En Afrique subsaharienne, le riz occupe une place de choix dans l’alimentation, juste après le maïs, comme la céréale la plus consommée. Le Mali ne fait pas exception et environ 25% de ses besoins en riz sont couverts par des importations. Une situation qui expose le pays à la volatilité des marchés mondiaux. En 2021, le pays avait interdit l’importation de riz pour protéger le marché local et favoriser la production nationale. Mais cette interdiction a été levée de facto en décembre 2023, suite à la présence de riz indien sur le marché malien.
On se souvient que le 6 décembre 2021, dans un contexte de récoltes céréalières limitées et de crainte de pénurie alimentaire, le Mali avait annoncé l’interdiction des exportations de céréales, dont le riz. Cette mesure visait à garantir l’approvisionnement local et à stabiliser les prix des denrées alimentaires de base, qui étaient en hausse depuis début 2021. Cependant, l’inefficacité de la production nationale à répondre aux besoins a conduit les autorités à revoir leur position sur les importations, malgré les restrictions formelles toujours en vigueur.
En décembre 2023, l’Inde, le deuxième producteur mondial de riz après la Chine, a autorisé l’exportation de 100 000 tonnes de riz brisé vers le Mali dans le cadre d’un accord bilatéral. Pourtant, cette décision contredisait l’interdiction indienne d’exporter du riz décrétée en septembre 2022 dans le but de protéger son propre marché. L’autorisation délivrée par la National Cooperative Exports Limited s’inscrivait dans une série de mesures visant à aider les pays africains en situation de vulnérabilité alimentaire.
Le riz indien importé au Mali se compose principalement de deux types : le riz brisé et le riz non-basmati, avec des spécificités et des usages variés. S’agissant du riz brisé, il est très utilisé dans la cuisine malienne car prisé pour son prix bas et sa disponibilité, ce qui en fait un choix populaire au Mali. Concernant le riz non-basmati, principal produit d’exportation de l’Inde, il est utilisé pour diverses préparations culinaires. Bien que moins coûteux que le riz basmati, il se distingue par sa qualité intermédiaire et est compétitif sur les marchés mal desservis par des productions locales.
Ces variétés indiennes rivalisent directement avec les productions de riz du Mali, souvent moins compétitives en termes de coût et de volume.
Dynamique complexe sur le marché local
L’importation massive de riz indien crée une dynamique complexe sur le marché malien. D’un côté elle permet de répondre aux besoins importants en riz, une denrée dont la demande continue d’augmenter, particulièrement dans les zones urbaines. En effet, l’approvisionnement en riz indien pourrait contribuer à stabiliser les prix, qui avaient atteint des niveaux préoccupants au cours des dernières années.
Toutefois, cette importation pose un défi sérieux aux producteurs locaux. Le riz malien, produit essentiellement dans la région de l’Office du Niger, fait face à des coûts de production élevés, avec des infrastructures limitées et des conditions climatiques souvent défavorables. L’arrivée de riz moins cher en provenance d’Inde risque de nuire aux marges des agriculteurs maliens, déjà fragilisés par des problèmes d’ordre structurel et conjoncturel.
Par ailleurs, la qualité perçue du riz indien, bien que différente de celle du riz malien, pourrait également influencer les habitudes de consommation. La demande pour des produits importés plus abordables pourrait pousser les consommateurs maliens à délaisser le riz local, aggravant ainsi la pression sur les agriculteurs et sur l’économie rurale.
Des défis à relever
Certes, l’ouverture partielle du marché malien aux importations de riz indien répond à une nécessité urgente de satisfaire la demande locale. Mais cette politique soulève des questions à long terme sur la durabilité de la production nationale. Pour protéger les producteurs locaux, des experts estiment que le Mali pourrait envisager des mesures compensatoires, telles que des subventions à la production ou des investissements dans l’irrigation et les infrastructures agricoles.
De plus, selon eux, le gouvernement devrait mettre en œuvre une stratégie visant à équilibrer les importations avec des politiques favorisant la compétitivité du riz malien sur le marché national. Sans cela, la dépendance à l’importation pourrait saper les efforts de sécurité alimentaire à long terme.
La reprise des importations de riz indien au Mali en décembre 2023 constitue un événement clé dans le secteur agroalimentaire du pays. Si elle permet de répondre aux besoins immédiats de consommation, cette décision aura des impacts durables sur la production locale et la dynamique du marché. L’idéal serait de mettre en place des politiques équilibrées pour à la fois répondre à la demande, soutenir les producteurs locaux et garantir une sécurité alimentaire pérenne.
Massiré Diop