COP29 : le Mali en quête de financement vert

La capitale de l’Azerbaïdjan, Bakou, abrite depuis ce mardi 12 novembre et ce jusqu’au 22 novembre prochain, les travaux de la 29e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP29). Un événement qui est placé sous le thème ambitieux : « Debout ensemble, solidaires pour un monde vert ».

Ce rendez-vous international de premier plan rassemble des pays du monde entier pour discuter des stratégies globales face aux défis climatiques des dix prochaines années. Pour la circonstance, le Mali est représenté par une forte délégation conduite par M. Mamadou Samaké, ministre de l’Environnement et du Développement durable. Cette délégation comprend également des membres de haut niveau, parmi lesquels des ministres, des représentants du Conseil National de Transition (CNT), ainsi que des représentants du Conseil économique et social et des organes de la société civile, y compris des ONG maliennes.

Le Mali est arrivé à la COP29 avec une vision claire et treize projets concrets, soigneusement préparés et soumis à des investisseurs internationaux. Ces projets visent à renforcer la résilience du pays face aux effets néfastes du changement climatique tout en promouvant des solutions durables pour l’environnement.

Lors de cette COP, un engagement financier important a été pris, s’élevant entre 500 et 1 000 milliards de dollars pour soutenir les pays en développement, particulièrement affectés par les conséquences de l’industrialisation des grandes puissances.

La délégation malienne va participer activement aux discussions et aux ateliers thématiques pour faire entendre la voix du Mali dans le dialogue mondial. Elle mettra également en avant l’urgence de soutenir les pays en développement, rappelant que les initiatives de lutte contre le changement climatique nécessitent non seulement des ressources financières, mais aussi un engagement plus fort.

Modibo Mao Makalou : « La relance économique du Mali nécessite une gestion budgétaire rigoureuse »

Modibo Mao Makalou est un économiste formé au Canada et aux États-Unis, ayant occupé des postes clés à la Présidence de la République malienne de 2002 à 2017. Il a également travaillé dans les secteurs des hydrocarbures et des mines. Dans cette interview, il met en lumière l’importance de la session budgétaire du Conseil National de Transition et le projet de loi de finances 2025, soulignant que le budget est un outil crucial pour équilibrer les finances de l’État et soutenir les populations vulnérables face aux défis économiques. Propos recueillis par Massiré Diop.

  1. Une nouvelle session appelée « session budgétaire du Conseil National de Transition s’est ouverte depuis la semaine dernière. Parmi les points à l’ordre du jour de cette session figure le projet de Loi de finance 2025. Pouvez-vous revenir sur les grandes lignes et l’importance de cette session ?

Modibo Mao MAKALOU: Chaque Etat doit déterminer ses ressources et ses charges. Il est même fait obligation par la Constitution d’établir un équilibre budgétaire, c’est-à- dire que les charges soient déterminées, et que l’on doive aussi déterminer les ressources pour financer ces charges. En réalité, le budget est un acte politique symbolique très fort qui est adopté en Conseil des ministres puis voté par les députés. Il permet à l’Etat non seulement de lever l’impot, de s’endetter mais aussi de faire face à ses dépenses régaliennes et autres dépenses de fonctionnement et d’investissements. Le budget d’État est un document très important qui contient des priorités nationales dûment définies ainsi que les dotations budgétaires qui correspondent à ces priorités.

La session parlementaire d’octobre est appelée la session budgétaire et c’est durant cette période que le projet de loi de finances qu’on appelle aussi la loi de finances initiale devient la loi de finances, quand elle est approuvée par le parlement, autorisant ainsi l’Etat à prélever les recettes fiscales et budgétaires et à effectuer les dépenses budgétaires. La Constitution du 25 février 1992 détermine en ses articles. 70 et 77 que l’Etat doit déterminer ses charges et ressources dans un équilibre budgétaire et financier. Pour cela, l’Etat et ses démembrements expriment leurs besoins en termes des charges financières. Après on consolide tout cela ensuite, on détermine les ressources financières qui vont couvrir ses charges durant une année.

  1. Quelles sont vos impressions sur les grandes du projet de loi de finances 2025.

MMM: Le Gouvernement du Mali a adopté le mercredi 18 septembre 2024 lors du Conseil des Ministres un projet de loi de finances pour l’exercice 2025. Les dépenses budgétaires sont estimées à 3229,8 milliards FCFA en 2025 contre 3070,7 milliards FCFA en 2024, soit une progression de 5,18 milliards F contre une progression des recettes budgétaires de 10,93%, celles sont évaluées à 2648,9 milliards FCFA en 2025 contre 2387,8 milliards FCFA en 2024. Aussi, le déficit budgétaire est estimé à 581 milliards FCFA pour 2025 contre 682,8 milliards FCFA en 2024 soit une baisse de 14,92%.

Par ailleurs, les dépenses électorales sont estimées à 80,750 milliards FCFA et les dépenses de fonctionnement régulier de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE) sont estimées à 6,093 milliards FCFA dans le projet de loi de finances 2025.

  1. Avec le défi de maintenir une croissance économique tout en faisant face à l’instabilité politique et sécuritaire, quelles stratégies budgétaires le Mali devrait-il adopter pour stabiliser son économie et soutenir la création d’emplois pour la jeunesse malienne?

MMM: Présentement, le pouvoir d’achat est en train de s’effriter et c’est partout dans le monde dans les pays les plus riches tout comme dans les pays aux revenus les plus faibles. Les prix de l’alimentation ont beaucoup augmenté, de même que ceux de l’énergie suite à la hausse du prix du baril de pétrole et de l’appréciation du dollar face à l’euro et au F CFA. L’Etat devra nécessairement continuer les subventions des produits de première nécessité de même que des transferts d’argent ciblés envers les couches de

population les plus vulnérables, et cela engendrera une hausse des dépenses publiques et de la dette publique. Il va falloir trouver des solutions pour améliorer le pouvoir d’achat, c’est-à-dire en subventionnant davantage et en diminuant certains prix des produits de première nécessité tout en surveillant étroitement que les subventions sont réellement bénéfiques aux populations. Les hausses de prix impactent de façon disproportionnée les ménages les plus pauvres, qui doivent dépenser une plus grande part de leurs revenus sur l’alimentation, par rapport aux ménages plus aisés.

Pour relancer son économie, le Mali devrait essentiellement utiliser la politique budgétaire ou fiscale qui constitue le meilleur instrument de politique économique conjoncturelle plutôt que la politique monétaire. Il s’agira essentiellement à travers les dépenses publiques de cibler les secteurs clés et les services de base essentiels, comme l’agriculture, l’éducation, la santé, la protection sociale, l’eau potable, l’industrie, les logements, le développement urbain et l’assainissement, de même que des infrastructures de base de qualité qui ont une forte incidence sur la réduction des inégalités, surtout parmi les couches les plus vulnérables, notamment le secteur informel, les femmes, les filles et les jeunes mais aussi d’augmenter, de diversifier et de transformer la production nationale, stimuler la production d’aliments et d’engrais, améliorer les systèmes alimentaires, soutenir les ménages les plus vulnérables et les producteurs vulnérables pour renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

  1. Pensez-vous que les prévisions budgétaires actuelles suffisent pour faire face aux défis posés par la dette publique et le service de la dette dans le contexte de la situation économique globale du Mali? Quels ajustements recommanderiez-vous?

MMM: Le gouvernement du Mali est en train d’exécuter son 7ème budget- programme de budget même si nous n’avons pas entièrement basculé dans le budget programme. Il y a des programmes avec leurs objectifs et indicateurs de performance, c’est la gestion axée sur les résultats. Avant, nous avions ce qu’on appelle un budget des moyens, c’est-à-dire on vous donne une somme et vous devriez la dépenser. Maintenant, c’est en termes d’objectifs. C’est ce qui explique les programmes, objectifs et les indicateurs. Cette approche permet de savoir si les institutions et ministères ont atteint les cibles ou pas. Dans presque tous les pays du monde, les dépenses budgétaires dépassent les recettes budgétaires. Le fonctionnement d’un Etat demande un certain nombre de choses. Il y a des missions régaliennes comme les services sociaux de base, la défense, la justice…. Le déficit budgétaire est financé par la dette publique (qui est constituée de la dette intérieure qui est libellée en monnaie locale et de la dette extérieure qui est libellée en monnaie étrangère qui lorsqu’elles ont librement convertibles sont appelées devises). Aussi certains pays qui bénéficient de l’assistance extérieure ou l’aide publique au développement l’utilise pour combler une partie des déficits budgétaires. Malheureusement cette aide publique au développement est en train de tarir car ceux qui fournissent l’aide sont eux-mêmes confrontés à des difficultés financières et budgétaires. Notons que les 8 pays membres de l’Union monétaire Ouest africaine (UMOA) qui ont en partage le FCFA en Afrique de l’Ouest utilisent constamment le marché sous-régional monétaire et financier pour financer la trésorerie des 8 États membres. La stratégie d’endettement de notre pays envisage d’emprunter environ 150 milliards de FCFA sur le marché financier de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) durant le 4ème  trimestre de 2024.

La dette extérieure du Mali demeure modérée selon le Fonds Monétaire International (FMI), avec une certaine marge pour absorber les chocs. La dette publique (extérieure et intérieure) se situe à 56,9% du PIB à fin 2023, contre 53,1% en 2022. Quant à la dette intérieure, elle est essentiellement composée de titres publics (85,7%). La dette publique était estimée à 51,6% du PIB en 2024 et devrait baisser à 50,6% du PIB en 2025. La hausse sur le court terme de la dette publique malien résulterait d’une hausse du service de la dette suite au resserrement de ma politique monétaire pour lutter contre l’inflation mais aussi d’une accumulation importante d’arriérés intérieurs envers les fournisseurs pour faire face au remboursement de la dette publique.

 

Conseil National de Transition : Ouverture ce lundi de la session budgétaire

Le Conseil National de Transition (CNT) va entamer, ce lundi 7 octobre, aux alentours de 15 heures, une session parlementaire. D’une durée de 75 jours conformément à l’article 107 de la Constitution de juillet 2023, cette session sera ouverte par le Président du CNT, le Colonel Malick Diaw, en présence de nombreux acteurs politiques et institutionnels du pays.

Communément appelée session budgétaire, son objectif principal est l’examen de la loi de finances pour l’exercice 2025 ainsi que d’autres projets de loi essentiels pour le développement politique et institutionnel du Mali.

Le projet de loi de finances pour 2025, présenté par le ministre de l’Économie et des Finances, prévoit une augmentation des recettes budgétaires à 2 648,9 milliards de francs CFA, contre 2 387,872 milliards de francs CFA pour 2024, soit une hausse de 10,93 %. Les dépenses budgétaires sont estimées à 3 229,886 milliards de francs CFA, avec une diminution du déficit global à 580,986 milliards de francs CFA, soit une réduction de 14,92 % par rapport à 2024.
Parmi les autres textes importants à examiner figurent les réformes des institutions judiciaires et constitutionnelles, telles que la Cour suprême, la Cour constitutionnelle et la Cour des Comptes. Ces réformes visent à renforcer l’efficacité et la transparence du système judiciaire malien. Un projet de loi sur les autorités et légitimités traditionnelles ainsi que des réformes concernant le Sénat et l’intégration des Maliens de la diaspora dans le processus législatif sont également à l’ordre du jour.
Les débats de cette session budgétaire seront diffusés en direct pour permettre plus grande transparence et une meilleure implication des citoyens dans le processus législatif.
Au cours de cette session parlementaire du CNT, il est attendu des discussions intenses attendues sur divers textes de loi qui définiront l’avenir politique du pays.

Paix et réconciliation nationale : L’avant-projet de Charte bientôt finalisé

Durant le délai supplémentaire accordé par le Président de la Transition, la Commission de rédaction de l’avant-projet de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale a mené une série de consultations avec les institutions de la République et rencontré des personnes ressources qui ont apporté des contributions au document, dont la finalisation est en cours.

Initialement prévu pour deux mois à compter de juillet dernier, le mandat prorogé de la Commission de rédaction de l’avant-projet de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale a officiellement pris fin le 30 septembre dernier. Toutefois, avant la remise officielle du document final au Président de la Transition, les membres de la Commission sont en phase de relecture du texte depuis le début de cette semaine. « Nous sommes en relecture jusqu’au jeudi 3 octobre. D’ici là, si nous recevons les contributions des autres institutions, nous allons les intégrer à l’avant-projet », confie une source au sein de la Commission.

Le texte final de l’avant-projet de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale, ainsi que le rapport final de la Commission, pourraient être remis au Président de la Transition la semaine prochaine ou celle d’après, en fonction de la durée des travaux de relecture et d’intégration des contributions en cours dans le texte initial. « Toutes les étapes d’écoute ont été franchies. La prochaine sera la remise du document au Président de la Transition. Mais pour l’instant, aucune date n’est fixée », glisse une autre source interne à la Commission.

Charte inclusive ?

La Charte pour la paix et la réconciliation nationale constituera « le document de référence pour toutes initiatives, actions et activités qui concourent à la sécurité, à la paix, à la réconciliation nationale, à la cohésion sociale et au vivre-ensemble au Mali ». Recommandée lors du Dialogue Inter-Maliens après la caducité de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, elle se veut le nouveau socle pour la consolidation de la paix et de la réconciliation au Mali.

Contrairement au processus d’Alger, qui a abouti à l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale de 2015, la Commission de rédaction de l’avant-projet de Charte s’est appliquée à dialoguer avec toutes les couches représentatives du pays. « Par le passé, on a pris des décisions au nom du peuple malien sans le consulter et on a dû revenir dessus. La démarche, inspirée cette fois par le peuple malien et adoptée par les hautes autorités de la Transition, est participative et inclusive à tous points de vue », souligne Ibrahim Ikassa Maïga, ministre de la Refondation de l’État.

Un autre élément de différence majeur, selon le sociologue Fodié Tandjigora, est que la nouvelle Charte « n’est pas rédigée sur une table de négociation ou sous la contrainte de l’État » et pourra ainsi servir de socle à toutes les futures négociations.

Après les rencontres avec les forces vives de la Nation dès le début de leur mission, les membres de la Commission de rédaction, présidée par l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga, se sont rendus auprès des institutions de la République et du gouvernement du 24 au 26 septembre 2024. La Cour suprême, la Cour constitutionnelle, le Conseil économique, social, environnemental et culturel, le Haut Conseil des collectivités, le Conseil National de Transition (CNT), ainsi que le gouvernement, sous la houlette de la Primature, ont tous soumis des contributions à l’avant-projet.

Contributions diverses

Plusieurs propositions clés ont été faites par les différentes institutions. Le Conseil National de Transition préconise, entre autres, d’ériger la promotion et la défense de la paix et de la réconciliation nationale parmi les devoirs des citoyens, de travailler à la véritable réconciliation des Maliens et d’instaurer une gouvernance vertueuse. L’organe législatif de la Transition recommande également, pour s’assurer de l’accompagnement du peuple, que le projet de Charte soit soumis à un référendum, après sa formalisation par voie législative.

« Il serait bon que la Charte puisse être flexible afin de prendre en compte d’autres conflits ou tensions que nous ne connaissons pas encore ou dont les manifestations peuvent varier », a souligné au nom du gouvernement le ministre de la Justice, Mahamadou Kassogué, qui a par ailleurs assuré que le document ne serait pas « destiné au placard » mais « bien mis en œuvre ».

Mohamed Kenouvi

Loi électorale : Vers une révision conforme à la nouvelle Constitution

Promulguée le 24 juin 2022, la Loi No2022-19 portant Loi électorale a été modifiée par le Conseil national de transition (CNT) le 28 février 2023, à l’initiative du gouvernement. Après cette première modification, dans le cadre de la tenue du référendum de juin 2023, la Loi électorale va de nouveau être révisée, cette fois-ci pour l’adapter aux dispositions de la Constitution du 22 juillet 2023.

L’initiative de cette nouvelle révision de la Loi No2022-19 du 24 juin 2022 portant Loi électorale, qui était d’ailleurs attendue pour déclencher le processus d’organisation des futurs scrutins de la fin de la Transition, a été prise lors du Conseil des ministres du 24 juillet 2024.

Le projet de loi, adopté sur le rapport du ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politiques et institutionnelles, vise à prendre en compte les « innovations » apportées par la Constitution du 22 juillet 2023, qui « impactent fondamentalement le système de gouvernance électorale de notre pays », mais aussi à « corriger un certain nombre d’insuffisances ».

Parmi les nouveautés contenues dans la Constitution du 22 juillet 2023 que vont prendre en compte les nouvelles modifications de la loi électorale, la création du Sénat comme seconde chambre du Parlement, la participation des Maliens établis à l’extérieur aux élections législatives, la possibilité de recourir au scrutin mixte pour les élections législatives et l’allongement du délai entre les deux tours lors de l’élection du Président de la République, entre autres.

« Depuis la promulgation de la Constitution du 22 juillet 2023, il était attendu une modification de la Loi électorale, parce qu’il est clair qu’aucun scrutin ne pouvait se tenir en l’état sans une réadaptation de la Loi électorale à la nouvelle Constitution. Maintenant que le gouvernement en prend l’initiative, cela peut signifier que les autorités sont dans une dynamique d’organisation des élections dans les prochains mois », estime Oumar Sidibé, analyste politique.

Après le Conseil des ministres, le projet de loi électorale portant modification de la Loi électorale  du 24 juin 2022 doit passer devant le Conseil national de transition, qui doit à nouveau l’examiner avant de passer au vote pour son adoption.

Selon nos informations, le texte modifié n’est pas encore parvenu sur la table de l’organe législatif de la Transition, qui a officiellement clôturé sa session ordinaire d’avril le 4 juillet dernier. Mais le CNT pourra se pencher dessus lors de sa prochaine session ordinaire, qui débute le 7 octobre 2024, ou en session extraordinaire à la demande du gouvernement.

Choguel Kokalla Maïga : dans le viseur du CNT, le Premier ministre va-t-il tomber ?

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga est attendu dans les prochains jours au Conseil national de transition (CNT) pour présenter le bilan de l’exécution du Plan d’action gouvernemental. Deux ans après son premier passage devant l’organe législatif de la Transition, Choguel Maïga, très attendu par les membres du CNT, pourrait être contraint à présenter sa démission et celle de son gouvernement.

Le Président du Conseil national de Transition, le Colonel Malick Diaw, a annoncé dans son discours d’ouverture de la session ordinaire d’avril, le 8 avril 2024, le prochain passage du Premier ministre devant l’organe législatif dans le cadre de l’orientation, du contrôle et du suivi-évaluation de la Feuille de route de la Transition.

Le Chef du gouvernement, très attendu par les membres du CNT, devra faire le point de l’avancement dans l’exécution de son Plan d’action gouvernemental sur les deux dernières années et faire face aux multiples interrogations sur différents sujets d’actualité lors de ce passage, dont la date doit être fixée et rendue publique après la prochaine Conférence des présidents du CNT.

Et si cette interpellation annoncée du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga était le début d’un processus aboutissant à sa destitution de la tête du gouvernement ?  Pressenti comme étant sur un siège éjectable depuis des mois, le Chef du gouvernement bénéficie toujours de la confiance du Président de la Transition. Mais pourra-t-il conserver celle du Conseil national de transition et obtenir son quitus pour prolonger son séjour à la Primature ?

Motion de censure ?

Lors de son dernier passage devant le CNT, en avril 2022, 9 mois après sa prise de fonction, Choguel Kokalla Maïga avait été déjà vivement critiqué pour la lenteur dans la mise en œuvre du Plan d’action gouvernemental, dont seulement 33,87% des activités avaient été exécutées.

Aujourd’hui, deux ans après, beaucoup de membres du CNT pensent que l’exécution de ce plan et de la Feuille de route de la Transition n’ont guère avancé. Selon nos informations, l’institution, dont la majorité des membres n’est pas très satisfaite de l’action gouvernementale, pourrait adopter une motion de censure contre le Premier ministre et le contraindre à la démission.

À en croire certains analystes, ce scénario n’est pas exclu, d’autant plus que le Premier ministre n’est visiblement pas prêt à rendre le tablier de lui-même et que les militaires auxquels il s’est allié ne veulent pas le débarquer, au risque de se mettre à dos le M5-RFP pour la suite de la Transition, même si le mouvement est aujourd’hui divisé.

Transition : La fin officielle engendre-t-elle un vide juridique ?

Depuis le 26 mars 2024, date à laquelle a pris fin la transition conformément au décret  No 2022-003/PT-RM du 6 juin 2022 fixant sa durée à 24 mois, un débat  autour d’un éventuel vide juridique pour la suite s’est installé. Sur la question, les positions sont très tranchées.

« Le vide juridique est lié au fait que la charte est caduque et que les organes de la transition le sont également. Aujourd’hui la vérité est que nous avons des organes de fait de la transition, qui sont là pas la force des choses », clame Dr. Mahamadou Konaté, président en exercice du comité stratégique du M5-RFP Mali Kura.

Parmi les éléments  sur lesquels se base le juriste, l’article 22 de la loi No 022-001 du 25 février 2022 révisant la charte de la transition et le décret No 2022-003/ PT-RM du 6 juin 2022 fixant le délai de la transition à deux ans.

Positions contradictoires

En revanche, pour Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, président de la plateforme Forum des forces du changement (FFC), le décret fixant la fin de la transition est « inopérant » parce qu’il est le fruit d’une négociation politique avec la communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest ( CEDEAO). En outre pour lui, la charte révisée de la transition notamment en son article 22 permet clairement à la transition de s’étendre jusqu’à l’élection du président de la République organisée par les autorités de la transition. « Mieux, la loi fondamentale du 22 juillet 2023 dans son article 190  dispose que jusqu’à la mise en place de nouvelles institutions, les institutions établies continuent d’exercer leurs fonctions et attributions ».

Le président de la commission Lois du conseil national de transition ( CNT) abonde dans le même sens. Pour Souleymane Dé, depuis la promulgation de la nouvelle Constitution du 22 juillet 2023, la fin de la transition au Mali n’est plus liée à une date mais à un évènement : l’élection du Président de la République. Pour lui, le débat sur le décret fixant la durée de la transition n’a également pas lieu d’être. « La charte de la Transition  dans son article 22 fixait la durée de la transition à 18 mois. La Charte modifiée du 25 février 2022 supprime le délai de 18 mois et renvoie à l’élection du Président suivie de la prestation de serment de ce dernier. Et avec la nouvelle Constitution, l’article 190 ramène au fait électoral », explique-t-il.

Faux, rétorque le Dr. Mahamadou Konaté. « Dire que la transition prend fin avec l’organisation de l’élection présidentielle est une aberration. La transition politique par nature est définie dans un temps précis. L’élection présidentielle n’est pas un temps, c’est une activité. Et avoir un tel raisonnement  revient à dire que la transition est illimitée dans le temps. Car, l’organisation de l’élection présidentielle peut être reportée 10, 15 , 20 ans après, voire plus », argue le président du Comité stratégique du M5-RFP.

Pour l’universitaire et chercheur Soumaila Lah également, on ne peut pas justifier le vide juridique par la constitution du 22 juillet 2023. « Aujourd’hui on essaye de justifier ce vide juridique par l’article 190 de la nouvelle Constitution. Mais cette nouvelle constitution  n’est pas en vigueur. L ’article 189 stipule que c’est à partir de l’installation des nouvelles institutions que la Constitution va entrer en vigueur », soutient-il.

Par ailleurs dans leur requête aux fins de constatation de vide institutionnel au Mali pour vacance de la présidence de la transition militaire et déchéance de ses organes  et de mise en place d’une transition civile de mission introduite auprès de la Cour Constitutionnelle le 28 mars dernier,  la Référence syndicale des magistrats ( REFSYMA) et l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) indiquent que les autorités actuelles de la transition  sont « juridiquement disqualifiées » à parler et pour agir au nom du peuple malien.

Conseil national de transition : une perpétuelle reconfiguration

Depuis sa mise en place, en décembre 2020, le Conseil national de transition (CNT) a connu plusieurs réaménagements. Passé de 121 à 147 membres en octobre 2022, conformément aux recommandations des Assises nationales de la Refondation, l’organe législatif transitoire a vu sa composition évoluer fréquemment.

Le 23 octobre 2023, le Président du CNT, le Colonel Malick Diaw, a annoncé la suspension pour 1 mois de 4 membres pour « absences non justifiées lors des travaux des commissions et des séances plénières de la session d’octobre 2023 ». Cette suspension, qui consiste en « l’interdiction de participer aux activités du CNT et la perte du bénéficie du salaire et des indemnités », concernait Mohamed Ag Intallah, Aménokal de Kidal, Mohamed Ali Ag Mattahel, Akli Ikan Ag Souleymane et Boubacar Sidigh Taleb Sidi Ali, tous proches des groupes armés du Nord. Deux d’entre-eux, Akli Ikan Ag Souleymane et Boubacar Sidigh Taleb Sidi Ali, ont annoncé dans la foulée leur démission de l’organe législatif transitoire.

Démissions et décès

Avant ces deux dernières démissions en date, le Conseil national de transition en avait connu bien d’autres. Quelques jours plus tôt, l’ancien député RPM Mamadou Diarrassouba, cité dans une affaire d’atteinte aux biens publics, avait rendu le tablier pour se « mettre à la disposition de la justice ».

Le 8 décembre 2020, trois jours après la séance inaugurale du CNT, lors de laquelle il était absent, l’Imam Oumarou Diarra s’était officiellement retiré de l’organe, expliquant dans la lettre de démission adressée au Président de la Transition que le CNT ne correspondait pas à ses attentes et qu’il aurait été une réussite seulement après une concertation entre les acteurs cités dans la Charte.

Kadidiatou Haidara, fille du leader religieux et Président du Haut conseil islamique du Mali, Chérif Ousmane Madani Haidara, qui avait été nommée au CNT en décembre 2020 mais n’y a jamais siégé, a été remplacée en octobre 2021. Par la suite, le Lieutenant-Colonel Adama Diarra avait démissionné de son poste, étant appelé à d’autres fonctions dans la lutte contre la prolifération des armes légères.

Nommés respectivement Consul général du Mali à Guangzhou en Chine, Consul général du Mali à Bouaké et Consul général du Mali à Lyon en France, Mamadou Sory Dembélé, ancien Président de la Commission Santé, le Colonel Abdoul Karim Daou et Sory Ibrahima Diakité, 4ème Secrétaire parlementaire, ont eux aussi quitté le CNT en octobre 2021. Par décret N°2023-PT-RM du 11 août 2023, ils ont été remplacés par MM. Hama Barry, Mohamed Albachar Touré et Mahamadou Coulibaly.

Dans une lettre adressée au Président du Conseil national de transition datée du 27 juillet 2023, mais rendue publique le 8 août, l’artiste Salif Keita avait également soumis sa démission « à compter du 31 juillet 2023 », pour des « raisons purement personnelles ». Le célèbre chanteur, qui a avait indiqué rester toujours « l’ami incontesté des militaires de mon pays », a été nommé une semaine plus tard Conseiller spécial du Président de la Transition.

Suite au décès de certains de ses membres, le CNT a aussi connu des changements en son sein. Décédé en janvier 2021, Abdrahamane Ould Youba a été remplacé par Sidi Mohamed Ould Alhousseini et l’ancien Président de l’ADEMA Marimantia Diarra, qui a tiré sa révérence le 23 juillet dernier, a été remplacé par l’ingénieur Oumar Maiga.

Décrets abrogés

Condamné le 14 septembre dernier à deux ans de prison, dont un ferme, pour « atteinte au crédit de l’État », le leader du mouvement « Yerewolo debout sur les remparts », Adama Ben Diarra dit « Ben le Cerveau », a vu son décret de nomination au CNT  abrogé le lendemain de sa condamnation par le Président de la Transition.

Avant lui, Issa Kaou Djim, ancien grand soutien du Colonel Assimi Goita, avait connu le même sort. Poursuivi pour atteinte au crédit de l’État, interpellé sur la base du flagrant délit, placé en détention provisoire le 29 octobre 2021 puis libéré le 8 novembre 2021, l’ancien 4ème Vice-président de l’organe législatif de la transition avait vu son décret de nomination être abrogé 24h après par le Président de la Transition.

Arrêté pour son implication présumée dans une tentative de déstabilisation des institutions de la Transition, le Colonel Amadou Keita, qui occupait de hautes fonctions au CNT, a lui aussi été renvoyé de l’institution le 24 juin 2022, suite à l’abrogation de son décret de nomination.

Lutte contre la corruption : où en est le traitement des dossiers ?

La lutte contre la corruption, érigée en priorité de la Transition, semble s’accélérer ces dernières semaines avec l’interpellation de plusieurs personnalités soupçonnées dans divers dossiers. Toutes bénéficient de la présomption d’innocence tant qu’elles ne sont pas condamnées, 

Depuis plusieurs semaines, de nombreuses personnalités ont été arrêtées dans le cadre de la lutte contre la corruption. La dernière arrestation d’une personnalité d’envergure est celle d’Adama Sangaré, maire du District de Bamako depuis 2007, placé sous mandat de dépôt le 20 septembre dernier. Il est accusé d’avoir « effectué des morcellements, des attributions illégales de parcelles appartenant à l’État et des accaparements des terres ne relevant pas de leur compétence dans la zone aéroportuaire ». Adama Sangaré qui est un habitué de la maison centrale d’arrêt avait d’abord été incarcéré en octobre 2019 pour faux et usage de faux et atteinte aux deniers publics dans le cadre d’un dossier portant sur une marché d’éclairage public pour près de 500 millions de francs CFA en 2010, avant d’être remis en liberté en mai 2020, puis réincarcéré en mai 2021 dans la même affaire, avant d’être à nouveau libéré un mois plus tard, en septembre 2021. Pour certains observateurs, le cas particulier d’Adama Sangaré est une illustration parfaite de certains maux de la justice malienne : arrêter sans juger. Ce spectre plane sur l’ancien ministre de la Sécurité et de la protection civile, le Général Salif Traoré, accusé de « faux, usage de faux, détournement de biens publics et complicité d’abus de biens sociaux » dans l’affaire dite « Sécuriport ». Il a été placé sous mandat de dépôt le 30 août 2023, au camp 1 de Bamako. Cette nouvelle affaire qui porte sur un contrat de concession entre le Gouvernement du Mali et la Société Sécuriport LLC pour la fourniture d’un système de sécurité pour l’aviation civile et l’immigration est une des nombreuses qui visent d’anciens responsables sous la présidence IBK.

Des procédures lentes

Si les mandats de dépôt sont rapidement décernés, l’instruction des différents dossiers traîne en longueur. Inculpé puis arrêté le 26 août 2021 par la chambre d’accusation de la Cour suprême dans l’affaire de l’achat d’un avion présidentiel et d’équipements militaires, Soumeylou Boubeye Maiga est mort le 21 mars 2022 sans avoir été jugé. L’arrestation de l’ex-Premier ministre d’IBK avait été dénoncée par Cheick Mohamed Chérif Koné, ancien premier avocat général de la Cour suprême. Selon lui, cette juridiction n’était pas compétente pour instruire l’affaire. Le procureur général de la Cour Suprême Mamadou Timbo s’en était défendu affirmant que lorsque la haute cour de justice (compétente pour juger selon la Constitution de 1992) est inopérante, « l’instruction se poursuit à la Cour suprême ». Selon un analyste qui a requis l’anonymat, ces arrestations serviront à « étoffer » le bilan de la transition. Mais dans le fond, les affaires ne bougent pas. Dans le cadre des dossiers de l’achat de l’avion présidentiel et celui des équipements militaires, plusieurs personnes citées, notamment des opérateurs économiques, ne se trouvent pas au Mali. Un mandat d’arrêt vise également Moustapha Ben Barka, aujourd’hui vice-président de la BOAD. D’autres anciens ministres d’IBK, contraints à l’exil, sont visés depuis le 25 juillet 2022 par des mandats d’arrêts internationaux pour « crime de faux, usage de faux et atteinte aux biens publics » dans l’affaire dite Paramount, qui remonte à 2015. Il s’agit des anciens ministres de l’Économie et des finances Boubou Cissé et Mamadou Igor Diarra et de l’ancien ministre de la Défense et des anciens combattants Tiéman Hubert Coulibaly, ainsi que plusieurs opérateurs économiques, notamment Babaly Bah, ancien PDG de la BMS.

Des procès possibles ?

L’absence de ces personnes ainsi que les décès de certains responsables compliquent l’instruction de ces affaires. Madame Bouaré Fily Sissoko, ancienne ministre de l’Économie et des Finances de 2013 à 2015 est placée sous mandat de dépôt depuis le 26 août 2021 dans l’affaire dite de l’avion présidentiel et de l’achat des équipements militaires. Dans une lettre ouverte envoyée au président de la transition le 26 août 2022, elle avait réclamé la tenue de son procès. « J’avais placé tout mon espoir en la procédure en cours. Malheureusement, le temps que prennent les choses me préoccupe au plus haut niveau, notamment au regard de mon âge et de l’espérance de vie très limitée dans notre pays », indiquait-elle dans sa lettre. Mais, selon un analyste qui a requis l’anonymat, il sera difficile de tenir ces procès, car selon lui, « cela pourrait relever la faiblesse de certains dossiers ». Pour lui, « la justice joue la montre, le temps de la transition ». Aucune date n’a encore été indiquée pour d’éventuels procès et la justice communique très peu sur les affaires. Selon une source judiciaire, une cour d’assises spéciale devait être convoquée pour qu’un jugement ait lieu, mais sans donner plus d’explications, il ajoute simplement que cette cour n’est plus en « projet ». Cette source ajoute que la lenteur dans les procédures s’explique aussi par les changements intervenus au niveau des juridictions. Plusieurs juges ont été remplacés. « Avec un nouveau juge, c’est comme si la procédure reprenait de nouveau » , assure-t-il.

Le dossier des masques COVID qui s’est traduit par l’interpellation de Youssouf Bathily, ancien Président de la Chambre de commerce du Mali et certains de ses collaborateurs depuis le 23 novembre 2022, n’a pour le moment pas non plus trouvé de suite. Il leur est reproché des malversations financières dans l’achat des masques COVID qui ont été distribués en 2020 peu avant la tenue du scrutin législatif.

Des auditions en cours 

L’ancien Président de l’Assemblée nationale de 2013 à 2020, Issiaka Sidibé, croupit lui aussi à la Maison centrale d’arrêt de Bamako depuis le 9 août 2023. Accusé d’atteinte aux biens publics, l’ancien député a été mis aux arrêts, ainsi que son ex-Directeur financier et actuel Président de la Fédération malienne de football, Mamoutou Touré dit Bavieux, Modibo Sidibé, Secrétaire général de l’Assemblée nationale et du CNT, Demba Traoré, ancien comptable, et Anfa Kalka, ancien Contrôleur financier de l’institution parlementaire. Si les anciens dossiers patinent, des auditions ont été menées pour ceux récemment sortis des tiroirs. Selon nos informations, le président de la FEMAFOOT Mamoutou Touré a été entendu par un juge d’instruction le 27 septembre. Il a clamé son innocence des faits qui lui sont reprochés. Mamadou Diarrassouba, ancien questeur de l’Assemblée nationale et actuel membre du CNT, est également visé dans le même dossier, mais n’a pas été écroué en raison de son immunité parlementaire. Soupçonnés de malversations financières, Abdrahmane Niang, ancien Président de la Haute cour de justice, et deux de ses anciens collaborateurs, dont l’ancien Directeur administratif et financier Mamby Diawara, ont aussi été placés sous mandat de dépôt début septembre. Après deux semaines de détention, la santé de M.Niang, octogénaire, s’est considérablement dégradée, nécessitant une évacuation dans une clinique pour des soins.

« Ristournes du coton »

Outre ces affaires, Bakary Togola, l’ancien Président de l’Assemblée permanente des Chambres d’agricultures du Mali (APCAM) a lui aussi signé son retour en prison, après avoir été inculpé en septembre 2019 pour « détournement de deniers publics, sur la base de faux et usages de faux, soustraction frauduleuse et autres malversations estimées à plus de 9,4 milliards de francs CFA entre 2013 et 2019 », puis acquitté en novembre 2021. 

Yerewolo : la vie sans « Ben le cerveau »

Yerewolo debout sur les remparts doit se passer depuis quelques semaines de son leader et « Commandant en chef », Adama Ben Diarra, dit « Ben le cerveau », condamné le 14 septembre dernier à 2 ans de prison, dont 1 ferme, pour atteinte au crédit de l’État. Comment le mouvement fait-il face à cette situation ?

En plus de « Ben le cerveau », Siriki Kouyaté, Porte-parole du mouvement, a été aussi placé sous mandat de dépôt le 8 septembre dernier. Alors que son jugement est prévu pour fin novembre, ses avocats ont introduit une demande de liberté provisoire dont le délibéré est attendu le 9 octobre prochain.

Malgré la mauvaise passe que traverse Yerewolo, ses activités régulières se poursuivent. Tenue des réunions hebdomadaires, messages de soutien aux Forces armées maliennes, prises de position sur l’actualité nationale et conférences, entre autres.

« Le mouvement se porte bien. Cela fait toujours mal de voir des camarades en prison mais nous continuons nos activités. Les camarades vont bien là où ils sont et ils nous demandent de continuer le combat. Nous avons déjà un plan d’actions bien défini et nous poursuivons sa mise en œuvre, peu importe ce qui arrive », assure Ibrahima Keita dit Makan, chef du « Compartiment » formation et instruction du mouvement.

À l’en croire, selon les statuts de Yerewolo, en l’absence d’Adama Ben Diarra, le mouvement est dirigé par le Secrétaire général Amadou Lamine Diallo. « C’est lui qui coordonne tout actuellement. Mais nous sommes une plateforme avec beaucoup de leaders. Toute décision qui est prise vient du Comité de pilotage », indique-t-il.

Fidèle à la Transition

Soutien affiché de la Transition depuis ses débuts, Yerewolo Debout sur les remparts ne semble pas avoir changé de cap, malgré le « divorce » entre son leader et les autorités actuelles. « Yerewolo demande aux militants et sympathisants de rester derrière la justice. Calme et retenue, surtout en ce moment où l’armée a besoin du peuple », avait lancé le mouvement juste après la condamnation de son leader, le 14 septembre dernier.

Deux jours après, suite à l’abrogation du décret de nomination d’Adama Ben Diarra au CNT, Yerewolo assurait les plus hautes autorités de tout son soutien et de son accompagnement pour une transition réussie. « Nous avons toujours estimé que cette transition était la nôtre. Nous ne faisons pas que la soutenir, nous la protégeons », glisse Ibrahima Keita.

Justice : Adama Diarra dit Ben le cerveau condamné à deux ans de prison dont un ferme

Le leader du mouvement Yerewolo Debout sur les Remparts, Adama Ben Diarra, plus connu sous le nom de Ben Le Cerveau a été condamné ce jeudi 14 septembre à deux ans de prison dont un ferme par  le tribunal du pôle judiciaire spécialisé contre la cybercriminalité en commune VI pour des faits d’atteinte au crédit de l’Etat. Le procureur avait requis 3 ans de prison dont deux ferme contre lui. Il était placé sous mandat de dépôt depuis le 5 septembre. Lors d’une récente sortie médiatique celui qui est surnommé Ben le Cerveau et dont le mouvement a manifesté demandant les départs de Barkhane et de la MINUSMA a insisté sur le respect du délai de la transition. Selon lui, les Maliens ne pourront plus supporter les effets d’autres sanctions de la CEDEAO si la transition était prolongée. Il avait aussi dénoncé des arrestations extrajudiciaires. Ce n’est pas la première fois que celui qui se décrit comme communiste fait des sorties hors des clous de la transition. En novembre 2022, il avait critiqué sur une radio privée l’augmentation du budget de la présidence qui passait selon lui de 18 à 22 milliards de FCFA, mais aussi jugé inopportun l’ajout de membres additifs au CNT, qui ferait le budget de l’organe législatif à près de 13 milliards de FCFA affirma-t-il. Etant membre du Conseil National de la Transition, Adama Diarra bénéficie normalement de l’immunité parlementaire. Mais selon des avis juridiques, son immunité ne saurait peser puisqu’il a été interpeller en flagrance. Par ailleurs, selon certaines informations, son décret de nomination pourrait très prochainement être abrogé. Un de ses très proches, Siriki Kouyate, le porte-parole du mouvement Yerewolo a également été placé sous mandat de dépôt cette semaine. Son jugement est prévu fin novembre.

Clôture de la session extraordinaire du CNT : trois nouveaux projets de lois adoptés

Lors de sa session extraordinaire ouverte ce 7 août 2023, le Conseil National de Transition (CNT), a adopté une dizaine de projets de loi. Les trois derniers adoptés ce 17 août sont relatifs à la loi de Finances rectificative du Budget 2023, le code des impôts et la loi portant Livre des procédures fiscales.

C’est à un exercice habituel que se sont livrés les membres du CNT et le ministre des Finances, porteur des trois textes présentés, qui a expliqué qu’en cours d’exercice   les évènements peuvent amener le ministre à faire des propositions pour modification. Lesdits textes ont tous été adoptés, respectivement à 131, 134 et 134 voix pour, contre 0 voix et 0 abstention.

L’exécution budgétaire a révélé en gros une augmentation des recettes de 105 milliards FCFA et compte tenu de l’évolution de l’environnement économique et sécuritaire des transferts budgétaires ont eu lieu et avec cette augmentation des recettes qui passent de 2 199 milliards FCFA à 2 304 milliards FCFA, a expliqué le ministre de l’Economie et des finances, Alousséni Sanou. Les dépenses ont donc été orientées. Il y a ainsi eu un renforcement d’appui au secteur de la défense de 118 milliards FCFA, un renforcement au secteur énergie de 15 milliards FCFA, au niveau des bourses scolaires, 6 milliards FCFA, un impact d’environ 15 milliards FCFA suite aux modifications de la grille et 19 milliards FCFA prévus pour faire face aux défis humanitaires liés entre autres au départ de la MINUSMA.

Ce qui permet une réduction du déficit budgétaire de 5% à 4,9%, soit une baisse de 6 milliards FCFA. Le ministre a également souligné le respect des critères de convergence.

Blanchiment et lutte contre le financement du terrorisme

Concernant les 2 autres textes relatifs au code des impôts et le Livre des procédures fiscales, 2 aspects sont à retenir. L’un est relatif à l’introduction dans les textes nationaux de la directive n°1 -2020 CM UEMOA.  En 2006, l’organisation avait adopté une directive qui instruisait que toutes les provisions pour risques dans les livres des banques au profit des clients en impayés sont déductibles des impôts. Une directive reprise en 2020 et dont la transposition dans les textes nationaux vient d’être faite.

Avec ce texte, plus besoin de justifier de l’irrécouvrabilité d’un impayé, pour que cela soit déductible des impôts. Cela permet aux banques de renforcer leurs fonds propres à partir du résultat, ce qui permettra d’avoir plus de possibilité de financement de l’économie.

Le deuxième texte concerne l’introduction des bénéficiaires effectifs dans l’arsenal juridique. Avec la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, il est nécessaire de savoir qui sont les bénéficiaires effectifs de ces financements. Et pouvoir ainsi lutter contre le blanchiment de capitaux, l’évasion fiscale.

La fin de la session a enregistré une communication relative à la nomination de 4 nouveaux membres du CNT et aux adieux émus de l’artiste international Salif Keïta, désormais conseiller spécial du Président de la Transition, à ses collègues du CNT.

Nouveau code minier : quelles sont les innovations ?

Le Conseil national de transition a adopté hier mardi 8 août deux projets de loi dans le secteur minier. L’un portant Code minier au Mali et l’autre relatif au Contenu local dans le secteur minier. L’objectif de ces réformes est de corriger « les insuffisances pour une amélioration substantielle de la contribution du secteur minier à l’essor économique et social », expliquent les autorités.

Le nouveau projet de Code minier est censé apporter des innovations par rapport à celles adoptées par le Code de 2019. Tout en réaffirmant la souveraineté de l’État sur les ressources minérales du sous-sol, les changements sont relatifs à la réorganisation du régime des titres miniers et la réforme du régime fiscal et financier et entendent combler un vide juridique et résoudre des incohérences.

L’une des premières innovations concerne la mise en place de deux conventions d’établissement. Alors que le Code de 2019 prévoyait une convention unique pour la recherche et l’exploitation, d’une durée de 20 ans, la nouvelle disposition prévoit une convention d’établissement pour la phase de recherche d’une durée totale de 9 ans, y compris les 2 renouvellements, et une convention d’établissement pour la phase d’exploitation d’une durée de 12 ans, dont 2 pour la phase de construction de la mine.

Optimiser les profits

La suppression des exonérations sur les produits pétroliers en phase d’exploitation est également une innovation majeure introduite pour mieux faire profiter l’État de l’exploitation minière. En effet, pendant plus de 30 ans, il a exonéré les sociétés minières sur les achats de produits pétroliers durant la phase d’exploitation. Ce qui a coûté en moyenne 60 milliards de francs CFA par an sur les 3 dernières années, selon les rapports d’audit, alors que les sociétés minières n’ont versé que 36 milliards de dividendes à l’État au titre de sa participation sur la même période.

L’indexation de la taxe ad valorem sur le cours de l’or et des autres substances minérales est également une nouvelle disposition qui vise à permettre à l’État de bénéficier de la hausse des cours de ces produits.

Et pour mieux faire profiter l’économie nationale du potentiel de l’industrie minière, une loi sur le Contenu local a été initiée. L’innovation principale consiste à l’encadrer efficacement et à le promouvoir. Ceci permettra notamment d’augmenter la valeur ajoutée locale et la création d’emplois, de favoriser le développement d’une main-d’œuvre locale qualifiée et compétente et de contribuer ainsi à une participation plus accrue des populations à la chaîne de valeur des industries minières.

Référendum : la loi électorale revue à plusieurs reprises

Chronogramme de la Transition oblige, en vue de la tenue dans les délais du référendum du 18 juin 2023, quelques dérogations ont été portées à la Loi N2022-019 du 24 juin 2022 portant Loi électorale. Introduites par le gouvernement, elles ont été pour beaucoup déjà ratifiées par le Conseil national de transition, l’organe législatif transitoire.

Le 26 mai 2023, le gouvernement a pris une ordonnance, ratifiée par la suite par le Conseil national de Transition (CNT), portant dérogation à la Loi électorale,  exclusivement pour l’organisation du référendum constitutionnel de 2023.

Cette ordonnance No2023-018/PT-RM autorise l’utilisation de la carte d’électeur biométrique à la place de la carte nationale d’identité biométrique sécurisée. Elle permet en plus aux électeurs, en cas de non disponibilité de la carte d’électeur biométrique, l’utilisation  du passeport, de la carte NINA, de la carte nationale d’identité, de la carte consulaire, du permis de conduire, du livret militaire et du livret de pension civile ou militaire pour accomplir leur devoir civique.

« Vu l’imminence du déroulement du référendum constitutionnel, dont le collège électoral vient d’être convoqué par le décret No 2023-0276/PT-RM du 5 mai 2023 pour le dimanche 18 juin 2023, l’utilisation de cartes nationales d’identité biométriques sécurisées pour le scrutin à venir devient hypothétique et nécessite la prise de mesures alternatives », expliquait le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga dans une correspondance adressée au Président du CNT le 16 mai dernier.

Pour rappel, la Loi No2022-019 du 24 juin 2022 portant Loi électorale avait été déjà modifiée par la Loi No2023-001 du 13 mars 2023 pour, entre autres, remplacer la carte d’électeur biométrique par la carte nationale d’identité biométrique sécurisée comme l’unique document d’identification de l’électeur dans le bureau de vote.

L’Ordonnance du 26 mai rend aussi possible la mise à jour du fichier électoral sur la base de la révision annuelle des listes électorales arrêtée au 31 décembre 2022. Outre ces dérogations, le 7 juin, à l’issue du Conseil des ministres, le gouvernement a décidé d’accorder également le bénéfice du vote par procuration aux personnes qui souhaitent accomplir leur pèlerinage aux lieux saints, la période coïncidant avec la tenue du référendum.

« Le vote par procuration, régi par l’article 116 de la loi électorale, n’autorise pas pour l’instant cette éventualité, d’où la nécessité de déroger aux dispositions de cet article en complément des articles concernés. Le projet d’ordonnance est adopté dans ce cadre. Il autorise les personnes effectuant leur pèlerinage aux Lieux saints à exercer le droit de vote par procuration à l’occasion du scrutin référendaire », explique le communiqué du Conseil des ministres.

Sécurité routière : adaptation des instruments de lutte

Le Conseil national de transition a adopté, lors de sa séance plénière du 29 mai 2023, le projet de loi portant modification de l’ordonnance N°09-003/P-RM du 09 février 2009 portant création de l’Agence nationale de la sécurité routière (ANASER).

Malgré les actions entreprises pour la réduction des accidents de circulation routière, les statistiques sont demeurées préoccupantes. Ainsi, depuis 2015, le Mali connaît un taux de mortalité routière de l’ordre de 25 tués pour 100 000 habitants, selon l’annuaire statistique de l’ANASER. Et les victimes sont principalement des jeunes.

Pour inverser la tendance et se référer aux bonnes pratiques internationales en la matière, les autorités ont adopté une stratégie nationale basée sur l’approche dite « système sûr », qui permet de traiter le problème de façon intégrée. Cette stratégie vaut pour la décennie 2021-2030 et son plan d’action pour 2021-2025.

Mais le diagnostic, établi en 2017 avant l’élaboration de la stratégie, a révélé des lacunes. C’est pourquoi il est apparu nécessaire de procéder à la modification de l’ordonnance de création de l’ANASER pour préciser les attributions de l’agence et redéfinir son rôle de coordination des actions de sécurité routière.

L’agence est confrontée à l’insuffisance des moyens techniques de contrôle de l’excès de vitesse, de la conduite sous l’emprise de l’alcool ou des drogues et de l’usage du téléphone au volant/guidon. À ce jour, le Mali ne dispose que de 4 radars portatifs vétustes et d’une dizaine d’éthylotests. Or il ressort des enquêtes que les conducteurs imprudents consomment plus de drogues qu’ils ne boivent d’alcool. Un testeur de drogue coûte en moyenne 20 000 francs CFA pour un usage unique.

Nana Aïcha Cissé : « Depuis le retrait du Mali, l’organisation G5 Sahel se porte très mal »

Mme Nana Aïcha Cissé est la Porte-parole des femmes du Conseil national de Transition (CNT). Elle a assuré pendant deux ans la Coordination régionale de la Plateforme des Femmes du G5 Sahel. Début mars, elle a été classée parmi les 100 femmes impactantes dans le développement de l’Afrique. Entretien.

Vous venez d’être classée 12ème parmi les 100 femmes qui contribuent à l’essor de l’Afrique, selon le site « Les Africaines ». Comment avez-vous accueilli cette distinction ?

Je ne m’y attendais pas du tout. Je ne connaissais pas le site. C’est donc une très grande surprise accueillie avec un réel bonheur. La reconnaissance du travail fait toujours plaisir

Vous avez assuré la Coordination régionale de la Plateforme des Femmes (PF) du G5 Sahel. Quel bilan dressez-vous de votre mandat ?

Le Mali a été le deuxième pays (après le Burkina) à assurer la Coordination régionale de la PF. Nous pouvons dire que sous ce mandat la PF a connu des avancées essentielles pour assurer son opérationnalité. Il y a eu la signature d’un Protocole d’entente entre la Plateforme des Femmes et le Secrétariat Exécutif du G5S. À travers cela, le Secrétariat reconnaît la Plateforme des Femmes comme une organisation faitière qui fédère les autres organisations féminines pour contribuer à l’atteinte de ses objectifs en matière de Genre. Nous avons pu, au cours de notre mandat, amener la Plateforme à élaborer un Plan stratégique, suivi de son Plan d’action pour 5 ans. Nous avons eu la chance d’obtenir des financements pour commencer à le mettre en œuvre. Nous avons pu également organiser plusieurs rencontres d’échanges pour la  visibilité de la PF-G5 Sahel.

Le Mali a décidé en mai dernier de se retirer de tous les organes et instances du G5 Sahel. Que pensez-vous de ce retrait ?

Le G5 Sahel a été créé en 2014 mais n’a  connu son rayonnement que  lorsque le Mali a assuré sa présidence, en 2017. Dans le Sahel, le Mali est l’épicentre du terrorisme, à cause des multiples crises que le pays traverse. De ce fait, retirer au Mali ses droits et son leadership au sein du G5 Sahel n’est pas acceptable de mon point de vue. Le retrait du Mali est une décision politique très forte qui a tout son sens. Évidemment, elle exclut  en même temps les Maliennes de la Plateforme G5 Sahel. Il n’était pas souhaitable d’en arriver là, mais nous soutenons notre pays et nous avons immédiatement suspendu notre participation en tant que membres. Depuis le retrait du Mali, l’organisation G5 Sahel se porte très mal. La preuve, depuis 2021, la présidence tournante, qui dure un an, est toujours au Tchad.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la représentativité des femmes en politique au Mali ?

Un regard plein d’espoir. Malgré notre Loi fondamentale et les textes auxquels notre pays a souscrit au niveau régional et international, c’est la Loi 052 du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives, qui a amélioré la représentativité des femmes en politique.

La Loi 052 du 18 décembre 2015 n’est pas strictement appliquée depuis son instauration. Selon vous, comment améliorer la position des femmes dans la sphère politique ?

C’est vrai que cette loi, qui constitue un acquis précieux pour les femmes, n’est pas appliquée à hauteur de souhait. Cependant, contrairement à l’administration d’État, c’est dans la sphère politique, à travers le processus électoral, qu’elle est la mieux appliquée. Pour améliorer la position des femmes et faciliter leur accès aux postes de responsabilités dans les organes dirigeants des partis politiques, la prochaine relecture de la Charte des partis doit être mise à profit pour instaurer des mesures contraignantes.

Vous êtes membre du CNT. Avec vos collègues femmes de l’institution, quelles actions menez-vous pour le renforcement de la protection des droits des femmes ?

Au CNT, se sont retrouvés des femmes et des hommes issus de toutes les couches socio professionnelles du Mali. En tant qu’organe législatif de la Transition, le CNT remplace l’Assemblée Nationale. Donc ses membres sont les représentants des populations (hommes et femmes). Chaque membre du CNT  a pour mission la défense des intérêts des populations maliennes.  Ce que nous faisons en plus (certains hommes avec nous), c’est le plaidoyer pour la prise en compte du Genre, chaque fois que cela est nécessaire, dans les lois que nous votons. Nous recueillons également les préoccupations des femmes du Mali, chaque fois que besoin en est, pour les porter au moment des débats. Nous organisons régulièrement des sessions de renforcement des capacités pour que chaque femme au sein du CNT puisse prendre part aux débats parlementaires et voter en connaissance de cause

Elections : la loi électorale modifiée

Le Conseil national de transition (CNT), a adopté mardi 28 février un projet de loi portant modification de la loi N2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale. C’était à l’issue de la deuxième et dernière séance plénière de la session extraordinaire de février 2023.

Adopté à l’unanimité, (129 voix pour, 0 contre, 0 abstention), le projet de loi apporte plusieurs modifications à la loi initiale de juin 2022 telles que l’élargissement des lieux d’implantation des bureaux de vote dans les garnisons militaires, l’institution du vote par anticipation des membres des Forces armées et de sécurité et le remplacement de la carte d’électeur biométrique par la carte nationale d’identité biométrique sécurisée comme unique document autorisé dans le bureau de vote.

L’une des innovations majeures est le raccourcissement du délai d’installation des coordinations de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) qui passe de 6 à 3 mois au plus avant la tenue des scrutins.

« C’est à la pratique qu’on s’est rendu compte qu’effectivement, il va falloir intervenir sur la loi électorale pour apporter des modifications qui permettront de faire en sorte que le chronogramme qui est adossé à cette même loi électorale puisse permettre une application efficiente au bénéfice du processus électoral. C’est à la suite de cela que les innovations ont été entreprises », a expliqué devant les membres de l’organe législatif de la Transition,  Mme Fatoumata Sékou Dicko, ministre déléguée chargée des Réformes politiques et institutionnelles.

Toutes ces modifications apportées ont pour objectif de faire en sorte que le processus électoral se déroule de manière transparente, crédible et sécurisée, a-t-elle soutenu.

Le projet de loi initié par la ministre déléguée  chargée des réformes politiques et institutionnelles avait été adopté en Conseil des ministres le 15 février 2023.

Au cours de cette session extraordinaire convoquée par le Président de la Transition, le CNT a également adopté un projet de loi portant création des circonscriptions administratives en République du Mali, consacrant le nouveau découpage territorial qui retardait la mise en place des coordinations de l’AIGE.

 

 

Accord pour la paix : sur un fil

Confrontée à des difficultés de mise en œuvre depuis sa signature en 2015, l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger n’a jamais autant frôlé la rupture. Alors que le début de la Transition, en août 2020, avait suscité un espoir de relance chez différentes parties signataires, le processus de paix est à nouveau bloqué depuis décembre dernier. La médiation internationale s’active pour le relancer, mais l’avenir de l’Accord semble de plus en plus incertain.

Le désaccord persiste entre le gouvernement de transition et les mouvements armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Alors que ceux-ci (Coordination des mouvements de l’Azawad, Plateforme du 14 juin d’Alger et Mouvements de l’Inclusivité), réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), demandent la tenue d’une réunion en terrain neutre pour discuter de la viabilité de l’Accord, la partie gouvernementale rejette toute rencontre en dehors du Mali.

Les mouvements du CSP-PSD ont d’ailleurs décidé le 21 décembre 2022 de suspendre leur participation aux mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord jusqu’à la tenue de cette réunion avec la médiation internationale. En cause, « l’absence persistante de volonté politique des autorités de transition à appliquer l’Accord pour la Paix et la réconciliation au Mali issu du Processus d’ Alger et l’inertie de celles-ci face aux défis sécuritaires ayant occasionné des centaines de morts et de déplacés dans les régions de Ménaka, Gao et de Tombouctou ».

À Kidal, Bamako indexé

Saisie début décembre pour l’organisation de la réunion en terrain neutre, la médiation internationale, accompagnée d’une délégation d’ambassadeurs d’États membres du Conseil de sécurité de l’ONU et du Comité de suivi de l’Accord pour la paix, s’est rendue le 1er février à Kidal pour échanger avec les groupes armés signataires et mieux cerner leurs attentes.

Lors de cette rencontre, les groupes armés signataires ont réitéré avec insistance la demande de tenue d’une réunion en terrain neutre et appelé la médiation internationale à raffermir sa conduite du processus de paix et à assumer ses responsabilités. Celle-ci en retour a indiqué la tenue prochaine d’une réunion de médiation élargie afin de rapprocher les positions des deux parties. « La CMA a signé l’Accord après des pressions et des garanties de la communauté internationale et elle doit tenir ses promesses. Si la communauté internationale ne peut pas forcer le Mali à mettre en œuvre l’Accord pour la paix de 2015, alors il faut penser à une autre solution et nous ne pouvons pas rester dans cette situation parce qu’elle dure depuis trop longtemps », s’est agacé pour sa part, Bilal Ag Achérif, Chef du MNLA et ancien Président de la CMA. Le Président de la Société civile de la région de Kidal a quant à lui déploré un « recul dans le processus d’application de cet Accord concrètement exprimé par les autorités de la Transition » depuis le coup d’État d’août 2020 contre IBK.

Bras de fer

Pourquoi le Cadre des groupes armés signataires insiste-il autant sur la tenue d’une réunion sur la viabilité de l’Accord en terrain neutre ? Attaye Ag Mohamed, Chef de délégation de la CMA au Comité de suivi de l’Accord (CSA), soutient qu’un terrain neutre permettrait plus de se retrouver dans l’environnement dans lequel l’Accord a été négocié il y a 8 ans à Alger. « Nous l’avons demandé pour que ce climat de discussions directes, en face à face, avec la médiation internationale puisse se créer, pour voir où se situe exactement le problème. Si c’est au niveau du gouvernement ou à notre niveau à nous ou encore si c’est la médiation internationale elle-même qui ne joue pas son rôle », explique-t-il, reconnaissant également une « confiance de moins en moins existante » sur les questions de fond.

Le gouvernement de transition, qui n’adhère à aucune rencontre en dehors des réunions du CSA, encore moins en dehors du Mali, affirme toutefois son engagement à poursuivre sans équivoque la mise en œuvre diligente de l’Accord pour la paix, mais dans les normes. « Nous, nous sommes un État. Les autres sont des mouvements signataires. Le gouvernement a indiqué que lors des réunions du CSA, pour qu’un ministre du gouvernement du Mali y participe, nous souhaitons que les principaux leaders des mouvements soient eux-mêmes présents, parce chaque fois que le gouvernement envoie des ministres, nous avons en face de nous des experts. Il y a un déséquilibre », a clarifié le ministre Abdoulaye Diop devant le Conseil de sécurité de l’ONU le 27 janvier, regrettant la décision de suspension des groupes armés signataires qui va à « contre-sens de l’élan positif qui a été imprimé ces derniers mois » à la mise en œuvre de l’Accord.

Accord en danger ?

En lieu et place de la réunion demandée par le CSP-PSD, le Mali a sollicité l’Algérie, chef de file de la médiation internationale, pour la tenue d’une réunion du CSA à un niveau ministériel dès ce mois de février, pour permettre de reprendre le dialogue avec les parties signataires, a indiqué le ministre Diop. Mais, pour l’heure, le CSP-PSD, qui maintient sa suspension des mécanismes de mise en œuvre de l’Accord, n’entend pas y participer.

Selon Moussa Djombana, analyste politique et sécuritaire, bien que la tenue d’une réunion en terrain neutre puisse aider à relancer les discussions, il est possible de sauver l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali sans sa tenue, qui fait l’objet de mésententes entre le gouvernement et les groupes armés signataires. « Il faut encourager le dialogue direct entre les parties. L’engagement de la communauté internationale doit aussi être franc et sincère, tout en impliquant la société civile malienne, sans laquelle rien n’est possible en termes de décisions fortes engageant l’avenir de la Nation », préconise-t-il.

Pour certains observateurs, le blocage actuel dans le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger pourrait déboucher sur une rupture si les positions des parties prenantes restent tranchées. « Je ne vois pas dans l’immédiat comment le processus pourra être relancé. C’est assez difficile », confie une source proche de la médiation internationale, qui explique que le point fondamental de blocage est le transfert des grades des ex-combattants des groupes armés dans la chaîne de commandement de la nouvelle armée reconstituée. Une Commission ad hoc a été créée pour plancher sur la question, mais elle n’a guère avancé.

Dans cette atmosphère de dégradation des relations entre Bamako et les groupes armés signataires, la Coordination des mouvements de l’Azawad a annoncé la fusion de ses différents mouvements en un seul, le 8 février 2023. Une semaine plus tôt, son Président en exercice, Alghabass Ag Intalla, a procédé à la nomination d’un nouveau Chef d’État-major, le Colonel Hamad Rhissa Ag Mohamed. La nomination de cet « indépendantiste » peut être perçue selon notre source comme un message de désaccord avec le processus de paix tel qu’il est conduit actuellement par les autorités de transition.

Mais, Oumar Sidibé, Doctorant et Professeur-assistant en Relations internationales à l’Université RUDN de Russie, pense pour sa part que les récents évènements s’inscrivent dans la dynamique des rapports de force. « On peut en effet remarquer un refroidissement des relations entre la CMA et le gouvernement de transition. Mais aucun des deux n’a intérêt à mettre fin à l’Accord et à risquer de nouvelles mésaventures. Les intérêts de tous ces acteurs convergent vers la paix, mais divergent sur la façon de l’établir », analyse t-il.

Pour lui, par ailleurs, le seul acteur qui bloque l’Accord depuis des années est le peuple malien « qu’il faudrait peut-être penser à saisir par consultation ou referendum ». « Il y a une forte pression populaire et de fortes demandes en vue d’une relecture de cet Accord, pour reconsidérer certaines dispositions qui sont perçues comme anticonstitutionnelles ou discriminatoires », rappelle M. Sidibé.

Calmer le jeu

Chérif Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun Haïdara, Président des Mouvements de l’inclusivité, dont certains seraient membres du CSP-PSD, n’est pas sur même longueur d’ondes que les dirigeants des autres mouvements signataires. Dans un communiqué publié dans la foulée de la rencontre de Kidal, il a indiqué que les Mouvements de l’inclusivité soutenaient fermement la décision des autorités de la Transition de réfuter toute rencontre inter Maliens en terre étrangère.

« Tous les mouvements signataires de l’APR ne sont pas inscrits sur les listes du CSP. De même qu’ils ne le sont pas tous sur celles de la CMA, qui tente de dissimuler son infortune sous le couvert du l’hydre toujours en gestation appelée CSP », a fustigé celui qui est également membre du CNT.

Mais, pour calmer le jeu et éviter l’escalade, le Général El Hadj Ag Gamou, chef du GATIA, a lancé dans une vidéo, le 6 février, un message d’apaisement aux différents acteurs du processus de paix, en les invitant à l’union pour venir au secours des populations qui souffrent de l’insécurité grandissante. « L’heure n’est plus au bras de fer entre responsables d’un même pays, mais à la mobilisation générale pour l’intérêt de la population, qui ne réclame que son droit à la sécurité et celle de ses biens », a plaidé le chef militaire, qui appelle à éviter une « guerre entre Maliens qui ne nous grandira pas ».

Issa Kaou N’Djim : un prolixe désormais très taiseux

Anciennement Coordinateur général de la CMAS, membre actif du Comité stratégique du M5-RFP puis 4ème Vice-président du Conseil national de Transition (CNT), Issa Kaou Djim n’occupe plus aucune de ces fonctions aujourd’hui. Celui qui était très prolixe s’astreint désormais à un silence qui interroge.

Opposant comme proche du pouvoir, Issa Kaou Djim est l’un des rares hommes politiques maliens qui a toujours « farouchement » dénoncé ce qu’il considérait comme « déboires ». Comme en octobre 2021, où le gendre de l’Imam Mahmoud Dicko, bien qu’alors fervent partisan du Président de la transition, Assimi Goïta, n’a pas hésité à faire part de son désaccord via les médias sociaux sur la méthode utilisée par les autorités de transition pour le renvoi du représentant de la CEDEAO au Mali, Hamidou Boly, accusé d’être « impliqué dans des activités de déstabilisation contre la Transition ». En outre, le commerçant s’est toujours montré intransigeant contre l’instauration d’un bras de fer entre le Mali et la CEDEAO. Ces prises de positions, ajoutées à son « acharnement » contre le Premier ministre Choguel Kokala Maïga, qu’il considérait comme la source principale de « l’isolement diplomatique » du Mali, lui ont d’ailleurs valu, après un court séjour en prison, d’être condamné en décembre 2021 à 6 mois de prison avec sursis et à payer 500 000 francs CFA d’amende pour « atteinte au crédit de l’État et injures commises via les réseaux sociaux ». Pire, le 4ème Vice-président du CNT a été éjecté de l’organe législatif de la Transition le 9 novembre 2021 via un décret de « l’imperturbable Assimi Goïta », comme il aimait lui-même nommer le Président de la Transition. Son passage en prison, où on ne lui a pas fait de « cadeaux », l’a beaucoup marqué. Depuis, Issa Kaou Djim a pris ses distances avec la politique malienne. Après quelques brèves apparitions en décembre 2021 auprès du désormais Cadre des partis pour un retour à l’ordre constitutionnel et sur quelques médias sociaux mi-2022, le cinquantenaire a de nouveau choisi la discrétion.

« Il ne veut plus être l’agneau qu’on sacrifie », indique un analyste politique proche de lui. « À la CMAS et au M5-RFP, il prenait les coups pour l’Imam Dicko. De même, étant au CNT et bien qu’il pouvait se contenter de son poste, il a en quelque sorte apporté son soutien aux politiciens qui sollicitaient le départ du Premier ministre Choguel Kokala Maïga. Au final, par naïveté ou envie de bien faire, il a peut-être hypothéqué son avenir politique. Il lui fallait donc du recul pour mieux analyser la situation », explique l’analyste.

Silence radio                  

Le natif de Bagadadji partage à présent sa vie entre Lafiabougou Taliko, où il vit avec sa famille, et son Centre islamique Allah Kama Ton, un centre de formation coranique pour les jeunes et les femmes. « À part cela, il reste à la maison au calme et, de temps en  temps, il se renseigne sur ses activités que gère son grand frère au marché », confie un autre de ses proches, selon lequel, malgré son retrait actuel de la vie politique, « ses relations avec son beau-père, l’Imam Dicko, restent toujours tendues ».

Son parti, l’Appel citoyen pour la réussite de la Transition (ARCT), est aussi au point mort. « Il n’existe plus que de nom. Nous ne tenons plus de réunions et il n’y a pas plus d’activités de la part du parti », déplore un militant du mouvement politique. Contacté par Journal du Mali, le Secrétaire général de l’ACRT, Soya Djigué, n’a pas souhaité s’exprimer sur la vie du parti, préférant que l’on s’en « réfère directement au Président Kaou Djim ». Silence radio au niveau de ce dernier également.

Selon l’analyse politique Amadou Touré, « il était prévisible que l’ACRT ne pouvait plus continuer à exister puisqu’il a été créé par Kaou Djim dans l’espoir de soutenir une potentielle candidature du Colonel Assimi Goïta à la prochaine élection présidentielle, même si, au sein du parti, on essaie de prétendre le contraire. Les relations des deux hommes n’étant plus au beau fixe, l’organisation politique est destinée à disparaître ». Tout comme la carrière politique d’Issa Kaou Djim?