Dégel politique : Vers un retour à l’ordre constitutionnel ?

Depuis la nomination du Général Abdoulaye Maïga comme Premier ministre, fin novembre 2024, la scène politique malienne évolue. Ce changement intervient dans un contexte de transition délicat, avec des élections prévues pour 2025 même si le calendrier reste flou.

En procédant à la création d’un ministère délégué aux Réformes électorales et à la reprise du dialogue avec les partis politiques, les autorités de la Transition ont suscité autant d’espoirs que de scepticisme.

Malgré ces signaux, qui paraissent positifs, l’heure ne semble pas encore à l’optimisme. C’est ainsi que Hamidou Doumbia, Secrétaire politique du parti Yelema, exprime des réserves : « le premier pas devait être la présentation d’un chronogramme électoral, mais aucune déclaration n’a été faite à ce jour ». Bien qu’il existe des prévisions dans la Loi des finances, l’expérience passée de reports d’élections, comme en 2021, renforce son scepticisme. Un véritable engagement des autorités est donc nécessaire pour avancer.

Concernant les récentes rencontres avec les partis politiques et la société civile, Hamidou Doumbia estime que : « nous saluons cette initiative, mais nous restons prudents ». À ses yeux, l’inclusion ne se limitera pas à rassembler plusieurs partis pour dresser un état des lieux. Il souligne la nécessité d’impliquer les acteurs dans l’élaboration de textes importants, tels que la Loi électorale. Il déplore fortement le manque de transparence autour des projets de lois, qui sont le plus souvent inconnus des principaux concernés.

Libération des détenus politiques : Un premier pas

La récente libération de onze responsables politiques, le 5 décembre 2024, est perçue comme un tournant. Me Mountaga Tall du CNID qualifie cette décision de « bonne nouvelle pour le Mali ». Il souligne que ce geste répond à un besoin d’apaisement, affirmant que cela « pourrait permettre au nouveau Premier ministre d’avoir des relations plus apaisées avec la classe politique ». Me Tall appelle également à élargir cette dynamique à d’autres détenus d’opinion. Sur le même sujet, Hamidou Doumbia n’a pas manqué de citer les cas de Rose Doumbia, Clément Dembélé, Ras Bath, Étienne Fakaba Sissoko, etc., appelant à leur libération pour garantir une sérénité pour la suite de la Transition.

Partageant le même avis, Amadou Koïta, Président du Parti Socialiste Yeleen Kura, affirme aussi « qu’il est temps, pour le bien du Mali, d’organiser le retour à l’ordre constitutionnel ». Ce consensus politique souligne que la libération des détenus n’est qu’une première étape. Pour restaurer pleinement la confiance, des actions supplémentaires seront nécessaires.

Des défis à relever

Pourtant, les récentes initiatives montrent une volonté de mettre fin à la Transition et de préparer des élections inclusives, mais plusieurs défis demeurent. La transparence du processus et l’implication réelle de la classe politique et de la société civile seront déterminantes. Pour Hamidou Doumbia, « la restauration de la confiance dépendra de la capacité des autorités à tenir leurs engagements, mais aussi de leur transparence et de leur neutralité dans la conduite du processus de transition ».

La question de l’inclusion des acteurs politiques et de la société civile reste posée. Sans un véritable engagement et une volonté d’inclure toutes les parties prenantes, les réformes pourraient être perçues comme une simple formalité. Le retour à l’ordre constitutionnel au Mali est un processus complexe, marqué par des avancées encore insuffisantes pour rassurer l’ensemble des acteurs. La nomination du Général Maïga et les mesures récemment prises témoignent d’une volonté de changement, mais celles-ci doivent être accompagnées d’engagements fermes et d’actions concrètes. La prudence affichée par la classe politique est à la hauteur des attentes et des enjeux. Pour de nombreux acteurs, seule une démarche inclusive et respectueuse des principes démocratiques pourra garantir une transition réussie.

Massiré Diop

Crise énergétique : Bientôt le bout du tunnel ?

La crise énergétique que traverse le Mali depuis plus d’une année perdure, malgré les différentes mesures prises par les autorités pour la juguler. À la tête du gouvernement depuis le 21 novembre dernier, le Général de division Abdoulaye Maïga s’active pour trouver de nouvelles pistes de solutions, avec pour objectif une stabilisation de l’approvisionnement énergétique dans le pays d’ici mars 2025.

Le Premier ministre Abdoulaye Maïga semble résolu à trouver une issue favorable à la grave crise énergétique que vit le Mali depuis plusieurs mois. Dans la foulée de sa nomination, le nouveau Chef du gouvernement a réservé le 28 novembre dernier sa première visite de terrain à Énergie du Mali (EDM-SA).

Porteur d’un message d’encouragement et de reconnaissance de la part du Président de la Transition, il a invité la direction et le personnel d’EDM-SA à soumettre des propositions de solutions pour mettre fin à la crise énergétique.

Une semaine plus tard, le 5 décembre 2024, le Général de division Abdoulaye Maïga était de nouveau au siège de la société pour s’enquérir des différentes propositions faites par l’ensemble des travailleurs d’EDM-SA.

Mobiliser des ressources financières

Au total, 2 300 propositions ont été recueillies auprès de 607 collaborateurs de la société Énergie du Mali. Elles tournent autour de six axes : renforcer la production énergétique, tirer avantage de l’offre énergétique régionale, assurer la viabilité financière de l’EDM-SA, améliorer la gouvernance et la communication, élaborer des stratégies à long terme et mettre en place des actions immédiates pour améliorer la fourniture.

Parmi les actions immédiates à entreprendre pour l’amélioration de la fourniture de l’électricité, selon les employés d’EDM-SA, figurent la mobilisation des ressources financières pour approvisionner régulièrement et suffisamment les centrales thermiques existantes en fioul et gas-oil, ainsi que le paiement des factures impayées de l’administration publique et des sociétés d’État.

Concernant le premier axe, le renforcement de la production énergétique, les travailleurs proposent, entre autres, de construire de nouvelles centrales solaires, de développer une centrale thermique moderne pour assurer une production stable pendant la nuit et de promouvoir les énergies renouvelables par des subventions à l’installation de panneaux solaires individuels.

Ils suggèrent aussi au gouvernement d’investir dans l’augmentation de la capacité des centrales électriques actuelles pour renforcer l’offre énergétique et d’étendre le réseau interconnecté afin d’atteindre les centrales thermiques des centres isolés.

Apurement de la dette

En ce qui concerne le deuxième axe, les travailleurs d’EDM-SA proposent de rétablir le partenariat avec la Compagnie ivoirienne d’Électricité (CIE) afin d’importer toute la capacité d’électricité disponible, d’accélérer la réalisation des ouvrages d’interconnexion, notamment entre le Mali et la Guinée, et d’encourager la diversification des sources d’énergie dans la formation du mix énergétique, avec une part d’importation permettant de diminuer les coûts d’exploitation.

Pour assurer la viabilité financière d’EDM-SA, ses employés optent non seulement pour un ajustement et une régulation des tarifs de l’électricité et l’optimisation de la collecte des revenus, mais aussi pour un apurement de la dette de la société et le recouvrement de ses créances, notamment auprès de la SOMAGEP et des entreprises publiques, afin d’améliorer la situation financière de l’entreprise.

En février dernier, les factures impayées d’électricité des services publics du Mali se chiffraient à plus de 90 milliards de francs CFA. En juin, EDM-SA avait tenté en vain d’amorcer une campagne de recouvrement en coupant l’alimentation en électricité dans certaines agences de la SOMAGEP, en raison d’arriérés de factures de cette société sœur qui s’élevaient à plus de 33 milliards de francs CFA.

Faire le tri

Dans l’axe « Gouvernance et communication », les employés d’EDM-SA proposent de mettre en place une campagne d’information pour sensibiliser aux économies d’énergie ainsi que des mécanismes pour lutter efficacement contre la fraude et les comportements déviants.

Ils suggèrent également la simplification des procédures administratives pour l’installation des producteurs solaires privés, la mise en place d’un suivi régulier des projets et programmes pour l’atteinte des objectifs de la société et le maintien d’une certaine stabilité dans sa gouvernance.

À long terme, les employés d’EDM-SA préconisent la mise en place d’un plan pour développer les énergies renouvelables au Mali, des investissements dans la modernisation du réseau de transport pour réduire les pertes et la formation du personnel pour mieux répondre aux crises énergétiques.

Pour l’analyste économique Hamadoun Haïdara, « il revient au Premier ministre de faire le tri parmi les multiples propositions faites et de mettre en place un plan d’actions pour la mise en œuvre, dans un délai raisonnable, des mesures qui seront retenues ». « Mais déjà la démarche du Chef du gouvernement démontre sa volonté de trouver rapidement une issue à cette crise qui n’a que trop duré », souligne-t-il.

Nouvelle feuille de route

Dans la foulée des propositions des employés d’EDM-SA le 5 décembre, le Premier ministre a tenu le même jour une séance de travail avec les ministres de l’Énergie, de l’Économie et de l’Industrie, élargie à la direction d’EDM ainsi qu’aux acteurs sociaux, dont les représentants des secteurs pétrolier, bancaire et minier. Selon la Cellule de Communication de la Primature, les échanges lors de cette rencontre ont permis de dégager des pistes concrètes.

« Une feuille de route détaillée est en cours d’élaboration pour aboutir à un plan d’actions visant à stabiliser l’approvisionnement énergétique entre décembre 2024 et mars 2025 », précise-t-elle.

En outre, le ministre de l’Énergie et de l’Eau, le Directeur général d’EDM et les représentants des ministères de l’Économie et de l’Industrie rencontreront dans les prochains jours les fournisseurs d’EDM-SA pour définir de nouvelles modalités d’approvisionnement.

Cette rencontre sera suivie, selon la Primature, d’une grande réunion entre toutes les parties prenantes pour valider le plan d’actions final.

Allègement en vue ?

Depuis le début de la crise, de nombreux efforts ont été déployés par les autorités de la Transition, sans pour autant parvenir à mettre fin aux délestages intempestifs dans le pays. Parmi les mesures prises en mars dernier, un protocole d’accord de gestion de la dette bancaire d’EDM avait été signé entre le ministère de l’Économie et des Finances et l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Mali (APBEF-Mali).

Il consistait à étaler la période de remboursement de ladite dette (plus de 300 milliards de francs CFA) sur une période de 10 ans à un taux voisin du taux du guichet marginal de la BCEAO, avec un différé de paiement d’une période d’un an.

Après avoir lancé la construction de trois centrales solaires (200 MW sur 314 hectares à Sanankoroba, 100 MW sur 228 hectares à Safo et 100 MW sur 120 hectares à Tikadougou-Dialakoro), le Président de la Transition avait également remis en juin 2024 un lot de 25 groupes électrogènes à EDM pour renforcer son parc de production.

La nouvelle dynamique de recherche de solutions à la crise énergétique enclenchée par le Premier ministre suscite de l’espoir pour une amélioration prochaine de la fourniture en électricité dans l’ensemble du pays. Mais le bout du tunnel dans cette crise que traverse le Mali depuis plusieurs mois est-il pour autant proche ?

« C’est vrai que le Premier ministre a pris à bras le corps la résolution de la crise énergétique, mais je pense qu’il faudra attendre des mesures concrètes pour une diminution significative des délestages avant de se réjouir », estime un acteur politique qui a requis l’anonymat.

Selon ce dernier, toutes les propositions recensées au niveau du personnel d’EDM-SA ne sont pas nouvelles et les plus susceptibles d’apporter une certaine amélioration immédiate de la situation, à l’instar de la reprise du partenariat avec la CIE, ne seront probablement pas exploitées.

Toutefois, de l’avis de certains observateurs, la mise en œuvre du plan d’actions qui sera établi à l’issue des différentes rencontres initiées par le Premier ministre pourrait aboutir à un allègement de la crise énergétique dans les prochaines semaines.

Mohamed Kenouvi

 

Nouveau gouvernement : Entre continuité et défis

Mis en place le 21 novembre 2024, suite au limogeage de l’ancien Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, le nouveau gouvernement fait face à des défis persistants dans divers domaines, tout en devant préserver la stabilité sociopolitique du pays. Dirigée par le Général de division Abdoulaye Maïga, cette nouvelle équipe a pour mission de conduire la Transition à son terme dans les prochains mois.

On ne change pas une équipe qui gagne. Cependant, un réajustement s’impose lorsque le capitaine de l’équipe n’est plus sur la même longueur d’onde que ses coéquipiers. C’est en somme la situation qui a prévalu la semaine dernière au sommet de la Transition, aboutissant à la nomination du Premier ministre Abdoulaye Maïga et à la formation d’un nouveau gouvernement.

Bien que l’équipe gouvernementale sortante, en place depuis mai 2021 avec un réaménagement intervenu le 1er juillet 2023, n’ait pas montré ses limites, sa dissolution a été directement causée par le limogeage de Choguel Maïga, dont les propos virulents à l’encontre des militaires, tenus le 16 novembre dernier, ont provoqué l’ire de nombreuses organisations de soutien à la Transition.

Cela explique le choix du nouveau Premier ministre et du Président de la Transition de conserver dans le nouveau gouvernement 21 ministres de l’ancienne équipe.

Ossature maintenue

Tout comme l’équipe sortante, le gouvernement d’Abdoulaye Maïga est composé de 28 ministres. Les ministres de la Défense et de la Réconciliation nationale, les Généraux de corps d’armée Sadio Camara et Ismaël Wagué, sont maintenus à leurs postes. C’est également le cas d’Abdoulaye Diop et d’Alousséni Sanou, reconduits respectivement aux Affaires étrangères et à l’Économie.

En plus de ces départements stratégiques, plusieurs ministres ont conservé leurs portefeuilles, notamment Mahamadou Kassogué à la Justice, le Général de division Daoud Aly Mohammedine à la Sécurité, le Colonel Assa Badiallo Touré à la Santé, Mme Dembélé Madina Sissoko aux Transports, Amadou Sy Savané à l’Éducation nationale et Fassoun Coulibaly au Travail, à la Fonction publique et au Dialogue social.

Abdoul Kassim Fomba, Amadou Keita, Bouréma Kansaye, Mossa Ag Attaher et Alhamdou Ag Ilyène ont également été reconduits respectivement aux ministères de la Jeunesse et des Sports, des Mines, de l’Enseignement supérieur, des Maliens de l’Extérieur et de la Communication.

« Le nouvel attelage s’inscrit clairement dans une logique de continuité. Je pense qu’il n’y aura pas de changements majeurs dans la politique mise en place, d’autant plus que c’est le Président de la Transition qui continuera à donner les orientations stratégiques », estime l’analyste politique Oumar Sidibé.

Si la taille du gouvernement reste conforme à la loi fixant à 30 le nombre maximum de ses membres, la Loi 052, qui fixe le quota des femmes à 30% dans les postes nominatifs et électifs, n’a pas été respectée.

Changements mineurs

Seuls 7 anciens ministres ont quitté le gouvernement. Parmi eux, les proches du Premier ministre sortant Choguel Kokalla Maïga, comme on pouvait s’y attendre, Ibrahim Ikassa Maïga et Mme Sylla Fatouma Sékou Dicko, qui étaient respectivement en charge de la Refondation de l’État et des Réformes politiques et institutionnelles.

Bintou Camara a également été remerciée au ministère de l’Énergie et de l’Eau, tout comme Mariam Maiga et Aminata Traoré, qui ont perdu leurs portefeuilles à la Promotion de la Femme et à l’Entrepreneuriat national.

Andogoly Guindo et Mamadou Samaké, également débarqués des ministères de l’Artisanat et de l’Environnement, ne poursuivront pas l’aventure au sein de l’équipe gouvernementale.

Sept nouveaux ministres font donc leur entrée dans le gouvernement du Premier ministre Abdoulaye Maïga, qui conserve par ailleurs son ancien portefeuille de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.

Le spécialiste en Décentralisation, déconcentration et élections Mamani Nassiré est nommé ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politiques et du soutien au processus électoral. Ce qui va dans le sens de faire de 2025 une année électorale, comme l’estiment de nombreux spécialistes.

Quant au département de la Refondation de l’État, il sera désormais piloté par le professeur d’Enseignement supérieur à la retraite Bakary Traoré. L’ancienne Maire de la Commune urbaine de Goundam et ex Ambassadrice du Mali en Allemagne Oumou Sall Seck, prend les commandes du ministère de l’Entrepreneuriat national, tandis que le département de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable est confié à Mme Doumbia Mariam Tangara, Ingénieur des eaux et forêts.

Nouveau visage également au ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie Hôtelière et du Tourisme, désormais dirigé par l’entrepreneur culturel et fondateur du Festival sur le Niger Mamou Daffé.

Mme Diarra Djénéba Sanogo est quant à elle nommée ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, et le département de l’Énergie et de l’Eau, l’un des secteurs avec le plus d’attentes de la part de la population, est désormais dirigé par l’ancien Administrateur général du cabinet de consultation Consultaf, Boubacar Diané.

Nouveau cap ?

Depuis le début de la Transition, en 2020, le Général de division Abdoulaye Maïga est le troisième Premier ministre aux commandes du gouvernement.

Contrairement au changement intervenu en mai 2021, avec la rectification de la Transition et la nomination de Choguel Kokalla Maïga, l’arrivée du nouveau Premier ministre ne présage pas de changements majeurs pour la suite de la période transitoire. Le Général de division Abdoulaye Maïga l’a d’ailleurs indiqué aux membres du cabinet de la Primature lors de sa prise de contact, le lundi 25 novembre 2024.

« Notre engagement pour le Mali est le même. Il n’y aura pas de changement de cap, mais une réorientation technique. L’essentiel, c’est de maintenir la même vision pour atteindre les objectifs de réalisation de la vision du chef de l’État, celle du Mali Kura », a confié le Premier ministre.

Pour cette réorientation technique, le Général de division a déjà pris des mesures à la Primature. Les décrets de nomination de plusieurs conseillers spéciaux, ainsi que de nombreux conseillers techniques et chargés de mission proches de son prédécesseur, ont été abrogés le 25 novembre 2024. Le Chef du gouvernement, réputé pour sa rigueur et son pragmatisme dans la conduite des affaires, va s’entourer d’autres profils dans sa mission à la Primature.

Grands défis

Si la nouvelle équipe gouvernementale ne devrait pas amorcer de changements majeurs dans la conduite de la suite de la Transition, elle est tout de même attendue sur plusieurs fronts.

Dans ce contexte, aucun calendrier n’a encore été fixé, mais de plus en plus de voix s’élèvent au sein de la classe politique pour demander l’organisation de l’élection présidentielle qui mettra un terme à la Transition, pour amorcer un retour effectif à l’ordre constitutionnel.

Pour certains observateurs, la nomination d’un ministre délégué en soutien au processus électoral constitue un signal fort du nouveau gouvernement en faveur de la tenue prochaine de cette élection. Pour relever le défi de l’organisation d’un scrutin présidentiel apaisé, transparent et crédible, le Général de division Abdoulaye Maïga devra rassembler et impliquer l’ensemble des acteurs de la classe politique tout au long du processus.

Le nouveau gouvernement devra également poursuivre les efforts sur le plan sécuritaire en intensifiant la lutte contre le terrorisme sur l’ensemble du territoire. Malgré les succès engrangés par les Forces armées maliennes ces derniers mois, la menace terroriste demeure et nécessite une adaptation continue des stratégies sur le terrain.

La refondation de l’État enclenchée sous cette Transition devrait également se poursuivre sous la nouvelle équipe gouvernementale avec le parachèvement de nombreuses réformes politiques et institutionnelles en cours.

Le Premier ministre Abdoulaye Maïga et son gouvernement sont en outre très attendus sur la résolution de la grave crise énergétique que traverse le pays depuis plus de deux ans.

Le nouvel attelage aura également pour missions la relance économique, l’apaisement du climat social, la lutte contre la corruption et des efforts en matière de bonne gouvernance.

Sur le plan diplomatique, le Premier ministre et son gouvernement devront également faire face au défi de consolider le positionnement du Mali dans la sous-région, de poursuivre les chantiers de développement de la Confédération de l’AES et de préparer la sortie annoncée du Mali, avec le Burkina Faso et le Niger, de la CEDEAO, qui sera effective en janvier 2025.

Mohamed Kenouvi

Transition : Choguel K. Maïga remplacé par le Général Abdoulaye Maïga

Le Président de la Transition, le Général Assimi Goïta, a démis de ses fonctions le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, ainsi que l’ensemble de son gouvernement, le mercredi 20 novembre 2024. Cette décision, officialisée par un décret présidentiel, intervient dans un contexte politique marqué par de fortes tensions entre les autorités militaires et civiles. Elle ouvre une nouvelle étape pour la Transition avec la nomination du Général de division Abdoulaye Maïga à la Primature.

Lors d’un rassemblement du Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) le 16 novembre dernier, Choguel Maïga avait exprimé son mécontentement quant à sa marginalisation dans les prises de décisions, notamment sur la prolongation de la transition politique. Il avait déclaré : « ce n’est pas normal dans un gouvernement. Le Premier ministre ne peut pas apprendre dans les médias que les élections sont reportées sans débat au sein du gouvernement ».

Cette prise de position a aggravé les tensions entre Choguel Maïga et les autorités militaires au pouvoir. Pour plusieurs observateurs, le Premier ministre, dont les relations avec les militaires étaient déjà tendues depuis plusieurs mois, a franchi la ligne rouge lors de cette sortie.

Pression populaire 

Les déclarations critiques de Choguel Maïga lors du meeting du 16 novembre ont provoqué des réactions vives de diverses associations et organisations de la société civile, qui ont réclamé son départ immédiat.

Menées par l’Alliance pour la refondation du Mali (AREMA), lors d’un meeting, le 19 novembre à l’occasion de l’An 1 de la reprise de Kidal, elles ont appelé le Président de la Transition à démettre le Chef du gouvernement de ses fonctions. Ces pressions ont sans doute contribué à la décision présidentielle de se séparer du locataire de la Primature.

Le jour même où la décision a été annoncée, le Conseil des ministres, habituellement programmé le mercredi, avait été reporté sans explication officielle. Bien que l’absence de plusieurs ministres ait pu justifier ce report, de nombreuses sources indiquaient que le Chef du gouvernement n’avait été informé qu’au dernier moment.

Des divergences étaient apparues depuis plusieurs mois entre Choguel Maïga et les militaires, qui étaient accusés de vouloir écarter le Premier ministre de ses fonctions. Un remaniement gouvernemental, en juillet 2023, avait déjà affaibli sa position, avec le départ de plusieurs de ses alliés proches perçu comme un avertissement à son encontre.

3 ans et 5 mois à la Primature

Nommé Premier ministre en juin 2021, Choguel Kokalla Maïga a joué un rôle-clé dans la transition politique au Mali. Initiateur de la rectification de la Transition, Il a été à la base des grandes réformes politiques et institutionnelles. Choguel Maïga a organisé les Assises nationales de la Refondation, dont les recommandations ont été déclinées en priorités gouvernementales, avec un calendrier de mise en œuvre et un plan de suivi-évaluation.

En 2022, il avait dû s’éloigner temporairement de ses fonctions pour des raisons de santé. Pendant son absence, le ministre de l’Administration territoriale et Porte-parole du gouvernement, le Général Abdoulaye Maïga, avait assuré l’intérim avant d’être nommé ministre d’État et Premier ministre « adjoint » lors du retour de Choguel Maïga.

Nouvelle phase

Le limogeage de Choguel Maïga et de son gouvernement ouvre une nouvelle phase d’incertitude politique au Mali, alors que le pays est toujours en quête de stabilité et de gouvernance démocratique. Cette décision reflète les tensions persistantes entre les autorités militaires et civiles concernant la gestion de la Transition et le calendrier électoral.

La prolongation de la Transition sans consultation préalable du gouvernement et le limogeage du Premier ministre pourraient être perçus comme les signes d’une concentration du pouvoir entre les mains des autorités militaires. Cette situation pourrait compromettre la crédibilité du processus de transition et de susciter des inquiétudes tant au niveau national qu’international.

En effet, très rapidement, en fin de matinée du jeudi 21 novembre 2024, a été désigné le nouveau Premier ministre pour le reste de la période transitoire. Il s’agit du Général de Division Abdoulaye Maïga, ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Ministre d’État, il joue un rôle central dans le gouvernement et a la confiance du Président de la Transition. Alors que l’élection présidentielle pourrait se tenir en 2025, sa nomination à la tête du gouvernement pourrait contribuer à rassurer la classe politique, avec laquelle il entretient de bons rapports.

Mohamed Kenouvi et Massiré Diop