Débloquer l’apprentissage par l’IA

L’intelligence artificielle a captivé l’imagination des chefs d’entreprise désireux de mettre en œuvre de nouvelles solutions technologiques dans leur secteur. Mais l’IA pourrait également être appliquée à des problèmes plus vastes et plus complexes, notamment dans le domaine de l’éducation. Cette vision est en passe de devenir une réalité, la technologie contribuant déjà à améliorer l’apprentissage des élèves, à créer de nouvelles voies vers des carrières gratifiantes et à aligner l’éducation d’aujourd’hui sur les emplois de demain.

 

Selon un rapport récent, près de la moitié des enseignants et des administrateurs scolaires interrogés aux États-Unis qui utilisent actuellement l’IA dans leur travail sont optimistes quant à son potentiel. Mais le manque de formation entrave l’adoption généralisée de l’IA.

Heureusement, il est relativement simple de surmonter cet obstacle. Pour commencer, les chefs d’entreprise et les décideurs politiques devraient collaborer pour offrir aux enseignants une formation gratuite sur les principes fondamentaux de l’IA et ses applications pratiques. Un module de formation des formateurs peut être mis en place par le biais d’un apprentissage en ligne gratuit ou peu coûteux et adapté à des niveaux d’enseignement spécifiques ou à des programmes d’études locaux. Cette approche permet aux éducateurs de prendre confiance en la nouvelle technologie et de commencer à expérimenter des applications pratiques dans leurs classes.

En outre, les enseignants formés à l’IA sont mieux armés pour aider les élèves qui souhaitent en savoir plus sur ce secteur. Une enquête d’IBM montre que de nombreux apprenants souhaitent occuper des emplois technologiques bien rémunérés, mais pensent qu’ils ne sont pas qualifiés parce qu’ils n’ont pas les diplômes nécessaires. D’autres disent qu’ils ne savent tout simplement pas par où commencer. C’est là que l’IA générative entre en jeu : elle peut recommander des cours qui correspondent aux niveaux et aux intérêts des apprenants, et offrir un retour d’information en temps réel au fur et à mesure qu’ils avancent dans la matière. Les solutions alimentées par l’IA peuvent même mettre les étudiants en contact avec des mentors qui peuvent les conseiller sur l’enseignement supérieur et la progression de leur carrière. Il en résulte une expérience éducative plus personnalisée et plus immédiate que l’apprentissage en ligne d’hier.

L’un des principaux obstacles à la réduction du déficit de compétences en matière d’IA est le rythme effréné de l’innovation, qui a entraîné une demande d’expertise non satisfaite considérable. Selon le Forum économique mondial, la moitié de la main-d’œuvre mondiale a besoin de se perfectionner ou de se recycler, mais le marché de la formation n’est pas à même de répondre à ce besoin. Il est encourageant de constater que de nouvelles offres sont déployées dans l’ensemble de l’écosystème de l’IA, qu’il s’agisse de cours sur l’éthique et l’ingénierie rapide ou de ressources expérimentales créatives pour les étudiants. Étant donné que la durée de vie des compétences techniques continue de se réduire, les jeunes étudiants et les apprenants permanents doivent être encouragés à investir dans la formation à l’IA.

Dans le même temps, l’IA entraîne des changements radicaux dans les industries et les marchés, et la vaste portée de cette transformation exige une réponse tout aussi globale – les efforts individuels ne suffiront pas. La première étape pour aider les apprenants à trouver leur voie vers les emplois de demain est de s’assurer que ces postes existent. Les dirigeants d’entreprise et les décideurs politiques doivent travailler ensemble pour créer des emplois qui offrent un travail de plus grande valeur aux candidats qualifiés, qui, à leur tour, seront mieux à même de subvenir aux besoins de leur famille.

Tout aussi importantes sont les collaborations multisectorielles telles que l’AI Alliance, qui vise à encourager l’ouverture sur ces systèmes et à accélérer le partage des connaissances, et le AI-Enabled Information and Communication Technology (ICT) Workforce Consortium, qui oriente les travailleurs vers des programmes de formation pertinents. Cette action collective permet de tirer parti de l’engouement pour l’IA afin d’élaborer des cadres communs et de développer une approche axée sur les compétences, capable d’identifier et d’éduquer les leaders technologiques de demain.

Le travail ne fait que commencer. Les leaders de l’industrie et les décideurs politiques doivent continuer à développer une approche commune de l’éducation et de la création d’emplois à l’ère de l’IA et encourager une formation plus répandue aux principes fondamentaux de la technologie. En tant que Chief Impact Officer d’IBM, je me demanderai comment mon organisation peut s’assurer que les étudiants, les enseignants, les employés et les demandeurs d’emploi bénéficient de ces avancées. Bien que nous ayons fait un pas dans cette direction avec IBM SkillsBuild, façonner les industries et les emplois du futur nécessite une foule de fonctions et de programmes alimentés par l’IA qui peuvent fournir aux apprenants des expériences éducatives personnalisées tout au long de leur vie.

 

Justina Nixon-Saintil est vice-présidente et directrice de l’impact chez IBM.

 

Project Syndicate, 2024.

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Réforme le FMI avant qu’il ne disparaisse

Le monde a besoin d’un Fonds monétaire international efficace. Les pays se sont lourdement endettés à la suite de la pandémie de Covid-19, et le risque de nouveaux chocs s’accroît à mesure que le monde se réchauffe et que de nouveaux agents pathogènes apparaissent. Le protectionnisme (parfois masqué par des intérêts sécuritaires) est en hausse, entravant les voies traditionnelles du développement. Alors que les économies vacillent, personne ne veut absorber les personnes désespérées qui bravent des jungles ou montent sur des bateaux branlants et surchargés à la recherche de moyens de subsistance décents.

 

Nous avons besoin d’un intermédiaire honnête pour aider les pays à négocier des règles équitables en matière d’échanges internationaux (y compris, dans l’immédiat, des règles sur les subventions), pour dénoncer les contrevenants, pour critiquer les mauvaises politiques et pour intervenir en tant que prêteur en dernier ressort pour les pays en détresse. Malheureusement, le FMI, malgré la grande qualité de sa direction et de son personnel, est de moins en moins bien placé pour accomplir ces tâches.

Les problèmes de l’institution résident dans sa gouvernance anachronique. La plupart des décisions clés, y compris sur les prêts aux pays, sont prises par le conseil d’administration du Fonds, où les membres du G7 détiennent l’essentiel du pouvoir. Les États-Unis exercent de facto un droit de veto, et le pouvoir de vote du Japon dépasse celui de la Chine, dont l’économie n’a rien à envier à celle du Japon. La part de voix de l’Inde est bien inférieure à celle du Royaume-Uni ou de la France, alors que son économie est plus importante et croît plus rapidement que ces deux pays.

Parce que les anciennes puissances dominantes du monde refusent de lâcher prise, la sous-représentation des économies émergentes à croissance rapide persiste. Dans le même temps, il n’est plus certain que les anciennes puissances aient toujours à cœur l’intérêt mondial. Dans l’époque immédiate d’après-guerre, on pouvait faire confiance aux États-Unis, seule superpuissance économique, pour faire respecter les règles du jeu et rester généralement au-dessus de la mêlée. Mais à mesure que leurs craintes d’être dépassés se sont accrues, ils sont passés du rôle d’arbitre à celui d’acteur. Autrefois championne de l’idée que l’ouverture profite à tous, elle souhaite de plus en plus que l’ouverture ne se fasse qu’à ses propres conditions.

La qualité des décisions de prêt du Fonds risque également de se détériorer. Chaque fois que le Fonds prête, il est naturel que les pays bien connectés en difficulté économique aient tendance à obtenir plus d’aide à des conditions plus faciles. Si les prêts du Fonds ont toujours été influencés par des considérations politiques, ils ont eu plus de chances d’aboutir dans le passé grâce à l’aide extérieure de membres puissants du conseil d’administration – ainsi, par exemple, de la crise mexicaine de 1994, pour laquelle les États-Unis ont apporté une part importante du plan de sauvetage.

Les ressources budgétaires étant désormais limitées, même au sein du G7, le FMI devra de plus en plus risquer son capital, car les membres puissants de son conseil d’administration, qui n’ont que peu d’enjeux, orientent les prêts vers leurs proches alliés et clients. Une faveur qui risque en outre de ne pas aider les pays bénéficiaires des prêts, qui ont souvent besoin de plus de rigueur.

En résumé, la structure de gouvernance du FMI nuira de plus en plus à son action. Mais la redistribution des droits de vote au FMI pour refléter la répartition actuelle du pouvoir économique ne conduira-t-elle pas au chaos ? La Chine ne va-t-elle pas bloquer les prêts à tout pays lié au G7, et vice versa ? Une gouvernance dysfonctionnelle ne vaut-elle pas mieux qu’une paralysie absolue ?

Peut-être, et c’est pourquoi toute réforme affectant les droits de vote des pays devrait s’accompagner d’un changement fondamental de la gouvernance du FMI. Le conseil d’administration ne devrait plus voter sur les décisions opérationnelles, y compris les programmes de prêts individuels. Au lieu de cela, la direction générale du Fonds devrait avoir toute latitude pour prendre des décisions opérationnelles dans l’intérêt de l’économie mondiale, le conseil d’administration fixant les grandes lignes directrices et examinant périodiquement si ces lignes directrices ont été respectées.

Plus précisément, le conseil d’administration devrait devenir un conseil de gouvernance, comme c’est le cas pour les entreprises. Il définirait le mandat opérationnel de l’organisation, nommerait et modifierait la direction et contrôlerait les performances globales, mais il ne contrôlerait pas les décisions quotidiennes. Toutes les décisions opérationnelles devraient être dépolitisées. C’est d’ailleurs ce que John Maynard Keynes aurait préféré voir à l’époque de la création du Fonds. Craignant l’influence excessive des États-Unis, il a proposé un conseil d’administration non résident, ce qui, à l’époque où les communications et les voyages en bateau à vapeur étaient médiocres, impliquait un conseil d’administration non exécutif et une direction dotée de pouvoirs étendus.

Cette proposition soulève quelques objections prévisibles. La première est que les pays puissants refuseront d’engager les ressources de leurs contribuables dans le Fonds s’ils ne peuvent pas exercer un contrôle total sur leur utilisation. Mais c’est précisément ce que les puissances dominantes au conseil d’administration attendent déjà du reste du monde. Rien de nouveau sous le soleil.

Une autre objection est que les puissances émergentes comme la Chine pourraient ne pas accepter un changement dans la structure du Fonds maintenant qu’elles sont elles-mêmes sur le point d’acquérir du pouvoir. Mais si elles n’acceptent aucun changement, les anciennes puissances ne le feront pas non plus. La récente 16e révision générale des quotes-parts n’a guère modifié la répartition des pouvoirs au sein du conseil d’administration. Il faut s’attendre à ce que la situation reste inchangée, à moins que les anciennes puissances et les puissances émergentes ne parviennent à un grand compromis.

Enfin, les pays membres seraient mal à l’aise si les ressources fiscales étaient dépensées par des bureaucrates non élus qui pourraient être insensibles aux besoins de la population mondiale. Mais les considérations politiques continueront à jouer un rôle. Les administrateurs, nommés par les gouvernements, désigneront les hauts responsables du FMI et leur donneront des ordres généraux, sur la base des évaluations politiques de leurs gouvernements. Par exemple, les règles régissant les prêts peuvent devenir plus souples si les administrateurs le jugent opportun. La différence est que les règles seront appliquées uniformément dans tous les pays. Les amis puissants des pays dans le besoin pourront toujours apporter leur aide, mais ils devront le faire en dehors du programme du Fonds, plutôt qu’en contournant les règles.

Huit décennies après la création du FMI, le monde peut – et doit – entamer les négociations pour réformer sa structure de gouvernance et faire face aux nouveaux défis. L’alternative est de ne rien faire et de regarder l’institution s’éteindre.

 

Raghuram G. Rajan, ancien gouverneur de la Reserve Bank of India et économiste en chef du Fonds monétaire international, est professeur de finance à la Booth School of Business de l’université de Chicago et coauteur (avec Rohit Lamba) de Breaking the Mold : India’s Untraveled Path to Prosperity (Princeton University Press, mai 2024).

 

Project Syndicate, 2024.
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Moussa Mara : « La Transition a échoué à unir les Maliens, elle les a divisés »

Dans cet entretien exclusif, l’ancien Premier ministre du Mali Moussa Mara revient sur sa décision de renoncer à ses avantages. Il partage son analyse sur la Transition, qui, selon lui, a échoué à unir les Maliens, et sur la nécessité de réformes profondes pour renforcer la gouvernance et assurer la stabilité du Sahel. Propos recueillis par Massiré Diop.

Vous avez renoncé à vos avantages d’ancien Premier ministre. Pourquoi cette décision maintenant ?

Moussa Mara : Face à la crise que traverse le Mali, il est important que les dirigeants donnent l’exemple. Nos dirigeants demandent aux citoyens de faire des sacrifices, donc il est naturel que nous, responsables publics, montrions la voie. L’État traverse des difficultés et la population souffre. Ce geste symbolique est destiné à redonner confiance à la population et à montrer notre solidarité.

L’État continue de vous verser des indemnités malgré votre renoncement. Comment réagissez-vous face à cette situation ?

MM : J’ai envoyé deux courriers formels au Premier ministre, mais je n’ai reçu aucune réponse. Il est incompréhensible qu’un citoyen, surtout un ancien Premier ministre, n’obtienne pas de réponse. Si l’État continue de me verser ces indemnités, je les rembourserai immédiatement. Ma décision est claire et je la respecterai pleinement.

Comment pouvez-vous vous assurer que ces fonds profitent aux plus vulnérables ?

MM : Mon action est avant tout symbolique. Je n’ai pas de contrôle direct sur l’utilisation des fonds, mais je veux inspirer une meilleure gestion des ressources publiques. Ce sont les structures de contrôle et les députés qui doivent veiller à une gestion transparente des fonds publics.

Vous avez plaidé pour un « Plan Marshall » pour le Sahel. Quels sont les domaines prioritaires ?

MM : Le Sahel fait face à des défis structurels graves. Le changement climatique est dévastateur : le Mali a perdu deux tiers de ses forêts en 30 ans et le lac Tchad a perdu 80% de ses eaux. Sans restaurer nos ressources naturelles, il sera impossible de garantir la paix. Ensuite, il faut investir dans l’éducation, la santé et l’emploi pour renforcer notre capital humain. Enfin, la gouvernance publique doit être consolidée pour faire face à ces crises.

Quel regard portez-vous sur la gestion actuelle de la Transition par les autorités en place ?

MM : La Transition a eu des aspects positifs, notamment un regain de patriotisme et l’amélioration des capacités militaires, avec l’achat de nouveaux équipements. Cependant, elle a échoué à unir les Maliens. Dès le départ, elle a choisi de travailler avec certains groupes, en marginalisant d’autres. Cela a créé des divisions profondes au sein de la population, tant au niveau politique que social. Aujourd’hui, ces divisions freinent la mise en place d’un projet commun pour le pays.

Vous avez critiqué les récentes promotions au grade de Général. Pourquoi ?

MM : L’autopromotion est problématique, car elle remet en question le mérite. Ces distinctions auraient dû être accordées par des autorités élues après la Transition. De plus, le timing est mal choisi. Nous traversons une période de crise économique et même si l’impact financier de ces promotions n’est pas énorme, cela envoie un mauvais signal à la population.

Quelles réformes proposez-vous pour améliorer la gouvernance au Mali ?

MM : Il faut rétablir un ordre constitutionnel, avec des institutions légitimes élues par la population. Je propose également des concours transparents pour nommer les fonctionnaires afin de garantir que seuls les plus qualifiés accèdent aux postes importants. Nous devons aussi renforcer les mécanismes de transparence et de reddition de comptes pour regagner la confiance des citoyens.

Le budget des élections a été inclus dans la Loi de finances 2025. Pensez-vous que cela garantit la tenue des élections l’année prochaine ?

MM : Oui, j’ai bon espoir que les élections auront lieu en 2025. Il est essentiel que la Transition et les acteurs politiques travaillent ensemble pour garantir un processus électoral inclusif et transparent. Cela marquerait la fin positive de cette transition.

Quelles réformes institutionnelles sont nécessaires pour stabiliser le pays ?

MM : Les lois organiques relatives à l’Assemblée nationale et au futur Sénat, prévues dans la Constitution de 2023, sont vitales. Ces institutions doivent être pleinement opérationnelles pour garantir la continuité démocratique. De même qu’il est urgent de les mettre en place pour renforcer la stabilité du pays.

200 milliards pour rembourser la dette intérieure : Un effort louable mais insuffisant


Le ministre de l’Économie et des Finances, Alousséni Sanou, a récemment annoncé un engagement du gouvernement malien de mobiliser 200 milliards de francs CFA d’ici fin 2024 pour rembourser la dette intérieure. Bien que cette promesse soit perçue comme un geste positif, les données actuelles révèlent que ce montant est loin de suffire à résoudre les problèmes budgétaires du Mali.

Selon la Direction Générale de la Dette Publique (DGDP), la dette intérieure du Mali s’élevait à 2 777,67 milliards de francs CFA à la fin du premier semestre 2023, en hausse de 8,20% par rapport à décembre 2022. Dans ce contexte, les 200 milliards promis représentent environ 7% du total, soulignant l’insuffisance de cet effort face à la taille et à la croissance rapide de la dette.

En effet, au premier semestre 2023, le gouvernement malien a levé 607,82 milliards de francs CFA en bons et obligations du Trésor, un chiffre presque trois fois supérieur aux 200 milliards annoncés pour 2024. Cela montre à quel point cette somme pourrait être rapidement absorbée par les besoins budgétaires courants. De plus, les paiements d’intérêts sur la dette intérieure ont atteint 365,28 milliards de pendant cette même période, dépassant les prévisions initiales. Par conséquent, les 200 milliards ne suffiraient même pas à couvrir ces intérêts, sans parler du remboursement du capital.

Avec un taux d’endettement intérieur atteignant 21,5% du PIB fin juin 2023, le Mali reste fortement dépendant des instruments de dette. Les bons du Trésor représentaient 255,67 milliards de francs CFA et les obligations du Trésor 2 552 milliards de francs. Cette dépendance indique une pression croissante sur les finances publiques et les 200 milliards annoncés risquent d’être rapidement consommés sans un effet durable sur la réduction de la dette.

Des voix, dont celle de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, ont appelé à une répartition équitable, avec une priorité donnée aux créanciers les plus fragiles, notamment les petites entreprises, souvent en grande difficulté financière en raison des retards de paiement.

L’annonce de 200 milliards pour rembourser la dette intérieure est certes un geste important, mais il est insuffisant au regard des besoins réels du pays. Pour stabiliser ses finances publiques et contenir la progression de sa dette, l’État malien devra impérativement mettre en place des réformes structurelles et trouver des solutions de financement plus pérennes.

Massiré Diop

Promotions militaires sous la transition : L’ère des Généraux

Promus au grade de Général lors du Conseil des ministres du 16 octobre 2024, les nouveaux officiers généraux, parmi lesquels le Président de la transition et ses compagnons d’armes de l’ex-CNSP, ont reçu leurs attributs lors d’une cérémonie officielle tenue à Koulouba le 21 octobre. Plongée au cœur de la haute hiérarchie de l’armée malienne, où le cercle des Généraux s’accroît depuis la rectification de la transition il y a 3 ans.

Comme recommandé lors des conclusions du Dialogue Inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale en mai dernier, les Colonels Assimi Goïta, Malick Diaw, Sadio Camara, Modibo Koné et le Colonel-major Ismaël Wagué, à l’origine du renversement du régime IBK en août 2020, viennent d’être élevés au grade de Général. Le Colonel Abdoulaye Maïga, qui ne faisait pas partie du CNSP mais est devenu au fil des années l’une des principales figures du régime de transition, a aussi été promu, portant à 6 le nombre de nouveaux généraux de l’armée malienne.

Du Général de brigade Abdoulaye Soumaré, 1er Général et 1er Chef d’état-major de l’armée en 1960, au Général d’armée Assimi Goïta en 2024, l’armée malienne a compté au moins 130 Généraux à divers échelons.

Avec sa promotion au grade de Général d’armée à titre exceptionnel, le Président de la Transition, Assimi Goïta, devient le militaire le plus haut gradé de l’armée malienne. Seuls les anciens Présidents Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré avaient atteint ce grade.

Moussa Traoré avait été promu de Lieutenant à Général d’Armée en 1982, 14 ans après son coup d’État qui avait renversé le Président Modibo Keïta en 1968. Quant à Amadou Toumani Touré, il a été élevé du grade de Lieutenant-colonel à celui de Général d’armée en 1992 par le Président Alpha Oumar Konaré en guise de récompense pour sa bonne conduite de la transition de 1991.

35 Généraux en 2 ans

Avant la promotion au grade de Général des 6 Colonels et l’élévation de 5 Généraux de brigade au grade supérieur de Général de division le 16 octobre dernier, plusieurs autres officiers supérieurs avaient déjà été promus au grade de Général sous la Transition depuis sa rectification en mai 2021 et l’investiture du désormais Général d’armée Assimi Goïta, le 7 juin 2021.

Le 5 juin 2024, 20 Colonels-majors issus de différents corps des Forces armées et de sécurité, sont nommés au grade de Général de brigade par le Président de la Transition. Parmi eux, 2 femmes : Nana Sangaré, de la Direction des transmissions, des télécommunications et de l’informatique des armées, et Nema Sagara, de l’Armée de l’air. Avec 8 officiers supérieurs promus, l’armée de terre s’est taillé la part du lion. Il s’agit des Colonels-majors Toumani Koné, Issa Ousmane Coulibaly, Abass Dembélé, Amara Doumbia, Mamadou Massaoulé Samaké, Moussa Yoro Kanté, Moussa Soumaré et Makan Alassane Marra.

Les 10 autres promus sont les Colonels-majors Aly Annadji, Nouhoum Ouattara, Famouké Camara et Daouda Traoré de la Garde nationale du Mali, Faguimba Ibrahima Kansaye et Faraban Sangaré de la Direction du Génie militaire, Mohamed Amaga Dolo et Malick dit Yéro Dicko de l’Armée de l’air, Guédiouma Dembélé de la Direction centrale du service de santé des armées et Seydou Kamissoko de la Direction générale de la Gendarmerie nationale.

Deux ans plus tôt, en janvier 2022, 7 mois après avoir pris la tête de la Transition, le Président Assimi Goïta procédait à ses toutes premières nominations d’officiers supérieurs au grade d’officiers généraux. Par un décret en date du 19 janvier 2022, 15 Colonels-majors sont promus au rang de Général de brigade.

Les Colonels-majors Daoud Aly Mohameddine (promu une 2ème fois le 16 octobre 2024 au grade de Général de division), Harouna Samaké, Mamadou Laurent Mariko et Félix Diallo de l’Armée de terre sont élevés au grade supérieur.

Les Colonels Alou Boï Diarra et Oumar Yoro Sidibe, ainsi que le Colonel-major Branima Diabaté de l’Armée de l’air deviennent également Généraux de brigade, de même que les Colonels Badara Aliou Diop de la Direction du matériel, des hydrocarbures et des transports des armées, Moussa Toumani Koné et le Colonel-major Sambou Minkoro Diakité de la Direction générale de la Gendarmerie nationale, le Colonel El Halifa Coulibaly de la Direction des transmissions et des télécommunications des armées et Jean Elisé Dao de la Garde Nationale, ainsi que les Colonels-majors Mohamed Alpha Diaw de la Division centrale du service de santé des armées et Ousmane Wele et Bougouri Diatigui Diarra de la Direction du Génie militaire.

À titre comparatif, la Transition en cours depuis 2020 a déjà promu plus d’officiers généraux dans l’armée que durant toutes les années de pouvoir réunies (33 ans) du Général Moussa Traoré et du Président Alpha Oumar Konaré.

En effet, la 2ème République sous le Général d’armée Moussa Traoré, de 1968 à 1991 et les deux premiers quinquennats de la 3ème République sous le Président Alpha Oumar Konaré, de 1991 à 2002, sont les périodes au cours desquelles l’armée a enregistré le moins de nouveaux officiers généraux. Moins d’une dizaine d’officiers supérieurs ont été promus officiers généraux sous les deux régimes.

Promotions dans les normes ?

Selon l’Ordonnance N°2023-015/PT-RM du 21 mars 2023 portant Statut général des militaires, pour accéder aux grades de Général d’armée et Général de corps d’armée, il faut 40 ans de service au sein des Forces de défense et de sécurité. Cette condition est réduite de 5 ans (35 ans de service) pour accéder au grade de Général de division et de 10 ans (30 ans de service) pour celui de Général de brigade.

Mais la plupart, voire tous, des officiers qui accèdent aux grades de Général au sein de l’armée malienne bénéficient de nominations par distinction ou récompense du Président de la République, Chef suprême des armées.

L’article 90 de l’Ordonnance citée plus haut est sans équivoque. Il dispose : « les nominations et promotions peuvent être prononcées, à titre exceptionnel, pour récompenser les actions d’éclat et les services exceptionnels, sans considération de la durée et du diplôme minimum de service fixés pour l’accès au grade immédiatement supérieur ».

Ascension au fil des régimes

Entre 2002 et 2012, sous la présidence du Général Amadou Toumani Touré, l’armée malienne a enregistré 39 nouveaux Généraux de brigade. Durant la même période, 3 Généraux de brigade ont été élevés au grade de Général de division. Il s’agit des Généraux de division Youssouf Bamba de l’Armée de l’air et Souleymane Sidibé de la Gendarmerie nationale, le 1er janvier 2007, ainsi que du Général de division Gabriel Poudiougou de l’Infanterie, promu le 12 juin 2008.

La courte transition de 2012 – 2013 dirigée par Dioncounda Traoré a également fait 5 officiers généraux dans l’armée, avec comme fait le plus marquant l’élévation au grade de Général de corps d’armée de l’ancien Capitaine Amadou Aya Sanogo, meneur du coup d’État contre Amadou Toumani Touré. L’ancien putschiste est d’ailleurs resté le plus haut gradé de l’armée malienne jusqu’au 16 octobre 2024. Le régime du Président Ibrahim Boubacar Keita, qui succèdera à cette courte transition en 2013, fera également quelques nouveaux officiers généraux l’armée. Il sera surtout marqué par un grand nombre d’élévations au grade supérieur de plusieurs officiers généraux.

Le 20 septembre 2018, 5 Généraux de brigade sont élevés au grade de Général de division. Parmi eux, l’actuel Gouverneur de la région de Kidal, le Général de division El Hadj Gamou (Général de brigade depuis le 18 septembre 2013) et l’ancien Gouverneur de la région de Taoudénit, Mohamed Abderrahmane Ould Meydou. Plus tôt, en mai 2018, l’ancien patron de la sécurité d’État Moussa Diawara (Général de brigade depuis le 22 octobre 2014), l’ancien ministre de la Sécurité Salif Traoré et les Généraux de brigade Oumar Dao (depuis le 22 octobre 2014) et M’Bemba Moussa Keïta avaient tous été promus au grade de Général de division.

Mohamed Kenouvi 

SNIPIL : Le syndicat alerte sur la situation des travailleurs

Le Syndicat National de l’Information, de l’Informatique, de la Presse et de l’Industrie du Livre (SNIPIL) attire l’attention sur la situation difficile que traversent les structures réunies au sein de son regroupement. Retards de salaires, des crédits de fonctionnement, des prestations sociales, la liste des maux n’est pas exhaustive. Si le syndicat se dit disposé au dialogue, il entend donner l’alerte afin que des dispositions soient prises pour traiter ses doléances.

Lors d’un point de presse tenu le mardi 15 octobre 2024 les responsables du SNIPIL ont tiré la sonnette d’alarme, tout en réitérant leur volonté de maintenir le dialogue. Issu du 147ème congrès du SNIPIL, tenu le 25 janvier 2024, le bureau mis en place a présenté des recommandations en 13 points. Depuis, les responsables du syndicat, qui regroupe l’AGETIC, l’AMAP, l’ANCD, l’APDP, le Cabinet et la DFM du MCENMA, le CNCM, Graphique Industrie, l’ORTM et la SMTD, se sont engagés dans la recherche de solutions aux maux qui assaillent leur secteur. Ils ont ainsi été reçus par les responsables de leurs structures respectives ainsi que par leurs départements de tutelle.

Après ces rencontres, ils se disent surpris de l’absence d’ouverture de « canaux de discussion », malgré « l’urgence des sujets évoqués ». Ce qui, à leurs yeux, constitue « un mépris » et un manque d’intérêt pour l’apaisement du climat social.

Absence d’écoute

Rappelant qu’en réponse à la lettre circulaire du ministère du Travail, de la Fonction publique et du Dialogue social relative à la communication de documents issus de congrès statutaires de syndicats, le SNIPIL avait réitéré sa volonté d’ouvrir les discussions sur des questions qui « mettent à mal la vie sociale des structures ». Il regrette que sa demande soit restée « lettre morte ».

Parmi ses doléances, le SNIPIL déplore que depuis plusieurs années beaucoup de ses membres soient injustement privés de leurs droits à l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO). Et cela, avec une double peine, car si la cotisation est prélevée sur leur salaire, ils ne bénéficient ni des allocations familiales, ni des prestations AMO. Pour ceux qui s’apprêtent à partir à la retraite, si rien n’est fait ils ne pourront pas bénéficier de leurs pensions. À ces problèmes s’ajoutent l’inapplication par certaines structures de la grille salariale unifiée trois ans après son adoption, la crise énergétique qui tue les entreprises à petit feu, les retards de salaires ou encore des entreprises en manque de matériel de travail. Face à ces difficultés, le syndicat souhaite que l’État prenne ses responsabilités afin de rétablir les droits des salariés et d’éviter des mouvements de grève.

Fatoumata Maguiraga

Éliminatoires CAN 2025 : Mali – Guinée Bissau, une double confrontation au goût d’inachevé

Les Aigles du Mali ont affronté la Guinée-Bissau dans le cadre des 3ème et 4ème  journées des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025, prévue au Maroc. Ces rencontres, disputées à Bamako et à Bissau, ont permis aux deux équipes de se jauger, même si le Mali partait largement favori face à une équipe de Guinée-Bissau, plus modeste en termes de palmarès et d’expérience dans cette compétition continentale.

Le premier acte de cette double confrontation a eu lieu le mardi 8 octobre 2024 au Stade du 26 Mars de Bamako. Les Aigles du Mali, devant leur public, ont réussi à arracher une victoire précieuse par la plus petite des marges (1-0). Le but décisif a été inscrit par El Bilal Touré, de retour en sélection, offrant ainsi à son équipe 3 points essentiels. Cette rencontre, bien que marquée par une domination malienne, n’a pas convaincu les observateurs quant à la forme des Aigles. Les hommes du sélectionneur belge Tom Saintfiet ont montré un jeu en demi-teinte, manquant de créativité et de tranchant offensif malgré leur supériorité technique.

Pour le match retour, les Aigles se sont déplacés à Bissau le mardi 15 octobre 2024 pour affronter les Djurtus. Ce second acte s’est soldé par un score nul et vierge (0-0). Une rencontre disputée dans un contexte difficile, où les Bissau-guinéens, portés par leur public, ont opposé une résistance farouche aux offensives maliennes. Malgré plusieurs tentatives, les Aigles n’ont pas su trouver la faille pour s’imposer. Ce match nul a laissé un goût d’inachevé au Mali, qui, malgré une domination relative, n’a pas réussi à concrétiser ses actions.

Avec ce nul à l’extérieur, les Aigles ont engrangé 4 points sur les 6 possibles contre la Guinée-Bissau, portant leur total à 8 points après 4 journées. Le Mali partage ainsi la tête de son groupe avec le Mozambique, avec une différence de but favorable à ce dernier, qui a disposé de l’Eswatini sur le score de 3 buts à 0. Les deux équipes sont bien parties pour se qualifier pour la prochaine Coupe d’Afrique, prévue en décembre 2025 au Maroc, à deux journées de la fin des éliminatoires.

Massiré Diop

Financement du cinéma malien : Le FAIC attend sa dotation initiale

Le Fonds d’Appui à l’Industrie Cinématographique du Mali (FAIC) a organisé une conférence-débat sur le thème de la « Problématique du financement du cinéma malien, rôle et place du FAIC », au Centre International de Conférences de Bamako, le mardi 15 octobre.

Pour remédier au problème de financement du cinéma malien, le gouvernement a décidé de créer en 2017 une structure dont le rôle est de soutenir la production cinématographique en apportant un soutien financier aux œuvres. Cette rencontre, qui a réuni plusieurs réalisateurs, producteurs et acteurs du paysage cinématographique malien, n’a toutefois pas atteint son objectif, selon Bréhima Moussa Koné, Directeur général du FAIC. Lors de son mot introductif, il a déploré le manque d’affluence des cinéastes à la conférence.

De son côté, Mme Diarrah Sanogo, représentante du Secrétaire général par intérim du ministère de la Culture, a salué cette initiative qui, selon elle, permettra de pallier plusieurs difficultés. Elle a cependant souligné la problématique du financement du FAIC. En effet, chaque année, le FAIC est censé percevoir une dotation de 6 milliards de francs CFA pour financer des films. « À ce jour, ce fonds n’a pas été alimenté, alors qu’il est destiné à appuyer les réalisateurs dans leurs projets », a-t-elle regretté.

Malgré les difficultés, M. Koné a précisé que le FAIC a pu financer plusieurs films ces dernières années, grâce à ses fonds propres. Il a ajouté : « nous sommes en train de mettre en place les outils et les mécanismes nécessaires pour être prêts le jour où nous recevrons notre dotation initiale annoncée, d’une valeur de 6 milliards de francs CFA ».

Lors des débats, de nombreux questionnements ont émergé, notamment sur le rôle du cinéma dans la société. Présent à la conférence, M. Alou Konaté, Président de la Fédération Nationale du Cinéma et de l’Audiovisuel du Mali (FENACAM), a affirmé que : « le cinéma représente un enjeu sociétal et culturel majeur et constitue un puissant levier de développement de la vie socioéconomique et culturelle d’un pays ». De son côté, M. Salif Konaté, ancien Président de l’Union Nationale des Cinéastes Maliens, a dénoncé le manque de financement des productions, ce qui, selon lui, risque de condamner certains pays à la dépendance malgré leurs riches potentialités artistiques. Toutefois, il a exhorté les autorités à investir dans le secteur du cinéma, affirmant que « la culture est le socle, le poumon de tout État ».

La conférence s’est achevée sur la projection d’un court-métrage mettant en scène une petite fille dialoguant avec le Président Modibo Kéïta sur la situation actuelle du Mali, une séquence qui a enchanté le public.

Fatouma Cissé

Transition : La présidentielle en ligne de mire ?

Reportée sine die en septembre 2023, alors qu’elle était initialement prévue pour février 2024, la présidentielle censée mettre fin à la Transition pourrait finalement se tenir l’année prochaine, en 2025. Même si aucun calendrier officiel n’a encore été établi, les choses semblent évoluer à différents niveaux.

La réapparition du budget alloué aux élections dans la Loi de finances 2025, soumise à l’examen et à l’adoption du Conseil national de transition (CNT) lors de sa session budgétaire ouverte le 7 octobre dernier, constitue l’un des principaux signes avant-coureurs d’une probable tenue de la prochaine élection présidentielle en 2025. Cela témoigne, au moins, d’une volonté politique affirmée de retour à l’ordre constitutionnel dans les prochains mois, plus de quatre ans après le début de la Transition. Retiré à la dernière minute de la Loi de finances 2024 en décembre 2023, le budget pour les élections réapparaît dans le nouveau projet de Loi de finances de l’année à venir avec une hausse de 10 milliards, s’élevant désormais à 80,750 milliards de francs CFA. Les Conseillers de l’organe législatif de la Transition devront encore se prononcer pour valider ou non ces fonds alloués aux dépenses électorales. Ils ont jusqu’au 31 décembre prochain pour statuer sur le projet de texte.

Toujours en lien avec les prochains scrutins, le budget alloué à l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), le principal organe en charge de l’organisation des élections, va également passer de 4,935 milliards de francs CFA à 6,093 milliards.

Actualisation des bureaux de vote

Au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, selon nos informations, des dispositions techniques et administratives sont déjà en cours de mise en œuvre pour préparer les futures élections.

En juillet, le ministère a initié des rencontres à l’intérieur du pays avec les élus locaux, les autorités traditionnelles et les représentants des partis politiques, notamment dans les cercles de la région de Tombouctou.

Les discussions ont porté sur la liste actualisée des bureaux de vote et celle des électeurs établie par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Ces rencontres devraient se poursuivre dans d’autres régions dans les semaines à venir, avant de s’achever dans le District de Bamako.

Chronogramme consensuel

Pour parvenir à un chronogramme électoral consensuel, certains acteurs politiques appellent déjà le gouvernement à privilégier la participation de toutes les forces vives du pays et la transparence dans le processus.

« Il faudra un calendrier électoral. Pour y parvenir, il sera nécessaire de rassembler les forces vives de la Nation afin qu’elles s’accordent non seulement sur une date pour la présidentielle, mais aussi sur la procédure à suivre pour y parvenir », souligne Sékou Niamé Bathily, porte-parole du RPM.

Mohamed Kenouvi

Une rentrée scolaire en eaux troubles !

Les pluies diluviennes de cette année ont provoqué de graves inondations, plongeant le secteur éducatif dans une crise sans précédent. Le report de la rentrée scolaire au 4 novembre, annoncé in extremis par le ministère de l’Éducation nationale, ne répond pas vraiment aux attentes.

Initialement prévue pour le 1er octobre, la rentrée a été repoussée en raison des fortes pluies, laissant de nombreuses familles dans l’incertitude. Plus d’une centaine d’écoles sont actuellement occupées par des sinistrés et d’autres sont submergées ou gravement endommagées.

Malgré les avertissements des syndicats, le ministère avait insisté sur la date initiale, ne changeant d’avis qu’à la dernière minute. Certes, le report était nécessaire, mais il ne suffit pas. À quelques semaines de la nouvelle date, force est de constater qu’aucune mesure concrète n’a été prise pour garantir une reprise des cours dans de bonnes conditions.

Les syndicats, en colère, exigent des garanties. Ils appellent à un dialogue pour s’assurer que les écoles soient prêtes à accueillir les élèves en toute sécurité. Malheureusement, le ministre semble préférer donner des ultimatums plutôt que de s’engager dans des discussions constructives avec les acteurs du monde éducatif. Pendant ce temps, outre les infrastructures scolaires qui restent à réparer, des familles sinistrées attendent toujours des solutions pour se reloger.

Le spectre d’une année blanche plane sur le secteur éducatif. Face à cette menace, enseignants, parents et élus locaux réclament une concertation immédiate. La rentrée scolaire ne doit pas se faire au détriment des conditions de sécurité et d’apprentissage des élèves.

Certes, les inondations ont bouleversé la vie de nombreuses familles, mais l’avenir de milliers d’enfants ne doit pas être sacrifié sur l’autel de l’impréparation. Il est encore temps d’agir, mais cela nécessite des actions concrètes, pas seulement des promesses en l’air !

Massiré Diop

Centre du Mali : L’interminable instabilité

Alors que la localité de Tinzawatène, dans l’extrême nord du pays, à la frontière avec l’Algérie, mobilise depuis plusieurs semaines les grands moyens de l’armée pour son contrôle, le Centre du Mali continue de s’enfoncer dans la crise. Les conséquences de l’insécurité généralisée qui règne dans les régions de cette partie du pays depuis des années se multiplient, faisant du Centre une zone en constante quête de stabilité.

Le Centre du Mali est-il condamné ad vitam æternam à croupir dans l’instabilité ? Depuis 2015, lorsque la crise sécuritaire s’est intensifiée, elle s’est métastasée au fil des années pour atteindre les régions de cette partie du territoire national. Bien que les régions de Mopti, Bandiagara, Douentza et Ségou, où les groupes armés terroristes subissent de plus en plus fréquemment les ratissages des Forces armées maliennes, continuent d’enregistrer quelques attaques sporadiques, celle de San fait face depuis quelques semaines à une augmentation des incidents sécuritaires visant les forces de sécurité, particulièrement dans le cercle de Tominian.

Le 9 octobre dernier, une mission d’escorte de la Garde nationale a été prise dans une embuscade entre Wena et Ganga, faisant un mort et des blessés dans les rangs de l’armée. Plus tôt, au début du mois d’octobre, une autre mission de la Gendarmerie nationale avait été visée par une embuscade dans la même zone, à Ouan. Fin juillet, une patrouille de la Gendarmerie nationale a également été attaquée par des éléments du JNIM au nord-est de Timissa, causant des morts et des dégâts matériels des deux côtés.

Les civils ne sont pas épargnés. Au cours des derniers mois, plusieurs forains ont été la cible d’attaques de groupes armés. Une église dans la localité de Mandiakuy a également été prise pour cible. Ces groupes armés ont multiplié les incursions dans d’autres villages de la région de San, notamment ceux qui ont refusé de conclure des pactes de soumission avec eux. En conséquence, plusieurs personnes ont été contraintes de se déplacer vers le chef-lieu de la région ou d’autres localités avoisinantes.

Déplacements massifs

Ces récents déplacements dans la région de San viennent accentuer l’épineux problème des personnes déplacées internes auquel est particulièrement confronté le Centre du Mali ces dernières années. Selon la Direction régionale du développement social et de l’économie solidaire (DRDSES) de Mopti, il a été enregistré concernant les personnes déplacées internes (PDI) dans la région au cours du premier semestre de l’année 2024, un total de 465 ménages, regroupant 2 522 personnes, 1 165 hommes et 1 357 femmes. Parmi eux, 1 455 enfants.

Sur la même période, la Matrice de suivi des déplacements (DTM) publiée par la Direction nationale du développement social (DNDS) a recensé plus de 11 500 personnes déplacées internes supplémentaires à Bandiagara, Douentza et Mopti, soit 33% du total des PDI identifiées dans le Centre. Plus globalement, à la date du 31 mai 2024, dans la région de Mopti, 17 611 ménages, soit un total de 57 524 personnes, étaient déplacés. C’est la région qui enregistre le plus grand nombre de ménages déplacés même si, en termes d’individus touchés, la région de Ménaka vient en première position. Avec respectivement 47 122, 38 940 et 15 741 personnes déplacées internes, les régions de Bandiagara, Ségou et San figurent parmi celles qui enregistraient le plus grand nombre de PDI à la même date. Au Centre, celle de Douentza est la moins touchée avec 6 931 personnes déplacées internes. Toutefois, ce chiffre a connu une évolution de 12,79%, puisque seules 6 145 personnes étaient concernées en décembre 2023.

Écoles fermées

Les mêmes raisons sécuritaires à l’origine du déplacement massif à l’intérieur des régions du Centre ont aussi conduit à la fermeture de plusieurs écoles. Dans la région de Mopti, la situation en juin 2024 montrait, selon les chiffres de l’Académie d’enseignement de la région, 262 écoles non fonctionnelles sur un total de 787, soit un taux de 33,29% dans les deux académies de Mopti et Tenenkou.

Selon la même source, 47% de ces écoles sont fermées en raison de la menace des groupes armés et 34% pour absence des enseignants par peur de l’insécurité. Au total, dans la région de Mopti, 745 enseignants ont abandonné leur poste.

À en croire la même source, dans la région voisine de Douentza, 223 écoles ont fermé leurs portes, privant 66 000 enfants d’accès aux classes. Une source locale contactée confirme cette situation mais affirme que la ville de Douentza n’est pas concernée. « À l’intérieur de la région, pratiquement toutes les écoles sont fermées. Mais à Douentza ville, elles ont toutes ouvert l’année passée et sont prêtes à ouvrir cette année » estime-t-il.

Économie au ralenti

La détérioration du climat sécuritaire dans le Centre du Mali a conduit au fil des années à la paralysie totale de l’économie locale. Avec la multiplication des attaques des groupes armés et la persistance de la menace terroriste dans cette zone, le tourisme, qui autrefois participait significativement à la vitalité économique des régions de Mopti et de Bandiagara notamment, ne prospère plus. Plusieurs autres activités génératrices de revenus sont également à l’arrêt.

« En ce qui concerne Bankass, on peut dire que l’économie locale est paralysée. Ni les commerçants ni les opérateurs économiques ne peuvent participer aux foires hebdomadaires des communes », se désole Mamoutou Guindo, Président du Conseil local de la jeunesse de Bankass.

« À cela s’ajoute l’arrêt des activités génératrices de revenus. Les activités des jeunes sont presque au point mort. Les femmes qui épaulaient leurs maris dans les charges des ménages ne peuvent plus tenir de petits commerces dans les foires », poursuit-il.

Ce porte-voix de la jeunesse locale de Bankass affirme par ailleurs que plus de la moitié des terres cultivables du cercle est abandonnée pour des raisons sécuritaires et, plus grave, que la plupart des champs ont été récemment affectés par les inondations. À l’en croire, l’élevage, l’autre principale activité pratiquée dans le cercle, est aussi impacté par la crise, tout le bétail ayant été emporté par les terroristes.

À Douentza, la situation est aujourd’hui un peu moins alarmante, selon une source locale qui confie qu’à l’exception d’une commune, Haïré, qui subit un blocus depuis un an et demi, sans entrée ni sortie de marchandises, « dans les autres localités, les marchés fonctionnent et les commerçants s’y rendent ».

Des initiatives sans résultats concrets

Face à la persistance de la crise sécuritaire au Centre du Mali, le gouvernement a adopté en février 2017 un Plan de sécurisation intégré des régions du Centre. Il concernait uniquement les régions de Mopti et de Ségou et avait pour objectif de pacifier ces régions et d’y réduire de manière significative, voire supprimer complètement, les causes de l’insécurité et du terrorisme par la mise en œuvre d’actions en matière de sécurité, de gouvernance, de développement local et de communication. Mais ce plan a connu des manquements dans la concrétisation des actions définies, au point que malgré son adoption, trois ans après, en 2020, la crise s’est élargie à d’autres localités.

En août 2022, deux ans après le renversement du régime du Président IBK, le gouvernement de transition a à son tour adopté une Stratégie nationale de stabilisation des régions du Centre, avec un lancement officiel en mars 2023 et un plan d’actions 2022-2024. Estimée à 956,1 milliards de francs CFA, elle s’articule autour de quatre axes : le rétablissement de la paix, de la sécurité et de la cohésion sociale ; l’amélioration de la gouvernance et le renforcement de la justice ; la gestion des questions humanitaires et le relèvement économique et la communication et la coordination des interventions. À l’instar du plan de sécurisation intégré des régions du Centre de 2017, cette Stratégie nationale peine également à résoudre définitivement la crise.

Pour Baba Dakono, Secrétaire exécutif de l’Observatoire citoyen sur la gouvernance et la sécurité, cela est dû à un certain nombre de paramètres. « La stratégie n’a jamais véritablement décollé. Elle a été élaborée principalement par le cadre politique pour la gestion de la crise sécuritaire au Centre. Ce cadre était principalement soutenu par des partenaires étrangers, dont la MINUSMA et d’autres acteurs. Avec le retrait de certains de ces partenaires, comme la mission onusienne, et le rétrécissement de l’appui au pays, le cadre politique lui-même a été fermé il y a peu plus d’un an, sans qu’on ait véritablement eu l’occasion d’implémenter cette stratégie », explique-t-il.

Pour cet expert des questions sécuritaires, la crise du Centre du Mali perdure parce que les autorités du pays peinent à trouver une réponse globale et multiforme qui inclurait, en plus de la réponse militaire, une stratégie politique, économique et sociale. « Tant qu’on n’aura pas une réponse intégrée qui prenne en compte les différentes dimensions, il sera difficile de venir à bout de cette insécurité », avertit Baba Dakono. « Il y a la nécessité d’avoir une stratégie globale de sécurisation du pays qui permettra de mettre un peu plus en avant les autres dimensions de la crise pour y apporter des réponses », conclut-il.

Mohamed Kenouvi

 

Modibo Mao Makalou : « La relance économique du Mali nécessite une gestion budgétaire rigoureuse »

Modibo Mao Makalou est un économiste formé au Canada et aux États-Unis, ayant occupé des postes clés à la Présidence de la République malienne de 2002 à 2017. Il a également travaillé dans les secteurs des hydrocarbures et des mines. Dans cette interview, il met en lumière l’importance de la session budgétaire du Conseil National de Transition et le projet de loi de finances 2025, soulignant que le budget est un outil crucial pour équilibrer les finances de l’État et soutenir les populations vulnérables face aux défis économiques. Propos recueillis par Massiré Diop.

  1. Une nouvelle session appelée « session budgétaire du Conseil National de Transition s’est ouverte depuis la semaine dernière. Parmi les points à l’ordre du jour de cette session figure le projet de Loi de finance 2025. Pouvez-vous revenir sur les grandes lignes et l’importance de cette session ?

Modibo Mao MAKALOU: Chaque Etat doit déterminer ses ressources et ses charges. Il est même fait obligation par la Constitution d’établir un équilibre budgétaire, c’est-à- dire que les charges soient déterminées, et que l’on doive aussi déterminer les ressources pour financer ces charges. En réalité, le budget est un acte politique symbolique très fort qui est adopté en Conseil des ministres puis voté par les députés. Il permet à l’Etat non seulement de lever l’impot, de s’endetter mais aussi de faire face à ses dépenses régaliennes et autres dépenses de fonctionnement et d’investissements. Le budget d’État est un document très important qui contient des priorités nationales dûment définies ainsi que les dotations budgétaires qui correspondent à ces priorités.

La session parlementaire d’octobre est appelée la session budgétaire et c’est durant cette période que le projet de loi de finances qu’on appelle aussi la loi de finances initiale devient la loi de finances, quand elle est approuvée par le parlement, autorisant ainsi l’Etat à prélever les recettes fiscales et budgétaires et à effectuer les dépenses budgétaires. La Constitution du 25 février 1992 détermine en ses articles. 70 et 77 que l’Etat doit déterminer ses charges et ressources dans un équilibre budgétaire et financier. Pour cela, l’Etat et ses démembrements expriment leurs besoins en termes des charges financières. Après on consolide tout cela ensuite, on détermine les ressources financières qui vont couvrir ses charges durant une année.

  1. Quelles sont vos impressions sur les grandes du projet de loi de finances 2025.

MMM: Le Gouvernement du Mali a adopté le mercredi 18 septembre 2024 lors du Conseil des Ministres un projet de loi de finances pour l’exercice 2025. Les dépenses budgétaires sont estimées à 3229,8 milliards FCFA en 2025 contre 3070,7 milliards FCFA en 2024, soit une progression de 5,18 milliards F contre une progression des recettes budgétaires de 10,93%, celles sont évaluées à 2648,9 milliards FCFA en 2025 contre 2387,8 milliards FCFA en 2024. Aussi, le déficit budgétaire est estimé à 581 milliards FCFA pour 2025 contre 682,8 milliards FCFA en 2024 soit une baisse de 14,92%.

Par ailleurs, les dépenses électorales sont estimées à 80,750 milliards FCFA et les dépenses de fonctionnement régulier de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE) sont estimées à 6,093 milliards FCFA dans le projet de loi de finances 2025.

  1. Avec le défi de maintenir une croissance économique tout en faisant face à l’instabilité politique et sécuritaire, quelles stratégies budgétaires le Mali devrait-il adopter pour stabiliser son économie et soutenir la création d’emplois pour la jeunesse malienne?

MMM: Présentement, le pouvoir d’achat est en train de s’effriter et c’est partout dans le monde dans les pays les plus riches tout comme dans les pays aux revenus les plus faibles. Les prix de l’alimentation ont beaucoup augmenté, de même que ceux de l’énergie suite à la hausse du prix du baril de pétrole et de l’appréciation du dollar face à l’euro et au F CFA. L’Etat devra nécessairement continuer les subventions des produits de première nécessité de même que des transferts d’argent ciblés envers les couches de

population les plus vulnérables, et cela engendrera une hausse des dépenses publiques et de la dette publique. Il va falloir trouver des solutions pour améliorer le pouvoir d’achat, c’est-à-dire en subventionnant davantage et en diminuant certains prix des produits de première nécessité tout en surveillant étroitement que les subventions sont réellement bénéfiques aux populations. Les hausses de prix impactent de façon disproportionnée les ménages les plus pauvres, qui doivent dépenser une plus grande part de leurs revenus sur l’alimentation, par rapport aux ménages plus aisés.

Pour relancer son économie, le Mali devrait essentiellement utiliser la politique budgétaire ou fiscale qui constitue le meilleur instrument de politique économique conjoncturelle plutôt que la politique monétaire. Il s’agira essentiellement à travers les dépenses publiques de cibler les secteurs clés et les services de base essentiels, comme l’agriculture, l’éducation, la santé, la protection sociale, l’eau potable, l’industrie, les logements, le développement urbain et l’assainissement, de même que des infrastructures de base de qualité qui ont une forte incidence sur la réduction des inégalités, surtout parmi les couches les plus vulnérables, notamment le secteur informel, les femmes, les filles et les jeunes mais aussi d’augmenter, de diversifier et de transformer la production nationale, stimuler la production d’aliments et d’engrais, améliorer les systèmes alimentaires, soutenir les ménages les plus vulnérables et les producteurs vulnérables pour renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

  1. Pensez-vous que les prévisions budgétaires actuelles suffisent pour faire face aux défis posés par la dette publique et le service de la dette dans le contexte de la situation économique globale du Mali? Quels ajustements recommanderiez-vous?

MMM: Le gouvernement du Mali est en train d’exécuter son 7ème budget- programme de budget même si nous n’avons pas entièrement basculé dans le budget programme. Il y a des programmes avec leurs objectifs et indicateurs de performance, c’est la gestion axée sur les résultats. Avant, nous avions ce qu’on appelle un budget des moyens, c’est-à-dire on vous donne une somme et vous devriez la dépenser. Maintenant, c’est en termes d’objectifs. C’est ce qui explique les programmes, objectifs et les indicateurs. Cette approche permet de savoir si les institutions et ministères ont atteint les cibles ou pas. Dans presque tous les pays du monde, les dépenses budgétaires dépassent les recettes budgétaires. Le fonctionnement d’un Etat demande un certain nombre de choses. Il y a des missions régaliennes comme les services sociaux de base, la défense, la justice…. Le déficit budgétaire est financé par la dette publique (qui est constituée de la dette intérieure qui est libellée en monnaie locale et de la dette extérieure qui est libellée en monnaie étrangère qui lorsqu’elles ont librement convertibles sont appelées devises). Aussi certains pays qui bénéficient de l’assistance extérieure ou l’aide publique au développement l’utilise pour combler une partie des déficits budgétaires. Malheureusement cette aide publique au développement est en train de tarir car ceux qui fournissent l’aide sont eux-mêmes confrontés à des difficultés financières et budgétaires. Notons que les 8 pays membres de l’Union monétaire Ouest africaine (UMOA) qui ont en partage le FCFA en Afrique de l’Ouest utilisent constamment le marché sous-régional monétaire et financier pour financer la trésorerie des 8 États membres. La stratégie d’endettement de notre pays envisage d’emprunter environ 150 milliards de FCFA sur le marché financier de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) durant le 4ème  trimestre de 2024.

La dette extérieure du Mali demeure modérée selon le Fonds Monétaire International (FMI), avec une certaine marge pour absorber les chocs. La dette publique (extérieure et intérieure) se situe à 56,9% du PIB à fin 2023, contre 53,1% en 2022. Quant à la dette intérieure, elle est essentiellement composée de titres publics (85,7%). La dette publique était estimée à 51,6% du PIB en 2024 et devrait baisser à 50,6% du PIB en 2025. La hausse sur le court terme de la dette publique malien résulterait d’une hausse du service de la dette suite au resserrement de ma politique monétaire pour lutter contre l’inflation mais aussi d’une accumulation importante d’arriérés intérieurs envers les fournisseurs pour faire face au remboursement de la dette publique.

 

Mohamed Maïga : « Le Mali ne peut pas organiser des élections dans les circonstances actuelles »

Face à l’instabilité persistante au Mali, Mohamed Maïga, consultant – expert en Politiques sociales et territoriales, explique pourquoi les conditions actuelles ne permettent pas d’organiser l’élection présidentielle. Il explore les raisons de ce report, ses implications pour la transition politique et les réformes nécessaires pour stabiliser le pays. Propos recueillis par Massiré Diop.

Quel est votre point de vue sur la décision des autorités de reporter l’élection présidentielle prévue pour février 2024 ?

L’instabilité généralisée et l’insécurité au Mali rendent impossible l’organisation d’élections pour l’instant. Les ressources manquent et le fichier électoral n’est pas fiable. Avant de parler d’élections, les autorités doivent se concentrer sur la stabilisation politique et la mobilisation des fonds nécessaires.

Comment interprétez-vous l’absence d’une nouvelle date pour cette élection, malgré les engagements des autorités de la Transition ?

La lutte contre le terrorisme et la rébellion reste active, rendant difficile l’établissement d’une nouvelle date. Un dialogue constructif avec les acteurs locaux est essentiel pour avancer et le Mali doit éviter de devenir un terrain d’affrontement pour les puissances étrangères.

Quels sont les impacts immédiats de ce report sur la transition politique et sur la crédibilité des autorités aux yeux de la population et des acteurs internationaux ?

La crise actuelle nécessite des solutions durables. La crédibilité des autorités devrait se juger sur leurs efforts pour sécuriser le pays et apaiser le climat politique plutôt que sur le seul report des élections. Les acteurs internationaux doivent comprendre cette approche dans un contexte mondial tendu.

Comment ce report influence-t-il les relations du Mali avec la communauté internationale en général ?

La communauté internationale traverse une crise et n’accorde pas une priorité aux élections maliennes. Le Mali doit viser un compromis interne pour assurer une transition politique stable, sans se laisser influencer par des pressions extérieures.

Quelles réformes institutionnelles et politiques seraient nécessaires pour favoriser un retour à une gouvernance démocratique stable ?

La nouvelle Constitution est un bon point de départ. Sa mise en œuvre, la lutte contre la corruption et la décentralisation seront déterminantes pour offrir des services publics efficaces aux populations locales. La stabilité reposera sur l’accès des citoyens à ces services.

Dans quelle mesure les efforts des FAMa pour lutter contre les groupes extrémistes ont-ils été affectés par la situation politique ?

La lutte contre l’extrémisme reste une priorité. Pour des résultats durables, il faut intégrer une dimension politique à cette lutte, en engageant un dialogue avec les acteurs locaux, car l’absence de synergie a freiné les progrès.

Éducation : Les syndicats d’enseignants montent au créneau

Initialement prévue pour le 1er octobre 2024, la rentrée scolaire a été reportée au 4 novembre en raison de la situation catastrophique provoquée par de fortes pluies, qui ont inondé ou endommagé de nombreuses écoles. Ce report, annoncé par le ministère de l’Éducation, vise à permettre la délocalisation des établissements touchés et la libération des écoles occupées par des sinistrés. Toutefois, cette décision n’a pas apaisé les tensions qui existent depuis plusieurs années entre les syndicats d’enseignants et l’Etat.

Les syndicats de l’éducation, signataires du protocole d’accord du 15 octobre 2016, ont récemment tenu une conférence de presse pour dénoncer la situation. Ils rappellent qu’ils ont toujours privilégié le dialogue depuis la signature du procès-verbal du 13 décembre 2022 et du Pacte de stabilité et de croissance. Cependant, selon eux, ils n’ont pas bénéficié de l’écoute nécessaire de la part du gouvernement.
Parmi les points de discorde, les syndicats soulignent que plusieurs accords signés en 2019 et 2022 n’ont toujours pas été exécutés. Par exemple, quatre des neuf points de l’accord de 2019 restent en suspens, dont la régularisation des situations administratives et financières des sortants de l’École Normale Supérieure (ENSup) et l’accès des enseignants des collectivités aux services centraux du ministère. De plus, la question des primes spéciales pour les enseignants, promise en décembre 2022, n’a toujours pas été réglée.
La gestion des heures supplémentaires et des frais d’encadrement figure également parmi les principaux litiges. Depuis 2017, de nombreux enseignants attendent encore d’être payés pour ces services. Selon les syndicats, l’absence de transparence et le manque d’information sur cette question aggravent la frustration au sein de la profession.
La gestion des détenteurs de licence pose également problème. Les syndicats dénoncent une violation des textes depuis 2021, une situation que le ministère de l’Éducation aurait aggravée en 2024 en émettant une lettre sans concertation préalable avec les syndicats. D’autres conflits concernent l’absence d’autorisations de participation à divers concours pour les enseignants, une situation que les syndicats imputent directement à l’administration, ce qui pénalise les enseignants qui souhaitent progresser dans leur carrière.
Un autre point de tension majeur est la gestion des mutations nationales des enseignants des collectivités. Les syndicats dénoncent le fait que, pour la première fois, cette session de mutations a été organisée sans leur participation et qu’aucune de leurs préoccupations n’a été prise en compte. De plus, le projet de Système de gestion intégrée des agents de l’État, bien qu’accueilli favorablement par les enseignants, pose problème dans sa mise en œuvre. Selon les syndicats, des milliers d’enseignants n’ont pas été enrôlés dans le système, malgré leurs démarches répétées.
Face à ce constat, les syndicats n’excluent pas de recourir à des actions plus radicales. Lors de leur conférence de presse, ils ont annoncé leur intention de déposer un préavis de grève et d’organiser une assemblée générale commune dès la rentrée de novembre. Tout en restant ouverts au dialogue, ils maintiennent une position ferme sur la nécessité de satisfaire les points en suspens.
Ces syndicats, bien qu’engagés dans le dialogue, n’hésitent plus à envisager des actions concrètes pour se faire entendre. Le dépôt d’un préavis de grève et la convocation d’assemblées générales laissent présager des tensions supplémentaires dans les semaines à venir, à moins qu’un terrain d’entente ne soit trouvé rapidement.
Le ministère de l’Éducation à la recherche de solutions
Dans une récente note adressée aux autorités locales, le ministère de l’Éducation a demandé que des rencontres soient organisées pour permettre la libération des écoles d’ici au 18 octobre 2024. Ces discussions visent à impliquer les élus locaux et à identifier des solutions de délocalisation pour les écoles fortement touchées par les inondations. Le ministère a également souligné la nécessité de rendre compte des mesures prises pour garantir que la rentrée puisse effectivement avoir lieu le 4 novembre.
Avec cette situation, nombreux sont ceux qui craignent que de nouveaux soubresauts tels que des grèves et des manifestations,  ne viennent perturber davantage une rentrée déjà difficile.

Biennale africaine de la photographie : La 14ème édition lancée

La cérémonie de lancement de la 14ème édition des Rencontres de Bamako / Biennale africaine de la photographie s’est tenue le 4 octobre, au Centre International de Conférences de Bamako (CICB), présidée par le ministre de de la Culture, Andogoly Guindo.

Le thème choisi pour cette édition est « Kuma », qui signifie « Parole » en bamanankan. L’événement est prévu du 16 novembre 2024 au 16 janvier 2025 et regroupera une trentaine d’artistes venus d’Afrique et de la diaspora. Créées en 1994 sous la présidence d’Alpha Oumar Konaré, les Biennales de Bamako se sont imposées au fil des ans dans l’agenda photographique à l’échelle du continent. Véritable plateforme de visibilité pour les artistes photographes et vidéastes d’Afrique et de sa diaspora, elles ont contribué à développer la carrière de nombre d’entre eux et permis à certains d’acquérir un statut international, voire mondial. Elles participent ainsi à la fois à la reconnaissance et à la consécration de la photographie africaine. Cette année, plusieurs sites ont été retenus pour les expositions des photographies des différents lauréats, notamment le Musée National, le Palais de la Culture, le Musée du District, etc. Plus de 300 professionnels et une centaine de journalistes sont attendus. Parmi les 30 artistes sélectionnés sur plus de 500 candidatures figurent 4 Maliens, dont 2 femmes.

Des discours forts 

Dans son discours d’introduction, le ministre Guindo a expliqué le choix du mot « Kuma » comme thème principal de cette édition. Pour lui, « le choix du mot Kuma peut paraître étrange, mais c’est dans ce paradoxe que réside l’intérêt. La photographie parle sans mots. En observant et par la sensation, il est aisé de comprendre tout le langage qui y est déroulé ». De son côté, Lassina Igo Diarra, Directeur artistique de cette 14ème édition, a ajouté : « l’inspiration du mot Kuma est venue parce que nous avons estimé qu’il n’y avait pas assez de discours forts du continent africain, aussi bien en Afrique que dans le reste du monde. C’est par rapport à ce manque de voix que nous avons choisi le mot Kuma, pour que la voix de l’Afrique porte dans le monde et en Afrique ».

Lors de cette cérémonie, le Réseau des Communicateurs Traditionnels pour le Développement, à travers son porte-parole Amadou Dagamaissa, a exprimé sa volonté de voir revenir la parole aux mains des Niamakalaw afin de préserver la paix dans nos sociétés. Pour cette édition, l’artiste malien Salif Keïta a été choisi comme Ambassadeur.

Fatouma Cissé

Enjeux stratégiques autour de Tinzaouatène : Trafics transfrontaliers versus contrôle de l’État

Située à environ 130 kilomètres au nord de Kidal, la localité de Tinzaouatène est au centre des préoccupations sécuritaires au Mali. Le 30 septembre dernier, une colonne de l’armée malienne s’est dirigée vers cette zone dans une tentative de reprendre son contrôle des mains des groupes armés rebelles, après une première offensive infructueuse en juillet. Dix jours plus tard, bien que la localité échappe toujours au contrôle de l’armée, cette dernière a déclaré le mardi 8 octobre, avoir récupéré les dépouilles de militaires tombés lors des affrontements de juillet. Cette annonce souligne la persistance des efforts de l’armée pour honorer ses soldats tout en luttant pour la reconquête de cette localité stratégique.

Depuis les violents combats de juillet, l’armée malienne a intensifié ses frappes aériennes et ses opérations terrestres contre les positions rebelles. Bien avant cette date, elle menait déjà des opérations dans cette localité. Ce qui avait permis en décembre 2023 la neutralisation de Hassan Ag Fagaga, un ancien militaire devenu figure centrale de la rébellion qui s’était réfugié à Tinzaouatène après avoir été délogé de Kidal. Cette localité est ainsi devenue un point focal dans la lutte entre l’armée malienne et les groupes armés, avec une intensification des opérations militaires et des enjeux géopolitiques dans la région.

Contrebande et trafics illégaux

Tinzaouatène est stratégique non seulement pour des raisons militaires, mais aussi en raison de sa position, au carrefour des routes de trafic transfrontalier. La localité est un centre névralgique pour des réseaux illégaux de drogue, d’armes, d’or et même d’êtres humains, avec des migrants qui s’y trouvent dans le but de rallier l’Algérie puis de rejoindre les côtes européennes. Les groupes armés qui contrôlent ces routes imposent des taxes sur les marchandises transitant par la région, utilisant ces revenus pour financer leurs activités et renforcer leur emprise sur le territoire. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), cette zone est l’un des principaux points de transit pour la cocaïne en provenance d’Amérique latine destinée aux marchés européens.

L’économie souterraine qui en découle prospère grâce à l’instabilité persistante, aux rivalités ethniques et à l’absence d’un solide contrôle étatique. Cette économie parallèle rend difficile toute tentative de pacification ou de stabilisation durable, alimentant un cercle vicieux d’insécurité dans la région.

Défis géographiques et militaires

Outre les menaces posées par les groupes armés, les défis géographiques de Tinzaouatène constituent une contrainte majeure pour l’armée malienne. La région est caractérisée par un terrain désertique parsemé de rochers et de grottes, favorable aux embuscades et aux tactiques de guérilla. Les conditions climatiques extrêmes, telles que les tempêtes de sable, compliquent davantage les opérations militaires, réduisant la visibilité et la mobilité des troupes.

Malgré ces obstacles, l’armée a intensifié ses opérations dans les localités avoisinantes, comme In-Tifirkit, Tin-Essako, Inakarot et En-Azerraf, probablement dans le but de sécuriser la zone et de préparer une offensive coordonnée. Pour certains observateurs, ces efforts soulignent la volonté des autorités de réaffirmer la souveraineté sur une zone stratégique pour la sécurité et de couper les routes de contrebande reliant le Mali à l’Algérie et au Niger.

Enjeux géopolitiques et implications internationales

L’implication d’acteurs internationaux rend la situation à Tinzaouatène encore plus  complexe. L’Algérie a renforcé sa présence militaire et intensifié sa surveillance le long de la frontière pour, dit-elle, prévenir toute incursion d’éléments armés sur son territoire. Et les tensions diplomatiques actuelles entre Alger et Bamako compliquent une éventuelle coopération sécuritaire.

De plus, le rôle de l’Ukraine a ajouté une nouvelle dimension géopolitique au conflit. Le Mali a rompu ses relations diplomatiques avec ce pays en août dernier, accusant Kiev d’avoir soutenu les rebelles lors des affrontements de juillet. Le gouvernement malien a qualifié cette aide présumée de « soutien au terrorisme international ». Cette situation démontre comment les rivalités géopolitiques à l’échelle mondiale se répercutent sur les conflits régionaux.

Il est donc clair que Tinzaouatène incarne bien plus qu’une simple zone de conflit au Mali. Elle représente une intersection complexe où se mêlent contrebande, ambitions géopolitiques et luttes pour le contrôle territorial. Chaque acteur – local ou international – y voit une opportunité d’exploiter l’instabilité pour ses propres intérêts économiques et stratégiques. La reconquête de cette localité par l’armée malienne ne relève pas uniquement d’une question de souveraineté nationale, mais aussi de la nécessité de stabiliser une zone clé pour freiner les flux de commerce illicite et renforcer l’influence de l’État.

Massiré Diop

 

Vive le protectionnisme ?

En cette période de transition, le ministère de l’Industrie et du Commerce s’active sur une voie que l’on pourrait qualifier de protectionniste. Une politique interventionniste qui vise à protéger les productions locales et à en favoriser les acteurs locaux.

L’on retiendra deux mesures à apprécier diversement.

La première remonte à août 2023 et concerne l’interdiction d’importation de farine de blé et de pâtes alimentaires. Une décision dont l’effectivité a pris corps ces derniers mois et qui pourrait réellement booster les producteurs de pâtes locaux ainsi que les quelques minoteries dont est doté le pays. Cela dit, attention, nous continuerons à importer du blé puisque nous ne produisons qu’un peu plus de 10% de ce que nous consommons…

Une autre décision prise le 3 octobre dernier par le même ministère conjointement avec celui de l’Economie et des Finances, suspend l’exportation cette fois des noix de karité, du soja, des arachides et du sésame. L’ambition du gouvernement est de stimuler l’industrie locale et de protéger les productions nationales. Une démarche à saluer mais n’est-on pas en train de mettre la charrue avant les bœufs ? Mettons en place une industrie de transformation performante de ces matières premières avant de vouloir en faire la promotion ! Aujourd’hui nous ne disposons que d’une unité industrielle de transformation des noix de karité. Le reste de notre production qui est la deuxième d’Afrique de l’ouest, est transformée artisanalement ce qui compromet une exportation du beurre. La question se pose de façon plus prégnante encore pour le soja ou le sésame pour lesquels nous ne sommes pas équipés d’unités de transformation industrielle, l’essentiel de la production qui atteint 100 000 tonnes pour le sésame étant exportée.

Reste à connaître la durée de cette suspension qui pourrait faire grimper les prix de ces denrées sans pour autant favoriser le développement d’une industrie locale. Là est pourtant le préalable. Œuvrons !

Aurélie Dupin

 

Coton africain : La transformation reste faible

La Journée mondiale du coton a été célébrée le lundi 7 octobre 2024 dans un contexte toujours marqué par une faible capacité de transformation en Afrique et des productions vulnérables aux effets du changement climatique. Les acteurs, réunis pendant deux jours, doivent donc envisager des solutions pour améliorer la rentabilité et inscrire dans la durabilité la production, menacée par d’autres spéculations.

L’apparition des jassides lors de la campagne agricole 2022 – 2023 dans la plupart des pays producteurs de coton, en Afrique de l’Ouest notamment, a entraîné une baisse drastique de la production. Cette contrainte s’est ajoutée au coût élevé des intrants et à l’appauvrissement des sols. Ces difficultés ont favorisé l’émergence de cultures concurrentes au coton, comme le maïs, l’arachide ou encore le sésame.

Le cadre de réflexion que constitue cette rencontre annuelle doit donc permettre de trouver des solutions aux défis liés à la transformation et à la commercialisation de ce produit d’exportation.

Booster la transformation

« Aujourd’hui, seulement 10% du coton est transformé en Afrique. Le défi, c’est que d’ici 2035 50% de la production de coton de l’Afrique soit transformée sur le continent », a indiqué le ministre béninois du Commerce et de l’Industrie.

À l’instar des autres pays producteurs, le Mali transforme également une faible partie de sa production, estimée à environ 2%. Après plusieurs années d’arrêt, la Compagnie malienne des textiles (COMATEX), la principale unité industrielle dans le domaine, est en phase de relance.

Le Mali, après les pertes subies suite à l’invasion des jassides en 2022, a regagné sa première place en Afrique, avec une production de 690 000 tonnes. Pour la campagne 2024 – 2025, le pays prévoit une production de 765 000 tonnes de coton graine, soit une hausse de 11% par rapport à la campagne précédente. Les autorités ont également annoncé une augmentation du prix au producteur à 300 francs CFA le kilogramme, contre 295 francs lors de la dernière campagne. Parmi les mesures incitatives également annoncées, le maintien des subventions sur les intrants, ramenant le prix d’un sac de 50 kg d’engrais minéral à 14 000 francs CFA contre 19 000 francs antérieurement. Ces mesures n’occultent cependant pas les difficultés de la filière, dont les acteurs continuent de souffrir. Le retard observé dans le paiement de la production, ainsi que la faible disponibilité de l’engrais, ont entravé le démarrage de la saison pour beaucoup de producteurs. Reste à savoir si la campagne, tardive mais marquée par des pluies abondantes, aura un impact positif sur la filière.

Fatoumata Maguiraga

Transition : Silencieuse, la classe politique condamnée à la pénombre

Trois mois après la levée de la mesure d’interdiction des activités des partis politiques, la classe politique malienne peine à reprendre la parole et à jouer pleinement son rôle dans l’espace public. La plupart des leaders restent dans l’ombre, absents des débats publics, et souffrent d’une perte de popularité auprès de l’opinion générale. Les partis politiques semblent avoir déserté l’animation de la vie publique, une attitude dictée par divers facteurs contextuels qui alimente le débat sur la survie des partis et l’avenir du système démocratique au Mali.

Les partis politiques, autrefois très vocaux dans leur opposition à l’interdiction de leurs activités, ont durement critiqué la décision prise par le gouvernement le 10 avril 2024. Ils réclamaient sans cesse la levée de cette mesure, qui empêchait toute forme d’activité politique, tant pour les partis que pour les associations politiques. Cependant, depuis que les autorités de la Transition ont fait marche arrière et levé cette interdiction, le 10 juillet dernier, les partis politiques, loin de se précipiter pour occuper à nouveau l’espace, semblent fonctionner au ralenti, suscitant des interrogations sur leur stratégie et leurs priorités.

Silence pesant et absence de leadership

Le manque d’activités publiques, les choix délibérés de ne pas se prononcer sur les sujets d’actualité, ainsi que l’absence de prises de position fortes de ses leaders montrent une classe politique qui affiche un profil bas. À l’exception de quelques formations, dont les responsables font de timides tentatives pour rester actifs et visibles dans la sphère publique, la majorité des partis politiques semble s’être repliées dans une posture d’attente et de silence.

Une partie de cette discrétion peut s’expliquer par la solidarité avec les 11 leaders politiques de la Coalition du 31 mars arrêtés depuis juin dernier. Les partis affiliés à cette coalition ont choisi de suspendre leur participation active à la vie politique, en signe de protestation et de solidarité, espérant obtenir la libération de leurs camarades. Cette situation crée une sorte de paralysie au sein de l’ensemble de la classe politique, freinant toute tentative d’autres acteurs de s’exprimer librement ou de s’engager dans des activités politiques visibles.

Diverses raisons à ce silence

Le silence actuel des partis politiques ne peut pas être attribué à une cause unique. Les motivations varient considérablement d’un parti à l’autre et sont influencées par des calculs politiques, des peurs ou des stratégies de positionnement. Hamidou Doumbia, Secrétaire politique du parti Yelema, l’un des rares partis encore actifs sur la scène politique, évoque des facteurs internes qui poussent à l’autocensure.

« L’autocensure est motivée par une certaine peur, mais aussi par un souci de positionnement stratégique. Certains pensent que les autorités de la Transition jouissent encore d’une certaine popularité, même si cette perception est erronée. Ils craignent qu’en prenant des positions impopulaires, ils ne risquent de perdre des soutiens électoraux », explique-t-il.

Hamidou Doumbia poursuit en détaillant d’autres attitudes observées parmi les partis : « certains adoptent une approche opportuniste, préférant attendre que le paysage politique se redessine avant de prendre des risques. Ils estiment qu’il est plus prudent de garder le silence et d’attendre le moment opportun, plutôt que de compromettre leurs chances futures. »

Rétrécissement et discrédit

Au-delà des raisons spécifiques à chaque parti, de nombreux observateurs s’accordent pour dire que l’espace politique au Mali s’est rétréci de façon significative depuis le début de la Transition. Ces restrictions limitent la capacité des partis politiques à mener des actions significatives et à s’exprimer librement. Soumaila Lah, chercheur et Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité, souligne que « les contraintes actuelles empêchent les partis politiques d’agir comme ils le devraient, les forçant à adopter une posture d’observation ».

Ce contexte difficile est également aggravé par la perception négative que l’opinion publique a des partis politiques, souvent perçus comme responsables des échecs de la gouvernance précédente. Dr. Bréhima Mamadou Koné, politologue, rappelle que : « le discrédit jeté sur la classe politique au cours des dernières années est en partie responsable du silence des partis. On les accuse d’être les seuls responsables de l’effondrement de l’État, ce qui est une vision simpliste et réductrice de la réalité ».

Nouhoum Togo, Président du parti USR (Union pour la sauvegarde de la République), ajoute : « on assiste à une campagne de discrédit contre les hommes politiques. Pourtant, malgré leurs défauts, ce sont eux qui ont l’expérience nécessaire pour gérer le pays. »

La démocratie mise en péril

L’absence de débats publics et la réduction de l’espace de liberté d’expression, accentuée par la loi sur la cybercriminalité, ont un impact direct sur le fonctionnement de la démocratie au Mali. Dr. Koné l’explique : « aujourd’hui, beaucoup ont peur de s’exprimer, de peur d’être accusés ou persécutés s’ils critiquent les autorités de la Transition ».

Cette situation a renforcé chez certains l’idée que la gestion militaire est préférable à un retour à un régime démocratique, souvent jugé inefficace et corrompu. Cependant, tous ne partagent pas cette opinion. « Remettre en question la démocratie, c’est se tromper de cible », déclare Soumaila Lah. « Ce n’est pas le principe de la démocratie qui pose problème, mais la manière dont elle a été appliquée au Mali ».

Hibernation ou extinction ?

La situation actuelle pose la question de la survie des partis politiques. Les critiques et les menaces de réduction de leur nombre, voire leur disparition, figurent parmi les recommandations des derniers forums nationaux, tels que les Assises nationales de la Refondation et le Dialogue Inter-Maliens pour la paix et la réconciliation. La question est de savoir si les partis politiques sont simplement en hibernation, attendant des temps meilleurs, ou s’ils sont voués à une disparition orchestrée par les autorités actuelles et soutenue par l’opinion publique.

Pour Soumaila Lah, « une République sans partis politiques n’est pas envisageable. Même si les circonstances actuelles sont difficiles, les partis politiques reviendront sur le devant de la scène lorsque la tempête se sera calmée ».

Hamidou Doumbia partage cet avis : « il est probable que la scène politique se reconfigure, que certains partis perdent de leur représentativité, mais la politique continuera, que ce soit avec les acteurs actuels ou avec de nouveaux visages ».

Mohamed Kenouvi

Le Djoliba et le Stade Malien dans le Gotha du football africain

 

Le 22 septembre fut non seulement l’occasion de célébrer le 64ème anniversaire de l’indépendance du Mali, mais aussi un jour de triomphe pour le football malien. En effet, les deux clubs les plus prestigieux du pays, le Djoliba Athletic Club (DAC) et le Stade Malien de Bamako (SMB), avec chacun 23 titres de champion national, ont ravi leurs supporters en se qualifiant pour les phases finales des deux compétitions africaines interclubs : la Champion’s League et la Coupe de la Confédération (Coupe CAF).

Après deux tours préliminaires rassemblant 58 clubs dans chaque compétition, les représentants maliens ont surclassé leurs adversaires respectifs. Le Djoliba a éliminé l’ASKO de Kara (Togo), tandis que le Stade Malien a pris le dessus sur Painesville FC du Liberia. Les deux équipes rejoindront les phases de groupes composées de 16 équipes chacune. Le Djoliba disputera la Champion’s League, tandis que le Stade tentera sa chance dans la Coupe de la Confédération. Les tirages au sort pour ces compétitions auront lieu le lundi 7 octobre. Le Djoliba devient ainsi le premier club malien à participer à la phase finale de la Champion’s League depuis la création de cette compétition en 1997, soit 27 ans après. Quant au Stade, il a déjà remporté la Coupe CAF en 2009.

Cette double qualification a insufflé un vent de fierté dans le football malien et au-delà, unissant les Maliens dans un élan patriotique. Des commentateurs enthousiastes n’ont pas hésité à qualifier cet exploit « d’historique ». Historique, sans doute, car après 27 ans d’absence le Djoliba a enfin brisé la malédiction qui semblait peser sur les clubs maliens, incapables jusque-là de figurer parmi l’élite du football continental. Néanmoins, il convient de modérer cet enthousiasme : battre une équipe relativement méconnue comme l’ASKO du Togo n’est peut-être pas un exploit aussi retentissant qu’il n’y paraît.

Le Djoliba peut-il rêver de dominer l’Afrique ? Beaucoup d’observateurs, notamment parmi les supporters et les dirigeants de l’équipe, affirment que « tout est possible » en football. Mais les ressources du Djoliba sont-elles à la hauteur de ses ambitions ? Sous la houlette d’un jeune entraîneur sérieux et ambitieux, Demba Mamadou Traoré, l’équipe malienne veut prouver sa soif de conquête. Son principal atout : la jeunesse de ses joueurs. Ces derniers sont déterminés à se surpasser, non seulement pour leur club, mais aussi pour attirer l’attention des recruteurs, présents en nombre lors des compétitions continentales.

Toutefois, les chances du Djoliba face aux géants du football africain comme Al Ahly SC (12 titres), le TP Mazembe de la République Démocratique du Congo, ou encore le club égyptien Zamalek (5 titres), l’Espérance de Tunis et les formations marocaines Raja et Wydad (WAC) semblent plus incertaines. Ces clubs bénéficient non seulement d’une grande expérience, mais aussi de moyens financiers considérables.

L’ambition n’est certes pas interdite, mais un excès d’optimisme sans réalisme peut être fatal. Le budget annuel de 2 milliards de francs CFA (3 millions d’euros) d’Al Ahly ferait tourner la tête à Tidiane Niambélé, l’honorable Président du Djoliba, dont le budget plafonne à seulement 100 millions de francs CFA.

Les finances demeurent le talon d’Achille du football malien. Selon une source proche de la Fédération Malienne de Football, Orange Mali verse 700 millions de francs CFA à la Fédération dans le cadre d’un contrat de sponsoring. Cependant, ces sommes sont modestes comparées à celles injectées dans le football d’autres pays africains. Chaque club bénéficie d’une subvention annuelle de 20 millions de francs CFA et chaque ligue régionale reçoit 4 millions.

Depuis plusieurs années, l’État malien a cessé de prendre en charge les frais des clubs participant aux compétitions internationales. Ainsi, le Djoliba et le Stade Malien doivent compter uniquement sur leurs propres ressources. La survie des clubs au Mali relève presque du miracle. Pourtant, une lueur d’espoir se profile à l’horizon : une récente rencontre entre la Fédération et le ministère de la Jeunesse et des Sports pourrait marquer un changement positif dans l’attitude de l’État vis-à-vis du soutien aux clubs en compétition.

Diomansi Bomboté