Crise dans l’Enseignement catholique : Une grève pour salaires impayés

Le Syndicat national des travailleurs de l’Enseignement privé catholique (Syntec) a décidé d’observer un arrêt de travail à compter de ce 20 février 2025. Motif : le non-paiement du salaire du mois de janvier. Cette situation pose avec acuité les difficultés de cet ordre d’enseignement, sous la menace de la fin de la subvention de l’État.

Le mot d’ordre d’arrêt de travail lancé ce 20 février est maintenu, explique M. David Togo, le Secrétaire général du Syntec. Même si l’employeur a fait des efforts, le syndicat réclame l’effectivité du paiement pour tous les enseignants concernés. C’est déjà la seconde fois qu’une telle situation se présente cette année. En janvier 2025, les enseignants avaient observé une grève pour le retard de paiement du salaire du mois de décembre 2024.

Cette situation, selon l’employeur, est due au non-versement de la subvention de l’État, dont dépend 80% de la masse salariale de cet ordre d’enseignement. Lorsque l’État malien a annoncé l’arrêt de cette subvention en 2024, l’Église catholique avait menacé de fermer les écoles sous sa responsabilité, compromettant le travail de près de 1 500 enseignants. Les autorités s’étaient alors engagées à assurer la subvention durant l’année scolaire 2024 – 2025. C’est cet engagement que l’État a du mal à tenir et les retards de salaires deviennent récurrents.

« Nous n’avons plus la possibilité de nous rendre sur nos lieux de travail. Ce n’est donc pas de gaité de cœur que nous observons cet arrêt de travail », explique le Secrétaire général du Syntec, Diocèse de Bamako.

Dans le Diocèse de Bamako, ce sont près de 1 500 enseignants, à part l’Université, qui ont posé la craie. Un arrêt de travail qui court jusqu’au paiement total des salaires. Les pourparlers se poursuivent et un début de solution a été trouvé avec le paiement de certains à partir du 21 février.

Sursis

La situation est inquiétante pour l’Église, qui doit désormais travailler sur une nouvelle base dont les enseignants ignorent les impacts éventuels. Elle avait envisagé purement et simplement un licenciement. À la place de l’espoir, qu’il dit ne plus avoir, c’est donc une inquiétude palpable et une sollicitation que le syndicat adresse à son employeur. Au lieu d’un licenciement, il souhaite que l’État revienne sur la convention, qui date de plusieurs décennies. Avant de se retirer, il lui demande  d’accorder un délai plus long pour permettre à l’Église de se préparer.

Fatoumata Maguiraga

Éducation : vers la fermeture des écoles catholiques ?

Depuis la décision des évêques du Mali le 30 juillet dernier de suspendre les activités pédagogiques de toutes les écoles catholiques à partir du 1 er octobre 2024 suite à l’arrêt annoncée de la subvention de l’Etat, les tractations se poursuivent pour trouver une issue à cette impasse. Si des pistes de solutions sont explorées au niveau gouvernemental, l’avenir des écoles catholiques du Mali reste incertain alors que la rentrée scolaire pour la nouvelle année approche à grands pas.

Un Conseil de cabinet restreint présidé par le Premier ministre s’est tenu ce lundi 19 août pour évaluer les solutions à cette situation qui seront soumises au Président de la transition, puis par la suite « annoncées et assumées par le gouvernement ».

« Nous sommes obligés de trouver une solution parce que sinon, c’est directement le Président de la transition qui va être touché par un problème technique au départ mais qui devient politique à la fin », a déclaré Choguel Kokalla Maïga, lors de son allocution d’ouverture de ce Conseil de cabinet restreint au cours duquel il est longuement revenu sur la situation actuelle des écoles catholiques.

L’Etat verse 80 % des salaires des enseignants des écoles catholiques selon une convention qui le lie à l’Eglise depuis 1972. Mais depuis quelques années, les impayés cumulés de ces subventions ont entrainé une crise au sein de l’enseignement privé catholique.

« La réalité, c’est qu’il y a des problèmes économiques et financiers, la croissance exponentielle de l’argent que l’Etat doit payer. Pendant que le pays est en guerre, les ressources s’amenuisent de plus en plus, les bailleurs de fond deviennent de plus en plus rares, il est évident qu’au niveau des finances, il y a des soucis de rationalisation. Nous sommes contraint de donner la priorité à la question de la sécurité qui prime sur tout », a expliqué le Chef du gouvernement tout en assurant que le Président de la transition prendra une décision politique dans les prochains jours dans l’intérêt supérieur du Mali et fera « en sorte que l’avenir des enfants maliens ne soit pas compromis ».

Au-delà des difficultés économiques qui justifient la décision de l’Etat de suspendre les subventions accordées aux écoles catholiques, le Premier ministre a aussi souligné un problème relatif à la laïcité de l’État. « Nous avons une nouvelle constitution qui énonce l’égalité de traitement de toutes les religions et donc l’application stricte de la laïcité. Est-ce que l’Etat peut subventionner une école d’une certaine foi, sans susciter d’autres problèmes ? », a-t-il indiqué.

Tractations en cours

En plus des échanges au niveau gouvernemental, le Conseil national de transition s’active également de son coté sur le sujet. Suite à une demande d’audience le 13 août 2024 du Directeur national de l’enseignement privé catholique avec la Commission de l’Education, de la Culture, des Technologies de l’information et de la Communication, de l’Artisanat et du Tourisme du Conseil national de transition (CNT), ce dernier a été reçu par la Commission ce lundi 19 août.

Le Syndicat national des travailleurs de l’enseignement catholique (SYNTEC) ainsi que le président de la Conférence épiscopale du Mali ont été également entendus par cette Commission dans la même journée.

Ce mardi 20 août, c’était le tour du ministre de l’Economie et des Finances alors que le passage devant la Commission du ministre de l’Education nationale qui était également prévu à la même date, a été repoussé au 29 août prochain, selon nos informations.

L’annonce de mesures définitives arrêtées au plus haut sommet de l’Etat ne se fera donc probablement pas avant cette date. En attendant, l’inquiétude grandit non seulement chez les plus de 1 613 enseignants des écoles catholiques menacés de licenciement mais aussi chez des parents d’élèves dont les enfants sont inscrits dans ces établissements.

Mohamed Kenouvi