Niger : l’Occident veut conserver son dernier allié au Sahel

3ème coup d’État au Sahel depuis 2020, après le Mali et le Burkina Faso, et 4ème en Afrique de l’Ouest avec la Guinée, le renversement du Président Mohamed Bazoum au Niger, le 26 juillet 2023, passe mal dans la communauté internationale. Dans ce pays, considéré comme le dernier allié de l’Occident dans la région, la pression des puissances occidentales s’accentue pour une réhabilitation sans délai du Président déchu.

Le coup d’État au Niger suscite depuis une semaine une vague de condamnations à travers le monde. En première ligne contre le coup de force du Général Abdourahamane Tchiani, à l’heure où nous mettions sous presse certains pays occidentaux brandissaient la menace de suspension de leur coopération et/ou soutenaient les sanctions et les efforts de la CEDEAO et de l’Union Africaine pour un retour à l’ordre constitutionnel.

La France, qui a une présence militaire importante au Niger, où sont stationnés 1 500 militaires dans le cadre de la nouvelle formule de Barkhane après le retrait de l’opération du Mali, a annoncé le 29 juillet suspendre, avec effet immédiat, « toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire, demandant le « retour sans délai à l’ordre constitutionnel nigérien autour du Président Mohamed Bazoum, élu par les Nigériens ».

La veille, le Secrétaire d’État américain Antony Blinken avait assuré du « soutien indéfectible » de Washington au Président déchu et souligné que le renversement de son pouvoir remettait en cause des centaines de millions de dollars d’aide américaine au profit du peuple nigérien.

À l’instar de la France, les États-Unis disposent de près d’environ un millier de militaires au Niger et surtout de deux bases aériennes, l’une à Niamey et l’autre à Agadez, dans le nord du pays, équipée de drones et faisant office de pivot pour l’armée américaine. Les Etats-Unis ont évacué le personnel non nécessaire de leur ambassade. Le président Joe Biden a appelé jeudi 3 août à la libération immédiate du président Mohamed Bazoum.

Par ailleurs, l’Allemagne, dont l’armée possède aussi une base militaire dans la capitale nigérienne, qui lui sert de plateforme pour le retrait de ses forces du Mali et où opèrent actuellement une centaine de soldats, a apporté son « plein soutien à l’évolution démocratique du Niger ».

« Avec l’Union européenne, nous avons soutenu le gouvernement civil et restons persuadés que seul un gouvernement démocratique pourra apporter des réponses aux défis du pays », a martelé Annalena Baerbock, la Cheffe de la diplomatie allemande.

Dans la foulée, Joseph Borell, Chef de la diplomatie européenne, a assuré de son coté que l’Union Européenne « ne reconnait pas et ne reconnaitra pas » les autorités issues du putsch du 26 juillet. L’institution a en outre décidé de la suspension, avec effet immédiat, de toute aide budgétaire et de toute coopération dans le domaine sécuritaire avec le Niger.

CEDEAO – Coups d’État : le tournant Niger ?

Le renversement du pouvoir du Président Mohamed Bazoum au Niger, le 26 juillet 2023, 4ème coup d’État en Afrique de l’Ouest en 3 ans, plonge la région dans un climat de tension exacerbé par les prises de positions tranchées de certains dirigeants vis-à-vis des nouvelles autorités de Niamey. La CEDEAO, soutenue par une grande partie de la communauté internationale, se montre intransigeante sur un retour immédiat à l’ordre constitutionnel dans le pays. Alors que l’ultimatum donné aux militaires du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) prend fin ce dimanche, les jours prochains  s’annoncent incertains au Niger et dans le Sahel.

Tolérance zéro. C’est le maitre-mot des chefs d’États de la CEDEAO face au putsch du Général Abdourahamane Tchiani, 59 ans, chef de la garde présidentielle du Niger depuis 2011, devenu le nouvel homme fort du pays depuis le 28 juillet 2023. Pour joindre l’acte la parole, les dirigeants ouest-africains n’ont pas hésité le 30 juillet, lors d’un sommet extraordinaire de la CEDEAO, à prendre de sévères sanctions contre les militaires nigériens du CNSP.

Déclarant prendre toutes les mesures au cas où les exigences de la Conférence des Chefs d’États ne seraient pas satisfaites dans un délai d’une semaine pour assurer le rétablissement de l’ordre constitutionnel en République du Niger, ce qui n’exclut pas un usage de la force, ils ont décidé de la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Niger et de la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les États membres et Niamey.

Outre ces sanctions, les Chefs d’États de la CEDEAO ont également décidé du gel des avoirs de la République du Niger dans les banques centrales de la BCEAO, de celui de toutes les transactions de service, y compris les services publics, ainsi que des avoirs de l’État du Niger et des entreprises publiques et parapubliques logées dans les banques commerciales, de la suspension du Niger de toutes les formes d’assistance financière et de transactions avec toutes les institutions financières, notamment la BIDC et la BOAD, et de l’interdiction de voyage et du gel des avoirs des officiers militaires impliqués dans la « tentative de coup d’État ».

Bola Tinubu, le Président « anti-putsch »

S’il y a un signal fort que la CEDEAO veut désormais envoyer dans la sous-région, c’est l’image d’une institution forte qui ne laissera plus le champ libre aux renversements de pouvoirs démocratiquement installés.

Dès son arrivée à la tête de l’institution sous-régionale, le 9 juillet dernier, le Président nigérian Bola Tinubu, qui a affiché son intransigeance face aux auteurs de coups d’État, avait donné le ton. « Nous ne permettrons pas qu’il y ait coup d’État après coup d’État en Afrique de l’Ouest », avait-il martelé devant ses pairs pour sa première prise de parole en tant que nouveau leader de la communauté. L’un des premiers dirigeants du continent à condamner officiellement le coup d’État contre Mohamed Bazoum, Tinubu, « homme à poigne », est connu pour ses phrases « choc ». Le 30 juillet, à l’ouverture du Sommet extraordinaire de la CEDEAO sur la situation politique au Niger, le septuagénaire n’y est pas allé de main morte. « L’un de nous est retenu en otage par sa garde présidentielle. Quelle calamité (…). C’est une insulte pour chacun de nous. Nous devons agir fermement pour restaurer la démocratie », a lâché le Président de la plus grande économie du continent, arrivé au pouvoir en mai dernier après avoir remporté dès le premier tour la présidentielle de février 2023.

Le 31 juillet, le chef d’État-major des armées du Nigéria, Christopher Musa, a réitéré sur un média étranger cette position. « Nous allons faire exactement ce que dit le Président Nous sommes prêts et dès que nous recevrons l’ordre d’intervenir nous le ferons. Nous sommes absolument sûr de réussir », a-t-il affirmé.

Des mots à l’action, le Chef d’État nigérian, et par ricochet toute la CEDEAO, est attendu au tournant sur le dossier nigérien. Même s’il semble résolument engagé dans une voie de réhabilitation de son homologue déchu, certains analystes soutiennent que Bola Tinubu court le risque de devenir un « tigre de papier », fort sur le discours mais peu influent et pragmatique en réalité. D’autant que les conséquences sécuritaires d’une intervention pourraient s’avérer dramatiques. Les groupes terroristes Boko Haram, État islamique ou encore JNIM pourraient profiter du chaos ambiant pour asseoir leurs emprises et étendre l’hydre terroriste à d’autres pays de l’organisation.

Issues incertaines

Avant la fin de l’ultimatum de la CEDEAO, le 6 août 2023, des actions sont en cours pour une solution à la crise politique au Niger. Après l’échec de la médiation tentée par le Président béninois Patrice Talon, c’est Mahamat Idriss Déby, Président de la Transition au Tchad, qui s’est rendu dans le pays et a rencontré les principaux protagonistes. Mais les lignes n’ont pas bougé suite à cette visite. Une nouvelle délégation de l’instance sous-régionale est depuis ce mercredi à Niamey pour tenter de trouver une issue pacifique.

En attendant de voir ce qu’il pourra se passer à partir de la semaine prochaine et l’expiration de l’ultimatum « ouest-africain », les analystes avancent plusieurs scénarios pour la suite des évènements au Niger. Allant de l’organisation d’un « coup d’État contre le coup d’État » à une intervention militaire de la CEDEAO avec des pays africains comme le Tchad et soutenue par les Européens, en passant par le soutien à un mouvement populaire de protestation interne contre le coup d’État ou encore des négociations avec les militaires du CNSP pour l’instauration d’une transition, les options sont aussi diverses que risquées pour la stabilité du pays et de la région.  Les militaires qui ont renversé Mohamed Bazoum ont envoyé une délégation conduite par le numéro 2 du CNSP, le général Salifou Mody au Mali et au Burkina le 2 août pour rencontrer les autorités de la transition. Les échanges ont porté sur le renforcement de la coopération sécuritaire notamment alors que les chefs d’état-major de la CEDEAO sont réunis à Abuja au Nigéria au même moment pour plancher sur une éventuelle intervention militaire. La Côte d’Ivoire a déjà fait savoir qu’elle enverrait des troupes si l’intervention était actée.

Incidences sur le Mali ?

Bien avant que le Niger ne tombe dans le cercle des pays de la CEDEAO qui sont dans une rupture de l’ordre constitutionnel, l’institution sous-régionale avait commencé par remettre la pression sur les pays en transition dans l’espace communautaire. Elle prévoyait d’envoyer le Président béninois Patrice Talon au Mali, au Burkina Faso et en Guinée pour relancer le dialogue au plus haut niveau avec leurs autorités respectives, en vue du respect des délais impartis aux transitions. Un nouveau sommet allait d’ailleurs être consacré début août à la situation dans ces 3 pays, selon une source proche de la CEDEAO, comme nous l’évoquions dans notre numéro précédent.

Les évènements au Niger vont-ils amener la CEDEAO, qui n’excluait d’ailleurs déjà pas de nouvelles sanctions, à durcir sa position vis-à-vis des autorités de transition maliennes quant au respect du chronogramme arrêté selon laquelle le pouvoir devrait être remis aux civils en février 2024 ?

Les relations entre le Mali, le Burkina Faso et la CEDEAO semblent à nouveau se dégrader. En réaction aux décisions de la Conférence des Chefs d’États de la CEDEAO du 30 juillet, les deux pays ont indiqué dans un communiqué conjoint le 31 juillet 2023, refuser d’appliquer ces « sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériens ».

« Les gouvernements de Transition du Burkina Faso et du Mali avertissent que toute intervention militaire contre le Niger s’assimilerait à une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali », poursuit par ailleurs le communiqué, dans lequel les deux pays préviennent aussi qu’une intervention militaire contre le Niger entrainerait leur retrait de la CEDEAO et l’adoption de « mesures de légitime défense en soutien aux Forces armées et au peuple du Niger ».

« La CEDEAO, avec le leadership de Bola Tinubu, ne comptait pas tolérer le non-respect du chronogramme de la Transition au Mali et une éventuelle nouvelle prolongation. Avec la nouvelle donne, le cas du Niger et la position des militaires au pouvoir au Mali, elle voudra prendre des mesures pour un retour dans les délais à l’ordre constitutionnel dans le pays, y compris de nouvelles sanctions », glisse un observateur.

Dramane Diarra : « nous voulons contraindre les autorités à surseoir au référendum »

Dans leur volonté d’empêcher la tenue du référendum, les associations de magistrats AMPP et REFSYMA entendent « user de tous les moyens légaux » pour que le scrutin ne se tienne pas. À cet effet, elles ont adressé une lettre à la CEDEAO le 26 mai. Jusqu’où iront-elles ? Entretien avec Dramane Diarra, magistrat, expert électoral, membre des associations susmentionnées et de la coalition Appel du 20 février.

Pourquoi avoir envoyé une lettre à la CEDEAO ?

C’est devant elle que tous les engagements ont été pris par les autorités de la Transition. Et c’est derrière la CEDEAO que s’aligne toute la communauté internationale. Qui mieux qu’elle pour recevoir une correspondance ayant trait justement au retour à l’ordre constitutionnel ? Tout le processus pour l’organisation du referendum est illégal et, la date est intenable à cause de l’impréparation totale des autorités de la Transition : pas de cartes biométriques, pas de fichier électoral, pas de démembrements de l’AIGE prêts. Donc c’est une parodie d’opération référendaire qui est projetée. Il nous revenait de porter cela à l’attention de la CEDEAO et de toute autre partie intéressée.

Qu’attendez-vous de la CEDEAO, qui est loin de faire l’unanimité chez les Maliens ?

Nous comptons sur nous-mêmes pour contraindre les autorités à surseoir à la tenue de ce référendum inconstitutionnel. Mais la CEDEAO à son mot à dire. Avec ce forcing pour faire ce référendum, c’est le respect de la date de fin de la Transition qui est menacé, car il ne nous reste que 8 mois environ pour organiser au moins une élection présidentielle transparente et crédible. Ce n’est pas acquis avec le temps restant et le niveau d’impréparation affiché. Cela interpelle la CEDEAO et toute la communauté internationale. Mieux, nous avons déjà déposé des recours au niveau de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême pour l’annulation de ces opérations. La CEDEAO est aussi informée de ces procédures.

Depuis quelque temps, vous utilisez plusieurs moyens pour que le référendum ne se tienne pas. Jusqu’où ira votre détermination ?

Nous usons de tous les moyens légaux pour que l’illégalité et le mensonge qui ont abattu ce pays ne continuent pas au risque de l’ensevelir. Il mérite mieux. Dieu merci, les Maliens ont compris la vérité. Mais, puisque les autorités s’entêtent dans ces manœuvres, nous avons eu recours à des procédures judiciaires à ce stade. D’autres  suivront. C’est une question d’étapes et d’opportunités. Et toutes ces procédures sont bien fondées. Il revient à chacun, où qu’il soit, de prendre toutes ses responsabilités afin que le pays ne sombre pas de ce fait.

Mali – Transition: des rendez-vous manqués

Depuis le début de la Transition, le respect des échéances préétablies pour la mise en œuvre des réformes et la tenue des élections n’a souvent pas été effectif. Pour certains, la nouvelle date du référendum risque de ne pas faire exception, tant les défis qui restent à relever dans ce petit laps de temps sont nombreux. Encore une date pour du beurre?

En avril 2021, le gouvernement de transition établit un chronogramme de 18 mois fixant la fin de la transition à février 2022, avec la tenue couplée des élections présidentielle et législatives le 27 février 2022. Le référendum était fixé au 31 octobre 2021 et l’élection des conseillers des collectivités territoriales au 26 décembre 2021. Mais ces différentes dates ne seront pas respectées.

Le 24 mai 2021, Bah N’Daw, alors Président de la Transition est renversé par le Colonel Assimi Goita. Les Assises nationales de la Refondation sont organisées en décembre  2021. Parmi les recommandations, une durée de transition allant de 6 mois à 5 ans. Après plusieurs semaines  de tractations internes, sur fond de pressions de la CEDEAO et de la communauté internationale, la transition est prolongée de 24 mois, jusqu’à février 2024, à compter du 26 mars 2022.

Un nouveau chronogramme est publié en juin 2022. Il prévoit l’organisation du référendum le 19 mars, l’élection des conseillers des collectivités territoriales le 25 juin 2023, celle des députés à l’Assemblée nationale le 29 octobre 2023 et la présidentielle le 4  février 2024.

Le 10 mars 2023, après un retard dans l’organisation du référendum, le ministre de l’Administration territoriale annonce un « léger report » et assure que la nouvelle date du référendum sera fixée après concertation avec l’Autorité indépendante de gestion des élections et l’ensemble des acteurs du processus électoral. Près de 2 mois après, le gouvernement annonce la nouvelle date, le 18 juin 2023.

Chez les politiques, le ton est à la prudence. « Le parti aujourd’hui n’a pas toutes les informations techniques. C’est le ministre qui a les informations, qui sait le niveau de préparation, qui connait exactement la situation sécuritaire sur le plan territorial. S’il sort et dit qu’ils peuvent tenir le référendum à cette date, nous ne pouvons que suivre », relativise Hamidou Doumbia, Secrétaire politique du parti Yelema de l’ancien Premier ministre Moussa Mara.

Toutefois, pour celui qui est également Porte-parole de Yelema et espère que le gouvernement ne sera pas à nouveau dans une mauvaise planification, il faudrait à chaque fois  tenir compte des contours de chaque décision qu’on prend pour ne pas se tromper,  afin d’éviter des reports de dates sources de méfiance entre les acteurs.

Report du référendum : Quel impact sur les relations Mali – CEDEAO ?

Au Mali, le report du référendum suscite des questionnements. Parmi lesquels l’impact que cela aura sur les relations entre le pays et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

En visite au Mali fin février dernier pour s’enquérir de l’état de progression de la Transition vers un régime démocratique, le Médiateur de la CEDEAO, Goodluck Jonathan, a exhorté les autorités du pays « à maintenir le cap pour le retour à un ordre constitutionnel au délai convenu ». Quelques semaines après, le 10 mars 2023, le gouvernement a annoncé un report sine die du référendum, premier scrutin devant être organisé dans le chronogramme qu’il a proposé à l’organisation sous-régionale le 28 juin 2022. De quoi présager d’un nouveau désaccord ?

« En effet, ça pourrait créer une autre possibilité de désaccord entre la CEDEAO et le Mali », estime l’analyse politico-sécuritaire Cheick Oumar Doumbia. Mais, en même temps, selon ce dernier, « faire le référendum et les autres élections dans les délais indiqués, au vu des réformes institutionnelles et politiques qu’il fallait mener, l’organisation sait que les autorités pourraient être confrontées à des difficultés qui impacteront le processus. En plus, il y a des législations de la CEDEAO qui stipulent que quand on change de Constitution et quand on révise la loi électorale il faut au moins 6 mois pour aller aux élections. Tout cela va faire que la CEDEAO sera plus conciliante à l’égard du Mali », explique-t-il. De même, Jean-François Camara, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences administratives et politiques de Bamako (FSAP), atteste que le report du référendum ne devrait pas avoir « un impact négatif » sur les relations Mali – CEDEAO.

« La CEDEAO tient surtout au respect du chronogramme donné par les autorités et il s’étale jusqu’en 2024. Et, dans ce chronogramme, elle tient surtout à l’organisation des élections générales, à savoir celles du Président de la République et des députés. Tant qu’on n’annoncera pas le report de ces dates, la CEDEAO ne va pas réagir négativement », pense-t-il.

Le risque de voir la relation s’amenuiser est toutefois de mise. L’Autorité indépendante de gestions des élections (AIGE), en charge d’organiser les scrutins, n’est pas opérationnelle du fait que ses démembrements ne sont toujours pas installés à l’intérieur du pays. De même restent la promulgation des six projets de loi portant réorganisation administrative du Mali et la vulgarisation du projet de Constitution. Des raisons qui, selon le gouvernement, ont nécessité le report du référendum. « Elles pourraient aussi avoir un impact sur les dates des autres élections. Et, du coup, aussi sur les relations Mali – CEDEAO », prévient l’analyste Cheick Oumar Doumbia.

Chronogramme électoral : l’inévitable glissement

C’était un secret de Polichinelle. C’est désormais officiel. Le référendum, initialement prévu pour le 19 mars 2023, a été reporté le 10 mars dernier à une date ultérieure. Ce report, qui ne faisait plus guère de doute depuis quelques semaines, pourrait impacter la tenue à date des autres scrutins prévus dans le chronogramme de la Transition.

« Ce report se justifie par la ferme volonté des autorités de la Transition d’appliquer les recommandations des Assises nationales de la refondation (ANR), notamment la pleine opérationnalisation de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), à travers l’installation de ses démembrements dans les 19 régions administratives du Mali et le District de Bamako dans les plus brefs délais, ainsi que la vulgarisation du projet de Constitution », a expliqué le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Porte-parole du gouvernement, le Colonel Abdoulaye Maiga.

« C’est à nous, quand on regarde le temps restant, de fournir beaucoup d’efforts afin que tous les objectifs que nous nous sommes fixés soient atteints », a-t-il souligné, assurant que le Président de la Transition « tient fermement au respect de la date butoir que nous avons pu négocier avec la CEDEAO ».

Un chronogramme impacté

La loi portant création des circonscriptions administratives en République du Mali, dont dépend l’installation des démembrements de l’AIGE et le projet de loi portant modification de la loi N2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale, adoptés respectivement les 20 et 28 février 2023 par le Conseil national de Transition (CNT), ne sont pas encore promulgués par le Président de la Transition.

Pour Hamidou Doumbia, Porte-parole du parti Yelema, un deuxième report va sûrement suivre : celui de l’élection des conseillers des collectivités territoriales, prévue en juin prochain, parce que « le Collège électoral devait être convoqué fin mars mais qu’aujourd’hui les démembrements de l’AIGE ne sont pas mis en place ».

« Il y a vraiment des doutes sur le reste du processus. Nous espérons que le gouvernement, notamment le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, va rencontrer tous les autres acteurs pour qu’ensemble nous essayions de voir ce qui peut être fait pour que nous ne sortions pas du délai global », indique M. Doumbia.

« Il y aura forcément un décalage dans le reste du chronogramme », tranche pour sa part Bréhima Mamadou Koné. Selon cet analyste politique, le chronogramme que le gouvernement avait établi  était juste un « document de politique ». « Avec la mise en place de l’AIGE, c’est de sa responsabilité d’établir un chronogramme électoral, en synergie avec l’ensemble des acteurs, les partis politiques et les organisations de la société civile, et c’est sur la base de ce chronogramme qu’on pourrait être fixé sur la tenue des différentes élections à venir », soutient-il.

Dr. Ibrahima Sangho, Président de la Mission d’observation des élections au Mali (MODELE) est de cet avis. À l’en croire,  le chronogramme de juin 2022 avait  été donné « juste pour sortir de l’embargo de la CEDEAO ». « Un chronogramme réaliste n’est pas encore sur la table. Aujourd’hui, il n’appartient plus au gouvernement de donner un chronogramme, d’organiser des élections en République du Mali. Il appartient à l’AIGE d’organiser les élections, donc de donner un chronogramme », appuie l’expert électoral.

Impératif réaménagement

Le gouvernement de transition a indiqué que la nouvelle date du référendum sera fixée après concertation avec l’Autorité indépendante de gestion des élections et l’ensemble des acteurs du processus électoral. Cette nouvelle date, devrait, selon des analystes, conduire à un réaménagement de tout le chronogramme initial, ce qui pourrait aboutir à repousser la date des différentes élections ou à en abandonner certaines.

« C’est sûr que nous serons obligés de renoncer aux élections locales (élections des conseillers des collectivités territoriales, NDRL) et de nous concentrer sur le référendum et les élections  couplées présidentielle et législatives. Je pense que c’est possible de redéfinir les choses de cette manière », propose l’analyste Dr. Mahamadou Konaté, Directeur général de Conseils Donko pour la gouvernance et la sécurité.

« Ce qui est possible de faire pour sortir de la Transition, il faut le faire. À notre avis, le référendum peut se tenir en juin. Si c’est le cas, au premier trimestre 2024 on peut organiser les élections législatives et la présidentielle ou alors uniquement la présidentielle, pour mettre fin à la Transition », renchérit Dr. Ibrahima Sangho.

Dans un communiqué en date du 20 février, la Coalition pour l’observation citoyenne des élections au Mali (COCEM), composée de l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH), de la Jeune Chambre Internationale (JCI-Mali), de Wildaf Mali, du RPL (Réseau Plaidoyer et Lobbying) et de SOS Démocratie, avait proposé aux autorités de la Transition de prévoir le référendum le 25 juin 2023, l’élection des conseillers des collectivités territoriales le 29 octobre 2023 et celle couplée du Président de la République et des députés à l’Assemblée nationale le 4 février 2024 pour les premiers tours et le18 février 2024 pour les seconds, le cas échéant.

« Il est fort possible de changer un peu l’ordre des élections, de surseoir à certaines si la nécessité est. Mais ce qui est important, c’est que la Transition doit prendre fin comme prévu en 2024. Nous espérons que nous allons pouvoir travailler et essayer de dégager un chronogramme pour que nous puissions, avec une certaine rigueur, respecter nos engagements », plaide Hamidou Doumbia, pour lequel tout dépendra de ce qui sera discuté avec le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation.

« Dès qu’on observe un  retard, il faut appeler les acteurs pour en discuter et travailler techniquement à voir ce qui peut être sauvé et non attendre que les échéances arrivent avant d’informer sur un report », insiste le porte-parole du parti de l’ancien Premier ministre Moussa Mara.

Février 2024, tenable ?

Malgré les assurances du gouvernement pour le retour à l’ordre constitutionnel « dans le respect de la durée de la Transition après avoir mené les réformes nécessaires », pour plusieurs observateurs, l’échéance de février 2024 qui a été donnée à la Transition risque de ne pas être respectée avec la tenue effective de toutes les élections prévues, en raison du retard pris et du décalage dans le calendrier qui va découler du report du référendum.

« On ne peut pas, à mon avis, tenir tous les scrutins tels qu’ils étaient prévus et rester dans le délai imparti de la Transition », avance Dr. Mahamadou Konaté, qui préconise la renonciation à au moins l’un des scrutins prévus pour rester dans le délai. Certains acteurs politiques qui alertent depuis quelques mois sur la lenteur dans la mise en œuvre du chronogramme de la Transition n’excluent pas, par ailleurs, que le gouvernement de transition traîne à dessein dans le processus afin d’aboutir à une nouvelle prolongation de la Transition au-delà des 24 mois supplémentaires convenus.

Dr. Mahamadou Konaté ne partage pas cette crainte. « Pour l’instant, je crois que le gouvernement a toujours l’intention de tenir le délai », glisse-t-il. « On n’est pas encore au point où des actes de mauvaise foi sont suffisamment patents pour démontrer que les autorités souhaitent à nouveau aller vers une prolongation de la Transition », recadre cet analyste.

Pour lui, jusqu’à la fin la fin de l’année  2023, « tant qu’on n’aura pas perdu la possibilité de redéfinir le calendrier et de renoncer à une ou deux élections pour se concentrer sur celles qui sont essentielles pour le retour à l’ordre constitutionnel, je pense que c’est toujours possible de tenir le délai de février 2024 ».

Commerce : TradeMark Africa se déploie en Afrique de l’Ouest

TradeMark Africa, organisation non lucrative d’aide au commerce financée par les agences de développement des pays développés (essentiellement d’Amérique du Nord et d’Europe) a lancé ses activités en Afrique de l’Ouest ce 30 janvier, avec comme objectif d’y faciliter le commerce. La structure, créée en 2010 et dont le siège se situe à Nairobi au Kenya, avait jusque là opéré seulement en Afrique de l’Est, où elle a aidé, à l’en croire, à fluidifier le commerce (réduction des temps de transit des marchandises, amélioration de l’efficacité des frontières et réduction des obstacles aux commerce) et à favoriser l’intégration régionale en travaillant avec les organisations intergouvernementales régionales (UA, EAC, IGAD, COMESA, SADC), ainsi que le secteur privé et la société civile. Avec une enveloppe d’environ 80 millions de dollars, TradeMark East Africa (TMEA) qui devient TradeMark Africa (TMA) en se déployant en Afrique de l’Ouest, entend soutenir le Secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et travaillera avec les organismes régionaux comme la Cedeao et ses États membres. En outre, TMA, dont le nouveau siège se situera au Ghana, « se concentrera sur le développement de corridors commerciaux numériques et verts », fait savoir l’organisation.

Journée de la souveraineté retrouvée au Mali : une leçon-modèle dispensée dans les écoles

Dans le cadre de la célébration du 14 janvier, Journée nationale de la souveraineté retrouvée en souvenir de la grande mobilisation contre « les sanctions illégales, illégitimes et inhumaines de la CEDEAO et de l’UEMOA », le ministère de la Refondation a convié l’ensemble des départements pour identifier ce qu’ils pouvaient organiser.

Le ministère de l’Éducation nationale s’est vu confier l’exécution de leçons-modèles dans l’ensemble des écoles primaires et secondaires du Mali et l’organisation de jeux-concours. « Les leçons-modèles ont été préparées pour éveiller et créer le déclic chez les enfants de la nécessité d’être conscient de son appartenance à une Nation et de l’engagement qu’il faut avoir pour répondre présent à chaque fois que notre pays est exposé à un danger », explique Kinane Ag Gadega, Secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale. Le vendredi 13 janvier 2023 est prévu pour l’exécution de cette leçon-modèle dans les classes du préscolaire, fondamental et secondaire et verra la mobilisation des hautes autorités politiques, administratives et scolaires. Pour rappel, après les sanctions infligées au Mali par la CEDEAO et l’UEMOA, les Maliens ont répondu le vendredi 14 janvier 2022 favorablement à l’appel lancé par les autorités de la Transition pour un sursaut patriotique afin de défendre la partie, la souveraineté du Mali, son intégrité, sa dignité et l’honneur des Maliens. À Bamako, une marée humaine s’était amassée sur le Boulevard de l’Indépendance. Il en a été de même dans toutes les régions du Mali pour dire non aux sanctions.