Renommage des espaces publics : L’absence remarquée de femmes et d’anciens dirigeants 

Le mercredi 25 décembre, les autorités ont procédé à la rebaptisation de plusieurs lieux publics emblématiques à travers le pays.…

Le mercredi 25 décembre, les autorités ont procédé à la rebaptisation de plusieurs lieux publics emblématiques à travers le pays. Ce processus s’inscrit dans une démarche globale visant à tourner la page de l’héritage colonial tout en promouvant des figures et valeurs nationales. Parmi les espaces concernés figurent des rues, des avenues, des boulevards, des places publiques et des institutions académiques.

Dans la capitale Bamako, plusieurs lieux emblématiques ont été renommés dans le cadre d’un effort de valorisation de l’histoire nationale et de décolonisation symbolique. La Rue Faidherbe est désormais connue sous le nom de Rue Mamadou Lamine Dramé, en hommage à un résistant de renom contre la colonisation. De même, l’Avenue Ruault a été rebaptisée Avenue Capitaine Sékou Traoré, honorant un héros national de la défense de la souveraineté.

Par ailleurs, la Rue Archinard porte désormais le nom de Rue El Hadj Cheick Oumar Tall, une figure clé de la résistance anticoloniale et de la spiritualité islamique. La Rue Borgnis-Desbordes, autrefois associée à une figure coloniale, est devenue la Rue Samory Touré, en l’honneur de l’empereur ouest-africain qui a mené une lutte acharnée contre la colonisation.

Dans le cadre des grandes artères, le Boulevard Soundjata Keïta, en référence au fondateur de l’Empire du Mali, remplace la Route régionale n°9, reliant le Rond-point de Koulouba à l’entrée du Camp Soundjata Keïta à Kati. Le Boulevard Damaguilé Diawara, nommé d’après un acteur historique majeur, relie Samé au rond-point du Camp Soundjata à Kati via la Route nationale n°3.

Enfin, les places publiques ne sont pas en reste. La Place du Sommet Afrique-France a été rebaptisée Place de la Confédération des États du Sahel, marquant une nouvelle ère de coopération régionale et de souveraineté renforcée. L’Avenue CEDEAO a été renommée Avenue de l’Alliance des États du Sahel (AES), en référence à l’organisation régionale créée en 2023.

Ce changement vise à marquer une symbolique avec des institutions internationales perçues comme héritières d’une influence étrangère.

Cependant, une critique majeure s’élève : aucun des nouveaux noms ne met à l’honneur les femmes, bien qu’elles aient joué un rôle déterminant dans l’histoire du Mali. Des figures féminines telles qu’Aoua Kéita, première femme députée du Mali et militante anticolonialiste, Sira Diop, pionnière de l’éducation féminine, Inna Sissoko Cissé, première femme membre du gouvernement ou encore Mariam Travélé, Enseignante, militante pour l’indépendance et première Première Dame du Mali, épouse du président Modibo Keïta, etc. n’ont pas été intégrées au projet. Cette omission suscite des interrogations sur l’inclusivité et la reconnaissance du rôle des femmes dans la construction nationale.

Autre aspect controversé, aucun des anciens présidents élus comme Alpha Oumar Konaré (1992-2002) et Ibrahim Boubacar Keïta (2013-2020), n’a été honoré. Leur exclusion des nouvelles dénominations étonne, étant donné leur contribution respective à l’histoire contemporaine du Mali. Alpha Oumar Konaré, premier président démocratiquement élu, est reconnu pour ses efforts de réforme institutionnelle et culturelle. Ibrahim Boubacar Keïta, malgré les critiques, reste associé à des avancées économiques et diplomatiques durant son mandat.

Un débat national en cours

Le processus de débaptisation a relancé le débat sur l’équilibre à trouver entre mémoire historique, souveraineté nationale et inclusivité. Si la démarche est saluée par certains comme une étape importante de décolonisation, d’autres critiquent une approche jugée incomplète. Des voix s’élèvent pour réclamer une seconde phase intégrant des femmes et des figures politiques contemporaines, afin de refléter la diversité et la richesse de l’histoire malienne.

Ce projet de renommage pourrait s’étendre à d’autres villes du pays, comme Tombouctou, Gao ou Kidal, où des figures locales attendent également une reconnaissance nationale. Cependant, pour éviter les critiques persistantes, les autorités devront faire preuve d’une plus grande inclusivité, notamment en intégrant des figures féminines et contemporaines dans leur démarche.