible au genre pour débloquer des voies plus efficaces pour la décarbonisation, l’adaptation et la résilience en fait une nécessité stratégique. Pourtant, pour 100 dollars de financement climatique déployés dans le monde, seuls 20 cents sont consacrés au soutien des femmes, et seulement 0,01 % du financement climatique concerne à la fois l’action climatique et les droits des femmes.

Malgré tout, la COP29 n’a pas été une perte totale pour les femmes et les filles. Le programme de travail de Lima sur le genre a été prolongé pour une autre décennie, mais sans financement supplémentaire pour le secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) afin de soutenir la mise en œuvre. En outre, les 27 dispositions sexospécifiques du texte final de la présidence sur le genre et le changement climatique soulignent le rôle vital de la participation pleine, significative et égale des femmes à l’action climatique et l’importance cruciale de l’intégration des considérations sexospécifiques dans tous les domaines de l’élaboration des politiques. Le « plan d’action pour l’égalité des sexes » que les pays ont convenu d’élaborer pour adoption lors de la COP30 constitue un cadre de progrès.

Malgré ces engagements, la COP29 n’a pas abordé les questions intersectorielles essentielles telles que les liens entre l’égalité des sexes, la consolidation de la paix et l’action climatique. De même, les appels à combler les écarts de compétences entre les hommes et les femmes – tels que la formation aux STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) pour accéder aux emplois verts – et l’économie des soins dans le cadre de l’action climatique n’ont pas été intégrés dans le document final. Bien que le texte encourage un financement climatique sensible au genre et simplifie l’accès pour les organisations féminines locales et les communautés autochtones, il manque l’impulsion structurelle nécessaire pour assurer une mise en œuvre à grande échelle.

Pour transformer les promesses de la COP29 en réalité, nous avons besoin de lignes directrices internationales claires pour l’intégration du genre, soutenues par des budgets alloués, des objectifs mesurables et des approches participatives pour garantir un financement climatique efficace, transparent et responsable. Il convient d’accorder une grande priorité au financement des initiatives locales, en particulier dans les quartiers informels, où les femmes sont souvent à la tête des efforts de résilience climatique. Il est essentiel de mettre en place des systèmes de suivi solides, qui permettent de contrôler non seulement les montants promis, mais aussi leur destination et leurs bénéficiaires.

Bien entendu, l’action internationale ne peut à elle seule combler le fossé entre les hommes et les femmes en matière d’action climatique ; les cadres politiques nationaux sont également essentiels. Là encore, les femmes continuent d’être mises à l’écart. Selon la dernière analyse de la CCNUCC, 82 % des pays mentionnent le genre dans leurs contributions déterminées au niveau national (CDN), mais moins de 26 % intègrent des considérations de genre significatives dans leurs stratégies et investissements à long terme. Alors que les pays préparent la mise à jour de leur CDN – qui sera soumise en février et évaluée lors de la COP30 en novembre – ils doivent veiller à intégrer des programmes et des politiques spécifiques au genre.

Nous ne savons pas si l’environnement international sera moins tendu lorsque les pays se réuniront au Brésil pour la COP30. Mais nous savons que l’absence d’une action climatique significative aurait un coût astronomique, car la prolifération des catastrophes climatiques mortelles entraîne des pertes en vies humaines et des pertes de production se chiffrant en milliards de dollars. Nous savons également que pour réussir, la lutte contre le changement climatique doit être aussi inclusive que transformatrice. C’est pourquoi la COP30 nous offre une occasion unique de réfléchir à nos priorités et d’aligner l’égalité des sexes sur l’accord de Paris sur le climat et les objectifs de développement durable.

La crise climatique n’est pas neutre du point de vue du genre, et nos solutions ne peuvent pas l’être non plus. Si nous ne mettons pas systématiquement l’accent sur un financement climatique sensible au genre, nous risquons de perpétuer les cycles de vulnérabilité. Trente ans après que la déclaration et le programme d’action de Pékin ont inscrit l’égalité des sexes à l’ordre du jour mondial, nous devons faire un nouveau pas en avant pour les droits des femmes, cette fois en tant qu’élément essentiel de la lutte contre le changement climatique.

 

María Fernanda Espinosa, ancienne présidente de l’Assemblée générale des Nations unies, est directrice exécutive de GWL Voices et coprésidente du projet Debt Relief for a Green and Inclusive Recovery. Elle a été membre du Comité consultatif international de la COP29.

 

Project Syndicate, 2024.
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La bataille de l’impeachment en Corée du Sud, c’est la démocratie en action

La dernière manœuvre politique de Yoon Suk-yeol ne s’est sans doute pas déroulée comme il l’avait prévu. Après avoir brusquement décrété la loi martiale le 3 décembre, le président sud-coréen, en proie aux scandales, a été contraint de lever le décret quelques heures plus tard face aux protestations de la population et à l’opposition du pouvoir législatif. Il doit maintenant faire face à une motion de destitution déposée par le parti démocratique, qui a condamné son « comportement insurrectionnel ».

 

À l’heure où nous écrivons ces lignes, il manque huit voix à l’opposition pour évincer Yoon. Mais compte tenu de la conception astucieuse de la constitution sud-coréenne de 1987 et de l’expérience récente du pays en matière de destitution, l’opposition a un avantage, et elle s’appuie sur une base juridique solide. La destitution de Yoon servirait d’exemple mondial – en contraste frappant avec les États-Unis – de la manière dont les démocraties peuvent et doivent traiter ceux qui abusent des privilèges du pouvoir en place.

Un président sud-coréen peut être mis en accusation pour avoir violé « la Constitution ou d’autres lois dans l’exercice de ses fonctions officielles ». Un projet de loi de destitution peut être proposé par une majorité simple à l’Assemblée nationale, mais il doit ensuite être approuvé par une supermajorité des deux tiers. Comme aux États-Unis, la constitution limite l’effet de la destitution à la révocation et laisse expressément ouverte la possibilité de poursuites pénales. Toutefois, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, un président coréen qui fait l’objet d’une procédure de destitution transmet immédiatement ses fonctions au premier ministre. Autre différence par rapport au modèle américain, la motion de destitution est ensuite soumise à la Cour constitutionnelle pour approbation finale.

Ce modèle a permis deux destitutions réussies au cours des deux dernières décennies. En 2004, le président Roh Moo-hyun a été mis en accusation, mais la Cour a estimé que les charges retenues contre lui n’étaient pas suffisantes pour justifier sa destitution. Roh est allé jusqu’au bout de son mandat, mais s’est ensuite suicidé alors qu’il était accusé de corruption. Puis, en décembre 2016, la présidente Park Geun-hye a été destituée et, cette fois, la Cour constitutionnelle a confirmé la décision. En 2018, Park a été reconnue coupable de corruption criminelle et d’abus de pouvoir et condamnée à une peine de prison (elle a été libérée en 2021).

L’expérience de la Corée du Sud en matière de destitution est rare. Une étude récente que j’ai corédigée montre qu’il n’y a eu que dix destitutions réussies dans le monde entre 1990 et 2017. Pourtant, la Corée du Sud a créé des précédents précieux que d’autres pourront suivre. Alors que certains pourraient affirmer qu’il est antidémocratique de destituer un dirigeant démocratiquement élu, l’expérience sud-coréenne montre que la destitution peut être un instrument efficace pour défendre la démocratie.

Les législateurs sud-coréens savent aujourd’hui qu’ils n’innoveront pas s’ils mettent en accusation Yoon. Contrairement à l’impeachment aux États-Unis, le processus coréen reste un élément crédible et sérieux de la politique démocratique du pays. Les législateurs peuvent être rassurés par le fait que les décisions antérieures de destitution d’un président n’ont pas été considérées comme purement partisanes. Puisque le vote dans l’affaire Park était bipartisan, les membres du People Power Party de Yoon ne peuvent pas se réfugier dans le simple fait de voter selon les lignes du parti. La jurisprudence exige qu’ils prennent au sérieux leur responsabilité constitutionnelle, comme d’autres l’ont fait avant eux.

La certification de leur décision par la Cour constitutionnelle – en fait, la vérification de la légalité de leur travail – remplit également une fonction importante, protégeant les législateurs des accusations d’irrégularité partisane. En 2004, la Cour a clairement indiqué que si l’Assemblée nationale avait un rôle politique, d’établissement des faits, à jouer, les juges décideraient en dernier ressort si les faits présentés atteignaient le seuil constitutionnel de révocation. Les législateurs ne peuvent pas non plus être accusés d’agir de manière antidémocratique. Après tout, une nouvelle élection découle nécessairement d’un vote de destitution réussi. Loin de prendre le pas sur le peuple, ils empêchent que la confiance du peuple ne soit abusée.

Le contrôle final de la Cour constitutionnelle et le déclenchement rapide de nouvelles élections sont tous deux absents du système américain, qui en pâtit manifestement. Grâce aux choix judicieux des rédacteurs de la constitution sud-coréenne, l’impeachment fonctionne comme un « hard reset » du système démocratique. Lorsque des titulaires malveillants montrent leur vrai visage, ils peuvent être mis à la porte avant que la confiance du public dans le système ne soit perdue. L’arrêt rendu par la Cour en 2004 dans l’affaire Roh va dans ce sens. Les juges ont estimé que la mise en accusation ne devait intervenir qu’en cas de violation grave de la loi et que la destitution d’un président était « nécessaire pour réhabiliter l’ordre constitutionnel endommagé ».

Compte tenu de ce critère, il y a de bonnes raisons de conclure que les actions de Yoon – plus encore que celles de Park – correspondent à ce critère. En vertu de la constitution de 1987, le président peut déclarer la loi martiale uniquement « pour faire face à une nécessité militaire ou pour maintenir la sécurité et l’ordre publics par la mobilisation des forces militaires en cas de guerre, de conflit armé ou d’urgence nationale similaire ». La décision de Yoon ne s’est pas contentée de ne pas respecter cette norme, elle l’a tournée en dérision.

Dans son discours déclarant la loi martiale, Yoon n’a même pas pris la peine de citer une quelconque « nécessité militaire » ou une menace crédible pour « l’ordre public ». Au lieu de cela, il a présenté une salade de mots intempestive composée de plaintes concernant les décisions fiscales des législateurs (qui auraient transformé le pays en un « paradis de la drogue »), d’enquêtes sur ses scandales et d’affirmations non fondées concernant « les menaces des forces communistes nord-coréennes et … des forces antiétatiques pro-nord-coréennes sans vergogne ». Loin de satisfaire aux normes constitutionnelles permettant d’imposer la loi martiale, le comportement erratique de Yoon et son mépris flagrant des faits ont révélé un mépris inconsidéré pour le système démocratique sud-coréen.

À l’heure où les dirigeants d’autres démocraties en déclin semblent jouir de l’impunité, la dernière saga de destitution en Corée du Sud nous rappelle que la démocratie, une fois établie, peut facilement être perdue à cause de l’inattention ou de la vénalité. L’autorité d’un président ne doit pas être confondue avec l’exercice pur et simple du pouvoir par quelqu’un qui a gagné une élection.

 

Aziz Huq, professeur de droit à l’université de Chicago, est l’auteur de The Collapse of Constitutional Remedies (Oxford University Press, 2021).

 

Project Syndicate, 2024.
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Anticiper la politique étrangère de Trump

 Il est toujours difficile de prédire, mais c’est encore plus vrai dans le cas du président élu des États-Unis. Non seulement Donald Trump parle peu et change souvent de position, mais il considère également l’imprévisibilité comme un outil de négociation utile. Néanmoins, on peut essayer de se faire une idée de ce que sera sa politique étrangère à partir de ses déclarations de campagne, de ses nominations à haut niveau et de son premier mandat.

 

À Washington, on dit souvent que « le personnel fait la politique ». Mais si nous savons déjà qui Trump veut nommer à des postes clés, le problème est que leurs opinions déclarées entrent parfois en conflit les unes avec les autres. Comme Trump s’efforce d’éviter les républicains traditionnels qui l’ont bridé pendant son premier mandat, le dénominateur commun de ses choix est cette fois la loyauté personnelle. Mais cette qualité ne nous aide pas à prédire la politique qui sera mise en œuvre.

Prenons la question de la Chine. Les choix de Trump pour le poste de secrétaire d’État et de conseiller à la sécurité nationale – respectivement le sénateur Marco Rubio et le représentant Michael Waltz – sont des « faucons » bien connus qui considèrent la Chine comme la principale menace, exigeant une réponse forte. Nous savons également, grâce à sa campagne, que Trump est impatient d’introduire de nouveaux droits de douane sur les importations en provenance de ses alliés, et des droits encore plus élevés sur les marchandises en provenance de la Chine.

Trump ayant déjà annoncé son intention d’imposer des droits de douane sur les importations en provenance du Mexique, du Canada et de la Chine, il faut certainement s’attendre à ce que de nouvelles taxes soient imposées. Mais les taux, la durée et les exemptions des droits de douane restent incertains et soumis à la fois aux pressions politiques nationales et aux caprices personnels de Trump. Comme l’a récemment déclaré son candidat au poste de secrétaire au Trésor, Scott Bessent, « je pense qu’une grande partie de ce que fait [Trump] consiste à escalader pour désescalader, et mon objectif pour son administration serait de sauver le commerce international ».

La manière dont Trump pourrait répondre aux représailles des partenaires commerciaux des États-Unis est tout aussi incertaine. Si les guerres commerciales menées au coup par coup entraînent une hausse des tarifs douaniers et des prix, le retour de l’inflation pourrait déclencher une réaction politique intérieure. Comme Trump se targue d’être un négociateur hors pair, il pourrait chercher à faire des compromis. Offrira-t-il à son homologue chinois, Xi Jinping, un affaiblissement du soutien des États-Unis à Taïwan en échange d’un accord commercial qu’il pourrait présenter comme une victoire ? Certains alliés asiatiques des États-Unis s’inquiètent précisément de ce scénario.

À en juger par les déclarations de campagne de Trump et son précédent mandat à la Maison Blanche, il faut également s’attendre à ce qu’il dévalorise le multilatéralisme et les alliances. Il a promis de se retirer à nouveau de l’accord de Paris sur le climat et d’augmenter la production nationale et les exportations de pétrole et de gaz. Alors que le prix des énergies renouvelables a baissé aux États-Unis, il reste à voir si ses politiques annuleront cet effet bénéfique du marché en réduisant la compétitivité relative des coûts de ces industries.

Pour ce qui est du Moyen-Orient, Trump a déclaré pendant la campagne un soutien inconditionnel à Israël, et il est toujours fier d’avoir négocié les accords d’Abraham, qui ont normalisé les relations entre Israël et quatre pays arabes. Lorsque l’administration Biden a tenté de tirer parti de cette avancée en incitant l’Arabie saoudite à reconnaître Israël, les Saoudiens ont posé une condition préalable : Israël doit prendre des mesures pour créer un État palestinien. Or, la coalition de droite du Premier ministre israélien Binyamin Netanyahou s’oppose farouchement à une solution à deux États et, depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, le soutien de l’opinion publique israélienne à une telle solution, déjà faible, s’est encore amoindri. Il ne fait aucun doute que Donald Trump souhaite étendre ses succès antérieurs dans la région, mais personne ne sait comment il s’y prendra.

En ce qui concerne l’Europe et l’OTAN, Trump a déclaré pendant la campagne qu’il mettrait fin à la guerre en Ukraine« en un jour ». Nous savons que cela n’arrivera pas, mais il y a une grande incertitude quant à la manière dont il tentera de négocier un armistice. Une possibilité est de réduire l’aide à l’Ukraine et d’affaiblir sa position de négociation afin qu’elle soit obligée d’accepter les conditions russes. Ou bien Trump pourrait temporairement étendre son soutien à l’Ukraine tout en s’orientant vers une « solution coréenne ».

Dans ce dernier scénario, la ligne de front actuelle deviendrait une zone démilitarisée occupée par des forces de maintien de la paix des Nations unies ou européennes, que la Russie devrait expulser si elle veut relancer la guerre. L’Ukraine pourrait continuer à affirmer sa souveraineté sur des régions comme le Donbass, mais elle ne pourrait probablement pas adhérer à l’Otan ; en revanche, un sous-ensemble de pays (« amis de l’Ukraine ») pourrait peut-être proposer de lui venir en aide si la Russie violait la zone démilitarisée. On ne sait pas si Trump utilisera son pouvoir de négociation vis-à-vis du président ukrainien Volodymyr Zelensky et du président russe Vladimir Poutine pour parvenir à un tel compromis. Mais il sera certainement intéressant pour lui de parvenir à un accord s’il pense à son héritage.

Même si les prévisions basées sur les déclarations de campagne et le personnel nous laissent dans l’incertitude, nous pouvons au moins situer Trump dans les traditions historiques de la politique étrangère américaine. Rappelons son premier discours d’investiture, dans lequel il proclamait que « à partir de maintenant, ce sera l’Amérique d’abord… nous ne cherchons pas à imposer notre mode de vie à qui que ce soit, mais plutôt à le laisser briller comme un exemple ». Ce point de vue est conforme à l’approche traditionnelle, de la « city on the hill », une ville sur une colline, de la politique étrangère américaine, qui a une longue histoire. Il ne s’agit pas d’un isolationnisme, mais d’un manque d’activisme.

En revanche, au XXe siècle, Woodrow Wilson a cherché à mettre en place une politique étrangère visant à sécuriser la démocratie dans le monde, et John F. Kennedy a exhorté les Américains à réfléchir à ce qu’ils pouvaient faire pour le reste du monde, en créant le Corps de la paix en 1961. Jimmy Carter a fait des droits de l’homme une préoccupation centrale de la politique étrangère américaine, et la stratégie internationale de George W. Bush repose sur les deux piliers que sont la direction d’une communauté mondiale croissante de démocraties et la promotion de la liberté, de la justice et de la dignité humaine.

La seule prédiction qui semble sûre est que l’approche de Trump vis-à-vis du monde sera plus conforme à la première de ces traditions qu’à la seconde.

 

Joseph S. Nye Jr, professeur émérite à l’université de Harvard, est un ancien secrétaire adjoint à la défense des États-Unis et l’auteur des mémoires A Life in the American Century ( Polity Press, 2024).

 

Project Syndicate, 2024.
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CEDEAO : Préserver l’unité régionale face au défi du retrait des membres de l’AES

À deux jours du sommet du 15 décembre 2024, la CEDEAO fait face à un défi historique. Lequel consiste à gérer le retrait annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger, prévu pour janvier 2025.

Si la situation met en péril la cohésion régionale, elle offre aussi une opportunité d’explorer des solutions diplomatiques pour maintenir l’intégrité de l’organisation et éviter une désintégration aux conséquences multiples et incertaines.
Le Parlement de la CEDEAO a lancé un signal fort lors de sa réunion du 11 décembre 2024. Tout en adoptant un avis favorable au budget communautaire, il a demandé une mesure extraordinaire à savoir la prorogation du délai de retrait des trois pays. Prévu pour le 29 janvier 2025, ce retrait pourrait entraîner une fragmentation majeure de l’organisation régionale.
Les parlementaires souhaitent ainsi offrir une nouvelle chance à des négociations constructives. L’objectif est de préserver l’unité de la CEDEAO et éviter un affaiblissement de son rôle dans la résolution des défis transnationaux, tels que la sécurité, la migration et le développement économique.
Le président nigérian Bola Tinubu, président en exercice de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO, a mis en avant une approche diplomatique et pragmatique pour gérer cette crise. Lors de sa récente rencontre avec le président allemand Frank-Walter Steinmeier, il a réaffirmé que le bien-être des populations du Mali, du Burkina Faso et du Niger reste une priorité absolue.
Cependant, il a aussi souligné les défis rencontrés. Pour lui, les autorités de ces trois pays ont jusqu’à présent refusé de soumettre des calendriers précis pour leurs transitions politiques. Cette situation limite les marges de manœuvre de la CEDEAO et nécessite une réévaluation constante des stratégies à adopter.
Pour la CEDEAO, plusieurs enjeux majeurs se dessinent face à cette nouvelle donne. Le retrait des trois pays pourrait affaiblir la CEDEAO et remettre en question sa capacité à promouvoir l’intégration régionale. Une telle désintégration risquerait d’accentuer les divergences entre États membres. Aussi, ces trois pays jouent un rôle important dans la lutte contre les groupes armés au Sahel. Leur retrait compromettrait la coordination régionale dans la lutte contre le terrorisme, un problème qui dépasse leurs frontières nationales. Par ailleurs, ce retrait conjugué au contexte pourrait aggraver les disparités économiques dans la région, impactant à la fois leurs populations et leurs voisins. Cette crise constitue ainsi un véritable test pour la CEDEAO dans la mesure où elle est appelée à réussir à réintégrer ces pays sans compromettre ses principes démocratiques renforcerait sa crédibilité internationale.
Un sommet sous haute tension
Le sommet du 15 décembre 2024 sera un moment décisif. Les chefs d’État devront s’accorder sur une stratégie commune pour gérer cette crise sans précédent. Parmi les options sur la table figure la prorogation du délai de retrait, qui offrirait un cadre temporel pour des négociations approfondies. Toutefois, cette mesure ne sera utile que si elle est accompagnée d’un engagement clair des trois pays concernés à définir des plans de transition politique crédibles et assortis d’échéances.

France : François Bayrou nommé Premier ministre

L’information est tombée, ce vendredi 13 décembre 2024, le président Emmanuel Macron a nommé François Bayrou, leader du Mouvement Démocrate (MoDem), au poste de Premier ministre, succédant à Michel Barnier, dont le gouvernement a été renversé par une motion de censure à l’Assemblée nationale le 4 décembre. 

La chute du gouvernement Barnier est survenue après l’adoption d’une motion de censure déposée par le Nouveau Front Populaire (NFP) et soutenue par le Rassemblement National (RN), totalisant 331 voix, soit bien au-delà des 288 requises. Cette situation a plongé la France dans une crise politique inédite depuis 1962, nécessitant la formation rapide d’un nouveau gouvernement pour assurer la stabilité du pays.
À 73 ans, François Bayrou est une figure centrale de la politique française. Ancien ministre de l’Éducation nationale et candidat à plusieurs reprises à l’élection présidentielle, il est reconnu pour son expérience et sa capacité à bâtir des consensus. Proche allié de longue date d’Emmanuel Macron, sa nomination vise à renforcer l’axe centriste du gouvernement et à faciliter le dialogue entre les différentes forces politiques.
La principale mission de François Bayrou sera de former un gouvernement capable de naviguer dans un paysage parlementaire fragmenté, où aucune majorité claire ne se dégage. Le Parlement est divisé en trois blocs principaux : le NFP à gauche, le RN à l’extrême droite, et les partisans de Macron au centre. Cette configuration complique l’adoption de réformes majeures et nécessite une approche de coalition et de compromis.
Perspectives d’avenir
La capacité de François Bayrou à mener à bien les réformes dépendra de sa faculté à rassembler une majorité parlementaire autour de ses propositions. Sa réputation de modéré et son expérience politique seront des atouts majeurs pour naviguer dans cette période de turbulences. Toutefois, la fragilité de l’exécutif face à un Parlement potentiellement hostile demeure un défi de taille. La formation d’alliances stratégiques et la recherche de compromis seront essentielles pour assurer la stabilité et l’efficacité du gouvernement dans les mois à venir.

Marché financier régional : Le Mali mobilise 33 milliards de FCFA

La Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique du Mali a réussi, mardi dernier, à mobiliser 33 milliards de FCFA sur le marché financier de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) à travers une émission simultanée de Bons Assimilables du Trésor (BAT) à 364 jours et d’Obligations Assimilables du Trésor (OAT) à 3 et 5 ans. Cette opération a enregistré un taux de couverture de 134,02 %, avec des soumissions globales atteignant 40,2 milliards de FCFA.

La répartition des fonds retenus s’est effectuée comme suit : 5,5 milliards de FCFA pour les BAT à 364 jours, 9,92 milliards de FCFA pour les OAT à 3 ans, et 17,57 milliards de FCFA pour les OAT à 5 ans. Pour attirer les investisseurs, le Mali a ajusté les rendements offerts, avec un rendement moyen pondéré de 9,45 % pour les BAT à 364 jours, supérieur aux 8,53 % lors de l’émission précédente du 14 novembre. En revanche, les rendements des OAT à 3 et 5 ans ont diminué, s’établissant respectivement à 8,91 % et 7,92 %, contre 9,58 % et 8,61 % précédemment.
Cette performance intervient dans un contexte où le Mali rencontre des difficultés à mobiliser des fonds sur le marché financier régional, principalement en raison d’un manque de confiance des investisseurs internationaux. Cette défiance est attribuée à l’instabilité politique et aux défis sécuritaires persistants dans le pays. En conséquence, le Mali dépend largement de ses investisseurs locaux pour ses levées de fonds. Lors de cette émission, les investisseurs maliens ont contribué à hauteur de 23,64 milliards de FCFA, représentant 71,6 % de l’enveloppe retenue. Les contributions restantes provenaient du Burkina Faso (8,39 milliards de FCFA), de la Côte d’Ivoire (6 milliards de FCFA), et du Sénégal et du Togo (613 millions de FCFA chacun).
Cette forte participation des banques maliennes, déjà sous pression, soulève des préoccupations quant à leur capacité à soutenir continuellement les besoins de financement de l’État sans compromettre leur propre stabilité financière. La concentration des investissements domestiques dans les titres publics peut limiter la disponibilité des crédits pour le secteur privé, freinant ainsi la croissance économique.
Pour diversifier ses sources de financement et réduire la pression sur les institutions financières locales, le Mali doit restaurer la confiance des investisseurs internationaux. Cela passe par l’amélioration de la stabilité politique, le renforcement de la sécurité, et la mise en œuvre de réformes économiques visant à assainir les finances publiques et à promouvoir la transparence. Une telle démarche pourrait élargir la base des investisseurs et assurer un financement plus durable pour le développement du pays.