Étiquette : Mali
Développement du Liptako-Gourma : Bamako accueille le 1er Forum International
Du 10 au 13 décembre 2024, Bamako a abrité le Premier Forum International sur le Développement Territorial du Liptako-Gourma. Cet événement majeur, placé sous le thème : « Relèvement et Stabilisation : Facteurs Clés du Développement Territorial de la Région du Liptako-Gourma », a été lancé le mardi 10 décembre sous la présidence du Général de Corps d’Armée Ismaël Wagué, Ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion Nationale.
Ademola Lookman sacré Ballon d’Or Africain 2024
Ademola Lookman a été élu Ballon d’Or Africain 2024, succédant à son compatriote Victor Osimhen. Ce sacre confirme la domination actuelle du Nigeria sur la scène africaine et permet au pays de devenir le plus titré de l’histoire du Ballon d’Or Africain, devançant ainsi la Côte d’Ivoire et le Cameroun.
Compétitions africaines: Djoliba AC accroche un nul, le Stade Malien s’incline au Maroc
Le dimanche 15 décembre 2024, les deux clubs phares du Mali, Djoliba AC et Stade Malien de Bamako, ont poursuivi leurs campagnes respectives en Ligue des Champions de la CAF et en Coupe de la Confédération. Si le Djoliba AC a obtenu un match nul à domicile face à Sagrada Esperança d’Angola, le Stade Malien a été défait 1-0 au Maroc par la Renaissance Sportive de Berkane. Ces résultats laissent entrevoir des perspectives contrastées pour la suite des compétitions.
66e sommet de la CEDEAO : un délai de six mois accordé aux pays membres de l’AES pour finaliser leur retrait
Lors du 66ᵉ sommet ordinaire tenu le 15 décembre 2024 à Abuja, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a approuvé le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger, membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), en fixant une période de transition du 29 janvier au 29 juillet 2025.
Dégel politique : Vers un retour à l’ordre constitutionnel ?
Depuis la nomination du Général Abdoulaye Maïga comme Premier ministre, fin novembre 2024, la scène politique malienne évolue. Ce changement intervient dans un contexte de transition délicat, avec des élections prévues pour 2025 même si le calendrier reste flou.
En procédant à la création d’un ministère délégué aux Réformes électorales et à la reprise du dialogue avec les partis politiques, les autorités de la Transition ont suscité autant d’espoirs que de scepticisme.
Malgré ces signaux, qui paraissent positifs, l’heure ne semble pas encore à l’optimisme. C’est ainsi que Hamidou Doumbia, Secrétaire politique du parti Yelema, exprime des réserves : « le premier pas devait être la présentation d’un chronogramme électoral, mais aucune déclaration n’a été faite à ce jour ». Bien qu’il existe des prévisions dans la Loi des finances, l’expérience passée de reports d’élections, comme en 2021, renforce son scepticisme. Un véritable engagement des autorités est donc nécessaire pour avancer.
Concernant les récentes rencontres avec les partis politiques et la société civile, Hamidou Doumbia estime que : « nous saluons cette initiative, mais nous restons prudents ». À ses yeux, l’inclusion ne se limitera pas à rassembler plusieurs partis pour dresser un état des lieux. Il souligne la nécessité d’impliquer les acteurs dans l’élaboration de textes importants, tels que la Loi électorale. Il déplore fortement le manque de transparence autour des projets de lois, qui sont le plus souvent inconnus des principaux concernés.
Libération des détenus politiques : Un premier pas
La récente libération de onze responsables politiques, le 5 décembre 2024, est perçue comme un tournant. Me Mountaga Tall du CNID qualifie cette décision de « bonne nouvelle pour le Mali ». Il souligne que ce geste répond à un besoin d’apaisement, affirmant que cela « pourrait permettre au nouveau Premier ministre d’avoir des relations plus apaisées avec la classe politique ». Me Tall appelle également à élargir cette dynamique à d’autres détenus d’opinion. Sur le même sujet, Hamidou Doumbia n’a pas manqué de citer les cas de Rose Doumbia, Clément Dembélé, Ras Bath, Étienne Fakaba Sissoko, etc., appelant à leur libération pour garantir une sérénité pour la suite de la Transition.
Partageant le même avis, Amadou Koïta, Président du Parti Socialiste Yeleen Kura, affirme aussi « qu’il est temps, pour le bien du Mali, d’organiser le retour à l’ordre constitutionnel ». Ce consensus politique souligne que la libération des détenus n’est qu’une première étape. Pour restaurer pleinement la confiance, des actions supplémentaires seront nécessaires.
Des défis à relever
Pourtant, les récentes initiatives montrent une volonté de mettre fin à la Transition et de préparer des élections inclusives, mais plusieurs défis demeurent. La transparence du processus et l’implication réelle de la classe politique et de la société civile seront déterminantes. Pour Hamidou Doumbia, « la restauration de la confiance dépendra de la capacité des autorités à tenir leurs engagements, mais aussi de leur transparence et de leur neutralité dans la conduite du processus de transition ».
La question de l’inclusion des acteurs politiques et de la société civile reste posée. Sans un véritable engagement et une volonté d’inclure toutes les parties prenantes, les réformes pourraient être perçues comme une simple formalité. Le retour à l’ordre constitutionnel au Mali est un processus complexe, marqué par des avancées encore insuffisantes pour rassurer l’ensemble des acteurs. La nomination du Général Maïga et les mesures récemment prises témoignent d’une volonté de changement, mais celles-ci doivent être accompagnées d’engagements fermes et d’actions concrètes. La prudence affichée par la classe politique est à la hauteur des attentes et des enjeux. Pour de nombreux acteurs, seule une démarche inclusive et respectueuse des principes démocratiques pourra garantir une transition réussie.
Massiré Diop
Ibrahim Maïga, Conseiller principal pour le Sahel à l’ICG : « Le souverainisme répond à un double mécontentement populaire »
Alors que la CEDEAO se prépare à un sommet décisif le 15 décembre 2024 pour discuter du retrait annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger, Ibrahim Maïga, Conseiller principal pour le Sahel à l’International Crisis Group (ICG), analyse les dynamiques du souverainisme malien, son impact sur la jeunesse et les défis régionaux.
Quels éléments expliquent le choix souverainiste des autorités maliennes après le double coup d’État ?
Deux raisons-clés motivent ce tournant souverainiste. D’abord, les autorités maliennes ont adopté cette posture comme un moyen de renforcer leur légitimité et de résister aux pressions extérieures, notamment après un second coup d’État en moins de neuf mois. Ensuite, ce souverainisme répond à un double mécontentement populaire. D’une part, face à des élites politiques nationales jugées corrompues et inefficaces. D’autre part, en réaction aux forces internationales, qui, depuis 2013, n’ont pas réussi à endiguer la dégradation sécuritaire marquée par l’expansion des groupes jihadistes.
Comment le discours souverainiste est-il perçu par la jeunesse malienne ?
Le souverainisme bénéficie d’une large adhésion parmi les jeunes Maliens, notamment grâce à l’essor d’Internet et des réseaux sociaux. Depuis la fin des années 2010, ces canaux ont permis de diffuser ces idées et de renforcer leur popularité. Cependant, la situation économique actuelle, marquée par une crise énergétique sans précédent et un chômage élevé, fragilise cette adhésion. Les frustrations liées au manque d’opportunités économiques remettent en question l’efficacité des politiques des autorités souverainistes, surtout auprès de cette frange de la population.
Quelles sont les attentes pour le sommet de la CEDEAO, prévu le 15 décembre prochain, concernant le retrait du Mali et des autres pays de l’AES ?
Le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO constitue un défi majeur pour l’intégration régionale. Cette décision aura des répercussions sécuritaires, politiques et économiques, bien qu’il soit difficile de les évaluer à ce stade. Une possibilité pour le sommet serait d’envisager une prorogation du délai de retrait, initialement fixé au 29 janvier 2025. Cette prolongation offrirait une opportunité de négocier une séparation en douceur afin d’atténuer ses impacts sur les populations ou même solution ambitieuse : ramener les Etats de l’AES à faire marche arrière.
La montée du souverainisme s’accompagne-t-elle de dérives ?
Oui, on observe un rétrécissement de l’espace civique sous prétexte de défendre l’intérêt national. Certains perçoivent ce durcissement comme une tentative des autorités de renforcer leur contrôle et de conserver le pouvoir. Cependant, il est important de noter que la popularité actuelle du régime ne signifie pas un rejet des principes démocratiques par les Maliens. Elle traduit plutôt une désillusion envers les régimes précédents, accusés d’avoir échoué à répondre aux aspirations populaires.
L’ICG insiste sur l’importance d’un dialogue politique inclusif au Mali. Pourquoi est-ce crucial ?
Les autorités maliennes devraient adopter un souverainisme plus ouvert et plus inclusif. Le pays traverse une crise multiforme qui ne peut être résolue sans un consensus national impliquant tous les segments de la société. En l’absence de ce dialogue, les divisions internes risquent de s’aggraver, rendant encore plus complexe la résolution des problèmes sécuritaires et économiques. De manière concrète, les autorités de transition doivent saisir l’opportunité de l’élaboration d’une charte pour la paix, l’une des recommandations issues du dialogue intermalien de mai 2024, pour apaiser le climat politique et relancer des pourparlers avec les forces belligérantes.
Un dernier mot sur les défis régionaux et le rôle de la CEDEAO ?
La CEDEAO est à un moment charnière de son histoire. Elle doit trouver un équilibre entre fermeté et diplomatie pour gérer la crise actuelle. Le sommet du 15 décembre sera crucial pour redéfinir ses relations avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Si l’organisation parvient à préserver son unité tout en répondant aux aspirations souverainistes de ces États, elle pourra non seulement renforcer son rôle régional, mais aussi démontrer sa capacité à concilier stabilité, sécurité et respect des souverainetés nationales.
La COP29 a-t-elle laissé tomber les femmes ?
La dernière conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP29) s’est concentrée sur le financement, mais elle a échoué à plus d’un titre. Les négociations controversées – les représentants de plusieurs pays en développement ont quitté les lieux en signe de protestation – ont défié les pronostics pour aboutir à un engagement – le « Pacte de Bakou pour l’unité climatique » – de la part des économies développées de fournir 300 milliards de dollars de financement climatique par an à leurs homologues plus pauvres d’ici à 2035. C’est le triple de l’objectif convenu en 2009 (et atteint, pour la première fois, en 2022), mais c’est loin d’être le financement annuel estimé à 1,3 trillion de dollars dont les économies en développement auront besoin au cours de cette période. Bien que l’accord représente un progrès, nous devons reconnaître qu’il ne s’agit que d’un point de départ.
Cependant, l’insuffisance du financement n’est qu’une partie du problème. En réalité, alors que les dirigeants mondiaux s’affrontaient à Bakou dans un contexte de tensions internationales sans précédent, la véritable bataille qui se livrait concernait l’avenir du financement de la lutte contre le changement climatique et le rôle des femmes dans ce domaine. Les femmes et les enfants courent 14 fois plus de risques de mourir dans des catastrophes liées au climat que les hommes, et les femmes représentent 80 %des personnes déplacées par des conditions météorologiques extrêmes. Ces disparités ne sont pas fortuites, elles sont enracinées dans des inégalités systémiques. Pourtant, le nouvel objectif collectif quantifié sur le financement du climat ne fait qu’une seule référence aux femmes et aux filles : au paragraphe 26, il « exhorte les parties et les autres acteurs concernés à promouvoir l’inclusion et l’extension des avantages pour les communautés et les groupes vulnérables dans les efforts de financement du climat, y compris les femmes et les filles ».
La plus grande vulnérabilité des femmes et des filles au changement climatique reflète l’inégalité systémique de l’accès à l’éducation, aux opportunités économiques et au pouvoir de décision. Ces différences sont également visibles dans les forums sur le climat. Alors que la COP de cette année a été annoncée comme la plus équilibrée en termes d’inscriptions, les femmes ne représentaient que 35 % des délégués (contre 34 % lors de la COP28). Sur les 78 dirigeants mondiaux présents, huit seulement étaient des femmes, et quatre seulement ont abordé des questions liées au genre dans leurs déclarations.
Il a été démontré que les initiatives en matière de climat qui incluent explicitement les femmes produisent de meilleurs résultats pour des communautés entières. En outre, les femmes sont déjà à la tête de certaines des initiatives climatiques les plus innovantes et les plus efficaces au niveau mondial, dans des domaines allant de l’agriculture durable au déploiement des énergies renouvelables.
La conclusion devrait être évidente : le potentiel du financement climatique sensible au genre pour débloquer des voies plus efficaces pour la décarbonisation, l’adaptation et la résilience en fait une nécessité stratégique. Pourtant, pour 100 dollars de financement climatique déployés dans le monde, seuls 20 cents sont consacrés au soutien des femmes, et seulement 0,01 % du financement climatique concerne à la fois l’action climatique et les droits des femmes.
Malgré tout, la COP29 n’a pas été une perte totale pour les femmes et les filles. Le programme de travail de Lima sur le genre a été prolongé pour une autre décennie, mais sans financement supplémentaire pour le secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) afin de soutenir la mise en œuvre. En outre, les 27 dispositions sexospécifiques du texte final de la présidence sur le genre et le changement climatique soulignent le rôle vital de la participation pleine, significative et égale des femmes à l’action climatique et l’importance cruciale de l’intégration des considérations sexospécifiques dans tous les domaines de l’élaboration des politiques. Le « plan d’action pour l’égalité des sexes » que les pays ont convenu d’élaborer pour adoption lors de la COP30 constitue un cadre de progrès.
Malgré ces engagements, la COP29 n’a pas abordé les questions intersectorielles essentielles telles que les liens entre l’égalité des sexes, la consolidation de la paix et l’action climatique. De même, les appels à combler les écarts de compétences entre les hommes et les femmes – tels que la formation aux STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) pour accéder aux emplois verts – et l’économie des soins dans le cadre de l’action climatique n’ont pas été intégrés dans le document final. Bien que le texte encourage un financement climatique sensible au genre et simplifie l’accès pour les organisations féminines locales et les communautés autochtones, il manque l’impulsion structurelle nécessaire pour assurer une mise en œuvre à grande échelle.
Pour transformer les promesses de la COP29 en réalité, nous avons besoin de lignes directrices internationales claires pour l’intégration du genre, soutenues par des budgets alloués, des objectifs mesurables et des approches participatives pour garantir un financement climatique efficace, transparent et responsable. Il convient d’accorder une grande priorité au financement des initiatives locales, en particulier dans les quartiers informels, où les femmes sont souvent à la tête des efforts de résilience climatique. Il est essentiel de mettre en place des systèmes de suivi solides, qui permettent de contrôler non seulement les montants promis, mais aussi leur destination et leurs bénéficiaires.
Bien entendu, l’action internationale ne peut à elle seule combler le fossé entre les hommes et les femmes en matière d’action climatique ; les cadres politiques nationaux sont également essentiels. Là encore, les femmes continuent d’être mises à l’écart. Selon la dernière analyse de la CCNUCC, 82 % des pays mentionnent le genre dans leurs contributions déterminées au niveau national (CDN), mais moins de 26 % intègrent des considérations de genre significatives dans leurs stratégies et investissements à long terme. Alors que les pays préparent la mise à jour de leur CDN – qui sera soumise en février et évaluée lors de la COP30 en novembre – ils doivent veiller à intégrer des programmes et des politiques spécifiques au genre.
Nous ne savons pas si l’environnement international sera moins tendu lorsque les pays se réuniront au Brésil pour la COP30. Mais nous savons que l’absence d’une action climatique significative aurait un coût astronomique, car la prolifération des catastrophes climatiques mortelles entraîne des pertes en vies humaines et des pertes de production se chiffrant en milliards de dollars. Nous savons également que pour réussir, la lutte contre le changement climatique doit être aussi inclusive que transformatrice. C’est pourquoi la COP30 nous offre une occasion unique de réfléchir à nos priorités et d’aligner l’égalité des sexes sur l’accord de Paris sur le climat et les objectifs de développement durable.
La crise climatique n’est pas neutre du point de vue du genre, et nos solutions ne peuvent pas l’être non plus. Si nous ne mettons pas systématiquement l’accent sur un financement climatique sensible au genre, nous risquons de perpétuer les cycles de vulnérabilité. Trente ans après que la déclaration et le programme d’action de Pékin ont inscrit l’égalité des sexes à l’ordre du jour mondial, nous devons faire un nouveau pas en avant pour les droits des femmes, cette fois en tant qu’élément essentiel de la lutte contre le changement climatique.
María Fernanda Espinosa, ancienne présidente de l’Assemblée générale des Nations unies, est directrice exécutive de GWL Voices et coprésidente du projet Debt Relief for a Green and Inclusive Recovery. Elle a été membre du Comité consultatif international de la COP29.
Project Syndicate, 2024.
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La bataille de l’impeachment en Corée du Sud, c’est la démocratie en action
La dernière manœuvre politique de Yoon Suk-yeol ne s’est sans doute pas déroulée comme il l’avait prévu. Après avoir brusquement décrété la loi martiale le 3 décembre, le président sud-coréen, en proie aux scandales, a été contraint de lever le décret quelques heures plus tard face aux protestations de la population et à l’opposition du pouvoir législatif. Il doit maintenant faire face à une motion de destitution déposée par le parti démocratique, qui a condamné son « comportement insurrectionnel ».
À l’heure où nous écrivons ces lignes, il manque huit voix à l’opposition pour évincer Yoon. Mais compte tenu de la conception astucieuse de la constitution sud-coréenne de 1987 et de l’expérience récente du pays en matière de destitution, l’opposition a un avantage, et elle s’appuie sur une base juridique solide. La destitution de Yoon servirait d’exemple mondial – en contraste frappant avec les États-Unis – de la manière dont les démocraties peuvent et doivent traiter ceux qui abusent des privilèges du pouvoir en place.
Un président sud-coréen peut être mis en accusation pour avoir violé « la Constitution ou d’autres lois dans l’exercice de ses fonctions officielles ». Un projet de loi de destitution peut être proposé par une majorité simple à l’Assemblée nationale, mais il doit ensuite être approuvé par une supermajorité des deux tiers. Comme aux États-Unis, la constitution limite l’effet de la destitution à la révocation et laisse expressément ouverte la possibilité de poursuites pénales. Toutefois, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, un président coréen qui fait l’objet d’une procédure de destitution transmet immédiatement ses fonctions au premier ministre. Autre différence par rapport au modèle américain, la motion de destitution est ensuite soumise à la Cour constitutionnelle pour approbation finale.
Ce modèle a permis deux destitutions réussies au cours des deux dernières décennies. En 2004, le président Roh Moo-hyun a été mis en accusation, mais la Cour a estimé que les charges retenues contre lui n’étaient pas suffisantes pour justifier sa destitution. Roh est allé jusqu’au bout de son mandat, mais s’est ensuite suicidé alors qu’il était accusé de corruption. Puis, en décembre 2016, la présidente Park Geun-hye a été destituée et, cette fois, la Cour constitutionnelle a confirmé la décision. En 2018, Park a été reconnue coupable de corruption criminelle et d’abus de pouvoir et condamnée à une peine de prison (elle a été libérée en 2021).
L’expérience de la Corée du Sud en matière de destitution est rare. Une étude récente que j’ai corédigée montre qu’il n’y a eu que dix destitutions réussies dans le monde entre 1990 et 2017. Pourtant, la Corée du Sud a créé des précédents précieux que d’autres pourront suivre. Alors que certains pourraient affirmer qu’il est antidémocratique de destituer un dirigeant démocratiquement élu, l’expérience sud-coréenne montre que la destitution peut être un instrument efficace pour défendre la démocratie.
Les législateurs sud-coréens savent aujourd’hui qu’ils n’innoveront pas s’ils mettent en accusation Yoon. Contrairement à l’impeachment aux États-Unis, le processus coréen reste un élément crédible et sérieux de la politique démocratique du pays. Les législateurs peuvent être rassurés par le fait que les décisions antérieures de destitution d’un président n’ont pas été considérées comme purement partisanes. Puisque le vote dans l’affaire Park était bipartisan, les membres du People Power Party de Yoon ne peuvent pas se réfugier dans le simple fait de voter selon les lignes du parti. La jurisprudence exige qu’ils prennent au sérieux leur responsabilité constitutionnelle, comme d’autres l’ont fait avant eux.
La certification de leur décision par la Cour constitutionnelle – en fait, la vérification de la légalité de leur travail – remplit également une fonction importante, protégeant les législateurs des accusations d’irrégularité partisane. En 2004, la Cour a clairement indiqué que si l’Assemblée nationale avait un rôle politique, d’établissement des faits, à jouer, les juges décideraient en dernier ressort si les faits présentés atteignaient le seuil constitutionnel de révocation. Les législateurs ne peuvent pas non plus être accusés d’agir de manière antidémocratique. Après tout, une nouvelle élection découle nécessairement d’un vote de destitution réussi. Loin de prendre le pas sur le peuple, ils empêchent que la confiance du peuple ne soit abusée.
Le contrôle final de la Cour constitutionnelle et le déclenchement rapide de nouvelles élections sont tous deux absents du système américain, qui en pâtit manifestement. Grâce aux choix judicieux des rédacteurs de la constitution sud-coréenne, l’impeachment fonctionne comme un « hard reset » du système démocratique. Lorsque des titulaires malveillants montrent leur vrai visage, ils peuvent être mis à la porte avant que la confiance du public dans le système ne soit perdue. L’arrêt rendu par la Cour en 2004 dans l’affaire Roh va dans ce sens. Les juges ont estimé que la mise en accusation ne devait intervenir qu’en cas de violation grave de la loi et que la destitution d’un président était « nécessaire pour réhabiliter l’ordre constitutionnel endommagé ».
Compte tenu de ce critère, il y a de bonnes raisons de conclure que les actions de Yoon – plus encore que celles de Park – correspondent à ce critère. En vertu de la constitution de 1987, le président peut déclarer la loi martiale uniquement « pour faire face à une nécessité militaire ou pour maintenir la sécurité et l’ordre publics par la mobilisation des forces militaires en cas de guerre, de conflit armé ou d’urgence nationale similaire ». La décision de Yoon ne s’est pas contentée de ne pas respecter cette norme, elle l’a tournée en dérision.
Dans son discours déclarant la loi martiale, Yoon n’a même pas pris la peine de citer une quelconque « nécessité militaire » ou une menace crédible pour « l’ordre public ». Au lieu de cela, il a présenté une salade de mots intempestive composée de plaintes concernant les décisions fiscales des législateurs (qui auraient transformé le pays en un « paradis de la drogue »), d’enquêtes sur ses scandales et d’affirmations non fondées concernant « les menaces des forces communistes nord-coréennes et … des forces antiétatiques pro-nord-coréennes sans vergogne ». Loin de satisfaire aux normes constitutionnelles permettant d’imposer la loi martiale, le comportement erratique de Yoon et son mépris flagrant des faits ont révélé un mépris inconsidéré pour le système démocratique sud-coréen.
À l’heure où les dirigeants d’autres démocraties en déclin semblent jouir de l’impunité, la dernière saga de destitution en Corée du Sud nous rappelle que la démocratie, une fois établie, peut facilement être perdue à cause de l’inattention ou de la vénalité. L’autorité d’un président ne doit pas être confondue avec l’exercice pur et simple du pouvoir par quelqu’un qui a gagné une élection.
Aziz Huq, professeur de droit à l’université de Chicago, est l’auteur de The Collapse of Constitutional Remedies (Oxford University Press, 2021).
Project Syndicate, 2024.
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Anticiper la politique étrangère de Trump
Il est toujours difficile de prédire, mais c’est encore plus vrai dans le cas du président élu des États-Unis. Non seulement Donald Trump parle peu et change souvent de position, mais il considère également l’imprévisibilité comme un outil de négociation utile. Néanmoins, on peut essayer de se faire une idée de ce que sera sa politique étrangère à partir de ses déclarations de campagne, de ses nominations à haut niveau et de son premier mandat.
À Washington, on dit souvent que « le personnel fait la politique ». Mais si nous savons déjà qui Trump veut nommer à des postes clés, le problème est que leurs opinions déclarées entrent parfois en conflit les unes avec les autres. Comme Trump s’efforce d’éviter les républicains traditionnels qui l’ont bridé pendant son premier mandat, le dénominateur commun de ses choix est cette fois la loyauté personnelle. Mais cette qualité ne nous aide pas à prédire la politique qui sera mise en œuvre.
Prenons la question de la Chine. Les choix de Trump pour le poste de secrétaire d’État et de conseiller à la sécurité nationale – respectivement le sénateur Marco Rubio et le représentant Michael Waltz – sont des « faucons » bien connus qui considèrent la Chine comme la principale menace, exigeant une réponse forte. Nous savons également, grâce à sa campagne, que Trump est impatient d’introduire de nouveaux droits de douane sur les importations en provenance de ses alliés, et des droits encore plus élevés sur les marchandises en provenance de la Chine.
Trump ayant déjà annoncé son intention d’imposer des droits de douane sur les importations en provenance du Mexique, du Canada et de la Chine, il faut certainement s’attendre à ce que de nouvelles taxes soient imposées. Mais les taux, la durée et les exemptions des droits de douane restent incertains et soumis à la fois aux pressions politiques nationales et aux caprices personnels de Trump. Comme l’a récemment déclaré son candidat au poste de secrétaire au Trésor, Scott Bessent, « je pense qu’une grande partie de ce que fait [Trump] consiste à escalader pour désescalader, et mon objectif pour son administration serait de sauver le commerce international ».
La manière dont Trump pourrait répondre aux représailles des partenaires commerciaux des États-Unis est tout aussi incertaine. Si les guerres commerciales menées au coup par coup entraînent une hausse des tarifs douaniers et des prix, le retour de l’inflation pourrait déclencher une réaction politique intérieure. Comme Trump se targue d’être un négociateur hors pair, il pourrait chercher à faire des compromis. Offrira-t-il à son homologue chinois, Xi Jinping, un affaiblissement du soutien des États-Unis à Taïwan en échange d’un accord commercial qu’il pourrait présenter comme une victoire ? Certains alliés asiatiques des États-Unis s’inquiètent précisément de ce scénario.
À en juger par les déclarations de campagne de Trump et son précédent mandat à la Maison Blanche, il faut également s’attendre à ce qu’il dévalorise le multilatéralisme et les alliances. Il a promis de se retirer à nouveau de l’accord de Paris sur le climat et d’augmenter la production nationale et les exportations de pétrole et de gaz. Alors que le prix des énergies renouvelables a baissé aux États-Unis, il reste à voir si ses politiques annuleront cet effet bénéfique du marché en réduisant la compétitivité relative des coûts de ces industries.
Pour ce qui est du Moyen-Orient, Trump a déclaré pendant la campagne un soutien inconditionnel à Israël, et il est toujours fier d’avoir négocié les accords d’Abraham, qui ont normalisé les relations entre Israël et quatre pays arabes. Lorsque l’administration Biden a tenté de tirer parti de cette avancée en incitant l’Arabie saoudite à reconnaître Israël, les Saoudiens ont posé une condition préalable : Israël doit prendre des mesures pour créer un État palestinien. Or, la coalition de droite du Premier ministre israélien Binyamin Netanyahou s’oppose farouchement à une solution à deux États et, depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, le soutien de l’opinion publique israélienne à une telle solution, déjà faible, s’est encore amoindri. Il ne fait aucun doute que Donald Trump souhaite étendre ses succès antérieurs dans la région, mais personne ne sait comment il s’y prendra.
En ce qui concerne l’Europe et l’OTAN, Trump a déclaré pendant la campagne qu’il mettrait fin à la guerre en Ukraine« en un jour ». Nous savons que cela n’arrivera pas, mais il y a une grande incertitude quant à la manière dont il tentera de négocier un armistice. Une possibilité est de réduire l’aide à l’Ukraine et d’affaiblir sa position de négociation afin qu’elle soit obligée d’accepter les conditions russes. Ou bien Trump pourrait temporairement étendre son soutien à l’Ukraine tout en s’orientant vers une « solution coréenne ».
Dans ce dernier scénario, la ligne de front actuelle deviendrait une zone démilitarisée occupée par des forces de maintien de la paix des Nations unies ou européennes, que la Russie devrait expulser si elle veut relancer la guerre. L’Ukraine pourrait continuer à affirmer sa souveraineté sur des régions comme le Donbass, mais elle ne pourrait probablement pas adhérer à l’Otan ; en revanche, un sous-ensemble de pays (« amis de l’Ukraine ») pourrait peut-être proposer de lui venir en aide si la Russie violait la zone démilitarisée. On ne sait pas si Trump utilisera son pouvoir de négociation vis-à-vis du président ukrainien Volodymyr Zelensky et du président russe Vladimir Poutine pour parvenir à un tel compromis. Mais il sera certainement intéressant pour lui de parvenir à un accord s’il pense à son héritage.
Même si les prévisions basées sur les déclarations de campagne et le personnel nous laissent dans l’incertitude, nous pouvons au moins situer Trump dans les traditions historiques de la politique étrangère américaine. Rappelons son premier discours d’investiture, dans lequel il proclamait que « à partir de maintenant, ce sera l’Amérique d’abord… nous ne cherchons pas à imposer notre mode de vie à qui que ce soit, mais plutôt à le laisser briller comme un exemple ». Ce point de vue est conforme à l’approche traditionnelle, de la « city on the hill », une ville sur une colline, de la politique étrangère américaine, qui a une longue histoire. Il ne s’agit pas d’un isolationnisme, mais d’un manque d’activisme.
En revanche, au XXe siècle, Woodrow Wilson a cherché à mettre en place une politique étrangère visant à sécuriser la démocratie dans le monde, et John F. Kennedy a exhorté les Américains à réfléchir à ce qu’ils pouvaient faire pour le reste du monde, en créant le Corps de la paix en 1961. Jimmy Carter a fait des droits de l’homme une préoccupation centrale de la politique étrangère américaine, et la stratégie internationale de George W. Bush repose sur les deux piliers que sont la direction d’une communauté mondiale croissante de démocraties et la promotion de la liberté, de la justice et de la dignité humaine.
La seule prédiction qui semble sûre est que l’approche de Trump vis-à-vis du monde sera plus conforme à la première de ces traditions qu’à la seconde.
Joseph S. Nye Jr, professeur émérite à l’université de Harvard, est un ancien secrétaire adjoint à la défense des États-Unis et l’auteur des mémoires A Life in the American Century ( Polity Press, 2024).
Project Syndicate, 2024.
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CEDEAO : Préserver l’unité régionale face au défi du retrait des membres de l’AES
À deux jours du sommet du 15 décembre 2024, la CEDEAO fait face à un défi historique. Lequel consiste à gérer le retrait annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger, prévu pour janvier 2025.
France : François Bayrou nommé Premier ministre
L’information est tombée, ce vendredi 13 décembre 2024, le président Emmanuel Macron a nommé François Bayrou, leader du Mouvement Démocrate (MoDem), au poste de Premier ministre, succédant à Michel Barnier, dont le gouvernement a été renversé par une motion de censure à l’Assemblée nationale le 4 décembre.
Marché financier régional : Le Mali mobilise 33 milliards de FCFA
Crise énergétique : Bientôt le bout du tunnel ?
La crise énergétique que traverse le Mali depuis plus d’une année perdure, malgré les différentes mesures prises par les autorités pour la juguler. À la tête du gouvernement depuis le 21 novembre dernier, le Général de division Abdoulaye Maïga s’active pour trouver de nouvelles pistes de solutions, avec pour objectif une stabilisation de l’approvisionnement énergétique dans le pays d’ici mars 2025.
Le Premier ministre Abdoulaye Maïga semble résolu à trouver une issue favorable à la grave crise énergétique que vit le Mali depuis plusieurs mois. Dans la foulée de sa nomination, le nouveau Chef du gouvernement a réservé le 28 novembre dernier sa première visite de terrain à Énergie du Mali (EDM-SA).
Porteur d’un message d’encouragement et de reconnaissance de la part du Président de la Transition, il a invité la direction et le personnel d’EDM-SA à soumettre des propositions de solutions pour mettre fin à la crise énergétique.
Une semaine plus tard, le 5 décembre 2024, le Général de division Abdoulaye Maïga était de nouveau au siège de la société pour s’enquérir des différentes propositions faites par l’ensemble des travailleurs d’EDM-SA.
Mobiliser des ressources financières
Au total, 2 300 propositions ont été recueillies auprès de 607 collaborateurs de la société Énergie du Mali. Elles tournent autour de six axes : renforcer la production énergétique, tirer avantage de l’offre énergétique régionale, assurer la viabilité financière de l’EDM-SA, améliorer la gouvernance et la communication, élaborer des stratégies à long terme et mettre en place des actions immédiates pour améliorer la fourniture.
Parmi les actions immédiates à entreprendre pour l’amélioration de la fourniture de l’électricité, selon les employés d’EDM-SA, figurent la mobilisation des ressources financières pour approvisionner régulièrement et suffisamment les centrales thermiques existantes en fioul et gas-oil, ainsi que le paiement des factures impayées de l’administration publique et des sociétés d’État.
Concernant le premier axe, le renforcement de la production énergétique, les travailleurs proposent, entre autres, de construire de nouvelles centrales solaires, de développer une centrale thermique moderne pour assurer une production stable pendant la nuit et de promouvoir les énergies renouvelables par des subventions à l’installation de panneaux solaires individuels.
Ils suggèrent aussi au gouvernement d’investir dans l’augmentation de la capacité des centrales électriques actuelles pour renforcer l’offre énergétique et d’étendre le réseau interconnecté afin d’atteindre les centrales thermiques des centres isolés.
Apurement de la dette
En ce qui concerne le deuxième axe, les travailleurs d’EDM-SA proposent de rétablir le partenariat avec la Compagnie ivoirienne d’Électricité (CIE) afin d’importer toute la capacité d’électricité disponible, d’accélérer la réalisation des ouvrages d’interconnexion, notamment entre le Mali et la Guinée, et d’encourager la diversification des sources d’énergie dans la formation du mix énergétique, avec une part d’importation permettant de diminuer les coûts d’exploitation.
Pour assurer la viabilité financière d’EDM-SA, ses employés optent non seulement pour un ajustement et une régulation des tarifs de l’électricité et l’optimisation de la collecte des revenus, mais aussi pour un apurement de la dette de la société et le recouvrement de ses créances, notamment auprès de la SOMAGEP et des entreprises publiques, afin d’améliorer la situation financière de l’entreprise.
En février dernier, les factures impayées d’électricité des services publics du Mali se chiffraient à plus de 90 milliards de francs CFA. En juin, EDM-SA avait tenté en vain d’amorcer une campagne de recouvrement en coupant l’alimentation en électricité dans certaines agences de la SOMAGEP, en raison d’arriérés de factures de cette société sœur qui s’élevaient à plus de 33 milliards de francs CFA.
Faire le tri
Dans l’axe « Gouvernance et communication », les employés d’EDM-SA proposent de mettre en place une campagne d’information pour sensibiliser aux économies d’énergie ainsi que des mécanismes pour lutter efficacement contre la fraude et les comportements déviants.
Ils suggèrent également la simplification des procédures administratives pour l’installation des producteurs solaires privés, la mise en place d’un suivi régulier des projets et programmes pour l’atteinte des objectifs de la société et le maintien d’une certaine stabilité dans sa gouvernance.
À long terme, les employés d’EDM-SA préconisent la mise en place d’un plan pour développer les énergies renouvelables au Mali, des investissements dans la modernisation du réseau de transport pour réduire les pertes et la formation du personnel pour mieux répondre aux crises énergétiques.
Pour l’analyste économique Hamadoun Haïdara, « il revient au Premier ministre de faire le tri parmi les multiples propositions faites et de mettre en place un plan d’actions pour la mise en œuvre, dans un délai raisonnable, des mesures qui seront retenues ». « Mais déjà la démarche du Chef du gouvernement démontre sa volonté de trouver rapidement une issue à cette crise qui n’a que trop duré », souligne-t-il.
Nouvelle feuille de route
Dans la foulée des propositions des employés d’EDM-SA le 5 décembre, le Premier ministre a tenu le même jour une séance de travail avec les ministres de l’Énergie, de l’Économie et de l’Industrie, élargie à la direction d’EDM ainsi qu’aux acteurs sociaux, dont les représentants des secteurs pétrolier, bancaire et minier. Selon la Cellule de Communication de la Primature, les échanges lors de cette rencontre ont permis de dégager des pistes concrètes.
« Une feuille de route détaillée est en cours d’élaboration pour aboutir à un plan d’actions visant à stabiliser l’approvisionnement énergétique entre décembre 2024 et mars 2025 », précise-t-elle.
En outre, le ministre de l’Énergie et de l’Eau, le Directeur général d’EDM et les représentants des ministères de l’Économie et de l’Industrie rencontreront dans les prochains jours les fournisseurs d’EDM-SA pour définir de nouvelles modalités d’approvisionnement.
Cette rencontre sera suivie, selon la Primature, d’une grande réunion entre toutes les parties prenantes pour valider le plan d’actions final.
Allègement en vue ?
Depuis le début de la crise, de nombreux efforts ont été déployés par les autorités de la Transition, sans pour autant parvenir à mettre fin aux délestages intempestifs dans le pays. Parmi les mesures prises en mars dernier, un protocole d’accord de gestion de la dette bancaire d’EDM avait été signé entre le ministère de l’Économie et des Finances et l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Mali (APBEF-Mali).
Il consistait à étaler la période de remboursement de ladite dette (plus de 300 milliards de francs CFA) sur une période de 10 ans à un taux voisin du taux du guichet marginal de la BCEAO, avec un différé de paiement d’une période d’un an.
Après avoir lancé la construction de trois centrales solaires (200 MW sur 314 hectares à Sanankoroba, 100 MW sur 228 hectares à Safo et 100 MW sur 120 hectares à Tikadougou-Dialakoro), le Président de la Transition avait également remis en juin 2024 un lot de 25 groupes électrogènes à EDM pour renforcer son parc de production.
La nouvelle dynamique de recherche de solutions à la crise énergétique enclenchée par le Premier ministre suscite de l’espoir pour une amélioration prochaine de la fourniture en électricité dans l’ensemble du pays. Mais le bout du tunnel dans cette crise que traverse le Mali depuis plusieurs mois est-il pour autant proche ?
« C’est vrai que le Premier ministre a pris à bras le corps la résolution de la crise énergétique, mais je pense qu’il faudra attendre des mesures concrètes pour une diminution significative des délestages avant de se réjouir », estime un acteur politique qui a requis l’anonymat.
Selon ce dernier, toutes les propositions recensées au niveau du personnel d’EDM-SA ne sont pas nouvelles et les plus susceptibles d’apporter une certaine amélioration immédiate de la situation, à l’instar de la reprise du partenariat avec la CIE, ne seront probablement pas exploitées.
Toutefois, de l’avis de certains observateurs, la mise en œuvre du plan d’actions qui sera établi à l’issue des différentes rencontres initiées par le Premier ministre pourrait aboutir à un allègement de la crise énergétique dans les prochaines semaines.
Mohamed Kenouvi
Burkina Faso : Le gouvernement Ouédraogo prend forme
Le Burkina Faso a officiellement un nouveau gouvernement suite à la nomination de Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo comme Premier ministre. Composé de 24 membres, ce nouveau cabinet se distingue par l’entrée de nouveaux visages et des réaffectations stratégiques.
Djoliba AC : Match nul encourageant en Ligue des champions
Le Djoliba AC a tenu en échec Pyramids FC, lors de sa deuxième rencontre en Ligue des champions de la CAF, disputée au Stade du 26 Mars à Bamako, le dimanche 8 décembre. Le match s’est soldé par un score vierge de 0-0, illustrant une rencontre équilibrée où les Égyptiens ont légèrement dominé la première période.
Accident mortel sur l’axe Ségou-Bamako : Le Gouverneur de Ségou et son fils parmi les victimes
Un grave accident de la route est survenu ce dimanche 8 décembre 2024 aux environs de 10h sur l’axe Ségou-Bamako, coûtant la vie à deux personnes, dont le gouverneur de la région de Ségou, le Contrôleur général de police Alassane Traoré et son fils.
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Ghana: Le retour historique de John Dramani Mahama à la présidence
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Ligue 1 Pro Orange : Trois équipes mènent la danse après la 2ème journée
La 2ème journée du championnat professionnel Ligue 1 Orange 2024-2025 s’est achevée le 3 décembre 2024. Aucun club n’a réussi à enchaîner deux victoires. Invaincus, les 11 Créateurs de Niaréla, l’US Bougouba et l’AS Bakaridjan dominent le classement provisoire.
Les 11 Créateurs ont été tenus en échec (0-0) par l’AS Police. Vainqueurs de l’AS Korofina lors de la première journée (2-0), les ambassadeurs de la Commune 2 sont leaders avec 4 points. L’US Bougouba, qui a pris le dessus sur l’AS Korofina (3-2), et l’AS Bakaridjan, vainqueur de l’US Bougouni (2-1), possèdent le même nombre de points, mais une différence de buts moins favorable.
Le promu FC Diarra affiche déjà ses ambitions. Même s’il attend toujours sa première victoire en Ligue 1, le club bamakois tient tête aux habitués du championnat. Mené 2-0 par Binga FC dès la première période, FC Diarra a su réagir en deuxième mi-temps pour égaliser et obtenir un match nul 2-2. Ce résultat fait écho à sa première rencontre en 1ère division, le 23 novembre, où il avait également arraché un nul 1-1 contre l’AS Bakaridjan.
À l’instar du FC Diarra, les Étoiles du Mandé, l’autre club qui découvre l’élite du football national, s’en sortent jusque-là assez bien. Même s’ils se sont logiquement inclinés mardi devant le Champion en titre, le Djoliba AC (1-2), les Académiciens avaient bien entamé leur aventure en Ligue 1 Orange la semaine dernière en s’imposant 2-0 devant Afrique Football Élite. Avec 3 points, ils sont provisoirement 4èmes, juste après le trio de tête.
Le choc entre le Stade malien de Bamako et l’AS Real de Bamako, qui devait clore cette 2ème journée du championnat national professionnel Ligue 1 Orange, a été reporté à une date ultérieure, en raison du déplacement des Blancs de Bamako en Angola pour le compte de la 2ème journée de la Coupe CAF.
Le Stade Malien, qui était déjà exempté lors de la 1ère journée, est le seul club à n’avoir pas encore disputé la moindre rencontre en Ligue 1 cette saison. Son meilleur adversaire, le Djoliba AC, compte 5 points et 1 match en moins. Les deux géants du football national devraient retrouver le haut du tableau au cours des prochaines journées s’ils s’imposent lors de leurs matchs en retard.
Mohamed Kenouvi
Libération des 11 leaders politique: Une étape vers une détente politique ?
Après des mois de détention marqués par des controverses et des pressions, onze figures politiques, dont d’anciens ministres comme Moustapha Dicko, Yaya Sangaré et Me Mohamed Aly Bathily, ont été libérées ce jeudi 5 décembre 2024.
Mine: Mandats d’arrêt contre le PDG de Barrick Gold et le directeur de Loulo-Gounkoto
Le bras de fer opposant les autorités et des entreprises minières opérant dans le pays se poursuit. Le Pôle économique et financier de Bamako a émis des mandats d’arrêt internationaux contre Mark Bristow, PDG de la société canadienne Barrick Gold et Cheick Abass Coulibaly, directeur général du complexe minier Loulo-Gounkoto, pour des accusations de blanchiment de capitaux et de violations des réglementations financières.
Le défi de Trump au Moyen-Orient
La victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine n’a pas surpris les habitants du Moyen-Orient. Les gouvernements de la région s’y étaient préparés et, plus d’un mois avant l’investiture de Trump, ils sont prêts à traiter avec lui. C’est Trump qui pourrait se trouver pris au dépourvu, car le Moyen-Orient d’aujourd’hui est fondamentalement différent de celui auquel il a été confronté au cours de son premier mandat à la Maison Blanche. Les deux changements les plus importants sont l’Iran et Gaza.
Commençons par l’Iran. Au cours de son premier mandat, Donald Trump a déchiré le plan d’action global conjoint de 2015 visant à limiter le programme nucléaire iranien. Alors que le président iranien de l’époque, le modéré Hassan Rouhani, a été remplacé en 2021 par un ultra-conservateur, feu Ebrahim Raisi, la présidence est à nouveau occupée par un modéré relatif, Masoud Pezeshkian.
Avant même l’entrée en fonction de Pezeshkian, l’Iran s’est engagé dans un processus de rapprochement avec ses voisins arabes, rétablissant les relations diplomatiques avec son grand rival régional, l’Arabie Saoudite, en mars 2023. Cette détente inattendue et lourde de conséquences s’inscrivait dans le cadre d’une initiative soutenue par la Chine, visant apparemment à réduire les tensions et à renforcer la stabilité dans la région.
Cela nous amène à un autre changement depuis le dernier mandat de Trump : la Chine et la Russie ont renforcé leurs relations avec l’Iran (et entre elles). Alors que Trump a toujours été antagoniste à l’égard de la Chine et de l’Iran, il a entretenu une sorte de « bromance » avec le président russe Vladimir Poutine pendant son premier mandat. Mais s’il semble désireux de coordonner une désescalade des guerres en Ukraine et au Moyen-Orient directement avec Poutine, il devra naviguer dans une nouvelle dynamique relationnelle.
Quoi qu’il en soit, une désescalade des hostilités au Moyen-Orient sera difficile à obtenir. La campagne brutale d’Israël contre Gaza a commencé en représailles à l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, mais elle a maintenant causé un nombre effroyable de morts, de déplacements et de souffrances parmi les civils. Certes, les États-Unis et la France ayant négocié un cessez-le-feu au Liban, la campagne d’Israël contre le Hezbollah devrait être terminée avant l’investiture de Trump. Mais il est difficile de prédire si un accord de « paix » au Liban rendra plus facile ou plus difficile la conclusion d’un accord similaire à Gaza, notamment parce que Trump n’a pas de position claire sur pratiquement tous les sujets.
Le président américain Joe Biden a été plus facile à cerner. Lui et son secrétaire d’État, Antony Blinken, ont un certain bagage idéologique sioniste. Ainsi, alors que l’administration Biden a exhorté Israël à mettre fin à son offensive et a menacé de suspendre son aide si les conditions de vie des civils à Gaza ne s’amélioraient pas, elle a toujours rationalisé les actions d’Israël et a continué à lui fournir des armes. Même après le cessez-le-feu au Liban, l’administration Biden serait en train de procéder à une vente d’armes à Israël pour un montant de 680 millions de dollars.
Trump a montré une préférence similaire pour les intérêts d’Israël. Au cours de sa première administration, il a rompu avec des décennies de politique établie en transférant l’ambassade des États-Unis en Israël à Jérusalem, en reconnaissant la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan occupé et en supprimant le financement de l’Office de secours et de travaux des Nations unies (United Nations Relief and Works Agency, UNRWA), le principal programme d’aide aux réfugiés palestiniens. Il a également lancé le processus de normalisation israélo-arabe. Israël a signé les accords dits d’Abraham avec les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan en 2020-21.
Trump prévoit d’inclure de nombreuses personnalités pro-israéliennes dans sa nouvelle administration. Mais en ce qui concerne la guerre à Gaza, son absence d’engagement idéologique fixe signifie que son objectif est simple : conclure un accord. Quel que soit cet accord, il est presque certain qu’il sera mauvais pour les Palestiniens, non seulement en raison de l’orientation pro-israélienne de l’administration, mais aussi parce que les accords négociés de l’extérieur tendent à refléter l’équilibre des forces sur le terrain, qui est clairement en faveur d’Israël.
Les Palestiniens ne bénéficient même pas d’un soutien particulièrement fort de la part des pays arabes, bien que l’Arabie saoudite ait déclaré qu’elle n’établirait pas de relations diplomatiques avec Israël tant qu’un État palestinien indépendant ne serait pas créé à l’intérieur des frontières de 1967. Les accords d’Abraham sont mis à rude épreuve, mais ils ne se sont pas effondrés.
Cependant, l’accord conclu par Trump pourrait ne pas être très bon pour les Israéliens non plus. Selon le journaliste israélien Barak Ravid, Trump en voulait au Premier ministre israélien Binyamin Netanyahou, qui s’est empressé de féliciter Biden après avoir battu Trump aux élections de 2020. Pour un président qui a juré à plusieurs reprises de s’en prendre à ses ennemis, ce n’est pas tout à fait farfelu.
Le scénario le plus probable semble être la fin de la guerre actuelle et un retour au statu quo d’avant le 7 octobre, et non une quelconque avancée vers une solution politique plus large. Mais l’imprévisibilité de Trump et le caractère pro-israélien de son administration font craindre à de nombreuses personnes dans la région qu’il ne donne son feu vert à l’annexion par Israël d’une partie de la Cisjordanie, voire qu’il n’accepte d’établir des colonies juives à Gaza. Trump a déjà tenté de conclure un accord pro-israélien en publiant son plan de paix pour le Moyen-Orient en janvier 2020. Mais ce qu’il a appelé « l’accord du siècle » a lamentablement échoué.
Le problème, qui devrait être tout à fait évident à présent, est que lorsque les Palestiniens ne voient aucune perspective de solution à deux États, ils finissent par passer à l’action. Ainsi, même si Trump négocie un retour au statu quo, il est peu probable qu’il tienne longtemps.
Daoud Kuttab, journaliste palestinien qui a reçu des prix prestigieux, a été professeur de journalisme à l’université de Princeton et directeur et fondateur de l’Institut des médias modernes à l’université Al-Quds de Ramallah.
Project Syndicate, 2024.
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La clé de la souveraineté de l’Afrique en matière de vaccins
L’Afrique est à l’aube d’une profonde transformation économique. Le boom démographique dans les pays subsahariens, qui devrait faire passer le nombre d’Africains de 1,4 milliard aujourd’hui à 3,3 milliards en 2075, est susceptible de déclencher une croissance rapide du PIB et d’améliorer le niveau de vie sur l’ensemble du continent.
Mon pays, le Ghana, entend être à l’avant-garde de cette évolution. Mais notre capacité à tirer parti du dividende démographique dépend d’un facteur essentiel : la santé de nos citoyens. C’est pourquoi nous cherchons à former des partenariats internationaux stratégiques qui nous aident à améliorer les résultats en matière de santé, à stimuler la croissance économique et à assurer une prospérité largement partagée.
Cela soulève une question fondamentale. À quoi ressemble un partenariat stratégique équitable entre les pays africains et les pays du Nord ? Historiquement, l’aide au développement pour les projets de santé vitaux dans le monde en développement, bien que bien intentionnée, a souvent été mal coordonnée et non durable, se concentrant sur les crises à court terme plutôt que de s’attaquer aux problèmes systémiques qui en sont la cause.
Au cours des deux dernières décennies, les pays africains ont jeté les bases d’un système de santé entièrement financé par des ressources nationales. Les tendances récentes suggèrent que les partenariats entre les secteurs public et privé sont essentiels pour élargir l’accès aux soins et parvenir à une véritable autosuffisance en matière de santé.
Gavi, l’Alliance du vaccin, en est un bon exemple. Depuis sa création en 2000, ce partenariat international a aidé les pays africains à vacciner près d’un demi-milliard d’enfants, à réduire de moitié les taux de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans et à générer des dizaines de milliards de dollars de bénéfices économiques en améliorant les résultats scolaires, en stimulant la productivité et en réduisant considérablement les coûts des soins de santé.
Ces effets positifs sur la santé et les performances économiques des pays africains ne sont qu’un point de départ. Une croissance durable et inclusive des revenus pourrait permettre à des pays comme le Ghana de diversifier leurs économies et de favoriser des sociétés plus stables. Elle pourrait également nous aider à retenir les talents, car davantage de personnes choisissent de construire leur avenir ici plutôt que de chercher des opportunités économiques à l’étranger. En outre, une Afrique prospère profiterait à nos partenaires commerciaux, contribuant ainsi à une économie mondiale plus forte et plus résistante.
Les avantages immédiats des partenariats stratégiques dans le domaine de la santé sont évidents. L’achat et le déploiement rapides de vaccins contre la variole au cours des deux derniers mois montrent que les principales leçons de la pandémie de Covid-19 ont été tirées. Les nouveaux mécanismes de financement d’urgence, établis grâce à des efforts à l’échelle du continent et soutenus par des partenaires internationaux, ont stimulé l’équité en matière de vaccins et renforcé la sécurité sanitaire.
À l’avenir, de nouvelles initiatives visant à développer la fabrication nationale de vaccins offrent une occasion inestimable de répondre à la demande croissante de l’Afrique et de parvenir à la souveraineté en matière de vaccins. Si les partenariats internationaux sont essentiels pour favoriser la croissance à long terme, notre objectif ultime reste l’autosuffisance. En 2023, les gouvernements africains ont versé plus de 200 millions de dollars aux programmes de vaccination de Gavi – une étape historique. Les pays du Sud fournissant désormais 40 % du financement des activités de routine de Gavi. De nombreux pays, dont le Ghana, sont en passe de financer leurs efforts de vaccination de manière autonome d’ici à la fin de la décennie.
Cependant, pour que l’Afrique parvienne à une souveraineté totale en matière de vaccins, Gavi doit obtenir au moins 9 milliards de dollars pour les cinq prochaines années. L’importance de ce soutien est évidente au Ghana, où notre partenariat avec Gavi a revigoré la lutte contre le paludisme – un fléau de longue date – et contribuera bientôt à protéger les jeunes femmes du cancer du col de l’utérus, pour la première fois, en élargissant l’accès au vaccin contre le papillomavirus.
L’un des points forts du modèle de Gavi est sa capacité à exploiter et à transposer à plus grande échelle les innovations du secteur privé. Cela permet aux gouvernements des pays du Sud de vacciner davantage d’enfants, de fournir des soins de santé de qualité et de réduire les coûts. Au Ghana, le soutien financier et logistique de Gavi nous a aidés à intégrer dans notre système de santé des avancées technologiques telles que la tenue de registres numériques, l’énergie solaire, la livraison par drone et l’identification biométrique des nourrissons.
Mon message aux donateurs de Gavi est simple : en tant que partenaires, nous avons accompli ensemble des progrès remarquables. Reculer maintenant mettrait en péril nos gains durement acquis. Un avenir plus sain, plus sûr, plus prospère et plus équitable pour tous est à portée de main. En renforçant notre collaboration, nous pouvons y parvenir.
Nana Akufo-Addo est président du Ghana.
Project Syndicate, 2024.
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Dernière chance pour les ODD ?
Le monde est en train de perdre une bataille qui pouvait être gagnée. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, prévient que les Objectifs de développement durable (ODD) pour 2030 sont sur le point de devenir « l’épitaphe d’un monde qui aurait pu être ». Le patient peut-il être réanimé ?
Les décisions prises dans les prochains jours auront une incidence importante sur la réponse. Le 7 décembre, les gouvernements annonceront leurs promesses de financement pour l’Association internationale de développement (IDA), la branche du groupe de la Banque mondiale qui fournit des financements aux pays les plus pauvres du monde (dont le revenu annuel par habitant est inférieur à 1 315 dollars). La reconstitution des ressources de l’IDA a lieu tous les trois ans, ce qui signifie que les engagements pris aujourd’hui couvrent la période d’investissement critique pour sauver les objectifs du Millénaire pour le développement. Malheureusement, les choses ne se présentent pas bien. Plusieurs donateurs clés n’ont pas mis tout leur poids dans la balance.
C’est dans les 78 pays couverts par l’IDA que la bataille pour les ODD sera gagnée ou perdue. Abritant 500 millions de personnes qui survivent avec moins de 2,15 dollars par jour, ils représentent environ 70 % de l’extrême pauvreté et plus de 90 % de la faim dans le monde. Pire encore, ce sont les enfants qui sont en première ligne. Dans un récent rapport de l’ODI Global, un think tank, mes coauteurs et moi-même estimons que quelque 257 millions d’enfants des pays éligibles à l’IDA grandissent dans la faim, ce qui a des conséquences désastreuses sur leur santé et leurs perspectives d’éducation.
Des revers récents ont aggravé des problèmes déjà graves, provoquant des revirements majeurs. Après avoir été durement touchés par la pandémie de Covid-19, les pays couverts par l’IDA ont été secoués par des ralentissements économiques post-pandémiques, la hausse des prix des denrées alimentaires et l’augmentation de la dette publique. Plus de la moitié d’entre eux sont en train de se laisser distancer par les pays riches, alors que les inégalités mondiales se creusent. La réduction de la pauvreté s’est ralentie par rapport à un rythme déjà insuffisant. Les progrès contre la faim se sont arrêtés. Le service de la dette évince les investissements vitaux, les remboursements l’emportant désormais sur les dépenses de santé et d’éducation de base.
Dans ce contexte peu réjouissant, l’accès à un financement du développement abordable s’est réduit. Les transferts financiers réels (corrigés de l’inflation) des donateurs vers l’Afrique ont chuté, et la hausse des taux d’intérêt réels a exclu la plupart des pays de l’IDA des marchés des obligations souveraines (ou les a soumis à des coûts d’emprunt excessivement élevés).
L’IDA est l’arme financière multilatérale la plus puissante de l’arsenal de lutte contre la pauvreté. Au cours de la dernière année fiscale, elle a fourni 31 milliards de dollars de soutien aux pays membres. Cela en a fait, de loin, la plus grande source de financement du développement pour l’Afrique, qui bénéficie de subventions à taux zéro, de prêts concessionnels remboursables sur 30 à 40 ans, ou les deux à la fois.
Ce type de financement est une bouée de sauvetage pour les objectifs du Millénaire pour le développement (ODD), car il est majoritairement destiné à des domaines dont les bénéfices pour les pauvres sont avérés, tels que la protection sociale, les investissements dans la santé infantile et maternelle, et l’éducation. Avec une reconstitution généreuse, l’IDA pourrait contribuer à sortir des millions de personnes de l’extrême pauvreté, à élargir les possibilités d’amélioration de la santé et de l’apprentissage, et à soutenir l’adaptation au changement climatique.
En outre, pour les donateurs qui cherchent à optimiser leurs ressources, l’IDA présente un avantage unique : chaque dollar reçu peut rapporter 3,50 dollars. L’IDA peut tirer parti de la note de crédit AAA de la Banque mondiale pour obtenir des financements à faible taux d’intérêt en émettant des obligations et en prêtant le produit de ces émissions aux pays en développement. Lorsque les donateurs fournissent des fonds par l’intermédiaire de programmes d’aide bilatérale ou de fonds mondiaux pour la santé, l’argent qui sort reflète l’argent qui entre. Mais l’IDA permet d’en faire bien plus pour son argent.
L’IDA permet également d’atténuer les pratiques dommageables de l’aide internationale. À l’heure actuelle, seuls 8 % environ de l’aide au développement liée à la pauvreté sont fournis par l’intermédiaire des budgets gouvernementaux. Le reste arrive par le biais de fonds de projets contrôlés par les donateurs, ce qui entraîne une fragmentation, une faible coordination et des coûts de transaction élevés pour les gouvernements. Ainsi, l’Éthiopie a dû gérer 454 transactions d’aide pour la seule agriculture en 2021. En revanche, l’IDA apporte son soutien par le biais de budgets nationaux pour des programmes pris en charge par le pays, ce qui explique pourquoi les gouvernements de toute l’Afrique la soutiennent fermement.
La Banque mondiale plaide, à juste titre, en faveur d’une augmentation importante de l’IDA. L’année dernière, son président, Ajay Banga, a appelé les donateurs à fournir plus de 120 milliards de dollars, ce qui ferait de cette reconstitution « la plus importante de tous les temps ». Malheureusement, cette ambition s’est estompée. Les promesses actuelles impliquant une reconstitution de moins de 105 milliards de dollars, soit moins que la précédente, en termes réels.
Alors que l’administration du président américain Joe Biden a annoncé une augmentation de son engagement dans l’IDA, et que plusieurs petits pays et nouveaux donateurs ont également augmenté leurs contributions, certaines grandes économies du G7 ont fait marche arrière. L’année dernière, le président français Emmanuel Macron a accueilli un sommet visant à créer un nouveau pacte financier mondial pour lutter contre la pauvreté et la crise climatique ; cette année, il s’apprête à réduire la contribution de la France à l’IDA.
Le Royaume-Uni est tout aussi décevant. Il figurait parmi les plus gros contributeurs à l’IDA au cours de la décennie qui s’est achevée en 2022 : un héritage du leadership de l’ancien Premier ministre Gordon Brown. La situation a radicalement changé lors de la dernière reconstitution des ressources de l’IDA, lorsque la contribution du Royaume-Uni a été réduite de moitié, les gouvernements conservateurs s’étant attaqués au budget de l’aide.
La reconstitution de cette année donne au nouveau gouvernement travailliste l’occasion de commencer à reconstruire la réputation de la Grande-Bretagne en tant que « superpuissance du développement ». Le ministre des Affaires étrangères, David Lammy, a promis une nouvelle ère dans laquelle le Royaume-Uni « utilisera des moyens réalistes pour poursuivre des objectifs progressistes ». Revenir sur les coupes opérées par les conservateurs en augmentant de 54 % la contribution du Royaume-Uni (ce qui représente un engagement de 2,2 milliards de dollars) répondrait certainement à ces critères. Pourtant, le Trésor veut plafonner toute contribution supplémentaire à 20-40 %.
Il s’agirait là d’une tragédie. Si le Trésor a raison de noter qu’il a hérité de ses prédécesseurs conservateurs un calice empoisonné de finances publiques insoutenables, il a tort de suggérer que le Royaume-Uni ne peut pas se permettre d’envoyer un signal positif dans l’intérêt de la coopération internationale et de son propre pouvoir d’attraction (« soft power »).
Pire encore, le gouvernement a effectivement mis au placard des engagements d’aide de longue date en maintenant la politique des gouvernements précédents consistant à les soumettre à des tests fiscaux irréalisables et invraisemblables, dont l’un consiste à atteindre un excédent budgétaire (ce qui ne s’est produit que quatre fois depuis 1971). Il n’y a rien de réaliste ou de progressiste à utiliser des objectifs invraisemblables comme prétexte pour tourner le dos aux pauvres du monde. Le Royaume-Uni devrait rétablir intégralement les réductions de l’IDA opérées par le gouvernement conservateur.
L’IDA n’est peut-être pas parfaite, mais c’est le meilleur outil dont nous disposons pour restaurer l’espoir que les ODD ont suscité. Les gouvernements devraient l’utiliser.
Kevin Watkins, ancien PDG de Save the Children UK, est professeur invité à l’Institut Firoz Lalji pour l’Afrique de la London School of Economics.
Project Syndicate, 2024.
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Sécurité : Nouveau tournant dans la guerre entre l’armée et les séparatistes
Repliés à Tinzawatène depuis des mois, après avoir été délogés de leur ancien bastion de Kidal, les groupes armés indépendantistes touaregs viennent de subir un nouveau revers dans cette localité, près de la frontière algérienne. Alors que ces derniers, désormais réunis au sein du Front de Libération de l’Azawad (FLA), aspirent à l’indépendance, l’armée malienne durcit ses frappes contre eux dans la zone. L’intensification de la guerre semble inévitable.
Le Front pour la Libération de l’Azawad, mis en place le 30 novembre 2024 après la dissolution du Cadre Stratégique Permanent pour la Défense du Peuple de l’Azawad (CSP-PDA), a été la cible de plusieurs frappes de drones coordonnées des Forces Armées Maliennes dès le lendemain de sa création, le 1er décembre.
Plusieurs cadres de la rébellion ont été tués, dont Fahad Ag Almahmoud, ancien Secrétaire général du Groupe d’Autodéfense Touareg Imghad et Alliés (GATIA), qui était proche des autorités de Bamako avant de changer de posture ces derniers mois.
Parmi les autres membres du FLA neutralisés figurent Choghib Ag Attaher, ancien député de Kidal, Sidi Ag Baye, Porte-parole influent du MNLA, Mossa Ag Baye, responsable militaire de l’ex-CSP, Mohamed Ag Acherif, haut cadre du GATIA, Bachar Ag Ahmad, cadre politique de la rébellion, Albaraka Ag Alfaki, stratège militaire, et Ousmane Ag Mohamedine, cadre du mouvement.
Tensions
Si ces pertes dans les rangs du tout nouveau Front des rebelles du Nord représentent un coup dur pour le mouvement, cela semble également les avoir galvanisés dans leur objectif de « libération totale de l’Azawad » et de mise en place de l’Autorité de l’Azawad.
« Les révolutionnaires tombent et tomberont encore, mais la révolution ne s’en ressentira que plus forte, plus résistante et encore plus ancrée », a indiqué le Porte-parole du FLA, Mohamed Elmaouloud Ramadane, dans un communiqué, le 1er décembre.
Il a ajouté que le FLA était plus déterminé que jamais à faire aboutir, par tous les moyens légaux et légitimes, le bien-fondé de la cause pour laquelle le sang de ses martyrs est quotidiennement versé.
De son côté, le Chef d’État-major Général des Armées a salué une opération spéciale d’envergure visant à « démanteler le réseau structuré des leaders terroristes et à déstabiliser leur chaîne de commandement ».
L’armée a par ailleurs annoncé que les opérations de contrôle des zones se poursuivront dans cette partie du pays pour « pérenniser cette victoire ».
Riposte du FLA ?
Certains observateurs craignent une escalade de la violence et un regain des tensions entre l’armée et les indépendantistes du FLA. Mais, au-delà de la posture « va-t-en guerre » affichée par les rebelles après le revers du 1er décembre, jusqu’où le Front peut-il aller dans sa quête indépendantiste ?
« Il ne faudrait pas sous-estimer leur capacité de riposte face à l’armée malienne, même si celle-ci est aujourd’hui en position de force. Le FLA va certainement vouloir venger la perte de ses cadres et se donnera les moyens d’y parvenir », prévient un spécialiste des groupes armés au Sahel qui a requis l’anonymat.
Cependant, pour l’analyste politique Dr. Bréhima Mamadou Koné, les « terroristes » regroupés au sein du nouveau Front mettront du temps à se réorganiser. « Il y a eu une fissure dans leur chaîne de commandement. Il sera compliqué pour ces groupes de se réorganiser et de s’attaquer dans l’immédiat aux positions de l’armée régulière ou aux civils », estime-t-il.
« Aujourd’hui, ils se concentrent sur la manipulation idéologique et la propagande. Mais cette propagande n’ira pas loin. Sur le terrain, l’armée régulière a pris le dessus », poursuit Dr. Koné.
Toutefois, la possibilité d’un changement de stratégie de ces groupes armés, désormais unifiés en une entité politico-militaire, n’est pas à exclure. Plusieurs figures-clés du mouvement sont toujours en vie et pourraient redéfinir de nouvelles stratégies de guerre en fonction des réalités du terrain.
Par ailleurs, le Front pour la Libération de l’Azawad pourrait s’allier à d’autres groupes terroristes pour mener conjointement de prochaines attaques.
Mohamed Kenouvi
Transition : Entre souverainisme affirmé et défis persistants
Un rapport publié récemment par l’International Crisis Group, intitulé « Le tournant souverainiste au Mali : ajuster la trajectoire », explore les transformations politiques et stratégiques opérées par les autorités maliennes depuis les coups d’État d’août 2020 et mai 2021.
Selon ce rapport, ces évolutions, portées par un discours qualifié de « souverainiste », visent à renforcer l’autonomie du pays, tout en rompant avec des partenariats jugés « traditionnels » et en adoptant de nouvelles alliances.
L’éternel recommencement !
Chaque année, les tragédies se répètent, comme un refrain entêtant. Les inondations qui ont ravagé le pays lors de l’hivernage dernier, illustrées par les dommages causés à de nombreux édifices, en sont un triste exemple. Sous la pression des pluies diluviennes, les barrières du pont de Woyowoyanko se sont écroulées, mais elles ont été rapidement remises en état, comme si cela suffisait. Ce n’est pourtant pas la première fois que cette situation se produit.
Pourquoi continuons-nous à investir de l’argent public dans des solutions temporaires qui ne font que masquer les symptômes d’un problème chronique ? Chaque réparation constitue une occasion manquée d’adopter une vision à long terme. Nous jetons de l’argent par les fenêtres, alors que ces ressources pourraient être utilisées pour des projets durables et plus que nécessaires.
Nous devons nous interroger sur les leçons à tirer de ces catastrophes. Ignorer les prévisions pour l’année prochaine, c’est condamner nos infrastructures à s’effondrer à nouveau. Ce cycle infernal absurde doit cesser. Au lieu de tout réparer à la hâte, il est temps de repenser nos fondations. Élever le niveau des infrastructures, renforcer les matériaux et repenser l’aménagement urbain sont des solutions qui nécessitent des études sérieuses et une volonté politique affirmée.
Il est urgent d’agir pour éviter que l’éternel recommencement ne devienne notre seul héritage. Le Mali mérite mieux que des solutions précaires. Il est grand temps de prendre conscience de notre responsabilité collective et d’exiger un changement durable.
Massiré Diop
VBG : Pourquoi la lutte peine
À l’occasion des 16 jours d’activisme contre les Violences basées sur le genre, il est clair que la situation au Mali demeure préoccupante. Alors que les VBG continuent d’augmenter, il est crucial d’analyser les obstacles qui freinent une réponse efficace à ce fléau touchant particulièrement les femmes et les filles, dans un contexte de crise sécuritaire.
Entre janvier et juin 2024, le système GBVIMS (Gender-Based Violence Information Management System) a recensé 7 641 incidents de Violences basées sur le genre (VBG). Cette augmentation est attribuée, selon ses auteurs, à « la détérioration de la situation sécuritaire, à l’affaiblissement des mécanismes de protection des populations civiles, ainsi qu’à une diminution des services spécialisés en VBG ». À cela s’ajoutent de nombreux défis dans la lutte contre les VBG, notamment la disponibilité de statistiques fiables et une réponse adéquate aux facteurs de risque.
Le terme VBG désigne « un acte préjudiciable perpétré contre la volonté d’une personne, fondé sur les différences sociales (le genre) entre les hommes et les femmes ». Ce phénomène, qui prend une ampleur inquiétante, persiste dans un contexte de crise multidimensionnelle au Mali. En effet, la persistance des incidents sécuritaires, notamment les attaques des groupes armés, continue de provoquer des déplacements massifs de populations, principalement dans les régions de Gao, Tombouctou et Kidal.
En septembre 2024, le Displacement Tracking Matrix (DTM) a recensé 388 363 personnes déplacées, dont 58% de femmes et de filles. Ces déplacements se concentrent dans les régions de Ménaka, Mopti, Gao, Bandiagara, Tombouctou et Ségou. Cette situation a engendré un climat général de peur et de violations des droits humains, exacerbant ainsi la vulnérabilité des femmes et des filles.
Le monitoring de protection a enregistré 10 415 violations des droits humains d’avril à juin 2024. Les catégories de violations rapportées incluent, entre autres, les atteintes au droit à la vie, les atteintes à l’intégrité physique et/ou psychique, ainsi que les atteintes à la liberté et à la sécurité. Le nombre de femmes et de filles touchées par ces violences a atteint 3 058 au deuxième trimestre 2024.
Améliorer la collecte de données
Plusieurs structures gouvernementales, ONGs, associations, réseaux et agences des Nations Unies travaillent sur la problématique des VBG. Toutefois, la collecte de données sur les VBG, les pratiques traditionnelles néfastes (PTN) et la santé reproductive (SR) constituent un véritable défi pour les acteurs du domaine. C’est le constat établi par « l’Étude diagnostique des structures et acteurs producteurs de données sur les Violences Basées sur le Genre (VBG), les Pratiques Traditionnelles Néfastes (PTN) et la Santé Reproductive (SR) dans les zones d’intervention du programme Initiative Spotlight : Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou et le District de Bamako ».
Plusieurs facteurs expliquent cette réalité, notamment l’insuffisance ou l’inexistence de mécanismes de collecte de données dans la plupart des structures concernées. L’absence de matériel de collecte et de personnel formé, ainsi que le manque de points focaux pour le traitement des cas répertoriés, aggravent la situation. Enfin, les ressources financières et humaines de qualité manquent pour produire des données fiables.
Ce constat est partagé par les acteurs de la lutte et des mesures sont envisagées pour y remédier. La fiabilité des statistiques est essentielle, compte tenu de la multiplicité des intervenants. C’est pourquoi le gouvernement préconise que les collectes de données au niveau de l’INSTAT ne se fassent pas de manière redondante. En effet, il arrive que des femmes, en quête d’aide, changent d’organisation avant la fin de la procédure de peur d’être repérées. Souvent pressées d’obtenir des résultats et en l’absence de solution immédiate, elles peuvent se tourner vers d’autres structures. Ces faiblesses rendent difficile la collecte de données fiables sur les VBG et les catégories les plus fréquentes, indispensable pour adapter les stratégies.
Persistance
La diversité des acteurs contribuant à la lutte contre les VBG a permis une meilleure connaissance de ces violences et une sensibilisation accrue des femmes à les dénoncer, estime Madame Diarra Djingarey Maïga, Présidente du Mouvement Féministe du Mali (MFM). « Les femmes comprennent désormais mieux plusieurs situations qu’elles ne considéraient pas auparavant comme des VBG ». Il ne s’agit pas seulement de violences physiques, mais aussi de violences morales, économiques et sexuelles. Cela conduit les organisations à enregistrer un nombre plus élevé de plaintes et de demandes d’assistance.
Cependant, la persistance des VBG est également liée à des facteurs sociaux. Une construction sociale « demande à la femme de se soumettre et d’accepter, afin que les choses marchent ». Si ce n’est pas le cas, « c’est sa faute », ajoute Madame Diarra. Par ailleurs, une interprétation traditionnelle de la coutume donne « la possibilité à l’homme de « corriger » la femme en faute ». Ainsi, lorsque la femme subit une violence, on en conclut souvent qu’elle a fauté. De plus, celles qui se plaignent au sein de la famille ou de la communauté après une violence sont souvent « priées » de prendre exemple sur d’autres ayant subi la même chose et d’accepter leur condition.
L’évolution inquiétante des VBG et leur persistance doivent interpeller bien au-delà des organisations qui luttent contre ce phénomène. La jeunesse, souvent perçue comme l’auteure présumée de ces violences, « sombre dans les drogues et l’alcool. Un phénomène récurrent qui perturbe la stabilité des jeunes et, par ricochet, celle des foyers », alerte M. Makan Kaloga, psychologue. La stigmatisation des victimes, le manque d’informations, les inégalités et les abus de pouvoir sont également des facteurs évoqués par les acteurs pour expliquer la hausse des cas de VBG, malgré le nombre élevé d’associations engagées dans la lutte.
Adapter la prise en charge
Les VBG représentent un phénomène complexe dont la prise en charge nécessite l’implication de plusieurs acteurs. Cette nécessité a été perçue par le gouvernement et ses partenaires, qui ont opté pour un changement d’approche. La mise en place de « One Stop Centers », où les victimes peuvent accéder à des médecins, psychologues et agents de justice, constitue une réponse adéquate permettant une prise en charge holistique des survivantes, souvent confrontées à plusieurs besoins. Dans un pays multiculturel comme le Mali, il est parfois difficile pour une femme de se rendre à plusieurs endroits pour discuter de ses problèmes. Si elle peut être entendue et prise en charge en un seul lieu, cela est salutaire, se réjouit un acteur du domaine.
Actif dans ce secteur, le réseau d’organisations Women in Law and Development in Africa (Wildaf) s’inscrit également dans une dynamique de changement de stratégie. Représentant un réseau d’associations et d’ONG engagées dans la promotion et la protection des droits des femmes et des enfants, l’organisation se consacre à la sensibilisation, la formation et le plaidoyer. Ses cibles incluent les leaders communautaires, religieux, jeunes ambassadeurs et groupements féminins, en abordant des thématiques liées aux VBG, au Genre et aux violences sexuelles liées aux conflits. Les leaders communautaires sont particulièrement formés aux techniques de médiation, « car les femmes qui viennent nous voir ne souhaitent pas recourir à la justice, elles préfèrent que leurs problèmes soient résolus à l’amiable », explique Mme Aïcha Bourama Diarra, responsable de la Clinique juridique de Wildaf.
Désormais, Wildaf a également adopté une approche mixte dans le choix de ses para-juristes, qui étaient essentiellement des femmes : « afin que les hommes se sentent concernés par la lutte », précise Mme Diarra. Cependant, ce qu’il faut, c’est un changement de politique, assure-t-elle. L’adoption des nouveaux Code pénal et Code de procédure pénale constitue un grand pas. Ces textes, qui prennent en compte plusieurs recommandations des organisations de lutte contre les VBG, permettront aux acteurs de s’en prévaloir pour mieux assurer la justice.
Fatoumata Maguiraga