Le Syndicat national des banques et établissements financiers (SYNABEF) a suspendu son mot d’ordre de grève de 72 heures entamée le 17 avril 2025. Un sursis qui devrait permettre d’aplanir les derniers points d’achoppement et d’éviter une crise majeure.
L’affluence devant les banques ce 22 avril en disait long sur les attentes des usagers après la reprise des activités au sein des institutions de financement. Après deux jours de grève et plusieurs médiations, le SYNABEF a décidé de donner une nouvelle chance aux négociations. Saluant « l’attitude constructive » du syndicat, le Premier ministre Abdoulaye Maïga s’est engagé à ne ménager aucun effort pour résoudre les points de blocage qui subsistent dans les revendications lors d’une rencontre tenue le 18 avril. Prévue pour durer 72 heures, la grève menaçait d’être prolongée à partir du 22 avril pour 120 heures supplémentaires, avant d’être suspendue le 19 avril. Ce qui a permis d’éviter un blocage complet en cette fin de mois critique où les salaires sont particulièrement attendus.
Après plusieurs discussions, la grève a été levée temporairement. Sur les quinze points du préavis, douze ont fait l’objet d’un accord. Les trois restants concernent des dossiers judiciaires sensibles. Il s’agit notamment de la détention de deux travailleurs d’Ecobank, dans l’affaire dite des « fausses garanties » avec la société EDM-SA, du licenciement de 158 agents d’UBIPHARM, jugé abusif, et de celui d’un pompiste de Star Oil congédié à la suite de la plainte d’un client. Pour ces dossiers, les médiateurs ont sollicité un délai supplémentaire pour permettre un examen approfondi, invoquant le respect de l’indépendance de la justice. Ces cas, jugés prioritaires par le syndicat, constituent un symbole de la lutte contre les atteintes à la liberté syndicale, selon Mamadou Sékou Traoré, Secrétaire général du Comité syndical de la BNDA.
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Le cas UBIPHARM concerne 158 travailleurs licenciés pour avoir réclamé leurs droits et sans emplois depuis 18 mois. Un dossier que le SYNABEF considère comme non négociable. Il est donc prêt à relancer le mouvement si rien n’évolue. Quant au pompiste licencié à Star Oil, le syndicat considère qu’il s’agit d’un licenciement abusif. Enfin, les deux agents d’Ecobank ont été arrêtés dans le cadre d’un contrat litigieux impliquant EDM-SA, un dossier sensible sur lequel le SYNABEF veut des clarifications immédiates.
Les interventions du Haut Conseil Islamique (HCI), du ministre du Travail et de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) ont contribué à convaincre le syndicat de suspendre temporairement son mot d’ordre. Cette suspension ne signifie pas un abandon, mais une porte ouverte à un règlement pacifique.
Parmi les revendications acceptées figurent la signature de la Convention collective des distributeurs de produits pharmaceutiques et la réintégration des travailleurs de Pétro Bama et de Baraka Petrolium licenciés pour avoir observé un arrêt de travail. D’autres points concernent la régularisation des travailleurs intérimaires, la mise en place de commissions pour veiller à l’application des accords, ainsi que l’uniformisation de la gestion du fonds social. Le syndicat tient à rappeler que ces quinze points ne concernent ni augmentations salariales ni primes, mais uniquement des revendications de justice sociale et de respect des libertés syndicales.
Des impacts négatifs
Malgré la suspension de la grève, les impacts économiques ont été notables. Le SYNABEF se félicite du suivi massif du mot d’ordre, qui ne visait que des réparations, mais reconnaît les conséquences négatives sur l’économie nationale. À l’exception de deux établissements, toutes les banques ont respecté la grève. S’y sont ajoutés les institutions de microfinance, les assurances, une grande partie des stations-service ainsi que plusieurs commerces, entraînant un ralentissement brutal de l’activité économique.
Durant deux jours, l’économie malienne a fonctionné au ralenti. Ce blocage a perturbé les flux monétaires, retardé le paiement des salaires et compliqué les transactions commerciales. Les syndicalistes rappellent que la grève demeure le dernier recours lorsque les autres canaux de négociation échouent. Ils appellent les autorités à assumer leur rôle dans la gestion des conflits sociaux, soulignant que les revendications du SYNABEF ne dépassent pas les moyens de l’État. « Ce sont des cas d’abus que l’on doit juste corriger. On n’aurait pas dû en arriver là », insiste Mamadou Sékou Traoré.
Les répercussions potentielles à moyen terme ne sont pas à négliger. La croissance économique, prévue à 4,4% en 2025, pourrait être revue à la baisse si une grève prolongée venait à perturber durablement les secteurs-clés. Le secteur extractif, en particulier, est très vulnérable. Il représente environ 80% des exportations du pays et dépend fortement des services bancaires pour ses paiements et ses approvisionnements. Déjà fragilisés par des tensions entre l’État et certaines entreprises minières, les acteurs du secteur craignent une nouvelle crise. « Nos commandes ont considérablement diminué avec les tensions entre l’État et certaines sociétés minières. Nous ne voulons pas d’une nouvelle contrainte à nos activités », confie un responsable commercial d’une société fournissant des équipements miniers.
Une crise prolongée dans le secteur bancaire pourrait également provoquer une hausse des prix à la consommation, alors que le taux d’inflation était contenu à 4,9% à la fin 2024. L’interruption des chaînes d’approvisionnement, combinée à une demande stable, risque de créer une situation de pénurie. Celle-ci pourrait générer une pression inflationniste, en particulier sur les biens de première nécessité.
Du côté des finances publiques, les prévisions de la Loi de finances 2025 tablaient sur une augmentation des recettes fiscales de 1,4 point, pour atteindre 16,2% du PIB, contre 14,8% dans la Loi rectifiée de 2024. Les recettes budgétaires devaient s’élever à 2 648,9 milliards de francs CFA, contre 2 387,8 milliards en 2024. Ces objectifs risquent d’être mis à mal si les grèves se multiplient ou se prolongent. Pour rappel, lors du mouvement de l’UNTM de 2020, les pertes quotidiennes avaient été estimées entre 5 et 10 milliards de francs CFA par jour. Un précédent que l’État souhaite éviter à tout prix.
À long terme, la répétition de telles crises pourrait entraîner une récession. En plus des pertes directes, l’instabilité génère de l’incertitude, freine les investissements et pousse les ménages à la prudence, diminuant ainsi la consommation. L’offre de biens et services se contracte, tandis que la demande reste constante, voire augmente, créant un déséquilibre de marché susceptible d’aggraver l’inflation.
Promesses à tenir
Les syndicalistes restent déterminés à obtenir gain de cause. Ils affirment qu’ils ne se contenteront pas de promesses, mais exigeront des résultats concrets. « Nous sommes dans une phase d’attente vigilante », confie une source syndicale. Le SYNABEF insiste sur le respect du calendrier de mise en œuvre des accords, certains devant être appliqués sous quelques jours et d’autres dans un délai plus étendu.
La situation actuelle dévoile les insuffisances du dialogue social. Les grèves à répétition traduisent l’incapacité à instaurer un cadre efficace de concertation entre les acteurs sociaux. Il est urgent d’élaborer un mécanisme permanent de médiation capable de prévenir les crises plutôt que d’intervenir lorsqu’elles sont déjà déclarées.
Si la paix sociale est un levier essentiel pour la croissance et la stabilité économique, elle ne peut être garantie sans justice sociale. Le SYNABEF, en suspendant son mot d’ordre de grève, tend la main au gouvernement. Il revient désormais aux autorités de transformer cet acte d’apaisement en dynamique durable, à travers des engagements tenus, un dialogue sincère et une volonté ferme de réforme.