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Modibo Mao Makalou : « La relance économique du Mali nécessite une gestion budgétaire rigoureuse »
Modibo Mao Makalou est un économiste formé au Canada et aux États-Unis, ayant occupé des postes clés à la Présidence de la République malienne de 2002 à 2017. Il a également travaillé dans les secteurs des hydrocarbures et des mines. Dans cette interview, il met en lumière l’importance de la session budgétaire du Conseil National de Transition et le projet de loi de finances 2025, soulignant que le budget est un outil crucial pour équilibrer les finances de l’État et soutenir les populations vulnérables face aux défis économiques. Propos recueillis par Massiré Diop.
- Une nouvelle session appelée « session budgétaire du Conseil National de Transition s’est ouverte depuis la semaine dernière. Parmi les points à l’ordre du jour de cette session figure le projet de Loi de finance 2025. Pouvez-vous revenir sur les grandes lignes et l’importance de cette session ?
Modibo Mao MAKALOU: Chaque Etat doit déterminer ses ressources et ses charges. Il est même fait obligation par la Constitution d’établir un équilibre budgétaire, c’est-à- dire que les charges soient déterminées, et que l’on doive aussi déterminer les ressources pour financer ces charges. En réalité, le budget est un acte politique symbolique très fort qui est adopté en Conseil des ministres puis voté par les députés. Il permet à l’Etat non seulement de lever l’impot, de s’endetter mais aussi de faire face à ses dépenses régaliennes et autres dépenses de fonctionnement et d’investissements. Le budget d’État est un document très important qui contient des priorités nationales dûment définies ainsi que les dotations budgétaires qui correspondent à ces priorités.
La session parlementaire d’octobre est appelée la session budgétaire et c’est durant cette période que le projet de loi de finances qu’on appelle aussi la loi de finances initiale devient la loi de finances, quand elle est approuvée par le parlement, autorisant ainsi l’Etat à prélever les recettes fiscales et budgétaires et à effectuer les dépenses budgétaires. La Constitution du 25 février 1992 détermine en ses articles. 70 et 77 que l’Etat doit déterminer ses charges et ressources dans un équilibre budgétaire et financier. Pour cela, l’Etat et ses démembrements expriment leurs besoins en termes des charges financières. Après on consolide tout cela ensuite, on détermine les ressources financières qui vont couvrir ses charges durant une année.
- Quelles sont vos impressions sur les grandes du projet de loi de finances 2025.
MMM: Le Gouvernement du Mali a adopté le mercredi 18 septembre 2024 lors du Conseil des Ministres un projet de loi de finances pour l’exercice 2025. Les dépenses budgétaires sont estimées à 3229,8 milliards FCFA en 2025 contre 3070,7 milliards FCFA en 2024, soit une progression de 5,18 milliards F contre une progression des recettes budgétaires de 10,93%, celles sont évaluées à 2648,9 milliards FCFA en 2025 contre 2387,8 milliards FCFA en 2024. Aussi, le déficit budgétaire est estimé à 581 milliards FCFA pour 2025 contre 682,8 milliards FCFA en 2024 soit une baisse de 14,92%.
Par ailleurs, les dépenses électorales sont estimées à 80,750 milliards FCFA et les dépenses de fonctionnement régulier de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE) sont estimées à 6,093 milliards FCFA dans le projet de loi de finances 2025.
- Avec le défi de maintenir une croissance économique tout en faisant face à l’instabilité politique et sécuritaire, quelles stratégies budgétaires le Mali devrait-il adopter pour stabiliser son économie et soutenir la création d’emplois pour la jeunesse malienne?
MMM: Présentement, le pouvoir d’achat est en train de s’effriter et c’est partout dans le monde dans les pays les plus riches tout comme dans les pays aux revenus les plus faibles. Les prix de l’alimentation ont beaucoup augmenté, de même que ceux de l’énergie suite à la hausse du prix du baril de pétrole et de l’appréciation du dollar face à l’euro et au F CFA. L’Etat devra nécessairement continuer les subventions des produits de première nécessité de même que des transferts d’argent ciblés envers les couches de
population les plus vulnérables, et cela engendrera une hausse des dépenses publiques et de la dette publique. Il va falloir trouver des solutions pour améliorer le pouvoir d’achat, c’est-à-dire en subventionnant davantage et en diminuant certains prix des produits de première nécessité tout en surveillant étroitement que les subventions sont réellement bénéfiques aux populations. Les hausses de prix impactent de façon disproportionnée les ménages les plus pauvres, qui doivent dépenser une plus grande part de leurs revenus sur l’alimentation, par rapport aux ménages plus aisés.
Pour relancer son économie, le Mali devrait essentiellement utiliser la politique budgétaire ou fiscale qui constitue le meilleur instrument de politique économique conjoncturelle plutôt que la politique monétaire. Il s’agira essentiellement à travers les dépenses publiques de cibler les secteurs clés et les services de base essentiels, comme l’agriculture, l’éducation, la santé, la protection sociale, l’eau potable, l’industrie, les logements, le développement urbain et l’assainissement, de même que des infrastructures de base de qualité qui ont une forte incidence sur la réduction des inégalités, surtout parmi les couches les plus vulnérables, notamment le secteur informel, les femmes, les filles et les jeunes mais aussi d’augmenter, de diversifier et de transformer la production nationale, stimuler la production d’aliments et d’engrais, améliorer les systèmes alimentaires, soutenir les ménages les plus vulnérables et les producteurs vulnérables pour renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
- Pensez-vous que les prévisions budgétaires actuelles suffisent pour faire face aux défis posés par la dette publique et le service de la dette dans le contexte de la situation économique globale du Mali? Quels ajustements recommanderiez-vous?
MMM: Le gouvernement du Mali est en train d’exécuter son 7ème budget- programme de budget même si nous n’avons pas entièrement basculé dans le budget programme. Il y a des programmes avec leurs objectifs et indicateurs de performance, c’est la gestion axée sur les résultats. Avant, nous avions ce qu’on appelle un budget des moyens, c’est-à-dire on vous donne une somme et vous devriez la dépenser. Maintenant, c’est en termes d’objectifs. C’est ce qui explique les programmes, objectifs et les indicateurs. Cette approche permet de savoir si les institutions et ministères ont atteint les cibles ou pas. Dans presque tous les pays du monde, les dépenses budgétaires dépassent les recettes budgétaires. Le fonctionnement d’un Etat demande un certain nombre de choses. Il y a des missions régaliennes comme les services sociaux de base, la défense, la justice…. Le déficit budgétaire est financé par la dette publique (qui est constituée de la dette intérieure qui est libellée en monnaie locale et de la dette extérieure qui est libellée en monnaie étrangère qui lorsqu’elles ont librement convertibles sont appelées devises). Aussi certains pays qui bénéficient de l’assistance extérieure ou l’aide publique au développement l’utilise pour combler une partie des déficits budgétaires. Malheureusement cette aide publique au développement est en train de tarir car ceux qui fournissent l’aide sont eux-mêmes confrontés à des difficultés financières et budgétaires. Notons que les 8 pays membres de l’Union monétaire Ouest africaine (UMOA) qui ont en partage le FCFA en Afrique de l’Ouest utilisent constamment le marché sous-régional monétaire et financier pour financer la trésorerie des 8 États membres. La stratégie d’endettement de notre pays envisage d’emprunter environ 150 milliards de FCFA sur le marché financier de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) durant le 4ème trimestre de 2024.
La dette extérieure du Mali demeure modérée selon le Fonds Monétaire International (FMI), avec une certaine marge pour absorber les chocs. La dette publique (extérieure et intérieure) se situe à 56,9% du PIB à fin 2023, contre 53,1% en 2022. Quant à la dette intérieure, elle est essentiellement composée de titres publics (85,7%). La dette publique était estimée à 51,6% du PIB en 2024 et devrait baisser à 50,6% du PIB en 2025. La hausse sur le court terme de la dette publique malien résulterait d’une hausse du service de la dette suite au resserrement de ma politique monétaire pour lutter contre l’inflation mais aussi d’une accumulation importante d’arriérés intérieurs envers les fournisseurs pour faire face au remboursement de la dette publique.
Partenariats public-privé : Mieux appréhender le processus
Les partenariats public-privé (PPP) apparaissent comme un mode de financement adéquat pour les projets structurants pour le développement de notre économie. Cependant, la complexité du processus et les impacts réels doivent être mieux appréhendés par les acteurs.
La transformation structurelle de notre économie nécessite d’importants investissements dont la réalisation requiert l’intervention du secteur privé. Une conviction des autorités, qui ont décidé de renforcer le rôle de ce dernier dans le développement économique. Ainsi, pour faire de l’approche PPP une alternative pour la commande publique, le Mali s’est doté d’un cadre institutionnel.
Ce sont la Loi n°2016-061 du 30 décembre 2016 et le Décret n°2017-0057/P-RM du 9 février 2017, ainsi que le Décret n°2017-0050/PM-RM du 9 février 2017 portant création de l’Unité Partenariats public-privé (UPPP), qui régissent le domaine au Mali.
Organisme expert national, l’UPPP est notamment chargée d’apporter une assistance aux autorités contractantes dans l’identification des projets susceptibles d’être développés en PPP.
C’est un processus complexe nécessitant une grande expertise et l’UPPP veut contribuer à le rendre plus accessible aux acteurs censés pouvoir l’impacter. C’est dans ce cadre qu’elle a initié une formation à l’intention des acteurs de la société civile et des communicateurs (journalistes et communicateurs traditionnels) du 12 au 14 août 2024. Leurs capacités ont été renforcées sur l’identification, l’évaluation préalable des projets, leur contractualisation et leur suivi-évaluation.
Une opportunité et des risques
Assurer un équilibre entre les besoins réels de la population et les impacts futurs des projets à financer, telle pourrait être l’équation à résoudre pour l’adoption d’une approche PPP. Si dans la pratique de nombreux projets, notamment dans le cadre de l’énergie, ont bénéficié de l’expertise de l’UPPP pour leur contractualisation, l’acceptation de l’approche PPP reste un défi important pour les autorités contractantes.
En effet, le montage des projets PPP est un processus rigoureux, dont chaque étape est cruciale pour garantir son efficience. De l’identification du projet à la mise en œuvre jusqu’au suivi-évaluation, en passant par le montage financier, les projets PPP comportent « des pièges » à éviter. S’ils représentent une opportunité pour la réalisation des infrastructures pour les autorités contractantes, la réalisation des PPP a tendance à faire apparaître un faible impact pour la finalité du projet, l’amélioration des conditions de vie des bénéficiaires. L’approche PPP doit donc être suscitée grâce à une planification rigoureuse des besoins des populations afin d’éviter le décalage entre leurs besoins et les résultats sur le terrain.
Fatoumata Maguiraga
Confédération de l’AES : les défis de la concrétisation
Le Burkina Faso, le Mali et le Niger viennent de franchir une nouvelle étape dans la mise en place de l’architecture de la Confédération regroupant les trois États. Réunis à Niamey le 17 mai 2024, les ministres des Affaires étrangères des trois pays ont adopté les textes de création de la future entité. En attendant la validation des textes par le sommet des chefs d’État, les défis et les attentes sont déjà grands pour cette future alliance.
« Nous pouvons considérer très clairement que la Confédération des États de l’Alliance des États du Sahel (AES) est née », s’est réjouit le ministre malien des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Abdoulaye Diop, à l’issue d’une rencontre avec le chef de l’État du Niger. En effet, le ministre Diop et ses homologues du Burkina Faso et du Niger ont été reçus par le Président de la Transition au Niger après la réunion ministérielle qui a adopté les textes de création de la Confédération de l’AES, le 17 mai dans la capitale nigérienne. Quatrième du genre, cette rencontre des ministres des Affaires étrangères était une étape supplémentaire vers la concrétisation de la Confédération. « La phase d’organisation de la nouvelle entité confédérale se déroule bien », assure un spécialiste.
L’alliance stratégique incarnée par l’AES prendra bientôt forme et la préparation des « documents-cadres donne satisfaction », poursuit notre interlocuteur. Il ne reste plus aux chefs d’État que de « valider leur volonté politique de mettre en place cette Confédération, qui porte les espoirs de la renaissance africaine ». Ainsi, plus qu’une entité politique destinée à répondre à des défis communs, cette Confédération est aussi, pour certains analystes, le début d’une nouvelle ère.
Opportunités
L’Alliance des États du Sahel est le point de départ d’une nouvelle Union africaine, estime pour sa part Ousmane Bamba, modérateur du « Forum du Kénédougou », et invité du plateau du Débat du dimanche sur la chaîne de télévision Africable. Selon lui, quand la Confédération aura démontré ses avantages, elle pourra devenir une fédération. Il suggère ainsi que le traité fondateur de la Confédération soit assez « contraignant », afin de diminuer l’impact des droits de réserve des États, qui pourraient dépouiller l’alliance de son essence. Il doit aussi rester « ouvert » afin de permettre des adhésions futures.
Face aux défis communs, notamment sur le plan sécuritaire, les États de l’AES ont vite envisagé une synergie d’action, concrétisée par l’adoption de la Charte du Liptako Gourma le 16 septembre 2023. Une dynamique poursuivie lors de la 1ère réunion des ministres des Affaires étrangères des trois pays à Bamako, le 30 novembre et le 1er décembre 2023. Elle s’est traduite par la « mise en place de la synergie d’action pour prendre en compte les aspirations profondes des 3 peuples », a expliqué le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakary Yaou Sangaré, dans le communiqué sanctionnant la réunion ministérielle. Le but de la Confédération est de mutualiser les forces afin de résoudre les problèmes communs, auxquels les États pris individuellement ne peuvent faire face. Une réalité que les États de l’AES ont déjà expérimenté sur le plan sécuritaire avec des résultats probants, admettent les observateurs. Appelés à aller au-delà de cette « architecture de défense collective et d’assistance mutuelle », les États de l’AES veulent désormais bâtir une « unité militaire et économique plus poussée ».
Conditions de la réussite
Condamnés à réussir la prise en main de leur destin commun, les États de l’Alliance ont l’obligation de financer leurs propres projets pour ne pas finir comme le G5 Sahel, avertissent les observateurs. L’un des avantages de la future Confédération, comme pour toute intégration, est la mutualisation d’un certain nombre de moyens et l’élaboration de certaines politiques communes », note le Professeur Abdoul Karim Diamouténé, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences économiques et de gestion (FSEG). Ces politiques peuvent permettre l’élimination de certaines contraintes, dans le cadre par exemple de la libre circulation des biens et des personnes. Et, à ce titre, les entraves à la libre circulation dans le cadre de la CEDEAO sont des expériences à capitaliser, ajoute-t-il.
Sur le plan de l’énergie, la décision du Niger de fournir les pays membres de l’AES en carburant est un atout qui n’existait pas forcément entre les pays de la CEDEAO. Ces facilités pourraient aussi permettre la mutualisation de certains investissements, conséquence d’une prise de conscience qui se concrétisera dès que le processus actuellement en cours sera formalisé.
Suite logique du départ des pays de l’AES de l’organisation commune, la CEDEAO, la création de la Banque de l’AES, qui se chargera de certains investissements, est aussi une étape à envisager pour consolider la future alliance. Elle sera en tout cas différente de celle qui existe déjà. Parce que, dans l’ancien espace, la politique et les conditions administratives « nous échappaient ».
La nouvelle Banque de développement devrait donc faciliter la prise de décisions au niveau des pays, avec une prise en compte réelle des critères, ce qui représenterait « une belle perspective » par rapport à ce qui existait auparavant. Les États de l’AES constituent donc un marché pour les pays côtiers qui en dépendent, et non le contraire, soutient M. Diamoutènè. Les résultats dépendront donc de l’efficacité des actions à mener.
Après les menaces et les sanctions suite au départ des pays de l’AES de la CEDEAO, les leaders de l’organisation tentent une médiation pour le retour en son sein des trois États du Sahel. Un retour qui n’est pas souhaitable et qui serait même une régression, estime l’économiste.
Désormais, il faut envisager l’existence de deux entités qui seront donc contraintes à négocier de nouveaux accords. Disposant de ressources naturelles et d’un marché intérieur de 70 millions d’habitants, les pays de l’Alliance peuvent envisager l’introduction de barrières tarifaires à leurs frontières pour développer leur capacité industrielle, en deçà de celle de la zone, et de protéger leurs marchés. Une opportunité qui amènerait plutôt certains pays de la CEDEAO à rejoindre l’AES. Une « autre CEDEAO, qui prendrait mieux en compte les aspirations des pays de l’AES et même de certains de la CEDEAO ».
La panacée ?
La réunion de Niamey a permis la validation des textes du Cadre d’intégration politique, économique et social, à savoir le Traité portant création de la Confédération de l’AES et le Règlement intérieur du Collège des chefs d’État, et constitue la dernière ligne droite vers la tenue de la première session du Collège des chefs d’Etat. Mais le chemin vers la réalisation des ambitions de l’organisation reste semé d’embûches. La principale condition au succès de l’Alliance « est la réalisation de la souveraineté, qui inclut la sécurisation intégrale », note notre analyste. Les autres sont relatives à la définition de politiques adaptées aux problèmes existants déjà dans les pays qui ont créé l’AES, la rigueur dans la mise en œuvre de ces politiques, grâce à des acteurs très engagés, et la garantie du temps long des transformations, ce qui suppose une continuité dans le processus. Parce que, même si l’essentiel est disponible, une volonté politique et un leadership affirmé qui ont permis de franchir des étapes importantes, le chemin vers la prospérité sera long.
Pour le ministre Diop, « le travail principal aujourd’hui est d’avancer pour finaliser et formaliser les actes nécessaires pour permettre à cette Confédération de fonctionner ». Il faut surtout « prendre la juste mesure des défis », suggère un observateur.
La Confédération ne doit pas être une réponse ponctuelle à des défis existentiels mais une solution pérenne aux aspirations de populations déjà intégrées, grâce à des mécanismes de gestion adaptés. Une dynamique des peuples qu’il faut désormais respecter, selon Boubacar Bocoum, analyste politique.
Crise énergétique au Mali : le court-circuit économique
Le bout du tunnel n’est visiblement pas pour demain. Alors que l’on s’attendait ces dernières semaines à des améliorations dans la fourniture de l’énergie, les délestages intempestifs continuent de plus belle pendant de longues heures, voire des journées, à travers le pays, y compris à Bamako. Fortement impactées par la crise énergétique depuis près d’un an, de plus en plus d’entreprises sont à l’arrêt ou contraintes à une baisse de production. Durement éprouvée, l’économie tient. Jusqu’à quand ?
Près de 48h sans électricité durant le mois d’avril dans certains quartiers de Bamako. Certaines pistes de solutions ont été évoquées depuis quelques mois, mais la société Énergie du Mali (EDM SA) n’est toujours pas en mesure d’assurer la fourniture de l’énergie électrique en continu sur l’ensemble du territoire national.
Au-delà des ménages, l’impact de la crise énergétique se fait de plus en plus sentir dans le fonctionnement du tissu économique avec des entreprises de différents secteurs qui sont à bout de résistance. La situation, qui empire jour après jour, les plonge dans d’énormes difficultés et suscite des interrogations sur leur survie à court terme.
Entreprises impactées
« Depuis bientôt un mois, la Société des eaux minérales du Mali (SEMM) traverse une période difficile. En raison des soucis de distribution d’électricité qui sévissent dans le pays, notre production se retrouve malheureusement affectée, malgré les multiples investissements en champs solaires et en groupes électrogènes », a alerté dans un communiqué, le 22 avril 2024, la Société des eaux minérales du Mali, productrice de l’eau Diago. « En effet, nous faisons face à une diminution de la quantité habituelle en cartons d’eau minérale DIAGO que nous mettons à la disposition de notre clientèle », poursuit le communiqué.
Dans la foulée, la grande bouteille d’eau minérale Diago, qui était jusque-là vendue 400 francs CFA, est passé à 500 francs. L’eau minérale Eva, même si la société productrice n’a pas communiqué sur des difficultés, est également difficile à trouver sur le marché depuis un moment.
À l’instar de la SEMM, beaucoup d’autres entreprises et d’activités économiques dans d’autres secteurs sont frappées de plein fouet par la crise énergétique qui secoue le pays. Moussa Doumbia est promoteur de l’entreprise de production de boissons naturelles « Jus Bougouni ». Il affirme qu’à un certain moment, pour tenir face à l’insuffisance en énergie électrique, son entreprise a du revoir sa production à la baisse, avant de retrouver récemment sa production normale, non sans contraintes.
« Le marché est très lent, parce que la crise touche tous les secteurs et diminue le pouvoir d’achat des consommateurs qui demandent une diminution de prix alors qu’au même moment, au niveau de l’entreprise, nous avons une augmentation des coûts de production. Il y a un déséquilibre et même si nous arrivons à tenir c’est sur des marges très réduites pour ne pas aller à des résultats négatifs », confie-t-il.
Le secteur informel, qui représente une part importante dans la structuration de l’économie malienne, subit également l’impact de la crise énergétique. Plusieurs tailleurs, soudeurs ou encore acteurs de la chaine du froid, dont les métiers dépendent essentiellement de l’énergie électrique, ne sont pas épargnés.
« Notre travail est lié à l’électricité. On paye chaque jour au moins 15 000 francs de carburant pour notre groupe électrogène, qui peine à fonctionner aussi. Cette situation réduit nos revenus et certains de nos clients ne sont pas contents, parce qu’il est difficile de respecter les délais », témoigne sous anonymat un propriétaire de pressing de Bamako.
« Le taux de profit étant très faible dans le secteur informel, vouloir compenser l’indisponibilité de l’énergie par l’achat d’un groupe électrogène ou l’utilisation d’autres méthodes alternatives engendre des coûts supplémentaires, ce qui oblige la plupart des travailleurs à mettre un terme à leurs activités », analyse l’économiste Dr. Abdoul Karim Diamouténé.
L’économie mise à mal
Selon Modibo Mao Makalou, en dehors de la plupart des PME/PMI, les micro entreprises du secteur informel, qui constituent plus de 90% des unités économiques, tournent au ralenti ou sont à l’arrêt, ainsi que les 3/4 des grandes unités industrielles qui ne peuvent pas marcher à partir de groupes électrogènes pendant une durée substantielle.
« Il faut absolument de l’énergie électrique. D’abord, les groupes électrogènes ne sont pas faits pour tourner de longues heures. Or les coupures dépassent très souvent 12h par jour. Ensuite, le carburant et l’entretien de ces groupes électrogènes coûtent excessivement cher et cela ne permet pas à ces unités, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, de rentrer dans leurs coûts. Cela entraine donc une mévente au niveau des produits ou un arrêt de la production », explique l’économiste.
« Et quand il y a arrêt de la production, les salariés sont soit en chômage technique soit définitivement mis au chômage. Il en découle des difficultés économiques, parce que la réduction de la consommation a un impact négatif sur l’économie du pays en général et sur le PIB en particulier, ainsi que sur les revenus de l’ensemble de la population active », poursuit-il.
Dr Abdoul Karim Diamouténé abonde dans le même sens. Pour cet enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences économiques et de gestion (FSEG), c’est toute l’économie qui est étouffée par la crise énergétique qui perdure et son impact se ressent à plusieurs niveaux, y compris pour l’État, qui fait face à un manque à gagner considérable.
« Les recettes publiques proviennent des impôts, soit sur la production, soit sur les chiffres d’affaire et autres. Mais lorsque les entreprises subissent des retards ou des baisses dans leurs productions, il est tout à fait à fait normal que cela ait des répercussions sur leurs chiffres d’affaire, ce qui, par conséquent, devrait entrainer la baisse du niveau des recettes fiscales de l’État », souligne-t-il.
Résilience à long terme ?
Alors qu’elle a tenu tant bien que mal jusque-là face à cette crise énergétique sans précédent pour le pays, l’économie malienne pourra-t-elle encore résister pendant longtemps au choc ? Pour M. Diamouténé, le coût de reconversion peut s’avérer difficile pour l’économie, mais c’est surtout le risque social qui est à craindre.
« Tout va dépendre de la situation sociale si les différents ménages arrivent à tenir longtemps le coup sans grogne. Sinon, économiquement, les grandes firmes trouveront les moyens de s’adapter à la situation, même si évidemment cela aura des incidences sur leurs performances et les revenus qu’elles engrangent », soutient l’économiste.
« Les entreprises subissent des coûts énormes liés à cette crise énergétique. Des coûts d’adaptation et de reconversion. Soit elles ne sont pas en mesure de trouver les moyens de continuer et elles abandonnent, soit elles se reconvertissent ou s’adaptent. Quoi qu’il en soit, cela a un impact sur les productions et les revenus », précise-t-il.
Dans un communiqué en date du 30 avril 2024 suite à une mission d’une de ses équipes au Mali du 21 au 26 avril 2024, le Fonds monétaire international (FMI) estime que les perspectives à court terme de l’économie malienne sont « incertaines et sujettes à d’importants risques baissiers ».
« La croissance du PIB réel devrait ralentir à 3,8 % en 2024 en raison de graves pannes d’électricité, des effets négatifs du départ de la MINUSMA sur le secteur tertiaire, d’une baisse dans la production d’or et de l’incertitude entourant le report des élections et la sortie de la CEDEAO, mais devrait revenir à 4,4 % en 2025 », indique le FMI.
« Assurer un approvisionnement en électricité stable et rentable est la priorité numéro un du Mali. La convergence vers le plafond de déficit budgétaire de 3% de l’UEMOA est également importante dans un contexte de conditions de financement serrés et de coûts d’emprunt élevés », préconise l’institution de Breton Woods.
Pr Abdoul Karim Diamouténé : « si le retrait est effectif, cela veut dire qu’il faut négocier un accord entre le nouveau bloc AES et l’ancienne communauté CEDEAO »
Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé le 28 janvier dans un communiqué conjoint leur retrait de la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Quelles peuvent être les conséquences de cette décision pour notre pays? Entretien avec Pr Abdoul Karim Diamouténé, économiste.
Quel regard portez-vous sur la décision des autorités de retirer notre pays de la CEDEAO ?
C’est une décision qui m’a surpris. En tant qu’économiste on voit les avantages théoriques qu’offre la CEDEAO en ce qui concerne la libre circulation des personnes et des biens et la liberté d’entreprise. Se retirer revient à annihiler ces avantages. Systémiquement, on pouvait dire qu’il y avait des aspects que l’on pouvait gérer sans forcément se retirer. Mais comme la crise actuelle est politique, les décideurs savent pourquoi ils se sont retirés.
Quelles peuvent être les conséquences économiques d’une telle décision ?
Les avantages et inconvénients sont d’abord théoriques. C’est-à-dire que si l’on va vers une communauté, on édicte les règles pour aller vers les objectifs. Entre les règles et les objectifs consignés et les résultats réels, souvent il y a un écart. Pour preuve, la libre circulation est admise, mais quand vous avez le malheur de prendre le car, pour aller en Côte d’Ivoire ou ailleurs, vous vous rendez compte que cette liberté connaît beaucoup d’entraves. Cela est à tous les niveaux. L’effectivité des acquis est un autre aspect. L’un des éléments fondamentaux, c’est l’intensification des échanges. Mais lorsque l’on prend les statistiques du commerce extérieur, on se rend compte que les pays de l’espace échangent peu, environ 15%. Ce qui n’est pas normal. Les pays pris individuellement échangent plus avec l’extérieur. Les avantages théoriques ne sont donc pas effectifs. L’autre élément concerne la liberté de mouvement et d’entreprendre, qui est perdue, mais là il faut s’interroger sur où on en était réellement. Dans les différents pays, les gens se réclament de telle ou telle nationalité mais ont les documents du pays d’accueil, ce qui pourrait amoindrir les impacts sur la liberté de mouvement.
Le processus de retrait dure une année. Quelles peuvent être les perspectives ?
Si le retrait est effectif, cela veut dire qu’il faut négocier un accord entre le nouveau bloc AES et l’ancienne communauté CEDEAO. Si on trouve de meilleurs arrangements, qui dépendent des rapports de force et des opportunités, on pourra déterminer les avantages et les inconvénients. Tout dépendra des nouveaux accords. Le bloc peut aussi signer des accords en dehors de la CEDEAO. Par exemple avec la Mauritanie, qui n’est plus de la CEDEAO et a un débouché sur la mer. Or, l’une des contraintes majeures de l’AES est l’accès à la mer. Donc il peut y avoir des accords préférentiels Mauritanie et AES.
Peut-on envisager un retour de ces pays ?
En matière de développement, tout dépend des intérêts et résultats attendus. L’AES agit de la sorte parce qu’elle estime que ses intérêts sont piétinés dans le cadre actuel. La CEDEAO voudrait une négociation afin que ses pays ne sortent pas. Mais la question est qu’est ce qu’elle peut proposer en retour pour compenser les gains de la position actuelle. À mon avis, il est difficile de trouver un terrain d’entente actuellement, étant donné les divergences, qui sont plus politiques et géostratégiques. Cette rupture n’est qu’une conséquence politique et géostratégique. Difficile que ces pays reviennent tant que la CEDEAO ne sera pas réformée afin que les objectifs que les pays de l’AES recherchent sur le plan sécuritaire et politique soient garantis. La CEDEAO dans sa forme actuelle constitue un obstacle majeur au développement de nos pays. La liberté de circuler est consignée, mais dans la pratique elle rencontre des problèmes. Un autre élément est l’Union économique et monétaire. Dans le cadre de la gestion d’une économie, la monnaie est un élément indispensable de gestion des différents chocs. Or, tout le problème d’aller vers l’Union monétaire au sein de l’espace CEDEAO bute sur des problèmes d’ordre politiques. Théoriquement, la CEDEAO devait aller vers une monnaie commune depuis 2015. Mais cela a été repoussé à 2020 et l’on a observé les débats théoriques et toutes les interférences en dehors de l’espace dans le cadre de l’Éco pour défendre d’autres intérêts que ceux de la CEDEAO.
Leo Lithium : suspension de la cotation en bourse
La compagnie minière australienne Leo Lithium, copropriétaire et opérateur de la future mine de lithium de Goulamina au Mali, a annoncé le 19 septembre la suspension de la cotation de ses actions à la bourse australienne ASX. La société précise que cette décision a été prise dans l’attente d’un autre communiqué sur une correspondance du gouvernement malien portant sur l’application du nouveau Code minier à son projet. Ce nouveau Code fait passer la participation de l’État et des investisseurs locaux à 35% contre un maximum de 20 % pour l’État dans l’ancienne loi. Promulgué le 28 août 2023 par le Président de la Transition Assimi Goïta, ce nouveau texte a pour objectif d’accroitre les revenus miniers, avec 500 milliards de francs CFA de recettes en plus attendus chaque année. Les compagnies minières souhaitent des précisions, car elles estiment que leurs permis miniers sont conformes aux règles en vigueur au moment de leur octroi. Une éventuelle réponse du gouvernement à la compagnie australienne devrait permettre de lever les équivoques, espèrent des acteurs miniers. Leo Lithium avait déjà annoncé le 4 septembre avoir suspendu l’exportation du minerai à expédition directe (DSO), à la demande du gouvernement malien, dans une correspondance adressée à la société le 17 juillet dernier.
Pour rappel, c’est la deuxième fois en quelques mois que Leo Lithium suspend la cotation de ses actions. La compagnie avait utilisé le même procédé entre juillet et août, avant d’annoncer la suspension de son projet d’exporter du minerai avant l’entrée en production de Goulamina l’année prochaine.
Nouveau code minier : quelles sont les innovations ?
Le Conseil national de transition a adopté hier mardi 8 août deux projets de loi dans le secteur minier. L’un portant Code minier au Mali et l’autre relatif au Contenu local dans le secteur minier. L’objectif de ces réformes est de corriger « les insuffisances pour une amélioration substantielle de la contribution du secteur minier à l’essor économique et social », expliquent les autorités.
Le nouveau projet de Code minier est censé apporter des innovations par rapport à celles adoptées par le Code de 2019. Tout en réaffirmant la souveraineté de l’État sur les ressources minérales du sous-sol, les changements sont relatifs à la réorganisation du régime des titres miniers et la réforme du régime fiscal et financier et entendent combler un vide juridique et résoudre des incohérences.
L’une des premières innovations concerne la mise en place de deux conventions d’établissement. Alors que le Code de 2019 prévoyait une convention unique pour la recherche et l’exploitation, d’une durée de 20 ans, la nouvelle disposition prévoit une convention d’établissement pour la phase de recherche d’une durée totale de 9 ans, y compris les 2 renouvellements, et une convention d’établissement pour la phase d’exploitation d’une durée de 12 ans, dont 2 pour la phase de construction de la mine.
Optimiser les profits
La suppression des exonérations sur les produits pétroliers en phase d’exploitation est également une innovation majeure introduite pour mieux faire profiter l’État de l’exploitation minière. En effet, pendant plus de 30 ans, il a exonéré les sociétés minières sur les achats de produits pétroliers durant la phase d’exploitation. Ce qui a coûté en moyenne 60 milliards de francs CFA par an sur les 3 dernières années, selon les rapports d’audit, alors que les sociétés minières n’ont versé que 36 milliards de dividendes à l’État au titre de sa participation sur la même période.
L’indexation de la taxe ad valorem sur le cours de l’or et des autres substances minérales est également une nouvelle disposition qui vise à permettre à l’État de bénéficier de la hausse des cours de ces produits.
Et pour mieux faire profiter l’économie nationale du potentiel de l’industrie minière, une loi sur le Contenu local a été initiée. L’innovation principale consiste à l’encadrer efficacement et à le promouvoir. Ceci permettra notamment d’augmenter la valeur ajoutée locale et la création d’emplois, de favoriser le développement d’une main-d’œuvre locale qualifiée et compétente et de contribuer ainsi à une participation plus accrue des populations à la chaîne de valeur des industries minières.
Mise en œuvre de la Zlecaf : bientôt un forum pour les entreprises
Du 16 au 19 avril 2023 aura lieu à Cape Town, en Afrique du Sud, la première édition du Forum des entreprises de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Un événement commercial qui vise à accélérer la mise en œuvre de la Zlecaf et à booster le commerce et les investissements en Afrique.
Initiative après initiative, l’Afrique entend mettre en œuvre la Zlecaf. Alors qu’elle était au menu des discussions du dernier sommet de l’Union Africaine, en févier, la mise en œuvre de Zone de libre change continentale sera de nouveau débattue lors d’un forum, en avril prochain en Afrique du Sud. Organisée par le gouvernement sud-africain en partenariat avec l’Union Africaine, la rencontre vise à faire de l’opérationnalisation de la Zlecaf « une opportunité pour l’émergence de grands entrepreneurs et jeunes industriels africains qui vont accélérer la transformation des économies africaines pour diversifier les sources de croissance ». À l’instar de nombreux pays africains, le Mali compte y prendre part. « C’est vrai qu’il y a la difficulté de la barrière de la langue. Et aussi dans les transferts bancaires. N’empêche, les entrepreneurs maliens doivent participer à ce forum pour plus s’ouvrir à d’autres domaines et pour promouvoir leur business », estime Aliou Traoré, Directeur général de la Société Mali Sanuw.
Le forum ciblera quatre secteurs d’activités en priorité : l’agriculture et l’agrobusiness, l’automobile et les pièces automobiles, l’industrie pharmaceutique, le transport et la logistique. « Il y a aussi d’autres domaines qui peuvent être développés lors des rencontres B2B. Pendant ce temps, les entrepreneurs maliens peuvent évoquer des domaines qui les intéressent pour qu’on leur facilite le business avec des entrepreneurs africains », explique la Vice-présidente chargée des Relations extérieures du CNPM, Mme Berthé Minian Bengaly. Selon elle, le Mali, pays à forte taux d’importation, a besoin de concrétiser la zone de libre échange afin de faciliter le commerce entre lui et les autres pays africains.
Dans l’optique de faciliter le déplacement des entrepreneurs du pays a eu lieu le 15 mars dernier à l’ambassade de l’Afrique du Sud au Mali une séance d ‘information sur le forum et sur l’obtention du visa sud-africain. « L’ambassade entend tout mettre en œuvre pour permettre au Mali de participer au forum, qui est une opportunité pour ses entreprises locales », assure Avumile Dlakavu, Conseiller politique de l’ambassade.
Synayogo Sakalé Traoré : une ambition sans égale
Sakalé Traoré aime les défis. Alors que son entreprise, Mamali Moringa, vient d’être primée aux Impact Days le 25 février dernier, elle se lance déjà dans un nouveau challenge : celui de s’implanter partout au Mali. « Nous ne nous arrêtons pas, il faut que Mamali soit dans les toutes régions du Mali d’ici janvier 2024 », indique celle qui promeut que l’on doit « plus être passionné par son travail que par l’envie de gagner de l’argent ».
Mamali est spécialisée dans la culture et transformation du moringa en produits cosmétiques et agroalimentaires, qu’elle commercialise. La poudre de la plante originaire d’Inde est utilisée comme complément alimentaire dans des tisanes et des cookies et dans la fabrication de produits pour cheveux, savons et laits corporels.
« Il y avait une de nos professeures qui l’utilisait beaucoup lors de nos séances de culture chinoise. Je lui ai demandé pourquoi tant d’intérêt envers cette plante et elle m’a dit qu’elle l’utilisait pour régénérer ses cellules. Quand je suis revenue au Mali, j’ai continué mes recherches et j’ai découvert que transformer le moringa pouvait créer beaucoup d’emplois », confesse la détentrice d’une Licence en gestion d’entreprise de l’université de Zufe, en Chine.
Aussi diplômée en Agrobusiness de l’IPR de Katibougou, l’entrepreneure de 27 ans a bien réussi son coup. Depuis 2015, année de son lancement, la société connaît « un grand succès auprès des consommateurs locaux et étrangers ». Ses produits s’exportent dans la sous-région, en Europe et aux États-Unis.
Et malgré des difficultés en 2020 dans l’approvisionnement en emballages de ses produits à cause de la Covid-19, l’entrepreneure en atteste : sa société, qui compte une douzaine d’employés se porte bien et ambitionne d’être un leader continental dans son domaine d’ici 2030. Un autre défi !
Coton durable : accroître le potentiel
La culture du coton offre aussi un potentiel en termes d’atténuation des effets du changement climatique, selon un rapport de l’Institut international pour le développement durable (IISD).
Le coton est plus bénéfique à la lutte contre le changement climatique que la plupart des fibres synthétiques utilisées dans le secteur textile, émettant un tiers de GES (Gaz à effet de serre) de moins par kilogramme de fibres produites. En 2019, quelque 2,5 millions d’agriculteurs ont produit au total entre 6,24 Mt et 6,46 Mt de coton fibre conforme NVD, d’une valeur à la plantation autour de 3 à 5 milliards de dollars, soit une hausse de 0,44 million de tonnes à 0,49 million de tonnes par rapport à l’année précédente.
Avec une croissance importante, le coton conforme NVD représente maintenant 25 à 26% de la production mondiale totale. Selon l’IISD, en 2019, environ 92% du coton conforme NVD provenait d’Asie – Inde, Chine et Turquie –, l’Inde arrivant en tête avec une production de 349 786 tonnes. L’Afrique représente environ 4% de la production (Tanzanie, Ouganda et Bénin). L’étude montre aussi que l’Inde, la Chine, les États Unis, l’Ouzbékistan et le Brésil offrent des NVD qui présentent le plus de potentiel d’expansion compte tenu de la taille de leur production cotonnière de type conventionnel.
Le Burkina Faso, le Mali, le Soudan, le Tchad, et l’Éthiopie peuvent, selon l’étude, favoriser le développement durable grâce aux exigences sur les producteurs pour adopter des pratiques de culture plus durables, eu égard à leur part dans la production mondiale de coton, l’application encore limitée de NVD et leur place dans l’Indice de développement humain.
UEMOA : légère baisse de l’inflation en 2023
L’inflation se maintiendra à un niveau encore élevé en 2023, à 7,5%, dans l’UEMOA, selon le rapport mensuel sur la conjoncture, publié le 9 janvier 2023. Après s’être établie à 8,4% en octobre 2022, elle a ensuite enregistré une légère baisse, à 8,0%, consécutive à un léger repli des prix des produits alimentaires enregistré suite à l’arrivée des nouvelles récoltes. Des prix néanmoins élevés malgré une hausse de la production céréalière d’environ 16%. Et en raison essentiellement des coûts encore élevés des denrées alimentaires importées par l’Union. Notamment le riz, dont les prix ont augmenté de 42%, le lait, de 22,2% et le blé de 12,8%.
À ces facteurs se sont ajoutées les difficultés d’approvisionnement des marchés locaux, aggravées par les effets des crises sécuritaires et politiques. Même si la composante Transports a connu une baisse, à 7% en novembre par rapport aux 8% du mois d’octobre, l’augmentation des prix à la pompe de l’essence sur une année, est restée très importante pour tous les pays. Au Mali, elle s’est située à 22,3% pour l’essence et à 36,4% pour le gasoil.
La décélération de l’inflation se poursuivra en 2023, selon les perspectives de l’UEMOA. De 7,9% en décembre 2022, elle pourrait se situer à 7,5% en janvier 2023. Mais la baisse restera liée à la poursuite de la commercialisation des nouvelles récoltes. Une dynamique qui devrait être soutenue par des politiques d’aide des autorités au pouvoir d’achat et le relèvement des taux directeurs. Mais elle pourrait être limitée par la persistance de l’insécurité affectant les circuits de distribution.