Afrique : les crises énergétiques plombent les économies

La grave crise énergétique au Mali n’est pas un cas isolé en Afrique. Plusieurs autres pays du continent traversent une période difficile, avec des conséquences désastreuses sur leurs économies.

L’Afrique du Sud, l’économie la plus industrialisée du continent, connait depuis 2022 une grave crise énergétique. Eskom, la compagnie nationale d’électricité, n’arrive plus à satisfaire la demande. Elle rationne donc l’énergie, ce qui conduit souvent à des délestages de près de 12h. Il a été recensé en 2022 dans le pays 205 jours de coupures continues. Face à la crise et au mécontentement populaire, le chef de l’État sud-africain Cyril Ramaphosa a déclenché en février 2023 l’état de catastrophe nationale et nommé un ministre pour gérer la situation. Deux mois plus tard, après avoir fait le constat d’une amélioration, l’état de catastrophe a été levé, mais les problèmes persistent. Selon les autorités sud-africaines, la crise de l’électricité coûte chaque jour à l’économie quelque 50 millions de dollars en pertes de production et le potentiel économique du pays a été réduit de 20%. Les centrales thermiques du pays sont jugées vieilles et constamment en panne et la société productrice est aussi épinglée dans des scandales de corruption datant de la présidence de Jacob Zuma. A l’occasion de la célébration de la fête du travail, le ministre de l’Électricité sud-africain Paul Mashatile a annoncé que le pays ne rencontrerait bientôt plus de pannes d’électricité. Selon le ministre, l’entreprise publique Eskom, a réalisé un facteur de disponibilité énergétique de 65,5%, ce qui voudrait dire que le pays a dépassé ce que le ministre a appelé les pics de panne.

Le Nigéria, autre géant du continent, subit lui aussi une crise énergétique sans précédent depuis 2022, même si la situation semble s’être un peu stabilisée. Au plus fort de la crise, selon la Banque mondiale, elle coûtait au pays environ 29 milliards de dollars, soit quelque 2% du PIB, alors même que le Nigéria est le premier producteur de pétrole en Afrique. Il produit 1,4 million de barils de brut par jour, mais n’en raffine que très peu et dépend donc des importations de carburant. La libéralisation du secteur, ouvert désormais au privé, en 2013, n’a pas suffi pour endiguer la crise, la demande étant toujours aussi forte. Un autre pays anglophone du continent est également confronté à une crise énergétique et en subit de plein fouet les conséquences. En 2023, le Zimbabwe a connu les pires pannes d’électricité de son histoire, avec des coupures pouvant atteindre jusqu’à 19 heures par jour. Cette situation a été exacerbée par la baisse du niveau d’eau du barrage de Kariba, entravant la production de la principale centrale hydroélectrique du pays. Chaque année, les coupures de courant coûtent au Zimbabwe plus de 6% de son PIB, indique un rapport de la Banque mondiale.

Crise énergétique : les imprimeurs, fatigués et stressés

Elhadj Mohamed Diarra est imprimeur de père en fils. Il est 17 heures ce 6 février 2024. Devant son atelier installé à Bamako-Coura, en Commune III du District de Bamako, quelques jeunes font du thé et discutent. Dans l’atelier plongé dans l’obscurité, les machines sont silencieuses. « Nous n’avons pas d’électricité depuis ce matin. Et sans électricité impossible de travailler ». Responsable de « Paperasse Services Sarl » depuis 2007, Monsieur Diarra vit des moments difficiles avec ses deux employés permanents et quelques saisonniers, dont des neveux qui viennent travailler quand ils ne vont pas à l’école.

Déjà confronté à la rareté des commandes, il doit affronter les délestages intempestifs qui menacent sérieusement son activité. « C’est difficile », soupire-t-il. Mais « si tu as perçu des acomptes, tu ne peux pas faire autrement ». Obligé d’honorer les rares commandes qu’il décroche, il reste souvent à l’atelier jusqu’à 2 heures du matin. « Je suis fatigué et stressé », avoue-t-il. Désormais, pour exécuter des commandes qu’il pouvait terminer en une journée, il lui faut une semaine ou dix jours. Même s’il fait souvent appel à un ou deux employés dans la nuit, il ne peut le faire tout le temps. Parce que ces derniers, qui viennent tous les matins, restent jusqu’en fin de journée sans rien faire, faute d’électricité.

Sérieusement perturbée, son activité dépend totalement de l’énergie fournie par la société EDM-SA, parce qu’il ne peut s’acheter un groupe capable de supporter les charges de ses machines. L’absence d’un programme de délestages plonge Monsieur Diarra dans « l’incertitude et le stress ». Souvent obligé de faire appel à d’autres ressources pour soutenir son activité d’imprimerie, M. Diarra espère tenir, « en bon croyant ». Mais son souhait le plus ardent est une solution rapide à cette crise énergétique qui dure.