Pour des propos controversés: Issa Kaou Djim de nouveau sous mandat de dépôt

L’ancien membre du Conseil National de Transition (CNT), Kaou Djim, a de nouveau été placé sous mandat de dépôt ce mercredi 13 octobre. Cette décision a été prise après sa comparution devant le procureur en charge de la cybercriminalité, suite à sa participation à l’émission Rendez-vous des idées diffusée sur Joliba TV.

Lors de cette émission, M. Kaou Djim a exprimé des doutes concernant la tentative récente de déstabilisation au Burkina Faso. C’est d’ailleurs suite à une plainte déposée par le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina Faso auprès de la Haute Autorité de la Communication (HAC) du Mali que cette interpellation a été déclenchée, en raison des propos jugés offensants pour les autorités et le peuple burkinabè. Actuellement en détention provisoire, Kaou Djim devrait y rester jusqu’à son procès, prévu pour février prochain.
Ce n’est pas la première fois qu’Issa Kaou Djim se retrouve en conflit avec les autorités de transition qu’il avait initialement soutenues. En octobre 2021, il avait déjà été emprisonné pour ses critiques publiques envers le gouvernement de transition. À l’époque, en tant que vice-président du CNT, il jouissait d’une influence politique importante, mais ses propos jugés provocants avaient conduit les autorités à le placer en détention pour « trouble à l’ordre public. » Cette première incarcération avait marqué une rupture notable entre Kaou Djim et les dirigeants de la transition.
Dans cette nouvelle affaire, le dossier de Joliba TV ne s’arrête pas avec l’arrestation de Kaou Djim. En effet, le directeur de la chaîne ainsi que le directeur de l’information, également animateur de l’émission en question, ont été convoqués par la Haute Autorité de la Communication (HAC) pour s’expliquer sur les conditions de diffusion de l’émission. Cette convocation, prévue pour ce jeudi 14 novembre, vise à clarifier le rôle de la chaîne dans la diffusion des propos de M. Kaou Djim.
Historique des relations entre la HAC et Joliba TV
La relation entre la HAC et Joliba TV est marquée par des antécédents de tensions. En 2022, la chaîne avait déjà été sanctionnée par une suspension de deux mois, après des propos jugés « diffamatoires » envers les autorités de la transition. Cette décision avait nécessité une convocation des responsables de la chaîne pour justifier le contenu diffusé.

Système judiciaire : La transformation enclenchée

Le Conseil national de transition (CNT) a adopté le 31 octobre 2024 deux projets de loi portant sur le Code pénal et le Code de procédure pénale. En attente de promulgation, ces deux nouveaux codes, qui renferment plusieurs innovations, jettent les bases d’un renforcement de l’arsenal juridique du pays. Sept ans après le début de ce processus de longue haleine, les autorités doivent maintenant faire face à un autre défi : celui d’une mise en œuvre efficiente des dispositions des nouveaux textes pour une véritable transformation de la justice.

Adoptés en Conseil des ministres le 11 octobre 2023, les projets de loi portant sur le Code pénal et le Code de procédure pénale introduits par le gouvernement ont reçu le quitus des membres de l’organe législatif lors de la séance plénière ouverte le 31 octobre dernier.

Les deux textes, qui avaient été renvoyés lors de la précédente session du CNT à la session budgétaire en cours jusqu’au 31 décembre 2024, ont été largement approuvés par les parlementaires : 132 voix pour, 1 contre et 0 abstention pour le projet de loi portant sur le Code pénal, et 131 voix pour, 1 contre et 0 abstention pour celui portant sur le Code de procédure pénale. Avant de les adopter, les membres du CNT ont apporté au total 197 amendements aux textes initiaux proposés par le gouvernement.

Restaurer la confiance en la justice

Débuté en 2017, le processus de relecture des Codes pénal et de procédure pénale répond à la nécessité d’aboutir à des codes consensuels dont l’application contribuera non seulement à garantir la bonne gouvernance, la stabilité et la paix, mais aussi à restaurer la confiance des justiciables en la justice. En effet, les codes en vigueur depuis une vingtaine d’années ont soulevé des difficultés, tant dans leur architecture que dans leur contenu, en raison de l’évolution des enjeux et des défis concernant l’efficacité de la politique pénale face aux mutations significatives de la criminalité, ainsi que de la nécessité de prendre en compte les droits des personnes poursuivies, des témoins et des victimes et, par conséquent, des vides juridiques à combler.

Le rapport de la Commission des Lois constitutionnelles, de la législation, de la justice, des droits de l’Homme et des Institutions de la République, que nous avons consulté, souligne que la relecture de ces codes vise à équilibrer plusieurs impératifs, apparemment contradictoires mais complémentaires, tels que la sécurisation des personnes et des biens, la célérité et la fiabilité de la justice, ainsi que le respect des libertés individuelles et des droits de la défense.

« Cette démarche, en accord avec l’évolution des mœurs, de la société et du Droit en général, contribuera à renforcer l’État de droit, la confiance des citoyens dans les institutions de l’État et à mettre à la disposition des praticiens du Droit des instruments pertinents pour lutter contre la délinquance et la criminalité », soutient la Commission dans sa synthèse des auditions des personnes ressources.

Pour sa part, Dr. Boubacar Bocoum, Secrétaire général adjoint de l’Association malienne de Droit pénal (AMADP), estime que l’adoption du nouveau Code pénal et du nouveau Code de procédure pénale marque le début d’une nouvelle ère pour la justice au Mali.

« Ces réformes sont essentielles pour adapter le système judiciaire malien aux défis actuels et aux aspirations de la population. C’est une évolution majeure de paradigme dans la garantie des droits fondamentaux des citoyens », se réjouit celui qui est également Professeur de droit pénal à l’Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako (USJPB).

Innovations majeures

Le projet de loi portant sur le Code pénal comporte 1 116 articles, répartis en 7 livres, 26 titres et 83 chapitres. Il traite, entre autres, des crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique, des crimes et délits contre les personnes, des crimes et délits contre la propriété, ainsi que des contraventions de police.

Comparé à l’ancien Code pénal, en vigueur depuis 2001, le nouveau Code présente plusieurs innovations. Parmi celles-ci, on peut relever le renvoi à la Constitution pour la sanction de haute trahison, les mesures relatives à la protection des dénonciateurs, l’introduction du principe de responsabilité pénale des personnes morales, à l’exclusion de l’État et des collectivités territoriales, ainsi que la prise en charge de nouvelles infractions telles que l’esclavage, la traite des personnes, le trafic illicite de migrants et les infractions prévues par les actes uniformes de l’OHADA et de l’UEMOA.

Le nouveau Code pénal prévoit également l’introduction de règles de procédure, l’inscription des peines sur une échelle différente avec des peines plafonds, l’agrégation des textes épars dans un seul document, ainsi qu’une numérotation à quatre chiffres pour faciliter la mise à jour périodique des articles.

Quant au nouveau Code de procédure pénale, il comprend 1 373 articles, dont plus de la moitié (739) sont complètement nouveaux, répartis en 6 livres, 48 titres et 55 chapitres.

Traitant de l’action publique, de l’action civile, des autorités chargées de la conduite de la politique pénale et de l’instruction, des juridictions de jugement, des voies de recours contre les jugements, ainsi que des procédures d’exécution, le projet de loi renferme également de nombreuses innovations. Il renforce les principes directeurs du procès pénal, introduit la surveillance électronique comme alternative à la détention dans certains cas, ainsi que des procédures particulières, notamment les techniques spéciales d’enquête, et apporte des précisions sur l’extradition.

Ce nouveau Code de procédure pénale consacre également l’introduction du juge de l’application des peines (dont la mise en œuvre se fera progressivement en fonction du niveau de l’effectif des magistrats), l’actualisation des dispositions relatives au casier judiciaire et la création de trois pôles spécialisés autonomes en matière de lutte contre la délinquance économique et financière, contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, ainsi que contre la cybercriminalité.

L’institution du référé liberté, qui permet de demander la remise en liberté à tout moment et à toute étape de la procédure, la précision des pouvoirs de police judiciaire des maires et de leurs adjoints, l’introduction de sanctions contre les acteurs de la justice en cas de violations de certaines règles de procédure et la suppression des Cours d’assises au profit des Chambres criminelles au niveau des tribunaux de grande instance constituent également des nouveautés apportées par le projet de loi portant sur le Code de procédure pénale nouvellement adopté par le CNT.

Par ailleurs, le ministre de la Justice, Mahamadou Kassogué, a également annoncé la mise en place d’un collège des libertés et de détention qui, selon lui, permettra de réduire de manière considérable le nombre de mandats de dépôt.

Le défi de la mise en œuvre

Si l’ensemble des acteurs de la justice salue l’adoption des nouveaux Codes pénal et de procédure pénale comme une avancée majeure vers la mise en place d’un système judiciaire plus efficace et plus juste, il conditionne la réussite de sa mise en œuvre à l’application par l’État de certaines mesures d’accompagnement.

Parmi ces mesures, certains observateurs mettent l’accent sur la formation des acteurs judiciaires pour une bonne maîtrise des nouvelles dispositions légales, l’allocation de ressources nécessaires par l’État afin de garantir le bon fonctionnement du système judiciaire et la sensibilisation des populations pour leur faire connaître les nouvelles règles et encourager leur confiance dans la justice.

« Le succès de ces réformes dépendra de l’effectivité des textes adoptés et de la mobilisation de tous les acteurs concernés, que ce soit les pouvoirs publics, les acteurs de la justice, ou la société civile dans son ensemble », estime Dr. Boubacar Bocoum.

Lors d’un atelier de validation des avant-projets de loi des deux Codes en août 2022, l’ancien Président de la Cour suprême, Nouhoum Tapily, préconisait des démarches auprès de toutes les forces vives du pays afin qu’elles s’approprient les documents des deux lois, car, soutenait-il, l’efficacité des lois dépend de leur connaissance par les populations et de leur adhésion.

Une fois promulgués, la prochaine étape pour le gouvernement devrait donc être, selon certains observateurs, celle de la vulgarisation des nouveaux textes.

Mohamed Kenouvi

Renforcement du système judiciaire : De nouveaux Codes Pénal et de Procédure Pénale adoptés

Le 31 octobre 2024, le Conseil National de Transition (CNT) du Mali a adopté de nouveaux Codes pénal et de procédure pénale, introduisant des réformes majeures pour moderniser le système judiciaire.

Parmi les innovations notables figurent la création d’un Collège des libertés et de la détention, chargé de superviser les mandats de dépôt et l’institution du juge de l’application des peines, responsable du suivi des condamnations. L’introduction du bracelet électronique offre une alternative à l’incarcération, tandis que la suppression des cours d’assises vise à accélérer le traitement des affaires criminelles en les confiant aux chambres criminelles des tribunaux de grande instance. Les nouvelles dispositions reconnaissent également la responsabilité pénale des personnes morales, telles que les associations et entreprises et incriminent le recel ainsi que les produits issus du recel. La répression de la trahison est renforcée et les textes de l’UEMOA et de l’OHADA relatifs au droit pénal des affaires sont intégrés. Les dispositions pénales éparses ont été harmonisées et une renumérotation des articles facilite leur consultation. Notamment, l’esclavage par ascendance, la traite des personnes et l’homosexualité sont explicitement pris en compte. Le ministre de la Justice, Mamoudou Kassogué, a affirmé que toute personne pratiquant l’homosexualité ou en faisant l’apologie sera poursuivie, soulignant que le Mali n’acceptera pas que ses valeurs soient transformées par des influences extérieures. Ces réformes traduisent la volonté des autorités de promouvoir une justice plus efficace et adaptée aux réalités sociétales du pays.
Toutefois, selon certaines organisations, le Mali est signataire de plusieurs conventions internationales, dont la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ratifiée en 1986), la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ratifiée en 1973) et la Convention contre la torture (ratifiée en 2002). Ces conventions offrent une protection générale contre les mauvais traitements. Cependant, leur application reste limitée et des tensions subsistent entre les valeurs sociétales maliennes et certains principes de droits humains. En légiférant la repression contre certaines pratiques, il y a lieu de revoir la ratification de ces textes par les autorités maliennes.

Fin de l’impunité des crimes contre les journalistes : Une célébration marquée par la douleur et l’absence de justice

Le 2 novembre marque la célébration de la Journée internationale pour mettre fin à l’impunité des crimes contre les journalistes. Cette date symbolique, instaurée par l’ONU en 2013, fait écho à l’assassinat des journalistes de Radio France Internationale (RFI), Ghislaine Dupont et Claude Verlon, enlevés puis tués à Kidal. Onze ans après cette tragédie, l’enquête peine à avancer, minée par des tensions géopolitiques et des blocages judiciaires.

Ce drame, qui a secoué les défenseurs de la liberté de la presse à travers le monde démontre les dangers constants auxquels sont confrontés les journalistes en zone de conflit, souvent au prix de leur vie. En ce jour de commémoration, la quête de vérité pour Ghislaine Dupont et Claude Verlon demeure d’actualité.
Selon l’ONU, environ 90 % des assassinats de journalistes restent impunis. Aussi, plus de 1 000 journalistes ont été tués entre 2010 et 2022 dans le monde. S’y ajoute qu’entre 50 et 100 journalistes et lanceurs d’alerte meurent chaque année dans des conditions violentes ou périlleuses liées à leur travail.
En novembre 2013, Ghislaine Dupont et Claude Verlon étaient en mission à Kidal pour couvrir la situation au nord du Mali. Alors qu’ils s’apprêtent à quitter un entretien, ils sont enlevés par un groupe armé et tués peu de temps après. Ce double assassinat a suscité une vive émotion en France et une mobilisation internationale pour faire éclater la vérité.
Malgré les années écoulées, l’enquête n’a pas permis d’aboutir à des conclusions définitives, entravée par un climat diplomatique tendu entre Paris et Bamako. Depuis le retrait des troupes françaises de la région, la coopération entre les autorités françaises et maliennes est réduite à son minimum, rendant difficile l’accès aux témoins et aux informations locales.
Le blocage de l’enquête repose également sur des documents classés « secret-défense » en France, que les familles des journalistes et les organisations de défense de la presse réclament depuis des années. Ces informations, qui pourraient potentiellement éclairer certaines zones d’ombre sur les circonstances de l’enlèvement, demeurent protégées pour des raisons de sécurité nationale, selon les autorités françaises. Ce secret freine les efforts pour élucider les faits et entretient une douleur encore vive pour les familles, qui réclament inlassablement la transparence.
L’un des principaux suspects, Seidane Ag Hita, identifié comme membre influent d’un groupe terroriste local, reste introuvable. Considéré comme ayant participé activement à l’enlèvement, son rôle dans cette affaire demeure flou, bien que des témoins indiquent sa possible implication. L’absence de coopération entre la France et le Mali rend difficile toute tentative de localisation et d’arrestation.
Un message d’António Guterres pour la fin de l’impunité
À l’occasion de la journée du 2 novembre, le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a renouvelé son appel à la communauté internationale pour mettre un terme à l’impunité des crimes contre les journalistes. « La liberté de la presse est un pilier de la démocratie et des droits humains », a-t-il déclaré, soulignant que « l’impunité engendre la répétition des violences ». Ce message vise à rappeler aux États leurs obligations de protéger les journalistes et de garantir une justice effective pour les crimes commis contre eux, notamment dans les zones de conflit.
Les statistiques de l’ONU font état de neuf crimes sur dix contre des journalistes qui restent impunis. Ce chiffre accablant révèle l’ampleur des défis à relever pour garantir un environnement sécurisé pour ceux qui risquent leur vie au service de l’information.
Malgré les entraves diplomatiques et le secret d’État, les familles de Ghislaine Dupont et Claude Verlon et les associations qui les soutiennent poursuivent leur combat pour la vérité.

Sariya Bato : Renforcement des cliniques juridiques universitaires

Le projet Sariya Bato, financé par l’USAID, a organisé les 8 et 9 octobre, une conférence sur le rôle des cliniques juridiques universitaires dans la démocratisation de l’accès à la justice au Mali. L’événement s’est tenu à l’hôtel « Maeva Palace » de Bamako.

Le projet Sariya Bato, qui signifie « respect du règne de la loi », vise à soutenir les efforts du gouvernement malien pour instaurer des institutions judiciaires nationales plus efficaces, performantes et responsables. Lors de son discours d’introduction, Jean Lavoix, directeur du projet Sariya Bato a expliqué que « le projet est conçu pour répondre aux besoins urgents de la population malienne en renforçant la capacité du secteur judiciaire à offrir des services de qualité, accessibles et équitables ». Ce projet, qui s’étend sur une période de cinq ans (2024-2029), est structuré autour de quatre composantes : le renforcement des institutions du secteur judiciaire, l’amélioration de l’accès à la justice, la lutte contre la corruption, ainsi que la mise en place de mécanismes de contrôle et la protection et l’amélioration des droits de l’homme.

Les cliniques juridiques universitaires sont des structures qui permettent aux étudiants de mettre en pratique les connaissances acquises à l’école dans des situations réelles, en simulant des procès, des plaidoyers, etc. La conférence a réuni des étudiants en droit, des professeurs et des chercheurs. Lors de cette rencontre, les différents panélistes ont expliqué le rôle des cliniques juridiques universitaires dans la promotion de l’accès à la justice, notamment leur fonction d’accompagnateurs, de conseillers et de formateurs.

Mme Diarra Fatoumata Dembélé, présidente de l’Observatoire des droits de la femme, a ensuite énuméré les défis auxquels font face les cliniques juridiques, tels que la méconnaissance de leur existence et le désistement des clients lors des procès, entre autres. Par la suite, les représentants des cliniques juridiques universitaires de l’ISPRIC, de l’UCAO-UUBA et de l’Université des sciences juridiques et politiques ont, à tour de rôle, présenté leurs cliniques juridiques et les différentes activités qu’ils y ont menées.

Le deuxième jour de la formation était centré sur des travaux d’échanges, au cours desquels conférenciers et participants ont formé des groupes de travail pour discuter de différents thèmes, tels que les stratégies pour harmoniser les outils des cliniques juridiques et l’utilisation des cliniques juridiques pour améliorer leur efficacité. Ces échanges ont débouché sur l’élaboration d’un plan d’action commun visant à renforcer le rôle des cliniques juridiques.

 

« Ristournes des cotonculteurs » : Bakary Togola condamné à 5 ans de prison

L’ancien président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali (APCAM) et de la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton (C-SCPC), Bakary Togola, a été condamné mardi 27 août 2024 à 5 ans de prison ferme et à une amende 10 millions de FCFA, dans l’affaire dite des « ristournes des cotonculteurs ».

Après une semaine de procès,  Bakary Togola a été jugé coupable d’« atteinte aux biens sociaux », lui qui a pourtant tout nié en bloc depuis le début du procès, soutenant avoir été victime d’un complot orchestré par l’ancien Premier ministre Boubou Cissé.

L’ancien patron des cotonculteurs a été finalement condamné avec 4 de ses co-accusés pour la même peine. Il s’agit notamment de Soloba Mady Keïta, Tiassé Coulibaly, Drissa Traoré et Seydou Coulibaly. Les 6 autres accusés restants ont cependant été acquittés. Il s’agit de Mady Keïta, Mamadou Fomba, Djiguiba dit Ampha Coulibaly, Djalla Moussa Dembélé, Alou Dembélé et M’pié Doumbia.

Bakary Togola et ses 4 co-accusés condamnés ont la possibilité d’introduire un pourvoi en cassation  devant la Cour suprême. Par ailleurs, explique l’un des conseils de M. Togola, Maitre Mahamadou Traoré, en cas de maintien de la peine, tous les 5 condamnés n’auront qu’un ou deux ans de peine de prison à purger étant donné qu’ils étaient déjà en détention préventive depuis quelques années.

Pour rappel, accusé, avec  10 autres  personnes, « d’atteinte aux biens publics, complicité, faux et usage de faux » pour un détournement de plus de 9 milliards FCFA entre 2013 et 2019, Bakary Togola avait été acquitté en 2021.

Mais en août 2022 la cour suprême avait cassé l’arrêt d’acquittement renvoyant à nouveau l’affaire devant la Cour d’assises spéciale pour les crimes économiques et financiers.

Mohamed Kenouvi avec Fatouma Cissé (Stagiaire)

Justice : Chouala Bayaya Haidara placé sous mandat de dépôt sera jugé le 12 mars 2024

Le leader religieux Chouala Bayaya Haidara a été finalement placé sous mandat de dépôt et transféré à la Maison centrale d’arrêt de Bamako ce 20 décembre 2023, après avoir été présenté mardi au procureur Adama Coulibaly du pôle spécialisé de lutte contre la cybercriminalité du tribunal de la commune VI.  Alors que ses fidèles étaient nombreux devant la Brigade d’investigation judiciaire (BIJ), il a été conduit discrètement à la MCA ce matin aux environs de 11heures 30 minutes. Il est accusé d’atteinte au crédit de l’Etat, et de la diffusion de propos mensongers, de nature à troubler l’ordre public. Alors que son jugement est fixé au 12 mars 2024, l’appel du 20 février a appelé à sa libération immédiate. La CMAS de l’imam Mahmoud Dicko lui a également apporté son soutien. Le haut conseil islamique dont il est membre a convoqué une réunion extraordinaire mercredi dont les conclusions ne sont pas encore connues. Dans une récente vidéo, il a dénonce ce qu’il qualifie de détention arbitraire notamment concernant Ras Bath, Rose Doumbia dit « Vie chère » mais également Madame Bouare Fily Sissoko. 

Projet de code pénal : nouveau visage de la justice ?

Débuté en 2017 par le ministère de la Justice et des droits de l’Homme, le processus de relecture du code pénal et du code de procédure pénale a franchi une nouvelle étape. Deux projets de loi portant code pénal et code de procédure pénale ont été adoptés par le Conseil des ministres le 11 octobre 2023. Deux textes qui ambitionnent de corriger les lacunes en la matière et d’améliorer la distribution du service public de la justice. En attendant leur validation, ces textes comportent des innovations qui, espèrent les acteurs, contribueront à mettre en phase les textes et la réalité.

Le code pénal et le code de procédure pénale en vigueur datent de 2001. Des textes qui après plus de 20 ans d’application ont montré leurs limites, face à l’évolution de la situation socio-économique. Ce qui justifie, selon les initiateurs, la nécessité d’une mise à jour pour permettre aux praticiens d’avoir des « instruments juridiques pertinents », capables de lutter efficacement contre la criminalité sous toutes ses formes. L’issue du processus vise à obtenir des codes « consensuels, modernes dont l’application contribuera non seulement à garantir la bonne gouvernance, la stabilité et la paix, mais aussi à restaurer la confiance des justiciables en la justice ».

Des innovations majeures

Désormais le code pénal regroupera toutes les dispositions pénales contenues dans des textes épars et concernant divers domaines. Le nouveau projet de code pénal comprend ainsi 702 articles contre 328 dans le code en vigueur. Selon le ministère de la Justice, il prend en compte la responsabilité pénale des personnes morales, la mise en danger de la vie d’autrui, la rétention des notes en milieu scolaire et universitaire, les violences basées sur le genre (VBG, harcèlement sexuel) les pratiques de l’esclavage par ascendance, la question des mineurs face au terrorisme, la définition et la répression de la haute trahison, le délit d’apparence, le financement occulte des partis politiques, notamment.

Pour les acteurs de la justice, le code introduit aussi la numérotation analytique qui permet à ces derniers de garder des repères solides dans l’exploitation du document. Le projet de code qui regroupe l’ensemble des textes pénaux rend plus facile la recherche des instruments juridiques en vigueur et éparpillés dans des documents distincts.

En ce qui concerne le projet de code de procédure pénale, il prévoit notamment, le relèvement des délais de prescription, le renforcement du rôle du Ministère public, la clarification des règles de garde à vue, une meilleure réglementation des conditions de plainte avec constitution de partie civile, l’adoption du référé-liberté pour combattre les détentions injustifiées, l’introduction formelle des techniques d’enquêtes spéciales, le double degré de juridiction en matière criminelle, la création des chambres criminelles permanentes au sein des tribunaux de grande instance avec la suppression des cours d’assises.

Le projet de code de procédure pénale comporte 1371 articles contre 634 dans le code actuel. L’une des innovations en la matière, souligne le ministère est l’incorporation au texte proposé de l’ensemble des textes déjà modifiés ou nouvellement adoptés (Pôle national économique et financier, l’agence des gestions des avoirs gelés, saisis ou confisqués, la loi portant répression de la cybercriminalité… L’autre avancée concerne l’internalisation de plusieurs dispositions résultant d’instruments juridiques communautaires, régionaux ou internationaux auxquels le Mali a souscrit (OHADA, UEMOA, Union africaine, CICR, Conventions diverses du système des Nations Unies). Des partenaires ont « poussé » pour cette modernisation des textes de la justice voient le jour. L’USAID à travers Mali Justice Project qui a pris fin en février dernier a pendant 7 années appuyé le ministère de la Justice dans le processus.

Grandes attentes

Ce processus de modernisation et d’adaptation à un nouveau contexte, répond à un besoin pressant et récurrent des acteurs de la justice. La « loi pénale étant d’interprétation stricte », Chaque infraction doit être précisément prévue ainsi que les peines encourues, ce qui constitue un facteur de garantie pour une justice plus équitable. La relecture ainsi entreprise s’inscrit dans un vaste chantier de réformes du secteur de la justice entrepris depuis plusieurs années. La démarche qui s’est voulue inclusive vise le double objectif de rendre nos textes conformes à la réalité mais également d’édicter des règles en phase avec nos valeurs profondément ancrées. C’est pourquoi, pour certains acteurs, il est urgent d’entamer un processus de révision afin de sortir du « mimétisme » et de la reproduction de modèles quels qu’ils soient. Un travail de refondation indispensable qui doit aller au-delà d’une relecture de textes, selon Adama Samassékou, président du comité d’experts pour l’élaboration du programme national d’éducation aux valeurs. Pour lui, ce processus doit constituer une phase d’une transition plus longue qui permettra à la suite d’une réflexion bien menée de mettre à l’endroit en accordant à nos pratiques du droit leur place afin d’aboutir à une révision en profondeur.

L’introduction de dispositions spécifiques prévoyant et condamnant « l’esclavage par ascendance » est une « bonne chose » parce qu’il faut effectivement condamner ce genre de pratique qui ne sont pas acceptables dans une société démocratique, relevait M. Nouhoum Tapily, ancien président de la Cour suprême, lors de l’atelier de validation en août 2022. Il est vrai que le monde évolue, mais « nous avons nos réalités sociétales qui font que certains comportements qui peuvent être tolérés ailleurs ne pourraient pas l’être à l’état actuel dans notre pays ». Ainsi l’homosexualité, même s’il n’est pas nommé et « certains actes qui s’apparentent à ce genre de pratiques » ne sont pas tolérés dans notre société, seront érigés en infraction.

Implications

Depuis l’indépendance, les textes organisant la répression des infractions n’ont connu qu’une relecture, celle de 2001. Or, depuis, de nouvelles infractions et un nouveau contexte ont justifié la nécessité d’un nouveau dispositif. Parmi les mesures annoncées, celles qui concernent la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, du blanchiment du produit de la corruption, du recel du produit de la corruption, entre autres constituent des axes majeurs pour la prise en compte de l’efficacité dans la lutte contre la corruption. En effet, plusieurs acteurs ont souligné les limites des poursuites et des condamnations à des peines de prisons si elles ne sont pas accompagnées de mesures coercitives pouvant permettre de récupérer les produits de ce qui aurait été déterminé.

Une préoccupation prise en compte par les nouvelles dispositions pour rendre plus efficients les résultats de la lutte.

Aussi la « simplification » dans la poursuite, la création de pôle spécialisé pourraient offrir plus de célérité dans les traitements et contribuer à diminuer le taux de détenus en attente de jugement. Un état de fait qui crée un véritable fossé entre les justiciables et ceux qui rendent la justice et augmentent la défiance à l’égard de la justice.

Une fois qu’elles seront adoptées la mise en œuvre de ces dispositions constituera le prochain défi que devront relever les autorités en charge du processus. Selon plusieurs acteurs, outre les moyens qui seront indispensables pour mettre en place les changements de dispositif, c’est l’appropriation des futurs textes qui doit être la priorité. Il faut effectuer des démarches auprès de toutes les forces vives du pays afin qu’elles s’approprient le document, préconise M. Tapily. Essentiel pour l’inclusivité mais aussi afin que les citoyens comprennent la loi qui leur sera appliquée. Parce que plus la loi est connue, plus les gens y adhèrent et plus elle devient efficace, soutient-il. Si les nouveautés dans ces textes sont appréciées, plusieurs observateurs attendent de voir à l’application avant de juger. Car, selon eux, la distribution de la justice par certains magistrats est liée aux goûts des princes du jour. Les deux projets de loi seront soumis au vote du CNT, mais aucune date n’est encore fixée.

Repères :

15 au 20 août 2022 : atelier national de validation

Projet de  Code pénal : 702 articles contre 328 dans le code en vigueur

Projet de  Code de procédure pénale : 1371 articles contre 634 dans le code actuel

Magistrature : Mohamed chérif Koné radié

Lors d’une session disciplinaire tenue hier mardi 29 août, le Conseil Supérieur de la Magistrature a tranché en prenant la décision de radier Mohamed Cherif Koné de ses fonctions de magistrat. Le récit avec Soumaïla Fané

C’est une nouvelle goutte dans l’océan de tension qui oppose le magistrat Mohamed Chérif Koné aux autorités de la transition. Le 20 avril, le Ministre de la Justice, Mamadou Kassogué, a a saisi le conseil supérieur de la magistrature pour l’ouverture d’une enquête disciplinaire0 contre des magistrats qui s’adonnent à des sorties médiatiques intempestives contraire à leur statut. Dans le même temps, il a également ordonné au Procureur général près la Cour d’appel de Bamako d’ouvrir une enquête judiciaire contre les magistrats Cheick Chérif Mohamed Koné et Dramane Diarra pour opposition à l’autorité légitime et toutes autres infractions que les enquêtes feront découvrir. Le président de la transition a saisi le Conseil Supérieur de la Magistrature pour prendre des mesures appropriées. Réunie donc en session disciplinaire hier mardi 29 août, l’instance a tranché en prenant la décision de radier Mohamed Cherif Koné de ses fonctions de magistrat, avec droit à la pension. Cette sanction intervient alors que la magistrat a fait valoir ses droits à la retraite pour le 31 décembre prochain. Son avocat Me Kassoum Tapo a dénoncé une forfaiture.

Pour rappel, Mohamed Cherif Koné, en plus de ses fonctions de magistrat, occupait le poste de Président de l’Association Malienne des Procureurs et Poursuivants. Les démêlées de ce magistrat de grade exceptionnel ont débuté lorsque, dans une lettre signée au nom de cette association dont il est le premier responsable, il dénonce le caractère illégal et inique des procédures contre certains anciens ministres du régime IBK. En réaction, par un décret présidentiel du 9 Septembre 2021, Mohamed Cherif Koné est limogé de son poste de 1er Avocat Général près la Cour Suprême, à peine six mois après sa nomination. Ses prises de position régulières à travers de longs communiqués dénonçant certaines actions des autorités de la transition l’ont mené à un bras de fer avec ces dernières. Il s’est aussi présenté comme un des responsables de l’Appel du 20 février qui fait office d’opposition à la transition et qui a notamment essayé de faire barrage au scrutin référendaire. Selon des sources, son collègue Dramane Diarra, est également appelé à comparaître devant cette instance.

 

Niger : les militaires envisagent de poursuivre Mohamed Bazoum pour haute trahison

Les militaires du CNSP ont annoncé dimanche leur intention de « poursuivre » le président renversé Mohamed Bazoum pour « haute trahison » et « atteinte à la sûreté » du pays. « Le gouvernement nigérien a réuni à ce jour » les « preuves pour poursuivre devant les instances nationales et internationales compétentes le président déchu et ses complices locaux et étrangers, pour haute trahison et atteinte à la sûreté intérieure et extérieure du Niger », a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane, un des membres du CNSP, dans un communiqué lu à la télévision nationale. Le gouvernement appuie ses accusations sur des « échanges » de Mohamed Bazoum avec des « nationaux », des « chefs d’Etat étrangers », et des « responsables d’organisations internationales ». À propos du président déchu, le CNSP a appelé à « s’interroger sur la sincérité de sa prétention à soutenir qu’il est séquestré, alors même que les militaires n’ont jamais investi sa résidence présidentielle et qu’il dispose encore de tous les moyens de communication ». Mohamed Bazoum, retenu dans sa résidence présidentielle depuis le 26 juillet – jour du coup d’Etat avec son fils et sa femme, avait déclaré dans plusieurs médias être un « otage », puis privé d’électricité et contraint de ne manger que du riz et des pâtes. Samedi, le président déchu a reçu la visite de son médecin pour une consultation médicale. Ce dernier a par la suite déclaré que les conditions de détention de Bazoum étaient inhumaines.

Ces déclarations surviennent après l’accueil par le CNSP d’une délégation de chefs religieux nigerians musulmans samedi, menée avec l’accord du président nigérian Bola Tinubu, également à la tête de la CEDEAO, pour « apaiser les tensions créées par la perspective d’une intervention militaire » de l’organisation.

Selon un communiqué de la médiation religieuse nigériane, le chef du régime militaire, le général Abdourahamane Tiani, avait « déclaré que sa porte était ouverte pour explorer la voie de la diplomatie et de la paix afin de résoudre » la crise.

Lutte contre la corruption : Issiaka Sidibé et plusieurs ex-collaborateurs placés sous mandat de dépôt

Issiaka Sidibé, président de l’assemblée nationale de 2013 à 2020 et plusieurs de ses proches collaborateurs de l’époque ont été placés sous mandat de dépôt mercredi 9 août par le pôle économique et financier de Bamako. En plus de Sidibé, Mamoutou Touré dit Bavieux actuel président de la fédération malienne de football et candidat à un nouveau mandat a également été écroué. Il a été directeur administratif et financier à l’assemblée jusqu’à son élection à la tête de la FEMAFOOT en août 2019. En outre de ces deux personnalités, trois autres personnes ont été placés sous mandat de dépôt et conduit à la maison centrale d’arrêt de Bamako. Il s’agit de Anfa Kalifa ex-contrôleur financier à l’Assemblée nationale, Demba Traoré qui y était comptable et de Modibo Sidibé, secrétaire général à l’assemblée nationale qui occupe la même fonction au sein du conseil national de transition subissent. Ils sont tous poursuivis pour les mêmes causes, atteintes aux biens publics sur un fond s’élevant à 17 milliards de Fcfa dont 7 milliards d’indemnités irrégulières et 10 milliards non justifiés.  Un autre nom est cité dans l’affaire. Mamadou Diarrassouba membre du CNT et ancien 1er questeur de l’assemblée nationale. Bénéficiant d’une immunité parlementaire, la justice aurait selon plusieurs informations requis la levée de cette immunité. Mais, elle n’est pas encore effective. Le ministre de la Justice Mamadou Kassogué avait promis le 20 juillet dernier que le procureur du pôle économique s’exprimerait bientôt sur le dossier.

Ras Bath : le chroniqueur porte plainte contre le procureur Idrissa Touré

En détention provisoire à la prison centrale de Bamako, Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath porte plainte auprès du Procureur général près de la Cour d’Appel de Bamako contre le Procureur de la commune IV, Idrissa Hamidou Touré, en protestation de son arrestation.

La plainte de Ras Bath contre, ldrissa Hamidou Touré, Procureur de la République du tribunal de grande instance de la commune IV et toutes autres personnes que l’enquête découvrira date du 29 mai dernier.  Il accuse le Procureur de la commune IV de «forfaiture, de simulation d’infraction, arrestation illégale et séquestration ». Le chroniqueur et ses conseillers protestent contre les chefs d’accusations que le procureur de la commune IV a retenu contre lui.

Le plaignant estime que le procureur s’est servi de sa fonction de procureur pour l’arrêter de façon illégale pour une infraction qu’il n’a jamais commise.  « Ce qui rend mon arrestation illégale et transforme ma détention en séquestration, faits prévus et réprimés par l’article 237 du Code Pénal », souligne Ras Bath.  Tout en protestant contre la « simulation d’infraction » utilisée pour l’arrêter.

Pour, l’Avocat, Me Mahamadou Camara, cette plainte pose un problème de fond. Car ayant un conseil d’avocats pour sa défense, la plainte est signée de lui. Alors que le plaignant est déjà sous le coup d’un mandat de dépôt, avec des faits bien définis. Selon Me Camara, en accusant le Procureur des mêmes faits qui lui sont reprochés, Mohamed Bathily, excelle plus dans la communication, afin d’attirer l’opinion nationale et internationale sur son incarcération.

Me Camara rappele qu’il sera difficile que cette plainte aboutisse, pour la simple raison qu’un procureur dans l’exercice de sa fonction ne peut faire l’objet de poursuite judiciaire.

Pour rappel, le 11 mars dernier,Ras Bath déclarait lors de la troisième conférence nationale du parti ASMA-CFP que l’ancien Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, a été assassiné. Ces propos lui ont valu d’être interpellé par le procureur de la République de la Commune IV le 13 mars 2023, puis placé sous mandat de dépôt pour « simulation d’infraction ». Après son audition, le mercredi 29 mars dernier, il est également poursuivi pour « association de malfaiteurs, atteinte au crédit de l’Etat pris dans sa gouvernance judiciaire et politique ». Des poursuites passibles d’une peine allant à une dizaine d’années d’emprisonnement ferme.

Magistrats en « conflit » : Qui sont-ils ?

Ils sont tous magistrats mais ne s’accordent plus depuis quelques semaines sur  le fonctionnement de la Justice. Portrait de quatre « protagonistes » qui se font la « guerre ».

Mamadou Kassogué

De ses deux années (2019-2021) comme Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III en charge du Pôle économique à sa nomination au ministère de la Justice et des droits de l’Homme, Mamadou Kassogué, 49 ans, s’est forgé une réputation de « magistrat incorruptible ». Membre du Syndicat autonome de la magistrature (SAM), il se fait un nom en instruisant les dossiers de personnalités réputées intouchables. À son tableau de chasse, le maire de Bamako Adama Sangaré et Bakary Togola. Mais son image s’effrite lorsqu’en décembre 2020 il ouvre une procédure contre Ras Bath, Vital Diop (ancien DG PMU) et Boubou Cissé, entre autres, pour atteinte à la sûreté de l’État. Beaucoup dénoncent un dossier vide et la chambre d’accusation de la Cour d’appel annule les poursuites en avril 2021. Trois mois plus tard, Kassogué est nommé ministre de la Justice.

 

Idrissa Hamidou Touré

À 38 ans, le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune IV est le plus connu du Mali et le plus craint. Pour en arriver là, le magistrat a utilisé une méthode éprouvée, celle des dossiers médiatisés. Diaba Sora, Gaspi, Ras Bath, Issa Kaou N’Djim, pour ne citer que ceux-là, en ont fait les frais. Avant de devenir Procureur, Idrissa Hamidou Touré, dont le modèle est le Français Éric de Montgolfier, connu pour avoir fait trembler des hommes puissants, a été pendant 4 ans Substitut. Décrit comme sanguin, il a souvent eu maille à partir avec d’autres acteurs du milieu. En 2014, alors Substitut, il a été suspendu pour raisons disciplinaires. Une suspension qu’il juge « injuste » et « illégale » et qui a créé un différend entre lui et Me Mohamed Aly Bathily, ministre de la Justice à l’époque.

Cheick Mohamed Chérif Koné

C’est le « magistrat rebelle ». S’il y a un trait qui le caractérise, c’est son attitude « guerrière ». Cheick Mohamed Chérif Koné, 64 ans, n’a pas froid aux yeux. Magistrat chevronné, il était jusqu’en septembre 2021 Premier Avocat à la Cour suprême du Mali. Limogé après sa dénonciation de la procédure d’arrestation de l’ancien Premier ministre feu Soumeylou Boubeye Maiga, Cheik Mohamed Chérif Koné s’est depuis lors radicalisé contre les autorités de la Transition. En février 2023, il prend la tête de la Coordination des organisations de l’Appel du 20 février dont l’objectif est l’abandon du projet de nouvelle Constitution et le respect du délai de la Transition. Il est Président de la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA), créée en 2018, et de l’Association malienne des Procureurs et poursuivants (AMPP), lancée en 2014. Il a également été Président du SAM avant d’être désavoué en 2017 par ses pairs.

Dramane Diarra

Proche compagnon de Cheick Mohamed Chérif Koné, Dramane Diarra est également membre de la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA) et de l’Association malienne des Procureurs et poursuivants (AMPP). Il est aussi le Rapporteur général de la Coordination des organisations de l’Appel du 20 février. Ancien Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune IV de Bamako, Dramane Diarra, 50 ans, est aujourd’hui à la Direction nationale des Affaires judiciaires et du Sceau. Moins présent que Chérif Koné, il n’en est pas moins aussi virulent. Il dénonce régulièrement ce qu’il considère comme une collusion entre l’Exécutif et des acteurs importants de l’appareil judiciaire, ainsi que « la banalité et la légèreté avec lesquelles le Mali est administré ».

Justice : quand les magistrats se déchirent

Depuis quelques semaines le torchon brûle entre différents acteurs de la Justice. Des magistrats et avocats se font la « guerre » par médias interposés et sur les réseaux sociaux, portant un coup à l’image de l’appareil judiciaire du pays, déjà écorné par certains maux qui le minent depuis toujours.

Le communiqué du ministre de la Justice et des droits de l’Homme lu à la télévision nationale le 20 avril 2023 sonne comme un poing tapé sur la table. Après des semaines de « sorties médiatiques intempestives » de certains magistrats et avocats, « contraires à leur statut et jurant d’avec les règles élémentaires de déontologie », Mamadou Kassogué est visiblement passé à la « vitesse supérieure ».

Il a saisi le Conseil supérieur de la Magistrature pour l’ouverture d’une enquête disciplinaire et a également ordonné au Procureur général près la Cour d’appel de Bamako d’ouvrir une enquête judiciaire contre les magistrats Cheick Chérif Mohamed Koné et Dramane Diarra pour « opposition à l’autorité légitime et toutes autres infractions que les enquêtes feront découvrir ».

Le « clash » continue

Malgré cette annonce d’ouverture d’enquêtes, les « ardeurs » ne faiblissent pas. Les magistrats susmentionnés, Cheick Mohamed Chérif Koné, Président de la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA) et de l’Association malienne des Procureurs et poursuivants (AMPP) et Dramane Diarra, magistrat en service à la Direction des Affaires judiciaires et du Sceau et également membre des deux organisations sus-indiquées, n’y sont pas allés de main morte, en réponse au ministre de la Justice et des droits de l’Homme.

« Face à la vaste campagne d’intimidation et de manipulation de l’opinion en cours autour de ce communiqué, faisant état des instructions en vue de l’ouverture conjointe de procédures disciplinaires et d’enquêtes judiciaires, l’AMPP et la REFSYMA, convaincues qu’aucun de leurs dirigeants n’a transgressé ni une disposition pénale ni une règle d’éthique ou de déontologie judiciaire, encore moins le devoir de réserve du magistrat dans la situation d’espèce, n’entendent pas se plier aux excès d’un ministre très partial ayant montré ses limites, refusent de se laisser intimider dans l’exercice légal de leur liberté d’expression, d’association et de réunion garantie par la Constitution (…) », a réagi Cheick Mohamed Chérif  Koné dans un communiqué publié le 21 avril.

À en croire Dramana Diarra, qui a également personnellement réagi dans la foulée, en dehors de la réponse de l’AMPP et du REFSYMA, qu’il assure l’engager, la mission d’enquête administrative que le ministre Mamadou Kassogué a commanditée auprès de l’Inspection des services judiciaires sur des faits disciplinaires relève de la compétence du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) et non de l’inspection, donc « illégale ». « Nous déplorons la confusion de genres dans laquelle vous excellez depuis votre nomination comme ministre chargé de la Justice », a-t-il martelé au chef du département.

Par ailleurs, pour l’ancien Premier Avocat général à la Cour suprême du Mali, la sortie du ministre remet en cause « de façon discriminatoire » leur exercice légal de la liberté d’expression, d’opinion, d’association et de réunion du seul fait de la non conformité de leur vision avec le « choix des autorités de la Transition dite de rectification » de se mettre aux « antipodes des principes démocratiques et des valeurs républicaines, par la terreur et la psychose ».

Le ministre Kassogué signalait dans sa note que la participation active des magistrats à un groupement politique (Appel du 20 février, NDLR), même avec la couverture syndicale, n’était pas conforme à l’éthique et à la déontologie de cette profession, « comme spécifiés notamment par les articles 19 et 20 du Code de déontologie, 71 de la loi No 02-054 du 16 septembre 2002 portant statut de la Magistrature ». Un « deux poids, deux mesures » est aussi reproché au ministre de la Justice, qui n’a pas cité le Procureur Idrissa Touré dans son communiqué pour les sorties dans les médias.

Vieille querelle

Pour comprendre l’animosité entre les protagonistes, il faut remonter six ans en arrière. Le 9 janvier 2017, les deux syndicats des magistrats, le Syndicat autonome de la Magistrature (SAM) et le Syndicat libre de la Magistrature (SYLIMA) déclenchent une grève. Ils réclament entre autres une augmentation des salaires et la relecture du statut de la Magistrature. La grève paralysera plus d’un mois la justice malienne. Mais, le 6 février 2017, Cheick Mohamed Chérif Koné, alors Président du SAM, se rend à l’ORTM pour lire une déclaration signifiant la fin de la grève. Rapidement, ses camarades contestent et traitent Koné et Diarra, également membre du SAM, de traitres. L’actuel ministre de la Justice était aussi à ce moment-là un membre influent du SAM. La pilule de cette « trahison » passe toujours mal auprès « du ministre, qui a du mal à se débarrasser de son costume de syndicaliste » confie un analyste qui a requis l’anonymat. Désavoués, Koné et Diarra plient bagages et fondent une année plus tard la Référence syndicale des Magistrats, avec Chérif Koné comme Président. À l’époque, le Procureur Touré, encore peu connu, appelle les différents acteurs à faire la paix pour le bien de la « Justice ». Mais un nouvel épisode va les opposer. En juin 2021, Mamadou Kassogué est nommé ministre de la Justice. Deux mois plus tard, le Procureur de la Cour suprême relance la procédure contre d’anciens dignitaires du régime IBK, notamment l’ex Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, dans les affaires d’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires. Chérif Koné, alors Avocat général à la Cour suprême, s’y oppose rapidement et dénonce une forfaiture. Selon lui, le dossier doit être instruit par la Haute cour de Justice. Le SAM et le SYLIMA désavouent la démarche de Koné et se rangent du côté du Procureur Timbo. Le 8 septembre, le Président de la Transition abroge le décret de nomination de Koné. Loin de s’en laisser conter, celui-ci multiplie les communiqués et attaque frontalement les autorités. Il se fait une image d’insoumis dans les médias alors que les voix discordantes sont rares. Les deux magistrats, mais pas que, dénoncent également l’ordonnance prorogeant l’âge de départ à la retraite de 65 à 68 ans pour les magistrats occupant les fonctions de Président et de Procureur général de la Cour suprême. Selon Diarra et Koné, cela ne sert qu’à maintenir des « amis » à ces postes et la mainmise de l’Exécutif sur le Judiciaire. Au plus sommet de l’État, le malaise s’installe et, selon une source bien introduite, le ministre Kassogué est sous pression pour trouver une solution aux récalcitrants.

Bras de fer à rebondissements

Le 30 mars 2023, l’Inspecteur en chef des services judiciaires, Moussa Aly Yattara, invite, à la demande du ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Dramane Diarra à se présenter à son service dans le cadre d’une enquête administrative. Ce dernier refuse, expliquant dans une longue note en réponse, le jour suivant, les missions assignées à l’Inspection, précisant que ce service judiciaire n’était pas l’inspection des magistrats ou des agents des services de la Justice.

Le 4 avril, il déclare dans une vidéo que le Procureur Idrissa Hamidou Touré était lui aussi visé par plusieurs plaintes mais n’avait jamais été invité à se présenter devant l’Inspection des services judiciaires. Le jour suivant, le Procureur de la Commune IV rassemble quelques médias pour apporter un démenti aux propos du magistrat Dramane Diarra, accusant celui qui l’avait précédé comme Procureur de la Commune IV de jalousie à son égard. Le Procureur plus le plus connu du Mali, et aussi le plus craint, a mis en garde contre la perte de crédibilité de l’Inspection des affaires judiciaires si jamais ce dernier ne répondait pas à l’invitation de l’Inspecteur en Chef.

« Si Dramane Diarra ne se rend pas à l’invitation de l’Inspection, c’est fini pour ce service, parce que plus personne ne s’y rendra, en tout cas pas mes agents », prévient-il au cours d’une longue intervention durant laquelle il se range derrière le ministre de la Justice. « Au jour d’aujourd’hui, Mamadou Kassogué est le patron de l’administration judiciaire. Que cela plaise ou pas, c’est comme cela ».

Comme Dramane Diarra, Cheick Mohamed Chérif Koné a également décliné l’invitation du même service le 6 avril, mentionnant dans un communiqué que son interpellation était en lien avec son rôle de Coordinateur général de la Plateforme des organisations de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali.

Devoir de réserve?

Dans un communiqué, le 20 avril, le ministre de la Justice indexait le non respect de l’obligation de réserve et du devoir de retenue des magistrats mis en cause. Mais ces derniers ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, les reproches du ministre relèvent  non seulement d’une « méconnaissance des dispositions pertinentes de la Constitution en vigueur, mais aussi et surtout d’une extrapolation inadmissible du devoir de réserve du magistrat, lequel n’est pas le devoir de silence sur tout, mais de ce qui peut être déféré devant lui et dont des parades légales sont, du reste, prévues ».

Plusieurs magistrats ou avocats, dont des anciens ministres, contactés, n’ont pas souhaité se prononcer sur la question. Par ailleurs, nos tentatives du côté du Syndicat autonome de la Magistrature (SAM) et du Syndicat libre de la Magistrature (SYLIMA) n’ont également pas abouti.

Selon une source au SYLIMA, le syndicat a décidé de s’abstenir d’intervenir dans les médias « en attendant d’y voir clair » et pour ne pas contribuer à aggraver les tensions.

Ras Bath : l’étau se resserre autour du chroniqueur

Incarcéré le 13 mars 2023 suite à des accusations publiques concernant le décès de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, Mohamed Youssouf Bathily alias Ras bath n’est visiblement pas au bout de ses démêlées avec la justice. Fin mars, le célèbre chroniqueur a été de nouveau inculpé pour 3 autres chefs d’accusation.

« Association de malfaiteurs contre autrui de 2023 jusqu’à 10 ans en arrière », « offense au chef de l’État de 2023 jusqu’à 10 ans en arrière » et « diffusion de paroles contre les mœurs du pays ». Avant de se présenter le 29 mars 2023 devant le Procureur du tribunal de la Commune IV, Ras Bath ne s’imaginait pas être inculpé pour trois chefs d’accusations plus graves que la « simulation d’infraction » pour laquelle il avait été placé sous mandat de dépôt trois semaines plus tôt. D’autant plus que son Conseil, Me Kassoum Tapo, avait déjà introduit une demande de mise en liberté provisoire en attente du procès, prévu pour le 13 juin prochain.

Du délit au crime

Le Porte-parole du Collectif pour le développement de la République (CDR) qui encourait d’un mois à cinq ans de prison, en risque désormais au minimum 20, selon une source judiciaire. Mais pas que. Ras Bath est également maintenant visé par deux mandats de dépôts différents. Une nette aggravation de sa situation, selon un avocat qui a requis l’anonymat.

« La même personne était déjà placée sous un premier mandat de dépôt. Le Procureur a cru bon de chercher contre lu, d’autres charges. Cette fois ce sont des charges criminelles. Les crimes ne peuvent pas être déférés en citation directe devant le tribunal correctionnel, il faut une instruction préparatoire », confie cette source. Selon elle, le Procureur est tout simplement dans une logique « d’aggraver la situation » du célèbre chroniqueur, en lui reprochant des infractions criminelles et en saisissant le juge d’instruction par rapport  à ces « crimes ».

« La simulation d’infraction est un délit et, dans ce cas, la détention provisoire ne dépasse pas un an, tandis que pour les crimes on peut aller jusqu’à 3 ans », précise l’avocat, craignant que l’animateur de l’émission « Grand Dossiers » ne se trouve à présent dans une situation très complexe.

Musèlement ?

Au CDR, dont Ras Bath porte la voix, les partisans, « très surpris » de la tournure des évènements, pensent que leur « guide » est victime d’un acharnement parce qu’il dérange politiquement. « Nous pensons qu’on veut le réduire au silence et que l’objectif poursuivi est de le maintenir le plus longtemps possible en détention, parce que le juge d’instruction a tout son temps. Ras Bath est un détenu politique, il dérange », accuse Aliou Touré, Secrétaire administratif du Collectif. Il craint que les nouveaux chefs d’accusations qui pèsent sur le chroniqueur ne réduisent à néant l’aboutissement de la demande de mise en liberté provisoire formulée par son avocat.

« Même s’il obtient la liberté provisoire pour le premier mandat de dépôt, par rapport au premier chef d’accusation, nous craignons que cela ne soit pas le cas pour les trois nouveaux chefs d’accusation », avoue-t-il.

Mais le CDR ne compte pas rester sans agir. Il va animer une conférence de presse pour « montrer à l’opinion nationale et internationale notre désaccord », informe le Secrétaire administratif. S’il confirme que d’autres actions vont suivre dans la foulée, Aliou Touré assure que le Collectif ne posera aucun acte qui aille à l’encontre du respect des institutions de la République, « parce que nous avons confiance en notre justice ».

En 2021, après quelques mois de détention, la Cour suprême avait ordonné l’abandon des charges contre le Porte-parole du CDR, ainsi que plusieurs autres personnalités qui étaient poursuivies pour tentative de déstabilisation des institutions. Les affaires diffèrent et leurs issues pourraient également différer.

En attendant la suite que va lui réserver le juge d’instruction et la tenue d’un premier procès, le 13 juin 2023, Ras Bath continue d’être écroué. Le chroniqueur, qui au début  était détenu dans des conditions très peu enviables, a été transféré depuis peu au « 4ème cabinet » de la Maison centrale d’arrêt de Bamako, où il bénéficie de meilleures conditions et est autorisé à recevoir de la visite.

Ousmane Sonko : après une journée de tension, son procès renvoyé une nouvelle fois

Après deux renvois, le procès pour diffamation faux et injures publique, qui oppose Mame Mbaye Niang à Ousmane Sonko devait se tenir aujourd’hui. Cependant, le tribunal correctionnel de Dakar a prononcé, aux environs de 15h, le renvoi du procès au 30 mars prochain, au terme d’une courte audience. C’est dans une ambiance explosive qu’Ousmane Sonko s’est présenté devant les juges, ce jeudi au matin. Le déjà candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle a quitté son domicile de Keur Gorgui avant 9 heures, escorté par ses partisans. Son convoi a été bloqué un moment au niveau du rond-point Stèle Mermoz. Il y a eu un désaccord sur l’itinéraire à prendre. La tension est montée avec des jets de pierres de manifestants et des tirs de gaz lacrymogène des forces de l’ordre. Ousmane Sonko a été extrait de force de son véhicule par les forces de l’ordre et placé dans un véhicule de la police pour le tribunal.
La veille, il avait été empêché de quitter son quartier, les forces de l’ordre ayant quadrillé l’accès à son domicile alors qu’une manifestation de soutien organisée le jour même avait été interdite par le préfet de Dakar. Pour le moment, l’audience est à sa 4e fois suspension, depuis l’appel de l’affaire à la barre. Des pneus sont brûlés sur certaines artères de la capitale. Trois bus de la société publique de transport Dakar Dem Dikk ont été incendiés et un manifestant s’est également blessé à la cheville. Pour mémoire, Ousmane Sonko avait déclaré au cours d’une conférence de presse que l’ex-ministre de la Jeunesse et de l’emploi Mame Mbaye Niang a été épinglé par un rapport de l’Inspection générale d’Etat (l’IGE) pour détournement de fonds dans l’affaire dites des 29 milliards de Francs CFA du Programme des Domaines Agricoles Communautaires (PRODAC). Un rapport dont M. Niang, devenu entre-temps ministre du tourisme, conteste l’existence et à donc décidé de le poursuivre.

Justice : Mahamadou Camara remis en liberté sous caution

L’ancien ministre de l’Économie Numérique, de l’Information et de la Communication, M. Mahamadou Camara, inculpé depuis le 23 septembre 2021 dans l’affaire dite des contrats d’équipements militaires est remis en liberté sous caution, informe le Procureur général de la Cour Suprême du Mali dans un communiqué en date de ce jeudi  16 mars 2023.

 « Monsieur Mahamadou Camara bénéficie de la mise en liberté, pour avoir acquitté l’intégralité des 500 millions de Franc CFA en terme de sûreté constitué sur chacun des 10 Titres fonciers entre les mains de Monsieur le Directeur National du Cadastre », indique le communiqué. Ancien Directeur de cabinet du président IBK, Mahamadou Camara avait été placé sous mandat de dépôt depuis près d’un an et demi  pour  « favoritisme, faux en écriture, usage de faux et complicité d’atteinte aux biens publics par usage de faux ». Alors qu’elle bénéficie également d’une ordonnance de mise en liberté sous caution, l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko incarcérée également  «  reste dans la position de détenue provisoire pour n’avoir pas, à ce jour encore acquitté la caution de 500 millions de Franc CFA à laquelle est subordonnée sa mise en liberté », précise le Procureur général.

« Il reste entendu que l’information judiciaire ouverte contre les personnes ci-dessus dénommées suit son cours dans le strict respect des principes directeurs du procès pénal, notamment ceux de la présomption d’innocence ainsi que du respect des droits de la défense », poursuit le communiqué.

Par ailleurs, les mandats  d’arrêt internationaux lancés contre l’ancien Premier ministre Boubou Cissé, les anciens ministres Tiéman Hubert Coulibaly et Mamadou Igor Diarra, l’ancien Secrétaire général de la présidence, Moustapha Ben Barka, l’ancien Directeur Général de la BMS, Babaly Bah ainsi que Mohamed Kagnassi, Amadou Kouma, Nouhoum Kouma,  Soumaila Diaby et Mamadou Lamine Diakité, « attendent toujours de recevoir exécution de la part des destinataires des différents pays où lesdites personnes sont susceptibles de résider ou se rendre ».

Ras Bath : le chroniqueur placé sous mandat de dépôt

Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath a été placé ce lundi sous mandat de dépôt. Selon son mouvement le CDR, il a été interpellé chez lui ce 13 mars vers 10h par le commissariat du cinquième arrondissement. Après une audition de plus de cinq heures sur ses propos tenus samedi 11 mars lors de la conférence de l’ASMA CFP, il a été placé sous mandat de dépôt par le procureur de la commune IV. Invité à prendre la parole le weekend dernier lors de la troisième conférence nationale du parti de l’ASMA CFP, le chroniqueur a affirmé que Soumeylou Boubeye Maiga, fondateur du parti a été « assassiné « . Il a appuyé assurant que les proches de Soumeylou Boubeye Maiga ont interpellé sur son état de santé en vain. Avant de tacler le CNT, ainsi que différentes formations politiques sur leur silence sur les circonstances de la mort de l’ex Premier ministre. En prison depuis août 2021, accusé entre autres de « faux et usage de faux et d’atteinte au biens publics dans l’affaire de l’acquisition de l’avion présidentiel et des achats d’équipements militaires, l’état de santé de Soumeylou Boubeye Maiga s’était sévèrement dégradé durant sa détention. Il est décédé le 21 mars 2022 à Bamako dans la clinique où il était hospitalisé depuis décembre 2021.

Kayes : des « esclavagistes » condamnés à la peine de mort

Un grand pas a été franchi dans la lutte contre l’esclavage dans la région de Kayes. Au cours de la session spéciale de la cour d’Assises de la région au titre de l’année judiciaire 2023, ouverte depuis le 27 février et toujours en cours,au moins sept « esclavagistes » ont été condamnés à mort et à cinq ans de prison  pour les meurtres de Youssouf Cissoko, Mountaga Diarrisso, Gossi Cissoko et Djané Cissoko, quatre militants anti-esclavagistes, qui ont été battus à mort dans le village de Djandjamé le 1er septembre 2020.

Il s’agit de Djibril Badiaga, Moussa Sissoko dit Papi, Ousmane Diarrisso dit Tamba, Hameye Diarrisso, Mohamed Diawara, Mohamed Diaby dit Hameye, tous condamnés à mort et Lamba Cissé qui a écopé de cinq ans.

Si les associations de lutte contre l’esclavage par ascendance se félicitent des verdicts, les charges retenues contre les condamnés (associations de malfaiteurs, assassinats, complicité d’assassinat, coups et blessures volontaires) ne leur convient pas pour autant.

« Nous espérons toujours que le gouvernement va adopter une loi spécifique pour criminaliser l’esclavage par ascendance qui fait des ravages dans nos localités. Elle n’est pas spécifiée actuellement dans les lois existantes », regrette Mikhailou Diallo, le président régional Kayes de la fédération malienne des associations de lutte contre l’exclusion, la discrimination, l’esclavage par ascendance et les inégalités sociales (FMALEDEI).

Selon les organisations, les crimes liés à l’esclavage sont considérés comme des problèmes de terre, des conflits entre clans, des coups et blessures… par la justice.

« Il ne pourrait en être autrement en absence de loi criminalisant la pratique de l’esclavage par ascendance au Mali », atteste Me Lury Nkouessom, chef de file de la composante accès à la justice du projet Mali Justice Project (MJP).

Cependant d’autres mesures sont en vigueur au Mali pour lutter contre la traite des personnes. En février 2011, le gouvernement a créé le Comité national de coordination de la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées (CNLTP). Cela a été suivi par l’adoption de la loi n°2012-023 du 12 juillet 2012, relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées (elle prévoit des sanctions pénales pour les individus coupables de traite des personnes pouvant aller de 5 ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité selon les circonstances), et le lancement d’un Plan d’action national (2018-2022) en février 2019. Le Plan d’action national 2018-2022, qui fait actuellement l’objet d’une révision par les parties prenantes, prévoit, entre autres, de promouvoir la coordination et la coopération des acteurs dans la lutte contre la traite des personnes. Le Ministre de la justice Mamadou Kassogué a, en outre, appelé, en décembre 2021, les procureurs généraux « à prendre des dispositions pour que des poursuites soient engagées pour tous les cas de violences physiques et d’atteintes aux biens exercées contre ces personnes en considération de leur statut ».

Au Mali, l’esclavage a été abolit par l’administration coloniale depuis décembre 1905. Las, il persiste toujours dans le pays notamment dans la région de Kayes où plusieurs cas ont été recensés récemment. Rien qu’en juillet dernier, le cadavre brulé et mutilé de Djogou Sidibé, 71 ans, a été retrouvé près de son champ, non loin de son village, Lany Mody, dans le cercle de Kayes. La raison de l’assassinat, à en croire, plusieurs organisations de lutte contre l’esclavage est liée au refus de la vieille femme de se soumettre au statut d’esclave.