Modibo Sidibé : « La démocratie ne se décrète pas, elle s’organise et se nourrit de participation »

Président du parti Les Fare Anka Wili et du Comité stratégique du M5-RFP Malikura, Modibo Sidibé aborde les enjeux de la Transition au Mali : gouvernance, sécurité, libertés, services sociaux, intégration régionale… Il appelle à un sursaut démocratique fondé sur l’inclusivité, la responsabilité et la transparence. Propos recueillis par Massiré Diop.

Pensez-vous que les conditions actuelles permettent l’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles au Mali ?

Le mouvement de l’Appel du 31 mars, dont le M5-RFP Mali Kura est membre, s’est exprimé à ce sujet. Nous sommes dans une période transitoire qui, comme toute transition, doit impérativement aboutir à un retour à l’ordre constitutionnel à travers des élections. Cela implique un dialogue ouvert et inclusif entre les autorités, les acteurs politiques, la société civile et les forces vives du pays pour convenir d’un calendrier électoral clair, assorti de garanties sur les conditions d’organisation.

Il ne suffit pas d’organiser des élections, encore faut-il qu’elles soient crédibles, transparentes et conformes à l’esprit de la nouvelle Constitution. Cela suppose aussi une volonté politique affirmée de mettre en place les dispositifs techniques, logistiques et institutionnels adaptés. La Transition n’a de sens que si elle permet une refondation du système, une réforme du cadre électoral et un retour durable à une gouvernance démocratique.

Le M5-RFP Malikura envisage-t-il de désigner un candidat unique pour la prochaine présidentielle ?

Depuis plusieurs mois, le M5-RFP Malikura a clairement exprimé son engagement dans une troisième phase de son combat : la conquête du pouvoir à travers les urnes, pour mettre en œuvre les valeurs et objectifs du Mali Kura. Nous travaillons à la construction d’un projet politique partagé, autour duquel nous pourrons rassembler nos forces et les élargir à tous ceux qui partagent nos valeurs et notre projet. L’idée d’un candidat unique est bien actée : il  portera en toute légitimité ce projet collectif. C’est dans ce cadre que les procédures internes seront définies afin de désigner un candidat qui incarne les principes de refondation, de souveraineté et de justice sociale que nous défendons.

Quelle est votre position sur la réforme de la Charte des partis visant à réorganiser le paysage politique ?

Il est indéniable que notre système politique souffre de nombreux dysfonctionnements : prolifération de partis sans projet réel, nomadisme politique, manque d’éthique. Mais une simple réforme technique ne suffira pas. Le véritable enjeu, c’est la refondation du politique autour de quatre axes : un renouveau de la démocratie, de la gouvernance, du politique lui-même et surtout du citoyen. La classe politique doit faire son introspection, scruter les pratiques politiques négatives, afin de redonner du sens à l’engagement politique et de recentrer l’action publique sur les valeurs de servir, d’être au service, d’intérêt général et de responsabilité. Ce n’est pas tant le nombre de partis qui pose problème, mais la qualité de leur engagement. La réforme doit donc être accompagnée d’un véritable dialogue politique, d’un Code d’éthique partagé et d’une politique d’appui aux partis politiques basée sur des critères d’information et d’éducation citoyenne, de représentativité et de transparence.

S’agissant du mode de « financement » des partis politiques, le M5-RFP MaliKura propose le décrochage des recettes fiscales annuelles (0,25%) dont la hausse constante provoque une croissance automatique de l’appui aux partis sans raison aucune et de convenir plutôt d’un montant révisable périodiquement, de moduler les critères en ajoutant à l’existence légale un élu au moins et davantage d’équité dans la répartition.

La Confédération AES peut-elle, selon vous, jouer un rôle moteur dans l’intégration régionale ?

La CEDEAO est une construction régionale importante, issue d’une vision historique d’intégration ouest-africaine que les peuples ont soutenue dès les années 1990. Le Mali y a longtemps joué un rôle actif. Cela dit, les décisions récentes, notamment en matière de sanctions, ont mis en lumière ses limites et suscité de profondes interrogations. La Confédération AES, en tant qu’espace de coopération sécuritaire et politique, peut représenter une dynamique complémentaire si elle est portée par une vision stratégique claire. Mais l’objectif ne doit pas être de fragmenter la région. Il faut travailler à une CEDEAO refondée, au service des peuples, intégrant les aspirations légitimes des États membres à plus de souveraineté et d’efficacité. L’intégration régionale ne doit pas être sacrifiée mais repensée, pour devenir plus juste, plus solidaire et plus respectueuse des réalités de chaque nation.

Quels avantages concrets le Mali peut-il espérer de l’AES sur les plans économique, sécuritaire et monétaire ?

L’AES peut constituer dans la CEDEAO un pôle de stabilité et de développement, une plate-forme pertinente pour renforcer la coopération en matière de sécurité, de lutte contre le terrorisme. Elle y trouvera la profondeur stratégique utile.

La CEDEAO a engrangé des acquis importants en matière d’intégration régionale et il ne faut ni l’oublier ni vouloir en déprécier la portée. C’est le cas de la liberté de circulation au sein de l’espace communautaire, du droit d’établissement, de certains projets d’infrastructures, de corridors économiques, d’interconnexions énergétiques, d’une monnaie commune en gestation, pour ne citer que cela.

L’AES, comme pôle de stabilité et de développement, peut être un levier pour nos pays, qui partagent des défis communs en matière notamment de sécurité, de développement économique et d’aménagement du territoire. Cette alliance ne doit pas être guidée par l’isolement, mais par une vision d’intégration régionale et continentale au service des citoyens.

Comment soulager les Maliens face à la pression fiscale croissante, notamment avec les taxes sur les télécommunications ?

Nous avons exprimé notre désaccord dans un communiqué conjoint du M5-RFP Malikura et du parti YÉLÉMA, sur la taxe imposée aux usagers des télécommunications. Non seulement elle pèse lourdement sur les citoyens, déjà éprouvés, mais nous avons aussi dénoncé le fait que les fonds issus de cette taxe soient logés à la Présidence, sans mécanisme clair de transparence ni de redevabilité.

La mobilisation des ressources publiques est légitime, mais elle doit reposer sur une gouvernance éthique, équitable et responsable. C’est pourquoi nous appelons à un véritable choc de gouvernance, fondé sur l’utilité de la dépense publique, le respect du citoyen et la traçabilité des fonds collectés.

Si des sacrifices sont nécessaires, alors ils doivent être partagés et orientés vers des résultats tangibles pour la population, en matière notamment d’infrastructures économiques et d’accès aux services sociaux de base.

La crise entre le SYNABEF et EDM-SA illustre les tensions sociales dans les entreprises publiques. Quelles solutions proposez-vous pour renforcer le dialogue social ?

Le dialogue social doit être une constante, pas une option. Trop souvent, les conflits éclatent parce que les mécanismes de concertation ne sont pas respectés ou sont instrumentalisés. Il est urgent d’institutionnaliser un cadre de négociation permanent entre les syndicats, les directions d’entreprises publiques et l’État. Les partenaires sociaux doivent être considérés comme des acteurs à part entière du développement. Il faut restaurer la confiance à travers la transparence, l’écoute, la recherche de compromis durables, et, surtout, l’implication des travailleurs dans la gouvernance des entreprises. La paix sociale est un pilier de la performance économique et de la stabilité nationale.

Une Charte nationale pour la paix et la réconciliation est en cours d’élaboration. Est-il possible de bâtir une paix durable sans inclure toutes les parties prenantes ?

Une paix durable ne peut se construire sans un dialogue inclusif, franc et structuré. La méthode employée aujourd’hui pour la Charte nationale nous interpelle. Il ne suffit pas d’écrire un texte et de le proclamer au nom de la paix. Il faut construire une adhésion nationale autour des principes, des objectifs et des mécanismes de réconciliation. Le dialogue, même difficile, est la seule voie pour fonder une paix authentique. Le Mali que nous avons en commun a besoin d’une démarche qui respecte les sensibilités, implique toutes les composantes de la Nation, y compris celles qui sont critiques ou marginalisées, et s’ancre dans les principes républicains et démocratiques consacrés par notre Constitution. Nous l’avons toujours dit, il nous faut un Agenda consensuel de sortie de crise du Mali.

L’insécurité persiste malgré le renforcement des FAMAs. Quelle stratégie complémentaire proposez-vous pour restaurer la sécurité ?

Je salue d’abord les FAMAs et je rends hommage à leur bravoure, à leur engagement et aux sacrifices qu’ils consentent quotidiennement pour assurer la sécurité du territoire national et des populations maliennes, souvent au prix de leur propre vie.

La réponse à la crise ne peut pas être uniquement militaire. Il faut un véritable triptyque Sécurité, Développement et Gouvernance locale. Les populations doivent sentir la présence de l’État, non seulement à travers les forces armées, mais aussi par l’accès aux services publics, à la justice, à l’éducation et à la santé. Il faut associer les communautés aux stratégies locales de sécurité, renforcer la cohésion sociale et donner aux collectivités les moyens d’agir. Il est également essentiel de refonder notre système de défense pour l’adapter aux réalités, actuelles et futures. La sécurité durable repose sur la confiance entre l’État et les citoyens.

La lutte contre la corruption reste une priorité nationale. Qu’en pensez-vous ?

Il faut passer des discours aux actes. Faut-il rappeler ici les recommandations pertinentes des États généraux sur la Corruption et la délinquance financière? La lutte contre la corruption doit devenir une politique d’État, avec des institutions fortes, indépendantes et crédibles. Nous proposons de renforcer les organes de contrôle (BVG, OCLEI, Justice) en leur garantissant autonomie et protection, tout en instaurant un système de redevabilité citoyenne, à travers la publication systématique des rapports de gestion, de contrôle et de suivi des recommandations. Il faut aussi renforcer la formation éthique dans l’administration, instaurer des sanctions exemplaires et revoir les circuits de dépenses pour réduire les zones d’opacité. Enfin, nous militons pour l’adoption d’un Pacte de gouvernance éthique signé par tous les dirigeants publics, engageant leur responsabilité personnelle.

Face à l’immigration clandestine, notamment des jeunes, quelles réponses structurelles envisagez-vous ?

L’immigration clandestine est un drame révélateur de l’ampleur de la crise. Elle traduit l’absence de perspectives, la perte d’espoir. Quand les jeunes prennent la mer au péril de leur vie, c’est un cri. Ce que nous devons faire, c’est de recréer l’espérance ici. Cela passe par l’éducation, la formation professionnelle, l’emploi, l’inclusion économique et sociale. Il faut aussi que l’État montre qu’il est là pour eux. Si un jeune se sent utile chez lui, il ne partira pas. Il faut faire du territoire national un espace d’opportunités, pas de survie.

Si vous deviez choisir une priorité pour le Mali, laquelle serait-ce ?

La priorité, c’est de rétablir la confiance. Cela commence par une gouvernance exemplaire, un État juste, éthique et efficace. Ensuite, il faut remettre l’éducation et la santé au cœur de la République. Investir dans les services de base, les infrastructures et réorganiser notre économie pour qu’elle crée de la valeur et de l’emploi. Il faut aussi réconcilier les Maliens entre eux et avec leurs institutions. Le pays a besoin de paix, de justice et d’un projet fédérateur. C’est cette vision que je défends, dans la fidélité aux idéaux du MaliKura.

Le retrait du Mali de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) suscite le débat. Quelle est votre lecture de cette décision ?

Il faut replacer cette décision dans son contexte historique. Le Mali a été à l’initiative de la tenue à Bamako du Symposium francophone sur le bilan des pratiques démocratiques, qui a adopté la Déclaration de Bamako de 2000, qui posait les fondements démocratiques que les États membres devaient respecter. Cette déclaration engageait l’OIF à défendre la démocratie, l’État de droit et les droits de l’Homme. Bamako a abrité en 2005 les travaux d’évaluation de cette Déclaration.

L’OIF ne se résume pas au partage d’une langue, c’est aussi un cadre de coopération en matière d’éducation, de culture et d’économie.

La refondation est au cœur du discours politique. Que signifie-t-elle concrètement pour vous ?

La refondation ne peut être un simple slogan. Elle doit se traduire par des transformations concrètes dans la manière de gouverner, d’éduquer, de rendre justice, de répartir les ressources. Refonder, c’est reconstruire le contrat social entre l’État et les citoyens. Cela implique des institutions légitimes, une démocratie vivante, une économie au service du peuple. C’est aussi refonder l’éthique publique et la responsabilité individuelle. Ce n’est ni un repli identitaire ni un rejet du monde, mais une exigence de dignité, d’efficacité et de souveraineté bien assumée.

De nombreuses voix s’élèvent contre les restrictions des libertés publiques. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Il ne faut jamais perdre de vue que la Charte de la Transition, la Constitution du 22 juillet 2023 et même la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ratifiée par notre pays, affirment toutes notre engagement pour les libertés fondamentales. C’est un socle que nul ne devrait piétiner.

Aujourd’hui, nous voyons une montée des atteintes aux libertés : détentions arbitraires, restrictions à la presse, interdictions de manifestations. Cela est contraire à l’esprit même de la Transition. On ne peut pas parler de refondation démocratique tout en restreignant les droits des citoyens. Les libertés publiques sont non négociables. Elles sont le miroir de la vitalité démocratique du pays. Il ne faut jamais perdre de vue le sens du 26 mars et ses acquis. Nous appelons à leur respect strict, sans condition et à la libération des détenus d’opinion, parce que le Mali démocratique ne devrait pas en avoir.

Santé et éducation restent inégalement accessibles, surtout en zones rurales. Comment y remédier ?

L’éducation et la santé sont les deux piliers du développement humain. Des efforts ont été faits, c’est vrai, mais les inégalités persistent, notamment dans les zones rurales. Le problème, ce n’est pas seulement l’existence d’écoles ou de centres de santé, mais leur qualité, leur accessibilité et leur adéquation aux réalités locales.

Dans le domaine de la santé, nous avons trois secteurs : le public, le privé et le communautaire. Il faut les renforcer tous, avec une attention particulière au niveau primaire, souvent le parent pauvre du système. Cela passe par des moyens, des équipements, mais aussi une gouvernance rigoureuse.

Pour l’éducation, il faut une vision claire. Les enfants doivent pouvoir aller à l’école partout, apprendre dans leur langue maternelle si besoin, accéder à des formations techniques, professionnelles et universitaires. Il faut également valoriser les filières courtes, développer des instituts technologiques et ne pas avoir uniquement une vision académique classique. L’éducation doit déboucher sur des compétences utiles à la société, à l’économie, au développement local. C’est une vision intégrée, inclusive et territorialisée que nous portons.

Avec les multiples reports des élections locales et l’installation de délégations spéciales, comment garantir une gouvernance locale représentative ?

Ce qui se passe aujourd’hui est extrêmement préoccupant. Le report des élections locales à répétition et l’installation systématique de délégations spéciales nous éloignent de l’esprit républicain et démocratique de la Décentralisation. On assiste à une mise sous tutelle des collectivités, à une confiscation de la parole des citoyens.

Or la gouvernance locale, c’est le socle de la participation citoyenne. C’est là que les décisions doivent être prises, au plus proche des besoins réels. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est un affaiblissement de l’ancrage local de la démocratie, une rupture du lien de confiance entre élus et populations.

Il faut rétablir l’élection comme mode normal de désignation des responsables locaux et cesser d’improviser des solutions administratives. Il faut aussi repenser les relations entre l’État et les collectivités : redonner les compétences, transférer réellement les ressources et professionnaliser la gestion locale. La démocratie ne se décrète pas, elle s’organise, elle se nourrit de participation, d’échanges, de transparence. Il en va de la stabilité de nos territoires et de la confiance dans nos institutions.

Guinée-Bissau : Embaló joue son avenir face à l’opposition et à la CEDEAO

La Guinée-Bissau fait face à une crise politique depuis l’annonce, le 3 mars 2025, du Président Umaro Sissoco Embaló de briguer un second mandat à la présidentielle du 30 novembre 2025, alors qu’il avait promis de ne pas se représenter en septembre 2024.

La Cour Suprême a fixé la présidentielle au 4 septembre 2025, mais l’opposition affirme que le mandat d’Embaló a expiré le 27 février 2025. Initialement prévue en novembre 2024, l’élection avait été repoussée à novembre 2025 par Embaló, qui évoquait des raisons logistiques, mais ses adversaires y ont vu une manœuvre pour prolonger son pouvoir.

Le 21 février 2025, une délégation de la CEDEAO a tenté une médiation à Bissau, mais a quitté le pays le 28 février après des menaces d’Embaló, qui rejette toute ingérence au nom de la « souveraineté nationale ».

Depuis son indépendance, en 1974, la Guinée-Bissau a connu de nombreux coups d’État et Embaló lui-même a survécu à deux tentatives d’assassinat. Le 30 novembre 2023, des affrontements entre la garde nationale et la garde présidentielle avaient conduit à la dissolution du Parlement.

La CEDEAO, déjà affaiblie par le départ des États de l’Alliance des États du Sahel (AES), doit gérer la crise en Guinée-Bissau tout en faisant face à des situations complexes en Guinée et en Côte d’Ivoire, où des candidatures des Présidents en exercice sont envisagées.

Alors que l’opposition menace de paralyser le pays, la CEDEAO, l’ONU et l’Union Africaine surveillent la situation, l’avenir de la Guinée-Bissau dépendant des décisions d’Embaló et d’une armée habituée aux renversements inconstitutionnels.

La CEDEAO avait déployé l’ECOMIB de 2012 à 2020 pour stabiliser le pays après un coup d’État. Après son retrait, une nouvelle force de 600 soldats avait été envoyée en juin 2022, mais son rôle était resté limité face à l’influence des cartels de la drogue, qui avaient transformé la Guinée-Bissau en un « narco-État ».

L’AES se dote d’un drapeau : un symbole fort pour l’unité et la souveraineté au Sahel

La Confédération des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a franchi une étape importante dans son processus d’intégration régionale avec la présentation officielle de son drapeau. Cet événement a eu lieu à Bamako les 22 et 23 février 2025, lors d’une réunion ministérielle cruciale consacrée aux enjeux de défense, de sécurité, de diplomatie et de développement.

Le dévoilement du drapeau de l’AES constitue un moment historique pour les trois pays engagés dans cette initiative souverainiste. Arborant un fond vert, il porte en son centre un logo symbolisant l’unité et la résilience des peuples sahéliens. La couleur verte, souvent associée à la prospérité et à l’espoir, reflète aussi la richesse naturelle et l’ambition des États membres de bâtir une économie forte et autonome.
Ce drapeau incarne l’engagement du Burkina Faso, du Mali et du Niger à renforcer leur coopération et à s’affranchir des contraintes géopolitiques extérieures. Il traduit leur volonté de consolider une intégration sous-régionale fondée sur des valeurs communes de solidarité et d’indépendance politique.
Au-delà de la présentation du drapeau, la réunion ministérielle de Bamako a été l’occasion pour les dirigeants des trois pays de faire le point sur les avancées de la Confédération et de coordonner leurs actions face aux défis sécuritaires et économiques.
L’un des sujets centraux des discussions a été la lutte contre le terrorisme, une menace persistante dans la région. Les représentants des ministères de la Défense et de la Sécurité ont salué les succès des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) des trois États, mettant en avant les résultats obtenus par la Force unifiée de l’AES, récemment mise en place pour assurer une meilleure coordination militaire.
Les ministres ont réaffirmé leur détermination à poursuivre cette coopération sécuritaire et à intensifier les efforts pour stabiliser la région. Ils ont rendu hommage aux soldats et aux populations victimes du conflit et ont insisté sur l’importance de renforcer les moyens militaires et logistiques pour faire face aux menaces.
L’AES veut parler d’une seule voix sur les dossiers internationaux. Les ministres ont insisté sur la nécessité de renforcer les consultations politiques et diplomatiques afin de mieux défendre les intérêts de la Confédération sur la scène africaine et mondiale.
Cette approche commune vise notamment à éviter l’isolement politique et à contrer les pressions extérieures. Elle s’inscrit dans une dynamique panafricaniste qui prône une souveraineté renforcée des États du Sahel et une coopération régionale indépendante des ingérences extérieures.
Développement économique : bâtir un avenir prospère
L’un des piliers fondamentaux de cette réunion a été la question du développement économique. Les discussions ont porté sur la mise en place de projets structurants destinés à accélérer la croissance des pays membres. Parmi les initiatives envisagées figurent la création d’une banque confédérale pour financer les grands projets d’infrastructure et d’investissement, ainsi que le lancement d’une compagnie aérienne régionale visant à améliorer la connectivité entre les trois États.
Les ministres ont également abordé les stratégies visant à renforcer les infrastructures, notamment dans les secteurs de l’énergie, des mines et des transports. L’objectif est de créer un environnement économique favorable au développement des entreprises locales et à l’essor de l’industrialisation dans la région.
AES et CEDEAO : vers une nouvelle ère de relations ?
Le retrait officiel du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), acté le 28 janvier 2024, a marqué une rupture dans les relations sous-régionales. Lors de cette réunion ministérielle, les représentants des trois pays ont examiné les prochaines étapes du dialogue avec la CEDEAO.
Ils ont réaffirmé leur attachement aux valeurs de fraternité et de coopération avec les autres États de l’Afrique de l’Ouest, malgré les divergences politiques. L’AES entend mener des négociations avec la CEDEAO dans un esprit constructif, tout en préservant les intérêts de ses populations et en garantissant leur souveraineté politique et économique.
La réunion ministérielle de Bamako a permis de poser des bases solides pour l’avenir de l’AES. Elle a démontré la détermination des trois États membres à renforcer leur intégration et à consolider leur indépendance sur les plans politique, militaire et économique.
Le drapeau de la Confédération devient ainsi le symbole d’une nouvelle ère pour le Sahel, une ère marquée par la résilience, l’unité et l’ambition de bâtir une alliance régionale forte et prospère.

Niger : Cinq ans de transition et amnistie réclamée  

Les Assises Nationales pour la Refondation du Niger se sont conclues le 20 février 2025, proposant une transition d’une durée minimale de cinq ans, potentiellement renouvelable. Cette recommandation vise à permettre au Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), dirigé par le général Abdourahamane Tchiani, de restructurer les institutions politiques et sécuritaires du pays.

Parallèlement, les participants ont suggéré une amnistie pour les auteurs du coup d’État du 26 juillet 2023, qui avait renversé le président élu Mohamed Bazoum. Cette mesure inclurait également des grâces pour les militaires condamnés au cours des dix dernières années pour tentatives de déstabilisation.
Ces propositions interviennent dans un contexte où le Niger, aux côtés du Mali et du Burkina Faso, a officialisé son retrait de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) le 28 janvier 2025. Cette décision fait suite aux tensions avec l’organisation régionale, notamment après les sanctions imposées à la suite des coups d’État successifs dans ces pays. Le retrait de la CEDEAO est perçu par les autorités nigériennes comme une opportunité de mener à bien leur agenda de transition sans ingérence extérieure.
La durée prolongée de la transition et l’amnistie proposée suscitent des débats au sein de la communauté internationale et de la société civile nigérienne. Si certains estiment que ces mesures sont nécessaires pour assurer une stabilité durable et réformer en profondeur les institutions, d’autres craignent qu’elles n’entérinent la mainmise militaire sur le pouvoir et retardent le retour à un ordre constitutionnel démocratique.
Le CNSP n’a pas encore officiellement adopté ces recommandations. Leur mise en œuvre pourrait redéfinir le paysage politique du Niger et influencer les relations du pays avec ses partenaires internationaux, notamment dans le cadre de la lutte contre l’insécurité au Sahel.

Gilles Yabi : « le retrait simultané de ces pays est un coup dur porté à l’organisation, et surtout à l’intégration régionale »

Gilles Yabi, chercheur et fondateur du think tank WATHI, analyse les défis actuels en Afrique de l’Ouest. Dans cet entretien exclusif, il évoque l’avenir de la CEDEAO après le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger, la lutte contre le terrorisme sans les forces occidentales, l’impact des régimes militaires sur la sécurité, la crise sahélienne et l’immigration clandestine, ainsi que l’influence grandissante de nouveaux partenaires comme la Russie, la Chine et la Turquie.

Quel avenir pour la CEDEAO après le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger ?
La CEDEAO, après le départ de ces trois pays, reste une organisation qui regroupe 12 États membres en Afrique de l’Ouest. Parmi eux, le Nigeria représente plus de 60% du PIB régional, suivi du Ghana et de la Côte d’Ivoire, deux pays clés en termes économiques et démographiques.
On ne peut donc pas comparer le bloc de la CEDEAO, même à 12, avec celui des trois États du Sahel, car la CEDEAO demeure le bloc le plus important de la région. Cependant, le retrait simultané de ces pays est un coup dur porté à l’organisation, et surtout à l’intégration régionale.
Ces trois pays du Sahel représentent environ 20% de la population de la région et plus de la moitié de sa superficie. Leur départ fragilise la continuité géographique de l’espace ouest-africain et pourrait raviver des tensions entre États, ce que la CEDEAO vise justement à prévenir.
Aujourd’hui, les tensions sont fortes, et même si aucun affrontement direct n’a lieu, l’absence de coopération pourrait réactiver des risques de confrontation, y compris militaire.
La CEDEAO ne doit pas être perçue uniquement comme un cadre économique. Son rôle est aussi politique et sécuritaire. Elle permet d’éviter les conflits entre États et de construire des liens solides entre les populations.
Je pense qu’à nouveau, l’organisation a été affaiblie, mais c’est aussi, d’une certaine manière, une opportunité pour qu’elle fasse vraiment le bilan de son action, de son évolution, et pour qu’elle puisse se projeter dans les prochaines décennies avec tout de suite un agenda de réformes qui doit être mis en œuvre assez rapidement.
Les crises politiques des dernières années ont révélé des défaillances au sein de la CEDEAO, mais les États membres en portent la plus grande responsabilité. Les décisions sont prises par les chefs d’État, issus de leurs processus politiques internes, démocratiques ou non.
La remise en cause de l’organisation à cause des mauvaises décisions prises par certains dirigeants serait une erreur. L’intégration régionale est un projet à long terme, qui dépasse les choix de leaders momentanés.
Enfin, il faut penser à l’avenir des populations ouest-africaines. La CEDEAO doit permettre des politiques communes dans des secteurs clés comme l’agriculture, la santé, la recherche et l’éducation. Malgré un bilan imparfait, des agences spécialisées existent déjà, et elles devraient être renforcées pour répondre aux besoins réels des citoyens.
Comment les États sahéliens peuvent-ils faire face à la menace terroriste sans les forces occidentales ?
Les changements de régime ont causé une instabilité politique, ce qui nuit à la continuité des stratégies de défense. En principe, un coup d’État pourrait amener un gouvernement plus efficace, mais le manque de coordination avec des experts civils limite souvent l’impact des militaires au pouvoir.
Les armées restent au cœur des stratégies sécuritaires, même sous des régimes civils. Il n’est donc pas nécessaire d’avoir un militaire à la tête de l’État pour qu’une réponse militaire soit efficace.
Le vrai problème avec ces régimes, c’est l’absence de concertation avec d’autres expertises. Une réponse sécuritaire efficace exige une réflexion large, prenant en compte les impacts politiques, sociaux et communautaires des actions militaires.
Quels sont les effets de la crise sahélienne sur l’immigration clandestine vers l’Europe ?
Lier directement la crise sécuritaire sahélienne à l’immigration vers l’Europe serait une erreur d’analyse.
Certes, l’insécurité pousse des populations à fuir, mais elles se déplacent majoritairement à l’intérieur de leur pays ou vers des États voisins.
L’immigration vers l’Europe est davantage motivée par des raisons économiques et l’existence de réseaux migratoires. Le Sénégal et la Gambie, qui ne sont pas touchés par le terrorisme, connaissent pourtant une forte migration clandestine.
Lutter contre l’immigration irrégulière nécessite une approche plus large, qui inclut le développement économique et social.
Comment la montée en puissance de nouveaux partenaires redéfinit-elle l’équilibre géopolitique au Sahel ?
Il faut relativiser le terme « nouveaux partenaires ». La Russie et la Chine ne sont pas nouveaux dans la région.
L’Union soviétique avait des rapports très importants avec le Mali, y compris une importante coopération militaire.
La Chine est aussi présente depuis longtemps, notamment à travers ses investissements économiques et diplomatiques.
La Turquie est sans doute le partenaire qui a le plus progressé récemment. Son influence s’est renforcée en 10-15 ans, grâce à des investissements, des ouvertures d’ambassades et une industrie militaire compétitive.
Sur le plan global, le monde est devenu multipolaire. L’Afrique bénéficie de plus d’options de partenariat, mais cela ne signifie pas nécessairement une meilleure souveraineté.
Ce n’est pas parce que vous avez plus d’opportunités que vous faites nécessairement les bons choix.
Enfin, la diversification des alliances ne garantit ni la stabilité ni le développement. Sans une vision claire et une politique stratégique, ces nouvelles influences risquent d’augmenter les rivalités géopolitiques plutôt que d’apporter des solutions durables.

Gilles Yabi : « La CEDEAO doit saisir cette crise comme une opportunité de réforme »

Gilles Yabi, chercheur et fondateur de WATHI, analyse les défis actuels en Afrique de l’Ouest. Dans cet entretien exclusif, il évoque l’avenir de la CEDEAO après le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger, la lutte contre le terrorisme sans les forces occidentales, l’impact des régimes militaires sur la sécurité, la crise sahélienne et l’immigration clandestine, ainsi que l’influence croissante de nouveaux partenaires comme la Russie, la Chine et la Turquie. Propos recueillis par Massiré Diop

Quel avenir pour la CEDEAO après le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger ?

La CEDEAO reste économiquement puissante grâce à des pays comme le Nigeria, qui représente plus de 60% du PIB régional, mais son affaiblissement politique est indéniable. Ce départ compromet l’intégration régionale et accentue les tensions. Toutefois, cette crise peut être une opportunité pour réformer l’organisation et renforcer son efficacité.

Comment les États sahéliens peuvent-ils faire face à la menace terroriste sans les forces occidentales ?

L’instabilité politique causée par les coups d’État fragilise la lutte contre le terrorisme. Bien que les militaires au pouvoir promettent une meilleure réponse sécuritaire, l’absence de coordination avec des experts civils limite leur efficacité. Une stratégie intégrée, impliquant civils et militaires, est essentielle pour stabiliser durablement la région.

Les changements de régimes successifs au Sahel ont-ils renforcé ou affaibli la lutte contre le terrorisme ?

Les coups d’État perturbent la continuité des politiques sécuritaires. Si un gouvernement militaire peut théoriquement être plus efficace qu’un régime civil défaillant, la marginalisation des experts et l’absence d’une vision globale affaiblissent la réponse sécuritaire. Une gouvernance inclusive reste indispensable.

Quels sont les effets de la crise sahélienne sur l’immigration clandestine vers l’Europe ?

L’insécurité pousse les populations à se déplacer, mais majoritairement à l’intérieur de leur pays ou vers des États voisins. L’immigration vers l’Europe est surtout liée aux difficultés économiques et aux réseaux de migrants établis. Réduire ce phénomène nécessite une approche globale, au-delà des seuls enjeux sécuritaires.

Comment la montée en puissance de nouveaux partenaires redéfinit-elle l’équilibre géopolitique au Sahel ?

La Russie, la Chine et la Turquie ne sont pas de nouveaux acteurs en Afrique, mais leur influence croissante reconfigure les rapports de force. Leur présence offre des alternatives aux pays sahéliens, mais accroît aussi les rivalités géopolitiques. Sans vision stratégique propre, ces nations risquent de rester dépendantes d’intérêts étrangers plutôt que de renforcer leur souveraineté et leur développement.

AES/CEDEAO : Un tournant dans les relations régionales

Ce mercredi 29 janvier 2025 marque le premier anniversaire de l’annonce par les pays de l’AES de leur sortie de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cette date acte également le retrait officiel du Burkina Faso, du Mali et du Niger de l’organisation ouest-africaine. Cette décision, résultant d’une série de tensions politiques et sécuritaires, modifie profondément le paysage régional.

La décision des trois pays de quitter la CEDEAO est le point culminant de plusieurs mois de détérioration des relations avec l’organisation. En 2022 et 2023, la prise de pouvoir par des coups d’État a exacerbé les divergences avec l’institution régionale. La CEDEAO, traditionnellement soucieuse de défendre la stabilité démocratique, a adopté des mesures de rétorsion, allant jusqu’à imposer des sanctions économiques et diplomatiques à l’encontre des trois pays.
Le retrait de ces États est donc perçu comme une réponse directe à la pression exercée par la CEDEAO, mais aussi comme une tentative d’affirmer leur autonomie face à une organisation qu’ils estiment ne pas répondre adéquatement aux défis internes qu’ils rencontrent, notamment en matière de sécurité et de gestion politique.
Bien que ces trois pays aient cessé d’être membres de la CEDEAO, l’organisation a opté pour une approche mesurée, prévoyant une période de transition de six mois, allant du 29 janvier au 29 juillet 2025. Durant cette période, certaines dispositions restent en place pour éviter des perturbations majeures dans les échanges régionaux.
Parmi ces mesures, on trouve la reconnaissance des documents d’identité, y compris les passeports et cartes d’identité portant le logo de la CEDEAO, pour les citoyens des pays concernés. Les échanges commerciaux entre ces pays et les autres membres de la communauté continuent sous les termes du Schéma de libéralisation des échanges (SLEC). De même, les citoyens des trois pays conservent leur droit de circuler sans visa, une mesure qui permet de maintenir un minimum de fluidité dans les relations humaines et économiques au sein de la région.
Cependant, ces mesures ne sont que temporaires. Il est clair que la CEDEAO cherche à éviter une rupture totale. L’organisation a en effet souligné sa volonté de poursuivre le dialogue avec les trois pays et d’envisager des modalités de coopération futures, bien que cela dépende de l’évolution de la situation politique et sécuritaire.
Le retrait de la CEDEAO représente un défi majeur pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger, tant sur le plan économique que social. Les sanctions économiques imposées par la CEDEAO avaient déjà perturbé les échanges commerciaux et les investissements dans ces pays. Reste à savoir si la fin de la participation à l’organisation n’entraînera pas une aggravation de ces difficultés.
La suspension des programmes d’aide régionaux et des projets d’infrastructure initiés par la CEDEAO pourrait avoir des répercussions significatives, notamment dans la lutte contre l’insécurité et le terrorisme. En 2023, l’économie du Burkina Faso a enregistré une croissance modeste de 3,2 %, après une performance particulièrement faible de 1,8 % en 2022, selon la Banque Mondiale. Toutefois, cette reprise reste fragile en raison des perturbations causées par l’insécurité, qui ont entraîné environ 8 500 décès liés aux conflits en 2023. De plus, la pauvreté reste élevée, touchant 43,2 % de la population en 2021/22. La situation humanitaire reste également critique, avec plus de 2 millions de personnes déplacées et environ 2,3 millions de personnes confrontées à une insécurité alimentaire grave. En revanche, pour le Mali, les données de la Banque Mondiale montrent que l’extrême pauvreté a atteint 19,1 % en 2022, exacerbée par l’envolée des prix et la faible croissance économique. Bien que la libre circulation des personnes et des biens puisse aider à atténuer certains impacts économiques, elle ne compensera pas entièrement les effets de la suspension des programmes d’infrastructure avec des menaces sur l’accès aux marchés et le développement local.
En tout état de cause, ce retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger constitue aussi une épreuve pour la CEDEAO, une organisation qui prône l’intégration régionale et la coopération sur de nombreux fronts, y compris la sécurité, les échanges commerciaux et la gouvernance. Cette situation révèle en même temps les limites de l’influence de la CEDEAO lorsqu’elle est confrontée à des changements politiques internes significatifs dans ses États membres.
L’une des grandes interrogations réside dans la capacité de la CEDEAO à maintenir son rôle de médiateur en Afrique de l’Ouest. Le blocage actuel illustre les fractures qui existent au sein de l’organisation, entre ceux qui défendent une ligne plus autoritaire et ceux qui préconisent une approche plus conciliatrice. Si l’intégration économique demeure une priorité pour la CEDEAO, la gestion des tensions internes pourrait sérieusement compromettre la cohésion de l’ensemble.
Le retrait des trois pays de la CEDEAO pourrait marquer le début d’une nouvelle dynamique régionale. Bien que les discussions soient encore en cours, il apparaît que les pays concernés chercheront de nouvelles alliances pour compenser les impacts liés à leur retrait de la CEDEAO. Les relations avec des puissances extérieures, comme la Chine ou la Russie, pourraient se renforcer, notamment dans le domaine économique et militaire.
De son côté, la CEDEAO devra repenser sa stratégie vis-à-vis de l’AES, tout en tentant de rétablir un dialogue avec les trois pays, sans renoncer à ses principes de gouvernance démocratique. Le mois de juillet 2025 sera décisif pour déterminer si un rapprochement est possible ou si la séparation sera définitive.

Retrait du Mali : la CEDEAO propose un dialogue avant l’échéance du 29 janvier 2025

À l’approche du retrait officiel du Mali de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), prévu pour le 29 janvier 2025, l’organisation régionale a adressé, le 13 janvier, une invitation aux autorités maliennes pour des discussions techniques. Cette initiative vise à encadrer une séparation ordonnée et à limiter les impacts économiques et politiques.

La décision malienne de quitter la CEDEAO, annoncée en janvier 2024, est le fruit de relations tendues entre Bamako et l’organisation, exacerbées par des sanctions imposées après les coups d’État au Mali et au Burkina Faso. En septembre 2024, le Mali a rejoint le Burkina Faso et le Niger pour former l’Alliance des États du Sahel (AES), marquant un tournant dans la dynamique régionale.
Le Président de la Commission de la CEDEAO, Dr. Omar Alieu Touray, a souligné l’importance d’un dialogue pour discuter des modalités pratiques du retrait, notamment sur les aspects économiques et sécuritaires. Cette démarche vise également à prévenir l’émergence d’un précédent qui pourrait affaiblir l’organisation régionale.
L’AES, appuyée par le Mali, a rejeté tout report de cette décision, invoquant une volonté de souveraineté face à une CEDEAO perçue comme influencée par des intérêts extérieurs.
Le départ du Mali pourrait perturber les échanges commerciaux et la coopération sécuritaire dans une région déjà fragilisée par l’insécurité. Malgré ces défis, la proposition de dialogue de la CEDEAO représente une chance d’atténuer les impacts de cette rupture.

Renommage des espaces publics : L’absence remarquée de femmes et d’anciens dirigeants 

Le mercredi 25 décembre, les autorités ont procédé à la rebaptisation de plusieurs lieux publics emblématiques à travers le pays. Ce processus s’inscrit dans une démarche globale visant à tourner la page de l’héritage colonial tout en promouvant des figures et valeurs nationales. Parmi les espaces concernés figurent des rues, des avenues, des boulevards, des places publiques et des institutions académiques.

Dans la capitale Bamako, plusieurs lieux emblématiques ont été renommés dans le cadre d’un effort de valorisation de l’histoire nationale et de décolonisation symbolique. La Rue Faidherbe est désormais connue sous le nom de Rue Mamadou Lamine Dramé, en hommage à un résistant de renom contre la colonisation. De même, l’Avenue Ruault a été rebaptisée Avenue Capitaine Sékou Traoré, honorant un héros national de la défense de la souveraineté.

Par ailleurs, la Rue Archinard porte désormais le nom de Rue El Hadj Cheick Oumar Tall, une figure clé de la résistance anticoloniale et de la spiritualité islamique. La Rue Borgnis-Desbordes, autrefois associée à une figure coloniale, est devenue la Rue Samory Touré, en l’honneur de l’empereur ouest-africain qui a mené une lutte acharnée contre la colonisation.

Dans le cadre des grandes artères, le Boulevard Soundjata Keïta, en référence au fondateur de l’Empire du Mali, remplace la Route régionale n°9, reliant le Rond-point de Koulouba à l’entrée du Camp Soundjata Keïta à Kati. Le Boulevard Damaguilé Diawara, nommé d’après un acteur historique majeur, relie Samé au rond-point du Camp Soundjata à Kati via la Route nationale n°3.

Enfin, les places publiques ne sont pas en reste. La Place du Sommet Afrique-France a été rebaptisée Place de la Confédération des États du Sahel, marquant une nouvelle ère de coopération régionale et de souveraineté renforcée. L’Avenue CEDEAO a été renommée Avenue de l’Alliance des États du Sahel (AES), en référence à l’organisation régionale créée en 2023.

Ce changement vise à marquer une symbolique avec des institutions internationales perçues comme héritières d’une influence étrangère.

Cependant, une critique majeure s’élève : aucun des nouveaux noms ne met à l’honneur les femmes, bien qu’elles aient joué un rôle déterminant dans l’histoire du Mali. Des figures féminines telles qu’Aoua Kéita, première femme députée du Mali et militante anticolonialiste, Sira Diop, pionnière de l’éducation féminine, Inna Sissoko Cissé, première femme membre du gouvernement ou encore Mariam Travélé, Enseignante, militante pour l’indépendance et première Première Dame du Mali, épouse du président Modibo Keïta, etc. n’ont pas été intégrées au projet. Cette omission suscite des interrogations sur l’inclusivité et la reconnaissance du rôle des femmes dans la construction nationale.

Autre aspect controversé, aucun des anciens présidents élus comme Alpha Oumar Konaré (1992-2002) et Ibrahim Boubacar Keïta (2013-2020), n’a été honoré. Leur exclusion des nouvelles dénominations étonne, étant donné leur contribution respective à l’histoire contemporaine du Mali. Alpha Oumar Konaré, premier président démocratiquement élu, est reconnu pour ses efforts de réforme institutionnelle et culturelle. Ibrahim Boubacar Keïta, malgré les critiques, reste associé à des avancées économiques et diplomatiques durant son mandat.

Un débat national en cours

Le processus de débaptisation a relancé le débat sur l’équilibre à trouver entre mémoire historique, souveraineté nationale et inclusivité. Si la démarche est saluée par certains comme une étape importante de décolonisation, d’autres critiquent une approche jugée incomplète. Des voix s’élèvent pour réclamer une seconde phase intégrant des femmes et des figures politiques contemporaines, afin de refléter la diversité et la richesse de l’histoire malienne.

Ce projet de renommage pourrait s’étendre à d’autres villes du pays, comme Tombouctou, Gao ou Kidal, où des figures locales attendent également une reconnaissance nationale. Cependant, pour éviter les critiques persistantes, les autorités devront faire preuve d’une plus grande inclusivité, notamment en intégrant des figures féminines et contemporaines dans leur démarche.

 

Sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO : l’ONU alerte sur un risque pour la démocratie en Afrique de l’Ouest

Depuis l’annonce, le 28 janvier 2024, du retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les développements se sont accélérés, suscitant de vives préoccupations quant à l’avenir de la démocratie et de la stabilité dans la région.

Le 13 décembre 2024, les autorités militaires des trois pays ont réaffirmé le caractère « irréversible » de leur décision de quitter la CEDEAO, malgré les tentatives de médiation de l’organisation régionale.
En réponse, lors du sommet du 15 décembre 2024 à Abuja, la CEDEAO a pris acte de cette décision et a établi une période de transition du 29 janvier au 29 juillet 2025 pour formaliser le départ des trois États.
L’Organisation des Nations Unies (ONU) et plusieurs acteurs internationaux ont exprimé leur préoccupation face à cette situation, craignant une déstabilisation de la région et une remise en cause des efforts prodémocratiques. Des craintes subsistent quant au fait que le retrait de ces pays puisse affaiblir les mécanismes régionaux de promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, qui sont essentiels pour la stabilité de l’Afrique de l’Ouest.
Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO pose un défi majeur aux initiatives prodémocratiques de l’organisation. La CEDEAO, qui a joué un rôle clé dans la promotion de la démocratie et la prévention des coups d’État dans la région, voit son influence potentiellement diminuée. Les programmes visant à renforcer la gouvernance démocratique, les droits de l’homme et l’État de droit pourraient être entravés par l’absence de ces États membres.
Perspectives d’avenir
Face à cette situation, l’ONU et d’autres partenaires internationaux appellent au dialogue entre la CEDEAO et les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) afin de trouver des solutions consensuelles. L’objectif est de préserver les acquis démocratiques dans la région et d’assurer une coopération efficace contre les défis communs, notamment le terrorisme et l’insécurité.
C’est ainsi que des appels ont été lancés aux acteurs régionaux et internationaux pour qu’ils travaillent ensemble au renforcement des mécanismes de gouvernance démocratique et évitent une érosion des progrès réalisés au cours des dernières décennies en Afrique de l’Ouest. Le maintien de la stabilité et de la démocratie dans la région dépendra de la capacité des parties prenantes à surmonter ces défis par le dialogue et la coopération.

AES vs CEDEAO : Refus du délai, alerte maximale et rappel des tensions au Sommet d’Abuja

Ce dimanche 22 décembre 2024, le Collège des Chefs d’État de la Confédération des États du Sahel (AES) a diffusé un communiqué ferme et sans concession, lu au journal de 20 heures sur la télévision nationale malienne. Cette déclaration, portée par le Général Assimi Goïta, président de l’AES, rejette catégoriquement la proposition de la CEDEAO de prolonger de six mois le retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger.

Selon l’AES, cette décision est perçue comme une « tentative de déstabilisation orchestrée par des puissances néocoloniales, notamment la France, appuyées par certains États membres de la CEDEAO ». En réponse, l’AES a décrété une mise en alerte maximale de ses forces de défense et de sécurité et a appelé à la vigilance accrue des populations.

Le sommet extraordinaire de la CEDEAO, tenu le 15 décembre 2024 à Abuja, avait marqué une étape clé dans la gestion des relations tendues avec les trois pays membres de l’AES. Lors de cette rencontre, les chefs d’État de la CEDEAO ont décidé d’acter le retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger, prévu initialement pour le 29 janvier 2024, tout en proposant une période de six mois supplémentaires, jusqu’en juillet 2024, pour définir les modalités pratiques de ce départ. Cette décision visait à explorer une éventuelle réintégration de ces États tout en permettant à la CEDEAO de mieux préparer la transition, notamment à travers la délocalisation de ses bureaux et la réorganisation institutionnelle. Toutefois, cette proposition a été rejetée catégoriquement par l’AES.
Dans son communiqué, l’AES a réaffirmé le caractère irréversible et immédiat du retrait de ses membres de la CEDEAO, qualifiant la prolongation de six mois de « tentative dilatoire ». Selon les dirigeants de l’AES, cette décision aurait pour but de permettre aux puissances étrangères, notamment la France, de renforcer des stratégies de déstabilisation dans la région. L’AES accuse également certains dirigeants de la CEDEAO d’être manipulés par des agendas étrangers, sapant ainsi les efforts de souveraineté et d’intégration régionale que la Confédération des États du Sahel entend incarner.
En réponse à cette situation, l’AES a pris des décisions sécuritaires d’envergure. Les forces armées des trois pays membres ont été placées en état d’alerte maximale pour contrer toute menace, qu’elle soit interne ou externe. L’AES a également annoncé la mise en place d’un théâtre unique d’opérations militaires couvrant l’ensemble de l’espace confédéral, ce qui permet une coordination renforcée face aux défis sécuritaires communs, tout en maintenant les opérations militaires nationales. Par ailleurs, un appel a été lancé aux populations pour redoubler de vigilance et collaborer étroitement avec les forces de sécurité. Elles sont invitées à signaler tout comportement suspect et à rejeter catégoriquement toute tentative d’enrôlement dans des groupes terroristes.
Le communiqué de l’AES accuse ouvertement la France de dissimuler ses ambitions néocoloniales derrière la fermeture apparente de certaines bases militaires. Selon l’AES, ces bases seraient remplacées par des dispositifs plus discrets mais tout aussi opérationnels. L’AES dénonce également un soutien logistique et financier apporté à des groupes armés dans des zones frontalières sensibles, notamment entre le Niger et le Nigeria, le Niger et le Bénin, ainsi que le Burkina Faso et le Bénin. Ces activités viseraient à alimenter une instabilité régionale, compromettant ainsi les efforts sécuritaires de l’AES.
Incident diplomatique entre le Niger et le Nigeria
La situation s’est également tendue sur le plan diplomatique, notamment entre le Niger et le Nigeria. Récemment, le ministre des Affaires étrangères du Niger a convoqué la chargée d’affaires de l’ambassade du Nigeria à Niamey pour protester contre l’installation présumée de bases militaires étrangères à la frontière entre les deux pays. L’AES soupçonne que ces installations pourraient servir de plateforme pour des actions visant à déstabiliser la région et compromettre la souveraineté du Niger.
Les tensions entre l’AES et la CEDEAO démontrent des divergences profondes sur les questions de souveraineté et de gouvernance régionale. Alors que la CEDEAO cherche à préserver son intégrité et son influence dans la région, l’AES entend s’affirmer comme une entité souveraine et indépendante, rejetant toute ingérence étrangère. Toutefois, cette crise risque d’avoir des répercussions majeures sur la stabilité régionale, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires.
À l’approche de l’échéance de janvier 2025, les tensions entre l’AES et la CEDEAO semblent s’aggraver, laissant peu de place à un compromis. L’AES, forte de sa dynamique souverainiste, devra relever des défis sécuritaires et diplomatiques de taille, tandis que la CEDEAO devra ajuster ses stratégies pour éviter une escalade régionale. La stabilité et la paix au Sahel restent suspendues à l’issue de cette confrontation entre deux visions diamétralement opposées de l’avenir de la région.

CEDEAO – AES : Une période transitoire pour éviter le divorce ?

À l’issue de la 66ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO, tenue à Abuja le 15 décembre 2024, l’organisation a décidé d’octroyer une période de transition supplémentaire de six mois avant d’acter définitivement le retrait des pays de l’AES.

Bien que le divorce semble inévitable entre les deux organisations, la CEDEAO laisse ses portes ouvertes à un retour en son sein du Burkina Faso, du Mali et du Niger, tout en examinant les modalités de leur départ.

Dans le communiqué final de ce 66ème sommet, la CEDEAO indique avoir pris note de la notification par la République du Mali, la République du Niger et le Burkina Faso de leur décision de se retirer de l’organisation. Elle reconnaît que, conformément aux dispositions de l’article 91 du Traité révisé de 1993, les trois pays cesseront officiellement d’être membres de la CEDEAO à partir du 29 janvier 2025.

Cependant, la note précise que « la Conférence décide de fixer la période du 29 janvier au 29 juillet 2025 comme période de transition au cours de laquelle les portes de la CEDEAO resteront ouvertes au retour des trois pays ».

Pendant cette période, la Commission de la CEDEAO devra gérer la situation des salariés contractuels de l’organisation originaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger, tout en préparant le déménagement des différentes agences communautaires dont les sièges sont situés dans ces trois États, membres fondateurs de la communauté ouest-africaine.

Une session extraordinaire du Conseil des ministres de la CEDEAO se tiendra également au cours du deuxième trimestre 2025 pour examiner et adopter à la fois les modalités de séparation et le plan de contingence couvrant les relations politiques et économiques entre la CEDEAO et les trois pays de la Confédération des États du Sahel.

Ultime médiation

Parallèlement à la finalisation du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger, la CEDEAO continuera de dialoguer avec les dirigeants de ces trois pays pour tenter de les convaincre de revenir sur leur décision de quitter le bloc sous-régional.

Le sommet du 15 décembre a décidé de proroger le mandat des Présidents sénégalais et togolais, Bassirou Diomaye Dhiakar Faye et Faure Essozimna Gnassingbé, « pour poursuivre leur médiation jusqu’à la fin de la période de transition, en vue du retour des trois pays ».

Selon la Présidence sénégalaise, le Président Faye devrait effectuer une visite dans les prochaines semaines dans les trois pays pour « poursuivre le dialogue diplomatique en vue de leur réintégration ». Bassirou Diomaye Dhiakar Faye s’était déjà rendu au Mali et au Burkina Faso le 30 mai dernier.

Cependant, l’hypothèse d’un retour des trois pays membres de l’AES au sein de la CEDEAO semble peu probable. Réunis à Niamey le 13 décembre dernier pour débattre de la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace AES, les ministres des Affaires étrangères des trois pays ont réaffirmé le caractère irréversible de leur décision de quitter la CEDEAO.

La période supplémentaire de dialogue entre les médiateurs de la CEDEAO et les dirigeants des pays de l’AES pourrait-elle aboutir à une réconciliation entre les deux blocs ? « Rien n’est exclu. Les lignes peuvent encore bouger, mais, au vu de la situation actuelle, il sera très difficile pour les médiateurs de la CEDEAO de convaincre les chefs d’État de l’AES de retourner au sein de l’organisation ouest-africaine. Je pense qu’il faudrait plutôt discuter des modalités de ce retrait et surtout de la cohabitation future entre la CEDEAO et l’AES », répond Ibrahim Sidibé, analyste politique.

Dr Amidou Tidiani, enseignant-chercheur à l’Université Paris-13, partage cet avis. Selon lui, il est très peu probable que le Mali, le Niger et le Burkina Faso, avec leurs autorités actuelles, décident de revenir au sein de la CEDEAO. « Encore plus si la CEDEAO s’inscrit dans une dynamique purement politique, elle n’obtiendra pas de fléchissement de la part des pays de l’AES », conclut-il.

Mohamed Kenouvi

66e sommet de la CEDEAO : un délai de six mois accordé aux pays membres de l’AES pour finaliser leur retrait

Lors du 66ᵉ sommet ordinaire tenu le 15 décembre 2024 à Abuja, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a approuvé le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger, membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), en fixant une période de transition du 29 janvier au 29 juillet 2025.

Cette décision fait suite à l’annonce, en janvier 2024, par les trois pays de leur intention de quitter la CEDEAO, accusant l’organisation de sanctions « inhumaines et irresponsables » et d’inaction face à leurs crises sécuritaires internes.
La période transitoire vise à permettre une évaluation approfondie de la situation des employés de la CEDEAO présents dans ces pays. De plus, il va falloir aussi organiser le transfert des sièges et bureaux de l’organisation situés sur leurs territoires.
La Conférence des chefs d’État a mandaté le Conseil des Ministres pour convoquer une session extraordinaire au deuxième trimestre de 2025 afin d’examiner et adopter les modalités de départ, ainsi qu’un plan d’urgence concernant les relations politiques et économiques avec ces trois nations.
Les ministres des Affaires étrangères du Mali, du Burkina Faso et du Niger, réunis la veille du sommet, ont réaffirmé le caractère irréversible de leur décision de retrait de la CEDEAO.
Par ailleurs, le Collège des chefs d’État de l’AES a annoncé que les ressortissants de la CEDEAO pourront entrer, résider et exercer des activités au sein de l’espace AES sans nécessiter de visa, témoignant ainsi de leur volonté de maintenir des liens avec les populations de la région.
Le retrait de ces trois pays, confrontés à des défis sécuritaires majeurs liés à des insurrections djihadistes, soulève des préoccupations quant à l’avenir de la coopération régionale en matière de sécurité et d’économie.
La CEDEAO, créée en 1975, a pour mission de promouvoir l’intégration économique et politique en Afrique de l’Ouest.
Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger pourrait fragiliser les acquis de l’organisation, notamment en ce qui concerne la libre circulation des personnes et des biens, ainsi que les efforts conjoints de lutte contre le terrorisme.
Perspectives d’avenir
La période transitoire offre une opportunité aux deux parties de définir les modalités précises du retrait et d’explorer de nouveaux cadres de coopération.

Ibrahim Maïga, Conseiller principal pour le Sahel à l’ICG : « Le souverainisme répond à un double mécontentement populaire »

Alors que la CEDEAO se prépare à un sommet décisif le 15 décembre 2024 pour discuter du retrait annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger, Ibrahim Maïga, Conseiller principal pour le Sahel à l’International Crisis Group (ICG), analyse les dynamiques du souverainisme malien, son impact sur la jeunesse et les défis régionaux. 

Quels éléments expliquent le choix souverainiste des autorités maliennes après le double coup d’État ?

Deux raisons-clés motivent ce tournant souverainiste. D’abord, les autorités maliennes ont adopté cette posture comme un moyen de renforcer leur légitimité et de résister aux pressions extérieures, notamment après un second coup d’État en moins de neuf mois. Ensuite, ce souverainisme répond à un double mécontentement populaire. D’une part, face à des élites politiques nationales jugées corrompues et inefficaces. D’autre part, en réaction aux forces internationales, qui, depuis 2013, n’ont pas réussi à endiguer la dégradation sécuritaire marquée par l’expansion des groupes jihadistes.

 

Comment le discours souverainiste est-il perçu par la jeunesse malienne ?

Le souverainisme bénéficie d’une large adhésion parmi les jeunes Maliens, notamment grâce à l’essor d’Internet et des réseaux sociaux. Depuis la fin des années 2010, ces canaux ont permis de diffuser ces idées et de renforcer leur popularité. Cependant, la situation économique actuelle, marquée par une crise énergétique sans précédent et un chômage élevé, fragilise cette adhésion. Les frustrations liées au manque d’opportunités économiques remettent en question l’efficacité des politiques des autorités souverainistes, surtout auprès de cette frange de la population.

Quelles sont les attentes pour le sommet de la CEDEAO, prévu le 15 décembre prochain, concernant le retrait du Mali et des autres pays de l’AES ?

Le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO constitue un défi majeur pour l’intégration régionale. Cette décision aura des répercussions sécuritaires, politiques et économiques, bien qu’il soit difficile de les évaluer à ce stade. Une possibilité pour le sommet serait d’envisager une prorogation du délai de retrait, initialement fixé au 29 janvier 2025. Cette prolongation offrirait une opportunité de négocier une séparation en douceur afin d’atténuer ses impacts sur les populations ou même solution ambitieuse : ramener les Etats de l’AES à faire marche arrière.

 

La montée du souverainisme s’accompagne-t-elle de dérives ?

Oui, on observe un rétrécissement de l’espace civique sous prétexte de défendre l’intérêt national. Certains perçoivent ce durcissement comme une tentative des autorités de renforcer leur contrôle et de conserver le pouvoir. Cependant, il est important de noter que la popularité actuelle du régime ne signifie pas un rejet des principes démocratiques par les Maliens. Elle traduit plutôt une désillusion envers les régimes précédents, accusés d’avoir échoué à répondre aux aspirations populaires.

 

L’ICG insiste sur l’importance d’un dialogue politique inclusif au Mali. Pourquoi est-ce crucial ?

Les autorités maliennes devraient adopter un souverainisme plus ouvert et plus inclusif. Le pays traverse une crise multiforme qui ne peut être résolue sans un consensus national impliquant tous les segments de la société. En l’absence de ce dialogue, les divisions internes risquent de s’aggraver, rendant encore plus complexe la résolution des problèmes sécuritaires et économiques. De manière concrète, les autorités de transition doivent saisir l’opportunité de l’élaboration d’une charte pour la paix, l’une des recommandations issues du dialogue intermalien de mai 2024, pour apaiser le climat politique et relancer des pourparlers avec les forces belligérantes.

 

Un dernier mot sur les défis régionaux et le rôle de la CEDEAO ?

La CEDEAO est à un moment charnière de son histoire. Elle doit trouver un équilibre entre fermeté et diplomatie pour gérer la crise actuelle. Le sommet du 15 décembre sera crucial pour redéfinir ses relations avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Si l’organisation parvient à préserver son unité tout en répondant aux aspirations souverainistes de ces États, elle pourra non seulement renforcer son rôle régional, mais aussi démontrer sa capacité à concilier stabilité, sécurité et respect des souverainetés nationales.

CEDEAO : Préserver l’unité régionale face au défi du retrait des membres de l’AES

À deux jours du sommet du 15 décembre 2024, la CEDEAO fait face à un défi historique. Lequel consiste à gérer le retrait annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger, prévu pour janvier 2025.

Si la situation met en péril la cohésion régionale, elle offre aussi une opportunité d’explorer des solutions diplomatiques pour maintenir l’intégrité de l’organisation et éviter une désintégration aux conséquences multiples et incertaines.
Le Parlement de la CEDEAO a lancé un signal fort lors de sa réunion du 11 décembre 2024. Tout en adoptant un avis favorable au budget communautaire, il a demandé une mesure extraordinaire à savoir la prorogation du délai de retrait des trois pays. Prévu pour le 29 janvier 2025, ce retrait pourrait entraîner une fragmentation majeure de l’organisation régionale.
Les parlementaires souhaitent ainsi offrir une nouvelle chance à des négociations constructives. L’objectif est de préserver l’unité de la CEDEAO et éviter un affaiblissement de son rôle dans la résolution des défis transnationaux, tels que la sécurité, la migration et le développement économique.
Le président nigérian Bola Tinubu, président en exercice de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO, a mis en avant une approche diplomatique et pragmatique pour gérer cette crise. Lors de sa récente rencontre avec le président allemand Frank-Walter Steinmeier, il a réaffirmé que le bien-être des populations du Mali, du Burkina Faso et du Niger reste une priorité absolue.
Cependant, il a aussi souligné les défis rencontrés. Pour lui, les autorités de ces trois pays ont jusqu’à présent refusé de soumettre des calendriers précis pour leurs transitions politiques. Cette situation limite les marges de manœuvre de la CEDEAO et nécessite une réévaluation constante des stratégies à adopter.
Pour la CEDEAO, plusieurs enjeux majeurs se dessinent face à cette nouvelle donne. Le retrait des trois pays pourrait affaiblir la CEDEAO et remettre en question sa capacité à promouvoir l’intégration régionale. Une telle désintégration risquerait d’accentuer les divergences entre États membres. Aussi, ces trois pays jouent un rôle important dans la lutte contre les groupes armés au Sahel. Leur retrait compromettrait la coordination régionale dans la lutte contre le terrorisme, un problème qui dépasse leurs frontières nationales. Par ailleurs, ce retrait conjugué au contexte pourrait aggraver les disparités économiques dans la région, impactant à la fois leurs populations et leurs voisins. Cette crise constitue ainsi un véritable test pour la CEDEAO dans la mesure où elle est appelée à réussir à réintégrer ces pays sans compromettre ses principes démocratiques renforcerait sa crédibilité internationale.
Un sommet sous haute tension
Le sommet du 15 décembre 2024 sera un moment décisif. Les chefs d’État devront s’accorder sur une stratégie commune pour gérer cette crise sans précédent. Parmi les options sur la table figure la prorogation du délai de retrait, qui offrirait un cadre temporel pour des négociations approfondies. Toutefois, cette mesure ne sera utile que si elle est accompagnée d’un engagement clair des trois pays concernés à définir des plans de transition politique crédibles et assortis d’échéances.

Retrait de la CEDEAO : L’AES face à la pression internationale

Alors que la fin de l’échéance pour le retrait effectif du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO approche à grands pas, la médiation de la dernière chance tentée par la communauté sous-régionale se prépare. En attendant son issue, l’Union africaine et les Nations unies, dans une moindre mesure, maintiennent une certaine pression sur les dirigeants de la Confédération de l’AES. 

La médiation annoncée par la CEDEAO à l’issue de son sommet du 7 juillet 2024 pour dialoguer avec les pays de l’AES, qui avaient annoncé fin janvier leur retrait de l’institution sous-régionale, n’est pas encore entrée dans sa phase active.

Désigné facilitateur, aux côtés du Président Faure Gnassingbé, par ses pairs de la CEDEAO, le Président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a indiqué le 13 juillet dernier qu’il allait se rendre, sans préciser de date, chez son homologue togolais pour « définir ensemble les voies et moyens pour trouver au moins une plage de discussion » avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Bassirou Diomaye Faye, qui s’exprimait lors d’une interview avec la presse nationale à l’occasion de ses 100 jours au pouvoir, ne se « fait pas d’illusions » et ira chez ses homologues de la Confédération AES « avec beaucoup d’humilité ».

« J’ai eu la chance ou la malchance de ne pas être là quand les sanctions étaient prises par la CEDEAO contre les États de l’AES.  Ces États ne me regardent pas comme quelqu’un qui était parmi ceux qui les ont sanctionnés, donc ils ont une facilité à me parler plus qu’ils ne peuvent en avoir pour les autres. C’est un atout qu’il faut mettre au service de la communauté pour faire en sorte que la réconciliation renforce l’objectif d’intégration », a souligné par ailleurs le Président sénégalais.

« Inacceptable pour l’UA »

Lors de son allocution d’ouverture du 65ème Sommet de la CEDEAO, le 7 juillet à Abuja, le Président de la Commission de l’institution ouest africaine, Omar Alieu Touray, avait mis en garde les pays de la Confédération de l’AES sur les éventuelles conséquences négatives qui pourraient découler de leur retrait du bloc sous-régional. Une sorte d’intimidation envers eux, selon certains analystes. Le Chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, avait d’ailleurs dénoncé cette démarche comme une tentative de retournement des populations contre les dirigeants de l’AES.

« Le retrait des 3 pays de la CEDEAO est inacceptable pour l’Union africaine et nous croyons en une seule CEDEAO », avait déclaré de son côté le représentant de l’Union africaine à ce sommet, Bankole Adeoye, Commissaire en charge des Affaires politiques, paix et sécurité. Ces propos ont provoqué le courroux des États de l’AES, que les ministres des Affaires étrangères ont souligné dans une déclaration commune en date du 11 juillet 2024.

« Les ministres des Affaires étrangères de la Confédération des États du Sahel désapprouvent et condamnent avec la dernière rigueur cette attitude, contraire au devoir de réserve et à l’obligation d’impartialité qui incombe à tout fonctionnaire d’une organisation intergouvernementale », ont-ils répliqué.

L’ONU pour l’unité régionale

Le 12 juillet, le Chef du Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Représentant spécial du Secrétaire général, Leonardo Santos Simão, a également appelé à la préservation de l’unité régionale en Afrique de l’ouest, tout en s’inquiétant de la réduction de la participation des pays de l’AES aux mécanismes régionaux de coopération en matière de sécurité.

« La position de L’Union Africaine, comme celle des Nations Unies, se comprend. Ce sont des réactions tout à fait normales dans le sens où c’est l’architecture même des organismes internationaux qui est ainsi faite », estime l’analyste en stratégie internationale et ancien ambassadeur du Mali en Turquie Birahim Soumaré.

« En dehors d’un compromis avec la CEDEAO, j’ai bien peur qu’il y ait une sorte d’isolement qui s’installe au niveau des pays de l’AES par rapport aux organisations internationales, tant au niveau de l’Union Africaine que du Système des Nations Unies », craint l’ancien diplomate.

Le ton est tout autre chez le Premier ministre burkinabé. Dans une intervention, le 10 juillet lors d’une rencontre avec les Directeurs régionaux des Nations Unies, Dr. Apollinaire Joachimson Kyélem de Tambèla a déclaré que son pays (membre de l’AES) n’hésiterait pas à quitter l’Union africaine et l’ONU si elles se comportaient comme la CEDEAO.

AES – CEDEAO : l’inévitable divorce

L’adoption le 6 juillet 2024 à Niamey du traité instituant la Confédération « Alliance des États du Sahel », regroupant le Burkina Faso, le Mali et le Niger, lors du 1er sommet des Chefs d’États de l’Alliance, marque une étape décisive dans la séparation des trois pays d’avec la CEDEAO. Même si le bloc sous-régional ouest-africain s’active toujours pour leur retour au sein de la Communauté, le divorce entre les deux entités semble de plus en plus inévitable et pourrait bouleverser les dynamiques d’intégration politique et institutionnelle en Afrique de l’ouest.

C’était attendu depuis quelques mois. Le 1er sommet des Chefs d’États des pays membres de l’Alliance des États du Sahel, tenu à Niamey le 6 juillet, a consacré la naissance de la Confédération « AES » entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, après la volonté commune des trois pays, en septembre 2023, de mettre en place une architecture de défense collective.

« Les Chefs d’États ont décidé de franchir une étape supplémentaire vers une intégration plus poussée entre les pays membres. À cet effet, ils ont adopté le traité instituant une Confédération entre le Burkina Faso, la République du Mali et la République du Niger, dénommée Confédération « Alliance des États du Sahel », en abrégé Confédération AES », indique le communiqué final du sommet.

Outre la concrétisation de la Confédération, les trois chefs d’États, le Capitaine Ibrahim Traoré, le Colonel Assimi Goïta et le Général Abdourahamane Tiani, ont souligné la nécessité d’une coordination de l’action diplomatique ainsi que l’importance de parler d’une seule voix et celle de mutualiser leurs moyens en vue de mettre en place des projets structurants et intégrateurs dans des secteurs stratégiques, tels qu’entre autres l’agriculture et la sécurité alimentaire, l’énergie et les mines, la communication et les télécommunications, ainsi que l’éducation et la formation professionnelle. Ils ont par ailleurs décidé de la création d’une Banque d’investissement de l’AES et de la mise en place d’un fonds de stabilisation.

Rupture presque consommée

Alors qu’en parallèle au sommet des Chefs d’États des pays membres de l’AES le 65ème sommet ordinaire des Chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO, tenu le 7 juillet 2024 à Abuja, aurait pu définitivement prendre acte du retrait annoncé des pays de l’AES, les dirigeants de l’institution ouest-africaine ont décidé de poursuivre la dynamique de discussion avec les trois pays concernés en vue d’éviter leur départ du bloc sous-régional.

En reconnaissant le « manque de progrès dans les interactions avec les autorités des trois pays », la Conférence des Chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO a décidé d’entamer une « approche plus vigoureuse » et a désigné le Président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, en collaboration avec son homologue togolais Faure Gnassingbé, comme facilitateur de la CEDEAO dans les discussions de la Communauté avec l’AES.

Pour Bassirou Diomaye Faye, qui avait déjà rencontré les Présidents de transition Goïta et Traoré lors de sa visite au Mali et au Burkina Faso le 30 mai dernier, le retrait des pays de l’AES de la CEDEAO serait « le pire des scénarios et une grande blessure au panafricanisme que les pères fondateurs nous ont légué et que nous avons la responsabilité historique de sauvegarder et de transmettre aux générations futures ».

Mais si le Président sénégalais affiche son optimisme par rapport à un rapprochement des positions d’ici la fin du délai du « préavis » de retrait, la plupart des analystes jugent infimes les chances d’un retour des pays de l’AES au sein de la CEDEAO. D’ailleurs, pour les militaires aux commandes de la Confédération AES, comme souligné pendant les prises de paroles et consigné dans le communiqué final, le retrait de la CEDEAO est « irrévocable et sans délai ».

« Par rapport à la CEDEAO, nos Chefs d’États ont été très clairs à Niamey en indiquant que le retrait des trois pays de la CEDEAO est irrévocable et qu’à partir de cet instant nous devons cesser de regarder dans le rétroviseur », a clamé lundi à la télévision nationale le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop.

Selon Boubacar Bocoum, analyste politique au Centre d’études stratégiques Sénè, la voie prise par les dirigeants des pays de l’AES est un chemin de non-retour, parce que, soutient-il, la CEDEAO a été arrogante envers ces trois pays et a montré son incapacité à aller vers un une intégration économique.

« Nous ne sommes pas isolés, ni sortis de l’esprit de fédéralisme et de solidarité entre les peuples prônés par les pères fondateurs de la CEDEAO. L’AES, au contraire, est l’embryon d’une nouvelle CEDEAO, propulseuse des États Unis d’Afrique », affirme-t-il.

Quelle cohabitation ?

Si les dirigeants de l’AES et de la CEDEAO sont loin d’un compromis pouvant permettre un maintien du Burkina Faso, du Mali et du Niger dans la communauté sous-régionale ouest africaine, ils sont conscients, d’un côté comme de l’autre, de la nécessité d’une cohabitation pacifique entre deux blocs partageant le même espace géographique.

« Nous restons ouverts à un travail avec nos voisins et d’autres organisations, avec lesquelles nous partageons cet espace et avec lesquelles nous sommes condamnés à vivre. Nous allons devoir maintenir les discussions avec les autres pour avancer », a déclaré le ministre Abdoulaye Diop. « Dans tous les cas, dans un processus d’intégration, il y a des gains et des pertes pour tout le monde. Mais nous devons travailler à en minimiser l’impact pour nos populations et c’est à cela que s’attèlent nos autorités », a assuré le Chef de la diplomatie malienne.

La Conférence des Chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO, parallèlement à la mission de facilitation assignée au Président Diomaye Faye, qui sera épaulé par le Président Faure Gnassingbé, se prépare aussi au changement de nature des relations de l’institution avec les pays membres de la Confédération AES après l’effectivité de leur retrait, en janvier 2025. Ainsi, les dirigeants ouest-africains ont demandé à la Commission d’élaborer un plan d’urgence prospectif à leur intention pour « faire face à toutes les éventualités dans les relations avec les pays de l’AES », en tenant compte des exigences de l’article 91 du Traité révisé de la CEDEAO de 1993.

Parmi les conséquences du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO, le Président de la Commission de la CEDEAO, Omar  Alieu Touray, avait  évoqué, lors de l’ouverture du sommet d’Abuja du 7 juillet, l’éventualité pour les ressortissants des trois pays de devoir mener des démarches en vue de l’obtention d’un visa avant de voyager dans la sous-région et la fin pour eux du bénéfice des facilités de la CEDEAO pour résider ou créer librement des entreprises dans les différents pays où ils seraient alors soumis à diverses lois nationales.

Pour l’analyste Ousmane Bamba, modérateur du « Forum du Kenoudougou », de telles mesures, si elles venaient à être prises par les pays de la CEDEAO, vont entraîner de facto le principe de réciprocité du côté des pays de la Confédération AES.

« On peut divorcer en sauvant les meubles. Nous avons intérêt à nous entendre », glisse-t-il, prenant l’exemple sur l’importance de l’espace aérien de l’AES pour les vols de la sous-région vers l’Europe, dont l’imposition d’un contournement entraînerait un véritable renchérissement des billets d’avion.

Le sociologue Bréhima Ely Dicko souligne pour sa part la nécessité d’aller vers des accords en termes de relecture du protocole de libre circulation des personnes et des biens de la CEDEAO, 84% des Maliens vivant à l’étranger étant installés dans les pays de la CEDEAO. « Si nous sortons de la CEDEAO, il faut aller vers des accords avec les pays membres pour que nos populations qui résident dans ces pays ne soient pas victimes des mesures que la CEDEAO pourrait être amenée à prendre », alerte-t-il.

CEDEAO : quelles chances pour un retour des pays de l’AES ?

Les appels du pied et les initiatives pour ramener le Burkina Faso, le Mali et le Niger dans la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se multiplient depuis un moment. Alors que les trois pays, qui ont annoncé leur départ du bloc sous-régional fin janvier, sont pleinement tournés vers la création de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel, un retour dans la CEDEAO est-il envisageable ?

La CEDEAO est visiblement décidée à tout mettre en œuvre pour ne pas laisser s’en aller le Burkina Faso, le Mali et le Niger de la communauté sous-régionale. D’ailleurs, dès l’annonce du retrait des trois pays, le 29 janvier 2024, l’institution ouest africaine a affiché son intention de privilégier le dialogue avec les pays concernés pour parvenir à un compromis.

À l’issue de la deuxième Session extraordinaire du Parlement de la CEDEAO de l’année 2024, tenue du 20 au 25 mai dernier à Kano, au Nigéria, il a été décidé  de la création d’une Commission ad hoc de facilitation, de médiation et de réconciliation pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Objectif, « trouver des compromis entre les États membres désireux de quitter la CEDEAO et les instances dirigeantes de la Communauté ».

« Je ne pense pas que cette commission pourra faire des miracles parce que tant que les questions sécuritaires ne seront pas réglés, les militaires au pouvoir dans ces 3 pays n’organiseront pas les  élections. Si la CEDEAO est capable de laisser tomber toutes ses exigences, il y a peut-être une chance que ces pays reviennent », estime un analyste.

Plus tôt, le 16 mai, lors de la visite du Président Bassirou Diomaye Faye au Nigéria, le Président nigérian Bola Ahmed Tinubu, par ailleurs Président en exercice de la CEDEAO, avait invité son homologue sénégalais à « collaborer et à rencontrer les autres frères (le Mali, le Burkina Faso et le Niger) pour les persuader de revenir au bercail ». Ce dernier vient d’ailleurs d’effectuer le 30 mai une visite de travail au Mali et au Burkina Faso. A Bamako, le chef de l’Etat Sénégalais a assuré qu’il n’était pas là en tant que médiateur de la CEDEAO avant d’ajouter : « Je ne désespère pas de voir la CEDEAO repartir sur de nouvelles bases qui nous évite la situation que nous traversons aujourd’hui. Tant que nous sommes dans cet élan, je considère qu’il nous faut travailler au sein de la CEDEAO avec les différentes parties prenantes pour voir comment réconcilier les positions ». Il a également fait que ce n’était pas à l’ordre du jour pour le Sénégal de rejoindre l’AES.

Le 30 avril, réuni à Abidjan, le Conseil des sages de la CEDEAO, présidé par l’ancien Président nigérian et ancien médiateur de la CEDEAO au Mali Goodluck Jonathan, avait également exprimé des inquiétudes et invité les trois pays membres de l’AES à « reconsidérer leur position dans l’intérêt de l’unité de la Communauté ».

Un retour difficile 

Malgré la volonté affichée des dirigeants de la CEDEAO de faire revenir le Burkina Faso, le Mali et le Niger dans le bloc régional, la tâche s’annonce compliquée, d’autant plus que les trois pays semblent bien engagés dans une dynamique de non retour.

« Notre itinéraire est un chemin de non retour. Les chaînes que nous sommes en train de briser, c’est pour toujours. C’est fini, plus de CEDEAO », avait d’ailleurs martelé le Président de la transition du Burkina Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré, le 31 janvier dans un entretien accordé au journaliste Alain Foka.

Pour Boubacar Bocoum, analyste politique et en économie de guerre au Centre d’études stratégiques Sènè, la décision de l’AES est une décision « mûrement réfléchie et responsable » et il est  hors de question de retourner dans le giron de la CEDEAO.

« Ce serait totalement illogique, parce que ce qui est reproché à la CEDEAO n’a pas changé, rien n’a évolué. Je ne vois donc pas comment les pays de l’AES décideraient aujourd’hui d’arrêter leur projet de confédération pour retourner au sein de la CEDEAO », clame-t-il.

Pour lui, par ailleurs, c’est à la CEDEAO de se reconvertir vers l’Alliance des États du Sahel et non le contraire. « Les États de la CEDEAO qui souhaiteraient une union monétaire et une cohésion des États en Afrique de l’Ouest doivent muter vers une nouvelle dynamique fédérative qui prenne en compte les intérêts des communautés », soutient M. Bocoum.

Naira, Cédi, Franc guinéen : Des fortunes diverses

Le Naira a atteint un niveau historiquement bas ce 20 février 2024. Il fallait 1 712 unités pour un dollar sur le marché officiel. Même si les autorités de la banque centrale assurent que les devises en monnaie étrangère s’améliorent, le Nigeria est confronté à une pénurie de dollars qui pousse sa monnaie locale à la baisse. De la même manière, d’autres pays d’Afrique de l’Ouest qui disposent de leur propre monnaie ont également été confrontés à une crise.

La crise d’argent liquide a coûté à l’économie nigériane un montant estimé à 20 000 milliards de nairas, en raison de la paralysie des activités commerciales, de l’étouffement de l’économie informelle et de la contraction du secteur agricole, a déclaré l’organisation pour la promotion des entreprises privées du pays. Elle a aussi estimé que la situation avait réduit le nombre de travailleurs et d’entreprises dans un pays où 63% de la population est pauvre et 33% est au chômage.

La plus grande économie du continent fait face à une inflation record, 29,9% en janvier, jamais connue depuis 1996. La population, confrontée à la hausse du prix du gaz suite à l’arrêt des subventions, manifeste son mécontentement. Le Nigeria, dépendant des importations pour satisfaire ses besoins, est vulnérable aux chocs externes.

Premier producteur africain d’or, le Ghana est également confronté à une grave crise économique. Sa monnaie, le Cedi, a perdu environ 81% de sa valeur fin 2022. Une baisse significative qui la classe au 4ème rang des 20 monnaies africaines les moins performantes, après la Sierra Leone (6èmeet le Nigeria (12ème). Selon la Banque mondiale, le pays est devenu le 8ème pays plus endetté du continent, avec une dette publique estimée à 90,7% du PIB fin 2022. Le Ghana, talonné par l’Angola au classement des monnaies les moins performantes, traverse une grave crise malgré sa richesse en matières premières. La faute à une mauvaise gouvernance et à peu de diversification, surtout pour l’Angola.

Dans ses perspectives économiques d’octobre 2023, la Banque africaine de développement note que la croissance, estimée à 4,4% en 2022, contenue d’être soutenue par la production minière et la résilience en Guinée. L’inflation a baissé à 12,2%, contre 12,6% en 2021. « Importée (elle) est partiellement compensée par l’appréciation du Franc Guinéen ». La croissance du PIB devrait atteindre 5,6% en 2024 grâce à la production minière et la disponibilité en énergie. L’inflation est prévue à la baisse à 9,9% en 2024.

Mais le faible regain d’activités dans les branches non extractives, les effets de la crise russo-ukrainienne et la faible mobilisation des ressources internes (12,6% du PIB en 2022), contre 20% dans la Zone CEDEAO, et les tensions sociopolitiques, continueront d’être des risques pour une croissance durable.

AES : Vers la création d’une monnaie commune ?

Le 15 février 2024, plusieurs ministres de l’Alliance des États du Sahel (AES) se sont réunis à Ouagadougou. Suite à la réunion des hauts fonctionnaires et en prélude à la rencontre des chefs d’État, ils ont recommandé la validation de l’architecture institutionnelle pour la nouvelle confédération. Avec pour ambition d’élargir les objectifs de l’Alliance aux domaines diplomatique et économique, les États de l’alliance souhaitent concrétiser des mesures et visent à terme une union économique et monétaire. Une monnaie commune est-elle envisageable, quel délai pour son émission, quels atouts et quels risques? Ce sont quelques-unes des questions posées à notre interlocuteur Mohamed Diarra, économiste financier au cabinet d’études et conseils Nord Sud Multiservices Consulting.

Une sortie des États de l’AES de la Zone CFA est-elle inévitable ?

Cette sortie est envisageable. Mais en ce moment la Zone AES n’est pas forcément prête à sortir de la Zone CFA. Les États peuvent sortir de la Zone CEDEAO, qui est un espace économique, et rester dans l’UEMOA, qui est une zone monétaire. Ce sont des entités différentes. Ces pays vont mettre un peu de temps et devront réfléchir, parce qu’il y a beaucoup d’instruments à mettre en place. Présentement, beaucoup d’États sont en train de se financer sur le marché monétaire des titres de l’UEMOA, ce qui est une méthode de gestion budgétaire. Il semble un peu prématuré que ces États sortent de cette zone.

Une monnaie commune à l’AES est-elle possible ?

Complètement. Il suffit que les États se mettent d’accord pour le faire, mettre en place un système de banque centrale et lui donner l’autorisation d’émettre la monnaie de l’AES. Naturellement il y a d’autres aspects techniques qui précèdent sinon a ma connaissance Il n’y aucune clause ou contrainte juridique qui leur interdit de le faire. Bien entendu il y a d’autres aspects qu’il faut voir, notamment sur plan international avec la Banque de Règlements Internationaux sis a Bale en Suisse, bien que mineur. Mais lors de la création ils devront par exemple régler leurs dettes au niveau de leur compte d’opération. À part cela, il n’y a pas de problème juridique, ils peuvent librement créer leur monnaie.

Combien de temps peut prendre la création de cette monnaie ?

L’émission d’une monnaie propre à l’AES dépend des États. Décider d’émettre une monnaie est une question de convention entre eux. Il suffit d’en prendre la décision en un jour ou deux. Il s’agit de créer le cadre conceptuel et juridique et d’émettre la monnaie. C’est une question d’accord. Mais je ne pense pas qu’ils veuillent le faire tout de suite. Parce qu’il y a un certain nombre de mesures à mettre en place, qui, a ma compréhension ne le sont pas encore, une façon de dire qu’il ne faut surtout pas se précipiter.

Quels seront les facteurs de réussite de cette monnaie ?

Les facteurs de réussite d’une monnaie résident dans la capacité de gestion de cette monnaie. C’est-à-dire le sérieux que l’on met dans sa gestion. Cela signifie d’abord la maîtrise des déficits budgétaires, de l’inflation. Il y a aussi la capacité de production c’est dire le revenu réel des Etats (PNB), le taux d’inflation, la gestion des taux
d’intérêt à court et moyen terme et le maintien d’une relation stable des taux d’intérêt. En d’autres termes le respect et la maitrise de l’évolution de certains agrégats macroéconomiques. Ceux-ci sont des aspect très importants a prendre en compte.

Les pays de l’AES peuvent-ils réunir ces conditions ?

Oui.

À quelle monnaie pourrait s’arrimer cette nouvelle monnaie ?

Si on décide de créer une monnaie, il ne faut pas penser à la faire s’arrimer à une autre (ce que l’on appelle dans le jargon Currency Bord). Parce que cela veut dire laisser sa souveraineté monétaire à une autre monnaie. L’AES peut créer sa monnaie et ne pas l’arrimer. Il y a la possibilité de production de ces États, que ce soit les matières premières ou autre chose. La viabilité d’une monnaie réside dans sa bonne gestion et la capacité de production de cette zone monétaire. Arrimer sa monnaie signifie qu’on ne peut pas bien la gérer, qu’on ne peut pas la supporter. Je préfère parler de garantie. Elle peut être l’étalon or qui garantissait d’ailleurs toutes les monnaies avant la modification a travers les accords de la Jamaïque des statuts de FMI pour prendre le dollar comme monnaie de référence. Aujourd’hui presque 80% de l’affacturage international est fait en Dollar US. La valeur de la monnaie par rapport à une autre dépend de la capacité de production du pays. Donc la capacité de production de
l’AES va déterminer la puissance de sa monnaie., pour garantir le dollar par exemple. Les monnaies d’ailleurs se donnent leur valeur sur le marché monétaire. Cela veut dire qu’elles doivent trouver un espace de fluctuation. Elle ne doit pas avoir normalement, comme ce que l’on a fait avec le franc CFA et l’euro une partite fixe qui,
au demeurent ne favorise pas trop le développement de nos économies. Cette parité fixe donne même une certaine contrainte pour ne pas dire asphyxie à l’égard de nos économies. Bien entendu il y a des défenseurs de la théorie de la parité fixe. Je peux d’ailleurs m’hasarder a dire que la valeur réelle du CFA aujourd’hui est surévaluée.

La parité fixe n’est donc pas un facteur de stabilité ?

Ce sont des facteurs que l’on peut envier. Mais, en réalité, je dirais que le franc CFA est surévalué. Une monnaie se donne de la valeur en fonction de la production du pays ou des groupes de pays qui l’émettent. Je préfère une monnaie qui n’a pas de parité fixe, qui flotte en fonction de l’offre et de la demande, plutôt que la parité factuelle que nous avons entre le franc CFA et l’euro. C’est un facteur de stabilité macroéconomique. Mais que vaut cette stabilité si les peuples qui vivent dans cette zone sont pauvres?

Quels sont les éléments déterminants d’une monnaie ?

Les déterminants d’une monnaie forte dépendent de la demande. Si beaucoup d’acteurs économiques demandent cette monnaie sur les marchés, dans un premier temps cela peut lui donner de la puissance. Il y a aussi la maîtrise de l’inflation, qui est un facteur important. Le taux directeur de la banque centrale, la croissance économique de la zone qui émet la monnaie ainsi que sa balance commerciale (ses échanges), peuvent rendre une monnaie forte.

Les problèmes de sécurité ne jouent-ils pas en défaveur des États de l’AES ?

Que ce soit pour la monnaie ou pour le commerce, le problème de sécurité est un facteur de risque, mais cela n’impacte pas du tout l’émission d’une monnaie. Il faut seulement maîtriser l’inflation et faire une bonne gestion.

L’Eco(monnaie commune de la CEDEAO) est prévu pour être lancé en 2027. Cela ne posera-t-il pas un problème, sachant que les pays qui l’adopteront seront les plus nombreux en Afrique de l’Ouest ?

Non, je ne pense pas que cela puisse poser un problème. La Gambie a sa monnaie, la Sierra Leone et la Guinée aussi. Même si l’Eco était lancé, cela ne posera aucun problème de confrontation. La réussite de la monnaie réside essentiellement dans la bonne gestion macroéconomique. Il n’y a pas de crainte vis-à-vis de la Zone Eco. Il pourra y avoir des relations monétaires pour faciliter les échanges entre les deux zones, qui sont obligées de vivre ensemble.

Quels sont les atouts de pays de l’AES ?

Ils disposent de matières premières et de pierres précieuses, d’uranium, de lithium, d’or ou encore de pétrole. Ils ont aussi un potentiel dans l’agriculture. Il leur suffit d’accroître la productivité pour assurer l’autosuffisance alimentaire à l’interne, ce qui leur permettra de réduire leurs importations de denrées alimentaires. Les pays de l’AES disposent donc d’atouts pour lancer une zone monétaire. Des atouts qui peuvent permettre de gérer leurs économies et de créer une zone de prospérité économique.

Sénégal : Après le report de la présidentielle, la tension est à son comble

Une plongée dans l’inconnu. Les députés de la coalition présidentielle et du groupe appartenant au Parti démocratique sénégalais (PDS), dont la candidature du leader, Karim Wade, a été déclaré irrecevable, ont adopté le 5 février une proposition de loi reportant l’élection présidentielle au 15 décembre prochain.

Le projet de loi décalant le scrutin a été voté à la quasi-unanimité, après l’exclusion de députés d’opposition de l’Hémicycle par la gendarmerie. Le mandat du chef d’État Macky Sall a également été prorogé jusqu’à l’investiture de son successeur. Le Président de la République, réaffirmant sa décision de ne pas se présenter à la prochaine présidentielle, avait annoncé le 3 janvier avoir abrogé le décret convoquant le corps électoral le 25 février prochain, en attendant les résultats de la commission d’enquête parlementaire visant à clarifier les conditions dans lesquelles certaines candidatures avaient été déclarées irrecevables. Le Parti démocratique sénégalais (PDS) avait demandé et obtenu la mise en place de cette commission après l’invalidation de la candidature de Karim Wade pour cause de double nationalité. Le PDS avait également émis des accusations de corruption présumée à l’encontre de certains membres du Conseil constitutionnel, chargé de l’examen des candidatures. L’opposition dénonce un « coup d’Etat institutionnel » et cette crise précipite le Sénégal dans l’incertitude car c’est la première fois que la présidentielle est reportée dans le pays. Juste après l’annonce du report, des manifestations ont été organisées, dispersées par des tirs de gaz lacrymogènes des forces de l’ordre. Une partie de l’opposition appelle à la désobéissance civile. Certains proches du Président Sall ont choisi de démissionner. D’après certains journaux, la décision du report cache un conflit entre le Premier ministre Amadou Ba, dauphin désigné du Président Sall, et des très proches de celui-ci qui ont peu confiance en ses chances de victoire. Après le vote des députés, El Hadji Mamadou Diao, candidat à l’élection présidentielle, a déposé une requête auprès du Conseil constitutionnel « aux fins de poursuite du processus électoral », a annoncé la coalition qui le soutient. La CEDEAO, très scrutée sur ce dossier, a dans un communiqué, le 6 février, « encouragé » la classe politique sénégalaise à prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour « rétablir » le calendrier électoral conformément aux dispositions de la Constitution du Sénégal. L’organisation régionale assure qu’elle restera attentive aux évènements et prendra « toutes les mesures nécessaires pour accompagner le gouvernement et le peuple sénégalais à maintenir la tradition démocratique du Sénégal ».

Pr Abdoul Karim Diamouténé : « si le retrait est effectif, cela veut dire qu’il faut négocier un accord entre le nouveau bloc AES et l’ancienne communauté CEDEAO »

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé le 28 janvier dans un communiqué conjoint leur retrait de la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Quelles peuvent être les conséquences de cette décision pour notre pays? Entretien avec Pr Abdoul Karim Diamouténé, économiste.

Quel regard portez-vous sur la décision des autorités de retirer notre pays de la CEDEAO ?

C’est une décision qui m’a surpris. En tant qu’économiste on voit les avantages théoriques qu’offre la CEDEAO en ce qui concerne la libre circulation des personnes et des biens et la liberté d’entreprise. Se retirer revient à annihiler ces avantages. Systémiquement, on pouvait dire qu’il y avait des aspects que l’on pouvait gérer sans forcément se retirer. Mais comme la crise actuelle est politique, les décideurs savent pourquoi ils se sont retirés.

Quelles peuvent être les conséquences économiques d’une telle décision ?

Les avantages et inconvénients sont d’abord théoriques. C’est-à-dire que si l’on va vers une communauté, on édicte les règles pour aller vers les objectifs. Entre les règles et les objectifs consignés et les résultats réels, souvent il y a un écart. Pour preuve, la libre circulation est admise, mais quand vous avez le malheur de prendre le car, pour aller en Côte d’Ivoire ou ailleurs, vous vous rendez compte que cette liberté connaît beaucoup d’entraves. Cela est à tous les niveaux. L’effectivité des acquis est un autre aspect. L’un des éléments fondamentaux, c’est l’intensification des échanges. Mais lorsque l’on prend les statistiques du commerce extérieur, on se rend compte que les pays de l’espace échangent peu, environ 15%. Ce qui n’est pas normal. Les pays pris individuellement échangent plus avec l’extérieur. Les avantages théoriques ne sont donc pas effectifs. L’autre élément concerne la liberté de mouvement et d’entreprendre, qui est perdue, mais là il faut s’interroger sur où on en était réellement. Dans les différents pays, les gens se réclament de telle ou telle nationalité mais ont les documents du pays d’accueil, ce qui pourrait amoindrir les impacts sur la liberté de mouvement.

Le processus de retrait dure une année. Quelles peuvent être les perspectives ?

Si le retrait est effectif, cela veut dire qu’il faut négocier un accord entre le nouveau bloc AES et l’ancienne communauté CEDEAO. Si on trouve de meilleurs arrangements, qui dépendent des rapports de force et des opportunités, on pourra  déterminer les avantages et les inconvénients. Tout dépendra des nouveaux accords. Le bloc peut aussi signer des accords en dehors de la CEDEAO. Par exemple avec  la Mauritanie, qui n’est plus de la CEDEAO et a un débouché sur la mer. Or, l’une des contraintes majeures de l’AES est l’accès à la mer. Donc il peut y avoir des accords préférentiels Mauritanie et AES.

Peut-on envisager un retour de ces pays ?

En matière de développement, tout dépend des intérêts et résultats attendus. L’AES agit de la sorte parce qu’elle estime que ses intérêts sont piétinés dans le cadre actuel. La CEDEAO voudrait une négociation afin que ses pays ne sortent pas. Mais la question est qu’est ce qu’elle peut proposer en retour pour compenser les gains de la position actuelle. À mon avis, il est difficile de trouver un terrain d’entente actuellement, étant donné les divergences, qui sont plus politiques et géostratégiques. Cette rupture n’est qu’une conséquence politique et géostratégique. Difficile que ces pays reviennent tant que la CEDEAO ne sera pas réformée afin que les objectifs que les pays de l’AES recherchent sur le plan sécuritaire et politique soient garantis. La CEDEAO dans sa forme actuelle constitue un obstacle majeur au développement de nos pays. La liberté de circuler est consignée, mais dans la pratique elle rencontre des problèmes. Un autre élément est l’Union économique et monétaire. Dans le cadre de la gestion d’une économie, la monnaie est un élément indispensable de gestion des différents chocs. Or, tout le problème d’aller vers l’Union monétaire au sein de l’espace CEDEAO bute sur des problèmes d’ordre politiques. Théoriquement, la CEDEAO devait aller vers une monnaie commune depuis 2015. Mais cela a été repoussé à 2020 et l’on a observé les débats théoriques et toutes les interférences en dehors de l’espace dans le cadre de l’Éco pour défendre d’autres intérêts que ceux de la CEDEAO.

CEDEAO : réduite à 12 pays, l’organisation face à un tournant

Ils avaient déjà donné l’alerte lorsque la CEDEAO menaçait d’intervention militaire le Niger suite au coup d’État du 26 juillet 2023. Ils sont désormais passés à l’acte. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger, réunis depuis le 16 septembre 2023 au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont définitivement claqué la porte de la CEDEAO le 28 janvier 2024, laissant l’organisation sous-régionale, désormais réduite à 12 pays, face à une crise sans précédent.

« Leurs Excellences le Capitaine Ibrahim Traoré, le Colonel Assimi Goita et le Général de brigade Abdourahamane Tiani, respectivement Chefs d’État du Burkina Faso, de la République du Mali et de la République du Niger, prenant toutes leurs responsabilités devant l’histoire et répondant aux attentes, préoccupations et aspirations de leurs populations, décident en toute souveraineté du retrait sans délai du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest », indique le communiqué conjoint lu à la télévision publique des trois pays.

« Après 49 ans, les vaillants peuples du Burkina Faso, du Mali et du Niger constatent avec beaucoup de regret, d’amertume et une grande déception que leur organisation s’est éloignée des idéaux de ses pères fondateurs et du panafricanisme », se désolent les autorités de transition des trois pays, selon lesquelles « la CEDEAO, sous influence de puissances étrangères, trahissant ses principes fondateurs, est devenue une menace pour ses États membres et ses populations, dont elle est censée assurer le bonheur ».

Les trois pays reprochent également à la CEDEAO une non-assistance dans la lutte contre le terrorisme et l’insécurité, ainsi qu’une imposition de sanctions, jugées illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables, en violation des propres textes de l’organisation, « toutes choses qui ont davantage fragilisé les populations déjà meurtries par des années de violence imposées par des hordes terroristes instrumentalisées et téléguidées ».

Un retrait « sans délai » remis en cause

Selon l’article 91 du traité révisé de la  CEDEAO, « tout État membre désireux de se retirer de la Communauté notifie par écrit, dans un délai d’un (1) ans, sa décision au Secrétaire exécutif, qui en informe les États membres. À l’expiration de ce délai, si sa notification n’est pas retirée, cet État cesse d’être membre de la Communauté ». « Autour de la période d’un (1) an visée au paragraphe précédent, cet État membre continue de se conformer aux dispositions du présent traité et reste tenu de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité », précise l’alinéa 2 du même article.

Après l’annonce du retrait des pays de l’AES de la CEDEAO, la Commission de l’organisation sous-régionale, qui s’est dite « déterminée à trouver une solution négociée à l’impasse politique », a indiqué dans la foulée dans un communiqué n’avoir pas encore reçu de notification formelle directe des trois États membres  concernant leur intention de se retirer de la communauté. Mais  les  trois pays n’ont pas tardé à notifier formellement leur décision.

« Par communiqué conjoint en date du 28 janvier 2024, le Burkina Faso, la République du Mali et la République du Niger informent de leur décision de se retirer conjointement et sans délai de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). À cet égard, la présente communication vaut notification formelle de cette décision à la Commission de la Cedeao, Autorité dépositaire et pour l’information des États membres de la Cedeao, de l’Union africaine, de l’Organisation des Nations Unies et de toutes les organisations pertinentes », souligne un courrier du ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali daté du 29 janvier 2024 et adressé à la Commission de la CEDEAO. Selon des sources officielles au Burkina Faso et au Niger, les deux pays ont également  envoyé lundi leurs notifications formelles de retrait à la CEDEAO.

Pour l’analyste politique Dr. Amidou Tidiani, cette demande de retrait avec effet immédiat des trois pays aura du mal à se concrétiser et ne devrait être effective qu’après les 12 mois prévus dans les textes de la CEDEAO. « La sortie d’une organisation internationale avec effet immédiat n’existe pas en droit international », tranche-t-il.

« Fuite en avant » ?

Du point de vue du M. Tidiani, d’ailleurs, l’insistance sur la sortie sans délai est une manière pour ces différents régimes d’échapper à de nouvelles éventuelles sanctions de la CEDEAO suite au non-respect du chronogramme établi pour un retour à l’ordre constitutionnel au Mali et au Burkina Faso.

« Le seul moyen pour ces régimes d’opposer une fin de non-recevoir à la CEDEAO et de contester la légitimité de l’organisation à prendre toute sanction à leurs encontre, c’est de sortir de la CEDEAO », affirme-t-il.

« Le chronogramme du Mali prévoyait l’organisation d’élections en février et le Mali, bien évidemment, n’organisera pas ces élections en février. On s’attendait donc à ce que la CEDEAO fasse preuve de menaces particulières concernant le Mali dans les semaines à venir. C’est donc par anticipation à cette mesure que les communiqués sont tombés en prenant soin d’insister sur le fait que le retrait soit avec effet immédiat », poursuit l’enseignant-chercheur à l’Université Paris-13.

Liberté de circulation entravée ?

Pour plusieurs observateurs, ce retrait annoncé du Burkina, du Mali et du Niger de la Cedeao ne sera pas sans conséquences pour les trois pays, mais également pour l’organisation sous-régionale elle-même. En ce qui concerne les trois pays, si cette décision pourrait avoir des conséquences diverses, c’est surtout son impact sur la libre circulation des ressortissants et de leurs biens dans l’espace CEDEAO que craignent certains analystes.

« Le premier point à mettre en relief est celui de la libre circulation. Le grand acquis de la CEDEAO, depuis sa création, a vraiment été de permettre les déplacements sans autorisation ou nécessité de visa entre les pays membres. Le retrait du Burkina, du Mali et du Niger va entraver cette libre circulation des populations », pense Niagalé Bagayoko, Présidente de l’African Security Sector Network (ASSN).

Amidou Tidiani soutient que ce retrait implique que les avantages accordés aux ressortissants de ces États soient tout simplement levés. Toutefois, admet l’universitaire, « les trois États vont essayer de développer des relations bilatérales pour obtenir individuellement avec les autres États des conditions favorables de circulation et d’échanges économiques avec leurs voisins, indépendamment du cadre de la CEDEAO. Ce que ces pays perdront via la CEDEAO, ils essayeront de le récupérer à travers des accords bilatéraux ».

« Les États ont existé avant d’être ensemble dans les organisations. Il s’agit maintenant d’activer les conventions bilatérales que nous avons avec les pays de la CEDEAO pour baliser le rapport », appuie pour sa part l’analyste politique Ousmane Bamba, pour lequel, par ailleurs, le fait que le Mali soit sorti de la CEDEAO n’impactera pas la libre circulation des ses ressortissants à l’intérieur de cet espace, parce que « dans les relations internationales, les relations bilatérales ont précédé les multilatérales ».

L’exemple mauritanien

La CEDEAO a connu un précédent en matière de retrait, celui de la Mauritanie en 2000. Pays charnière entre le Maghreb et l’Afrique de l’ouest, la République islamique avait motivé son retrait par sa volonté de se concentrer sur l’Union du Maghreb Arabe (UMA) pour des raisons culturelles. 17 ans après, la Mauritanie a signé en mai 2017 un accord avec la CEDEAO portant sur quatre points, dont la libre circulation des personnes et des biens, l’application d’un tarif extérieur commun et la lutte contre le terrorisme. Le pays cherche depuis de nombreuses années à réintégrer le bloc régional. En 2017 toujours, à l’occasion d’un sommet à Monrovia, les Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO avaient émis une fin de non-recevoir à la demande de la Mauritanie de revenir au sein de la communauté.

CEDEAO : le Mali, le Niger et le Burkina Faso annoncent leur retrait

Par un communiqué conjoint daté du 28 janvier, le Mali, le Niger et le Burkina Faso annoncent le « retrait sans délai » de leurs pays de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest. Après l’annonce de retrait, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est déclarée prête dimanche dans un communiqué à trouver « une solution négociée ». Ces trois pays sont « des membres importants de la Communauté » qui « reste engagée à trouver une solution négociée à l’impasse politique » créée par l’annonce de leur retrait dimanche dans un communiqué commun. La CEDEAO dit attendre encore « la notification formelle et directe » de cette décision. Les trois pays reprochent à la CEDEAO un éloignement des idéaux des pères fondateurs et du panafricanisme, une influence de puissances étrangères, une menace pour ses États membres et non-assistance dans la lutte contre le terrorisme et l’insécurité ainsi qu’une imposition de sanctions jugées « illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables en violation de ses propres textes ». En septembre 2023, Mali, Burkina Faso et Niger ont formé une Alliance des États du Sahel (AES) placée sous le signe de la souveraineté et du panafricanisme. Cette décision de retrait pourrait produire des effets considérables, par exemple pour la circulation des biens et des personnes, pour les trois pays concernés, dépourvus d’accès à la mer, et pour la région. Elle suppose des implications sur les exemptions de visa et les exonérations de taxe, avec des retombées sur les prix.

Yaya Sangaré : « Organiser la présidentielle est un impératif »

Alors que les autorités n’ont toujours pas annoncé de nouvelle date pour la présidentielle, les partis politiques s’impatientent. Yaya Sangaré, Secrétaire général de l’ADEMA, répond à nos questions.

De récentes déclarations des autorités de la Transition, notamment le Premier ministre et le ministre de la Refondation, font planer le doute sur la tenue de la présidentielle en 2024. Cela vous inquiète-t-il ?

L’engagement pris par les autorités de la Transition pour fixer la date au 24 février  est souverain. Un engagement pris non seulement en accord avec les acteurs politiques, mais également avec la CEDEAO et la communauté internationale. Un moment donné, pour des raisons techniques avancées par le ministre en charge, un léger report est intervenu. Ces déclarations nouvelles, qui pourrissent l’atmosphère, doivent être analysées avec beaucoup de lucidité. Il faut comprendre que l’organisation de la présidentielle est un impératif pour deux raisons. La première est que les autorités se sont engagées à un retour à l’ordre constitutionnel qui n’est possible que si nous organisons des élections. Cela nous permettra de renouer avec le reste du monde et de freiner les conséquences d’un isolement diplomatique qu’on ne veut pas nommer. Le deuxième impératif est l’engagement. La parole donnée doit être respectée. Si l’on ne devait pas aller aux élections en 2024, cela devrait faire l’objet d’un consensus avec la classe politique et les autres acteurs impliqués. Le gouvernement fixe les dates, mais les élections concernent d’abord la classe politique et ceux qui veulent être candidats. Il ne s’agit pas de nous imposer quoi que ce soit, il s’agit de respecter la parole donnée, de respecter le pays en tant qu’État souverain et de s’engager pour un retour à l’ordre constitutionnel.

Les autorités ont-elles compris cet impératif ? 

Lorsque l’on suit certaines déclarations et que l’on analyse le fait qu’aucun cadre n’est mis en place, nous n’avons aucun élément d’appréciation sur la bonne volonté des autorités d’aller aux élections. Lorsque nous entendons des soutiens de la Transition assurer que les élections ne sont pas une priorité, nous avons peur. Nous nous disons que les uns et les autres reviendront à la raison pour comprendre que la meilleure chance que nous puissions donner au Mali est de faire en sorte que cette transition réussisse. Pour cela, il faut écouter les Maliens, de croire à leur maturité. Penser que le Président qui sera élu ne sera pas aussi patriote est une insulte aux Maliens.

Le SADI est actuellement assigné en justice pour dissolution. Est-ce un message envoyé aux formations politiques ?

C’est au niveau de la justice, difficile donc de se prononcer. Ce n’est pas un bon message, ni pour la liberté d’expression, ni pour les partis politiques. Nous nous sommes battus pour le pluralisme, nous nous sommes battus pour la démocratie, nous devons faire en sorte qu’aux questions politiques il y ait des réponses politiques. Nous ne pouvons accepter que des situations au sein des partis soient judiciarisées. Cela restreint les libertés et crée une épée de Damoclès. Ce n’est pas bon pour un pays qui traverse aujourd’hui une telle crise.

2024 : une transition à durée indéfinie

Déjà reportée à deux reprises, l’élection présidentielle qui marquera le retour à l’ordre constitutionnel au Mali devrait se tenir en 2024. Initialement prévue pour février, en accord avec la CEDEAO, elle a été repoussée sine die en septembre dernier, sans l’approbation de l’institution sous-régionale. Même si cette dernière semble dans une nouvelle posture conciliante, ses relations avec le Mali pourraient à nouveau se tendre dans les mois à venir. Les partis politiques, dans l’incertitude, doivent se préparer pour une élection dont les dates ne sont pas encore connues.

« Les dates de l’élection présidentielle initialement prévues pour le dimanche 4 février 2024 (premier tour) et le dimanche 18 février 2024 (second tour) éventuellement, connaîtront un léger report, pour des raisons techniques (…) Le Gouvernement de la Transition précise que les nouvelles dates de l’élection présidentielle feront l’objet de communiqué ultérieurement, après échange avec l’Autorité indépendante de Gestion des Élections (AIGE) », annonçait le 25 septembre 2023 le ministre d’État de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Porte-parole du gouvernement, Colonel Abdoulaye Maiga. Trois mois après, les autorités de la Transition n’ont toujours pas communiqué de nouvelles dates pour cette élection très attendue.

S’accorder avec la Cedeao

Alors qu’elle était attendue lors du sommet du 10 décembre dernier pour se prononcer enfin sur le report de la présidentielle au Mali, la Cedeao s’est contentée d’une réaction a minima, déplorant les « décisions prises unilatéralement en ce qui concerne la mise en œuvre du programme de transition qui avait été convenu avec la Cedeao ». L’organisation sous-régionale, après avoir levé l’interdiction de voyage qui pesait sur certaines hautes autorités maliennes, a aussi décidé d’engager une Troïka présidentielle, composée des Présidents du Nigéria, du Bénin et de la Guinée Bissau, à entreprendre d’urgence des visites au Burkina Faso, en Guinée et au Mali, en vue de renouer le dialogue avec ces trois pays pour la mise en œuvre inclusive du programme de transition.

« Cette réaction de la Cedeao signifie qu’elle a pris acte du report de la présidentielle au Mali et qu’elle va s’employer à trouver avec les autorités maliennes de nouvelles dates, qui tiennent dans un délai raisonnable », estime un analyste. « Je pense que le fait de lever l’interdiction de voyage, de décider de renouer le dialogue avec les autorités de la Transition et aussi que le Représentant permanent et Ambassadeur du Mali auprès de la Cedeao ait été reçu dans la foulée par le Président de la Commission de l’institution sont autant de signes annonciateurs d’une certaine décrispation à venir dans les relations », poursuit-il.

Pour un expert politique qui a requis l’anonymat, le seul point d’achoppement entre les deux parties pourrait être la durée d’une nouvelle prolongation de la transition. « Les autorités maliennes ont annoncé un léger report. Mais, si au cours des échanges avec la Cedeao elles proposent de nouvelles dates au-delà de 2024, par exemple, évidemment que la Cedeao ne l’acceptera pas. Elle pourrait alors brandir de nouvelles sanctions contre le Mali ». Selon certains observateurs, il n’est pas exclu que le léger report de la présidentielle soit au delà de 2024. « Les autorités pensent aujourd’hui être dans une position de force vis-à-vis de la Cedeao et de la classe politique ».

Les partis politiques dans l’expectative

Si des signes avant-coureurs sont là, des partis politiques se projettent déjà vers la présidentielle. À l’annonce du report, en septembre dernier, plusieurs formations se sont opposées et exigé la tenue de la présidentielle aux dates initiales den février 2024. Mais, à défaut de pouvoir faire revenir les autorités de Transition sur leur décision, elles se préparent pour une échéance éventuelle avant la fin de l’année 2024.

À en croire Sékou Niamé Bathily, Secrétaire à l’Information et Porte-parole du RPM tendance Bocary Treta, la préparation de la prochaine élection présidentielle a débuté dans l’ancien parti présidentiel depuis la tenue du Congrès extraordinaire, en août dernier, en démarchant dans un premier temps certaines formations de la classe politique et de la société civile. « Nous avons ensuite mis en place des commissions de travail et créé des structures pour une meilleure participation à ces élections, à commencer par une commission qui a travaillé sur la carte politique, que nous avons adaptée à l’organisation interne du parti. Nous avons créé de nouvelles sections et fédérations régionales, conformément au nouveau découpage territorial à base duquel devraient se tenir les prochaines élections dans notre pays ».

Comme le RPM, l’Adema est aussi déjà tournée vers la préparation de la présidentielle à venir. Selon Yaya Sangaré, Secrétaire général du parti, il essaye d’avoir une force politique nouvelle, de tirer les enseignements de tout ce qui a été fait ces dernières années et, en raison du contexte nouveau, d’analyser la situation pour proposer une nouvelle offre aux Maliens.

« Des actions sont déjà engagées. Nous sommes en train de renouveler nos structures à la base. Nous sommes aussi engagés depuis quelques mois à mettre en place une force politique électorale avec d’autres formations, mouvements et associations politiques », confie-t-il, assurant que l’Adema aura son propre candidat, comme recommandé lors du dernier Congrès, et que le parti travaillera à ce que ce candidat bénéficie de l’accompagnement des autres partis qui vont se retrouver dans son projet de société.

Au RPDM de Cheick Modibo Diarra, on se dit également « prêt à aller à la conquête du pouvoir à tout moment », tout comme au parti Yelema, qui va d’ores et déjà désigner son candidat au prochain scrutin présidentiel à l’issue de son 4ème Congrès ordinaire, le 23 décembre 2023.

Préparation impactée ?

Si les partis politiques sont tournés vers la préparation du prochain scrutin présidentiel, cette préparation reste particulière, étant donné que les nouvelles dates de l’élection ne sont pas encore connues. « La préparation est un peu impactée parce que nous ne connaissons pas les dates de l’élection. Dans un premier temps, notre programme de société, nous l’avons calé sur une période donnée, en nous basant sur les engagements des autorités de la Transition. Maintenant que ce délai a été repoussé, bien sûr que cela nous perturbe un peu », avoue Sékou Niamé Bathily, même si, pour lui, cette situation ne constitue pas un handicap. « Cela ne met pas un frein à ce que nous sommes en train de faire. Nous continuons à nous préparer pour être prêts lorsque le collège électoral sera convoqué », assure-t-il.

« C’est à la fois un handicap et une opportunité. Mais nous pensons qu’il est bon qu’on indique une date pour que nous puissions bien nous préparer, parce qu’une élection demande beaucoup de ressources. On ne peut pas se lancer dans une campagne indéfinie », estime pour sa part Yaya Sangaré.

Tenir l’échéance 2024

Même si la classe politique a invité le gouvernement de transition à ouvrir le dialogue en vue de trouver de nouvelles dates consensuelles pour la tenue de la prochaine élection présidentielle, elle n’a jusqu’à là pas encore été sollicitée par les autorités dans ce sens. Mais, pour la plupart des partis politiques, la tenue de l’élection ne devrait pas aller au-delà de l’année 2024.

« Nous devons tout faire pour que les élections puissent se tenir avant la fin de l’année 2024. Un léger report ne devrait pas dépasser 3 à 6 mois. Les autorités doivent mobiliser toutes les ressources, créer un cadre favorable de dialogue et régler tous les problèmes techniques pour que nous allions à cette élection pour mettre fin à la Transition », préconise le Secrétaire général de l’Adema.

C’est ce qu’estime également le RPM, pour lequel le léger report ne devrait pas dépasser 6 mois au plus. « Pour nous, cette élection peut et doit se tenir en 2024. Nous croyons en la bonne foi des autorités pour aller vers une sortie de transition honorable pour tous », appuie pour sa part Sékou Niamé Bathily. Aujourd’hui, l’interrogation porte sur les actions politiques qui seront menées si la Transition se prolonge pour une durée indéfinie. Mais nul doute que la pression pourrait être forte sur les autorités, aussi bien de la part de la Cedeao, des PTF, de la classe politique et des acteurs de la société civile.

Alliance des États du Sahel : la pleine opérationnalisation en marche

Instituée le 16 septembre dernier par la signature de la Charte du Liptako-Gourma entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, dans l’objectif d’établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle aux parties contractantes, l’Alliance des États du Sahel (AES) vient d’amorcer à Bamako sa pleine opérationnalisation.

Un peu plus de deux mois après sa création, l’opérationnalisation de l’Alliance des États du Sahel est en marche, conformément aux dispositions de la Charte du Liptako – Gourma qui prévoyait à son article 15 qu’elle serait « complétée par des textes additionnels, en vue de la mise en œuvre des dispositions prévues à l’article 3 », qui lui-même stipulait que « les Parties contractantes mettront en place ultérieurement les organes nécessaires au fonctionnement et mécanismes subséquents de l’Alliance et définiront les modalités de son fonctionnement ».

Aller vite et bien. Tel semble être le mot d’ordre des plus hautes autorités du Burkina Faso, du Mali et du Niger dans la mise en place de cette nouvelle Alliance, dont la phase de concrétisation est enclenchée depuis le 23 novembre 2023, avec des concertations ministérielles à Bamako.

Accélérer l’intégration économique

Une première réunion ministérielle de l’Alliance des États du Sahel sur le développement économique dans l’espace du Liptako-Gourma s’est tenue le 25 novembre 2023 dans la capitale malienne, réunissant les ministres chargés de l’Économie et des Finances, de l’Énergie, du Commerce et des Industries des pays membres. Cette réunion ministérielle sur les questions de développement économique visait à créer une synergie d’actions pour l’accélération du processus d’intégration économique et financière de l’Alliance.

Précédée de la rencontre des experts, les 23 et 24 novembre, qui ont échangé sur différentes thématiques telles que les échanges commerciaux, la circulation des personnes et des biens au sein de l’AES, la sécurité alimentaire et énergétique, la transformation industrielle, les potentialités et perspectives, le financement,  l’intégration économique, l’arsenal réglementaire et les réformes nécessaires, elle a accouché de plusieurs recommandations.

Celles-ci portent sur l’accélération de la mise en place de l’architecture juridico-institutionnelle et des mécanismes de financement des instances de l’AES, l’amélioration de la libre-circulation des personnes dans l’AES et le renforcement de la fluidité et de la sécurité des corridors d’approvisionnement, en luttant notamment contre les pratiques anormales et les tracasseries dans l’espace AES.

Les ministres ont aussi opté pour l’accélération de la mise en œuvre de projets et programmes énergétiques, agricoles, hydrauliques, de réseaux de transport routier, aérien, ferroviaire et fluvial dans les États de l’AES, la création d’une compagnie aérienne commune, le développement des aménagements hydro-agricoles d’intérêt commun, pour booster la production agricole, la construction et le renforcement des projets d’infrastructures et la mise en place d’un dispositif de sécurité alimentaire  commun aux trois États de l’AES à travers des organes dédiés.

Ils ont en outre recommandé la réalisation d’infrastructures adaptées pour le développement du cheptel et la mise en place d’abattoirs modernes pour l’exportation de la viande et des produits dérivés de l’espace AES, le développement des stocks de sécurité pour améliorer les capacités de stockage en hydrocarbures, la mise en place d’un fonds pour le financement de la recherche et des projets d’investissements énergétiques et en matière de substances énergétiques, notamment à partir de l’exploitation des ressources minières.

Parmi les autres recommandations figurent la réalisation des projets de centrales nucléaires civiles à vocation régionale, l’élaboration d’une stratégie commune d’industrialisation des pays de l’Alliance, la promotion du financement d’infrastructures communautaires par la diaspora, la mise en place d’un Comité d’experts pour approfondir les réflexions sur les questions de l’Union économique et monétaire, la promotion de la diversification des partenariats et la création d’un fonds de stabilisation et d’une banque d’investissement de l’AES.

Les ministres de l’Économie et des Finances des pays membres ont également décidé de la mise en place d’un Comité de suivi de la mise en œuvre de toutes les recommandations issues de leur réunion. « Il y a de bonnes idées, comme le G5 Sahel. Maintenant, il s’agit de les matérialiser. C’est cette matérialisation qui pose beaucoup de problèmes. Il ne s’agit pas de se réunir ou de seulement planifier », estime Hamidou Doumbia, porte-parole du parti Yelema.

Une architecture institutionnelle en gestation

En prélude à la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Alliance des États du Sahel qui s’est tenue le jeudi 30 novembre, toujours à Bamako, les experts des trois pays se sont réunis les 27 et 28 novembre et se sont penchés sur des propositions pour une structure institutionnelle de l’Alliance, avec les différents organes à mettre en place et l’articulation entre ces organes, à travers des mécanismes de fonctionnement et d’articulation clairement établis.

Ils ont en outre eu pour tâche de compléter la Charte du Liptako-Gourma, texte constitutif de l’AES, pour intégrer aux aspects de défense et de sécurité la dimension diplomatique et les questions relatives au développement économique de l’espace commun aux trois États. « Nous vous chargeons de nous proposer les bases pour faire de l’AES cette Alliance que nos populations attendent, cette Alliance qui leur fera sentir et vivre des conditions améliorées, en œuvrant à la paix et la stabilité ainsi qu’au développement harmonieux de nos États », a dit le Chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, à l’ouverture des travaux.

« Nous attendons de vous des recommandations pour que le Burkina, le Mali et le Niger, liés par une histoire, une culture et des valeurs communes, mais surtout liés par une relation stratégique particulière, puissent parler d’une seule et même voix partout où cela sera nécessaire », a-t-il ajouté.

Les travaux des experts étaient organisés en différents sous-comités, dont « Diplomatie et questions institutionnelles », « Défense et Sécurité » et « Questions de développement économique ». Selon une source au ministère des Affaires étrangères du Mali, leurs recommandations, qui n’ont pas fait l’objet de communication, seront soumises à l’examen des ministres des Affaires étrangères lors de la réunion de ce jeudi, avant d’être rendues publiques à la fin de la session ministérielle.

Bras de fer en vue avec la CEDEAO ?

Le processus d’opérationnalisation de l’AES est enclenché à quelques jours de la tenue du prochain sommet ordinaire de la CEDEAO, avec laquelle sont en froid les 3 pays membres de l’Alliance. D’ailleurs, l’AES, née dans un contexte où l’institution sous-régionale ouest africaine brandissait la menace d’une intervention militaire au Niger pour réinstaller le Président déchu Mohamed Bazoum, s’apparente pour certains observateurs à une organisation « rivale » de celle-ci.

« L’alliance des États du Sahel est en train de prendre une autre forme, qui peut peut-être sembler être une substitution à la CEDEAO ou une alliance qui accepte ceux qui ne sont pas forcément en ligne droite avec les principes démocratiques. Cela me semble très circonstanciel », glisse le politologue Cheik Oumar Doumbia.

Selon nos informations, au cours du sommet de la CEDEAO prévue le 10 décembre prochain à Abuja, au Nigéria, les Chefs d’États vont à nouveau se pencher sur la situation dans les pays en transition et exiger le retour à l’ordre constitutionnel dans les délais convenus. Les sanctions contre le Niger pourraient être maintenues et le Mali pourrait en subir de nouvelles, suite au report sine die en septembre dernier de l’élection présidentielle, initialement prévue pour février 2024.

Mais, selon certains observateurs, l’opérationnalisation enclenchée de l’AES pourrait contribuer à freiner les ardeurs des Chefs d’États de la CEDEAO dans la prise de sanctions contre les trois pays de l’Alliance, qui pourraient alors claquer la porte de l’organisation sous-régionale.

« Un éventuel éloignement de l’Alliance des États du Sahel pourrait remettre en question la cohésion et la solidarité au sein de la CEDEAO. Ces trois pays sont géographiquement situés en plein cœur de la région et leur intégration est essentielle pour la mise en œuvre des projets régionaux, tels que les infrastructures de transport et le commerce transfrontalier. Leur départ pourrait donc ralentir ou compromettre ces projets », avertit un analyste.

Dr. Ibrahima Sangho : « le report de la présidentielle est inacceptable »

Dr Ibrahima Sangho, chef de la Mission d’observation des élections au Mali (MODELE- Mali) répond à nos 3 questions sur le report de la présidentielle.

Quel est votre regard sur le report de la présidentielle ?

Ce léger report n’est pas acceptable. Les autorités de la transition ont pris date avec les Maliennes et les Maliens pour 18 mois de transition et entre temps, avant la fin de ce délai, il y a eu les Assises nationales de la refondation, où il a été décidé de prolonger la transition pour 24 mois. À la fin de ces 24 mois on prolonge encore. Ce n’est pas acceptable.

Que pensez-vous des raisons invoquées par le gouvernement ?

Nous ne sommes pas d’accord avec ces raisons. Sur le plan technique, nous pensons qu’elles ne sont pas suffisantes. Il est toujours possible de tenir l’élection présidentielle en février 2024. Entre autres raisons invoquées, il y a le fait de vouloir conformer la loi électorale à la nouvelle Constitution. Pour nous, cela est tout à fait tenable. En octobre il y a la rentrée parlementaire au niveau du CNT. La loi électorale peut être revue à ce moment et il est possible de convoquer le collège électoral en novembre.

Doit-on craindre de nouvelles sanctions de la CEDEAO ?

Si jamais on s’amuse à prolonger la transition, ce sera un nouvel embargo et cette fois-ci il sera total de la part de la CEDEAO. Les Maliens doivent se préparer à cela. Il faut plutôt que l’on incite les autorités à tenir leurs engagements.

Alliance des États du Sahel : une coalition qui rebat les cartes dans la région

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont signé le 16 septembre 2023 à Bamako la Charte du Liptako-Gourma instituant l’Alliance des États du Sahel (AES), dans le but d’établir une « architecture de défense collective et d’assistance mutuelle ». Cette nouvelle alliance ouvre également la voie à une plus large coopération sur le plan sécuritaire entre les trois pays et s’apparente à une coalition contre la Cedeao.

Cette Charte, composée de 17 articles et par laquelle le Mali, le Burkina Faso et le Niger « s’engagent à lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et la criminalité en bande organisée dans l’espace commun de l’Alliance », est entrée en vigueur dès sa signature par les parties contractantes.

Pour Dr. Alpha Alhadi Koïna, géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel, la création de l’Alliance des États du Sahel est « tout à fait normale ». « Ce sont les 3 pays qui sont les plus touchés par le terrorisme. Avec le retrait du Mali du G5 Sahel, le fonctionnement normal de l’organisation n’était plus possible, parce que le Mali assurait la continuité territoriale ».

Intervention Burkina-Niger au Mali ?

« Les parties contractantes œuvreront en outre à la prévention, à la gestion et au règlement de toute rébellion armée ou autre menace portant atteinte à l’intégrité du territoire et à la souveraineté de chacun des pays membres de l’Alliance, en privilégiant les voies pacifiques et diplomatiques et, en cas de nécessité, à user de la force pour faire face aux situations de rupture de la paix et de la stabilité », stipule l’article 5 de la Charte.

Dans un contexte où les affrontements ont repris entre l’armée malienne et les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), certains analystes soutiennent que cet article permettrait aux soldats burkinabé et nigériens de combattre aux cotés des FAMa dans le nord du pays.

« Logiquement, les autres pays de l’Alliance devraient nous appuyer dans la guerre contre les groupes armés irrédentistes du nord. Si cela ne se fait pas, cela veut dire qu’on n’a pas appliqués comme il faut les accords de la nouvelle alliance », estime le journaliste et analyste politique, Alexis Kalambry.

« Si les pays sont signataires, cela veut dire qu’ils souscrivent au contenu de ce document et il ne devrait pas y avoir de problème dans l’application. Rien ne les retient (Burkina Faso et Niger, Ndlr) à venir combattre aux côtés des forces maliennes », glisse pour sa part une autre source.

Mais, pour le Dr. Koïna, même si l’article 5 de la Charte du Liptako-Gourma permet au Burkina Faso et au Niger de prêter main forte au Mali en cas de besoin, un éventuel déploiement de ces forces n’est pas encore à l’ordre du jour. « Je pense qu’aujourd’hui on n’en est pas encore là. Les deux pays amis sont aussi occupés à lutter contre les groupes extrémistes chez euc. Il est donc fort probable que cela n’arrivera pas aujourd’hui », avance-t-il.

« Message » à la Cedeao

Alors que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) brandit toujours la menace d’une intervention militaire au Niger, pour rétablir le Président déchu Mohamed Bazoum suite au coup d’État du 26 juillet 2023, le Burkina Faso et le Mali ont déjà indiqué considérer toute intervention militaire dans ce pays comme une déclaration de guerre contre eux deux.

Dans la continuité de l’article 5, l’article 6 de la Charte stipule que « toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité du territoire d’une ou plusieurs parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres parties et engagera un devoir d’assistance et de secours de toutes les parties, de manière individuelle ou collective, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité au sein de l’espace couvert par l’Alliance ».

« Cet article 6 de la Charte du Liptako-gourma fait figure de socle pour une éventuelle intervention du Mali et du Burkina Faso au Niger en cas d’intervention militaire de la CEDEAO. Il n’est autre que l’équivalent de l’article 5 de l’Otan. C’est une configuration inédite et un changement géopolitique majeur, avec ce pacte « Kaki » contre les autres membres de la CEDEAO », souligne Bakary Sambe, Directeur régional du Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies.

Niger : deux décrets autorisent les armées du Burkina et du Mali à intervenir «en cas d’agression»

Les militaires qui ont pris le pouvoir au Niger il y a près d’un mois ont annoncé jeudi 24 août qu’ils autoriseraient les forces armées de leurs voisins du Burkina Faso et du Mali à intervenir sur leur sol «en cas d’agression». Les ministres des Affaires étrangères du Burkina Faso et du Mali, Olivia Rouamba et Abdoulaye Diop, étaient en visite jeudi à Niamey où ils ont été reçus par le nouvel homme fort du Niger, le général Abdourahamane Tiani. Ils ont «salué» la signature d’ordonnances «autorisant les forces de défense et de sécurité du Burkina Faso et du Mali d’intervenir en territoire nigérien en cas d’agression», selon un communiqué lu par Oumarou Ibrahim Sidi, le secrétaire général adjoint du ministère des Affaires étrangères nigérien, à l’issue de la visite. Le général Tiani a signé deux décrets en ce sens. Le Burkina Faso et le Mali ont affiché leur solidarité avec les nouvelles autorités nigériennes, en particulier face à la menace brandie par la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) d’intervenir militairement pour rétablir l’ordre constitutionnel. Les ministres des Affaires étrangères des trois pays ont indiqué s’être réunis à Niamey pour discuter du renforcement de leur coopération en matière de sécurité et d’autres questions communes.