Mine de Goulamina: Optimiser la création de richesses

Dans un contexte tourné vers les solutions d’énergie décarbonée et la forte demande en batteries performantes et durables, le lithium se retrouve au cœur de la stratégie de développement des énergies renouvelables. Avec la récente inauguration de sa première usine de lithium à Goulamina, le Mali ambitionne d’occuper le leadership dans la production de ce minerai en Afrique de l’Ouest. Pour profiter des atouts de ce secteur, le pays doit voir au-delà de l’extraction.

Selon les estimations du Fonds Monétaire International (FMI), l’Afrique subsaharienne possède environ 30% des réserves prouvées de minerais essentiels. Mais, pour tirer parti de ce potentiel, l’institution financière préconise des stratégies aux plans national et régional.

Le Zimbabwe, le Mali et la République Démocratique du Congo possèdent des gisements substantiels de lithium, « même s’ils sont encore inexplorés », estime le FMI. Les estimations de recettes tirées de l’extraction de quatre minerais-clés (Cuivre, nickel, cobalt et lithium) au cours des 25 prochaines années pourraient atteindre 16 000 milliards de dollars. L’Afrique subsaharienne pourrait récolter 10% de ces recettes, soit une augmentation possible de 12% de son PIB d’ici 2050.

Créer la valeur ajoutée

Au Mali, la mine de Goulamina, située au sud du pays, dans la région de Bougouni, qui est entrée en production ce 15 décembre, est la première mine de lithium d’Afrique de l’Ouest. C’est une mine de classe mondiale qui va propulser le pays à la deuxième place des producteurs africains et à la cinquième au plan mondial. Le pays pourrait même devenir le premier producteur africain si sa deuxième mine de lithium, située dans la même région, entrait en production en 2025.

Avec un premier chiffre d’affaires annuel de 680 milliards de francs CFA et 71 milliards de dividendes, dont 30% reviendront à l’État et 5% au secteur privé, le Mali pourra également compter sur environ 30 milliards pour le Fonds de développement local et l’application de la loi sur le contenu local, qui permet que tous les travaux de sous-traitance soient effectués par des entreprises maliennes.

Mais, pour davantage de retombées, l’État doit avoir une vision stratégique, notamment la capacité de négocier afin de mettre en place une usine de fabrication de batteries. Cela lui évitera d’exporter tout son minerai brut et empêchera la répétition du modèle de l’or, explique M. Djibril Diallo, expert minier. Ainsi, les batteries à lithium, qui coûtent actuellement très cher, pourraient avoir des coûts plus intéressants pour la population et faciliter l’accès à l’énergie solaire, contribuant ainsi à réduire le déficit énergétique. L’usine constituerait également une possibilité supplémentaire de création de richesses, mais sa mise en place nécessitera une implication au plus haut niveau.

Fatoumata Maguiraga

Chiffres :

– Capacité : 506 000 tonnes de spodumène par an

– Chiffre d’affaires : 680 milliards de francs CFA

– Emplois directs et indirects : 2000

Leo Lithium : suspension de la cotation en bourse

La compagnie minière australienne Leo Lithium, copropriétaire et opérateur de la future mine de lithium de Goulamina au Mali, a annoncé le 19 septembre la suspension de la cotation de ses actions à la bourse australienne ASX. La société précise que cette décision a été prise dans l’attente d’un autre communiqué sur une correspondance du gouvernement malien portant sur l’application du nouveau Code minier à son projet. Ce nouveau Code fait passer la participation de l’État et des investisseurs locaux à 35% contre un maximum de 20 % pour l’État dans l’ancienne loi. Promulgué le 28 août 2023 par le Président de la Transition Assimi Goïta, ce nouveau texte a pour objectif d’accroitre les revenus miniers, avec 500 milliards de francs CFA de recettes en plus attendus chaque année. Les compagnies minières souhaitent des précisions, car elles estiment que leurs permis miniers sont conformes aux règles en vigueur au moment de leur octroi. Une éventuelle réponse du gouvernement à la compagnie australienne devrait permettre de lever les équivoques, espèrent des acteurs miniers. Leo Lithium avait déjà annoncé le 4 septembre avoir suspendu l’exportation du minerai à expédition directe (DSO), à la demande du gouvernement malien, dans une correspondance adressée à la société le 17 juillet dernier.

Pour rappel, c’est la deuxième fois en quelques mois que Leo Lithium suspend la cotation de ses actions. La compagnie avait utilisé le même procédé entre juillet et août, avant d’annoncer la suspension de son projet d’exporter du minerai avant l’entrée en production de Goulamina l’année prochaine.

Or : la mine de Morila cherche un repreneur

Deux ans après sa reprise, la mine de Morila a perdu son principal actionnaire. La société Firefinch a annoncé au Conseil d’administration, le 2 novembre 2022, son incapacité à poursuivre le financement des activités de développement de la société des mines d’or de Morila SA. Une mauvaise nouvelle pour les travailleurs de la société, qui espèrent des mesures idoines pour la continuité des activités et la sauvegarde de leurs emplois.

Acquise auprès de Barrick Gold et Anglogold Ashanti, la mine d’or de Morila a entamé un processus de redynamisation qui n’a pu être mené à terme face à plusieurs contraintes. Les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA contre le Mali, la hausse du coût du carburant et d’autres éléments essentiels, comme la non prorogation de la convention d’établissement, sont les difficultés invoquées par la société. S’y ajoutent les difficultés de levée de fonds pour assurer les investissements, selon M. Seydou Séméga, Représentant pays de la filiale malienne de Firefinch.

Dans un véritable cri du cœur, les responsables de l’usine ont invité les autorités à soutenir la mine afin de préserver les 2 100 emplois. Ils demandent, entre autres, l’abandon des procédures de redressement en cours pour les années 2017, 2018 et 2019. C’est dans le sens de la poursuite des activités que s’est engagée la société, en accord avec la direction. « Le processus d’investissement nouveau se déroule bien car de nombreuses parties ont manifesté de l’intérêt et devraient formuler leurs propositions dans les semaines à venir », assure M. Séméga. Une procédure de retrait qui devra être validée par l’État.

Développer les ressources

En attendant, et pour répondre à certaines affirmations l’accusant de s’être retiré avec la quantité d’or correspondant au montant de ses investissements, M. Séméga précise que le processus d’extraction des grandes mines est sous le contrôle strict de l’État et qu’aucune société n’a la latitude d’agir de façon non conventionnelle. « Firefinch a une créance de plus de 60 milliards de francs CFA sur Morila, correspondant aux coûts d’investissement inter-compagnies. Toutefois, Firefinch s’est dite disposée à annuler cette créance dans la mesure où cela permettrait au nouveau repreneur de pleinement jouir des opportunités de développement de Morila ». M. Séméga ajoute que l’or produit les deux dernières années a juste permis un maintien du niveau minimal opérationnel, sans faire face aux dépenses opérationnelles. Ce retrait n’a aucun impact sur les activités de Firefinch, qui intervient sur d’autres segments au Mali. Elle a acquis 17% des actions de Leo lithium, investisseur avec Gafend lithium de la mine de lithium de Goulamina, en phase de développement. Le ministère des Mines n’a pas réagi à nos sollicitations.