Transition : La fin officielle engendre-t-elle un vide juridique ?

Depuis le 26 mars 2024, date à laquelle a pris fin la transition conformément au décret  No 2022-003/PT-RM du 6 juin 2022 fixant sa durée à 24 mois, un débat  autour d’un éventuel vide juridique pour la suite s’est installé. Sur la question, les positions sont très tranchées.

« Le vide juridique est lié au fait que la charte est caduque et que les organes de la transition le sont également. Aujourd’hui la vérité est que nous avons des organes de fait de la transition, qui sont là pas la force des choses », clame Dr. Mahamadou Konaté, président en exercice du comité stratégique du M5-RFP Mali Kura.

Parmi les éléments  sur lesquels se base le juriste, l’article 22 de la loi No 022-001 du 25 février 2022 révisant la charte de la transition et le décret No 2022-003/ PT-RM du 6 juin 2022 fixant le délai de la transition à deux ans.

Positions contradictoires

En revanche, pour Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, président de la plateforme Forum des forces du changement (FFC), le décret fixant la fin de la transition est « inopérant » parce qu’il est le fruit d’une négociation politique avec la communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest ( CEDEAO). En outre pour lui, la charte révisée de la transition notamment en son article 22 permet clairement à la transition de s’étendre jusqu’à l’élection du président de la République organisée par les autorités de la transition. « Mieux, la loi fondamentale du 22 juillet 2023 dans son article 190  dispose que jusqu’à la mise en place de nouvelles institutions, les institutions établies continuent d’exercer leurs fonctions et attributions ».

Le président de la commission Lois du conseil national de transition ( CNT) abonde dans le même sens. Pour Souleymane Dé, depuis la promulgation de la nouvelle Constitution du 22 juillet 2023, la fin de la transition au Mali n’est plus liée à une date mais à un évènement : l’élection du Président de la République. Pour lui, le débat sur le décret fixant la durée de la transition n’a également pas lieu d’être. « La charte de la Transition  dans son article 22 fixait la durée de la transition à 18 mois. La Charte modifiée du 25 février 2022 supprime le délai de 18 mois et renvoie à l’élection du Président suivie de la prestation de serment de ce dernier. Et avec la nouvelle Constitution, l’article 190 ramène au fait électoral », explique-t-il.

Faux, rétorque le Dr. Mahamadou Konaté. « Dire que la transition prend fin avec l’organisation de l’élection présidentielle est une aberration. La transition politique par nature est définie dans un temps précis. L’élection présidentielle n’est pas un temps, c’est une activité. Et avoir un tel raisonnement  revient à dire que la transition est illimitée dans le temps. Car, l’organisation de l’élection présidentielle peut être reportée 10, 15 , 20 ans après, voire plus », argue le président du Comité stratégique du M5-RFP.

Pour l’universitaire et chercheur Soumaila Lah également, on ne peut pas justifier le vide juridique par la constitution du 22 juillet 2023. « Aujourd’hui on essaye de justifier ce vide juridique par l’article 190 de la nouvelle Constitution. Mais cette nouvelle constitution  n’est pas en vigueur. L ’article 189 stipule que c’est à partir de l’installation des nouvelles institutions que la Constitution va entrer en vigueur », soutient-il.

Par ailleurs dans leur requête aux fins de constatation de vide institutionnel au Mali pour vacance de la présidence de la transition militaire et déchéance de ses organes  et de mise en place d’une transition civile de mission introduite auprès de la Cour Constitutionnelle le 28 mars dernier,  la Référence syndicale des magistrats ( REFSYMA) et l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) indiquent que les autorités actuelles de la transition  sont « juridiquement disqualifiées » à parler et pour agir au nom du peuple malien.

Transition : le réveil des partis politiques ?

Longtemps silencieux concernant la Transition, certains partis et regroupements politiques redonnent de la voix. Depuis la fin de la période transitoire, le 26 mars 2024 conformément au décret No2022-003/PT-RM du 6 juin 2022 en fixant la durée à 24 mois, ils montent au créneau pour exiger des autorités la tenue rapide de l’élection présidentielle qui mettra un terme à la Transition. Mais feront-ils le poids face à un pouvoir bien assis et qui semble avoir relégué au second plan un retour à l’ordre constitutionnel ?

Avalanche de réactions au sein de la classe politique. Depuis le 26 mars 2024, date à laquelle était censée prendre fin la Transition, certains partis et regroupements politiques montent au créneau pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel.

Dans une déclaration anticipée, le 25 mars, le RPM, après avoir invité les autorités de la Transition au respect des engagements souverainement pris devant la communauté nationale et internationale, appellait à la « mise en place de toute urgence d’un nouveau mécanisme transitionnel pour un retour à l’ordre constitutionnel dans un délai de 6 mois ».

De leur côté, le M5-RFP Malikura et Yelema recommandent en urgence une concertation avec les responsables des forces vives nationales, pour redéfinir le contour et les objectifs et identifier les acteurs d’une nouvelle transition courte. « Le M5-RFP Mali Kura et le parti Yelema « le Changement » sont convaincus qu’après 3 ans et 8 mois de report en report provoqué, la Transition ne saurait aux forceps s’éterniser », ont dénoncé les deux entités dans une déclaration commune le 26 mars.

Dans la même veine, l’Adema-PASJ a lancé le 27 mars 2024 un « appel vibrant » aux autorités de la Transition pour « accélérer le processus devant conduire à la tenue de l’élection présidentielle qui mettra fin à la Transition ». Le parti, dans une  déclaration, estime que le « silence prolongé » des autorités de la Transition sur le chronogramme électoral suite au léger report de la date des élections « ne participe nullement à l’apaisement du climat sociopolitique ni à la consolidation de la cohésion sociale chère à tous les Maliens démocrates et républicains ».

L’Action républicaine pour le Progrès (ARP), pour sa part,  dans un mémorandum en date du 27 mars, appelle à la démission immédiate du gouvernement et à la mise en place d’un Exécutif d’union nationale dans le cadre d’un nouveau dispositif de transition véritablement inclusif. L’Alliance politique dirigée par l’ancien ministre Tiéman Hubert Coulibaly propose également de fixer une « date consensuelle raisonnable » pour l’élection présidentielle qui marquera le retour du Mali dans la normalité institutionnelle.

Actions 

Au-delà de leurs différentes réactions initiales, plusieurs partis et regroupements politiques, ainsi que des organisations de la société civile, ont réitéré leur position dans une déclaration commune le 31 mars 2024. « Nous demandons aux autorités en place, au regard du vide juridique et institutionnel ainsi provoqué, de créer les conditions d’une concertation rapide et inclusive pour la mise en place d’une architecture institutionnelle, à l’effet d’organiser dans les meilleurs délais l’élection présidentielle », indique la déclaration signée de près d’une centaine de partis politiques parmi lesquels, entre autres,  l’Adema-PASJ, le RPM, la Codem, l’ASMA-CFP, les Fare An Ka Wuli, le parti Yelema et l’UDD.

En plus d’attirer l’attention du gouvernement sur la fin de la Transition, conformément à l’article 22 de la loi No2022-001 du 25 février 2022 révisant la Charte de la Transition et au décret No2022-0335/PT-RM du 06 juin 2022 fixant le délai de la Transition à deux ans, ces partis avertissent qu’ils utiliseront « toutes les voies légales et légitimes pour le retour de notre pays à l’ordre constitutionnel normal ».

Le 28 mars dernier déjà, la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA) et l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP), toutes deux membres de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali, signataire de la déclaration du 31 mars 2024, avaient déposé une requête devant la Cour constitutionnelle. Les deux structures demandent à la juridiction de « constater la vacance de la présidence de la Transition, de prononcer la déchéance de tous les organes de la Transition et d’ordonner l’ouverture d’une nouvelle transition à vocation de rassemblement et réconciliation », incluant toutes les composantes de la Nation, y compris l’armée républicaine, avec comme missions principales assignées l’organisation des élections en vue du retour à l’ordre constitutionnel.

À en croire Alassane Abba, Secrétaire général de la CODEM, tous les partis, regroupements politiques et organisations de la société civile se réuniront dans les prochains jours pour la mise en place du Comité de suivi de la Déclaration commune du 31 mars et pour se mettre d’accord sur les futures actions à mener.

« Sûrement que nous allons mener d’autres actions pour avoir gain de cause, parce que je ne vois pas le gouvernement tout d’un coup accéder à notre demande, compte tenu du fait qu’ils sont aussi dans leur logique. Le Premier ministre l’a dit et on le sent à travers les propos de beaucoup d’entre eux, les élections ne sont pas d’actualité », confie celui qui n’exclut pas par ailleurs parmi des futures actions la désobéissance civile. « C’est la première des choses à laquelle nous pensons », glisse M. Abba.

Bloc d’opposition ?

Depuis le début de la Transition, des plateformes opposées à la gestion des autorités se sont constituées, sans pour autant parvenir à inverser les rapports de force en leur faveur. Que ce soit le Cadre d’échange des partis et regroupements pour un retour à l’ordre constitutionnel, l’Appel du 20 février pour sauver le Mali ou encore, plus récemment, la Synergie d’action pour le Mali, elles peinent toujours à peser  face aux militaires au pouvoir.

Mais pour la première fois, ces trois plateformes, même si la Synergie d’action pour le Mali n’est pas signataire en tant qu’entité mais est représentée par Espérance Jiguiya Kura, se mettent ensemble pour mener des actions communes. Au-delà de la déclaration commune et d’éventuelles futures actions, l’initiative pourrait-elle aboutir à la formation d’un bloc d’opposition à la Transition solide ? Pour le Secrétaire général de la Codem, cela ne semble pas évident.

« Les partis ont signé, mais ils n’ont pas les mêmes positions. Certains ont signé juste parce qu’ils se sont d’accord pour le retour à l’ordre constitutionnel. Mais de là à faire un bloc d’opposition, ce n’est pas aisé. Les partis n’ont pas les mêmes visions. L’opposition suppose qu’il y ait un chef de file et il n’est pas facile de le dégager dans ce contexte », concède Alassane Abba.

Par ailleurs, selon certains observateurs, le succès même des actions communes annoncées des partis, regroupements politiques et organisations de la société civile signataires de la déclaration du 31 mars 2024 n’est pas garanti. « Il sera très difficile pour ces partis de mener des manifestations qui puissent aboutir à quelque chose de probant. Le pouvoir en place semble décidé à ne laisser émerger aucune forme de contestation », glisse un analyste.

« Quand la Synergie d’action pour le Mali a voulu mener ses activités, elles ont été tout simplement interdites pour motif de sécurité par la Délégation spéciale du District de Bamako. Je pense que les autorités vont brandir les mêmes motifs pour interdire également toute manifestation de la nouvelle dynamique des partis et regroupements politiques qui est en train de se mettre en place », prédit-il.

Vague de chaleur : le Mali suffoque

Si les mois de mars et avril marquent habituellement la période de pic pour la chaleur au Mali, cette année s’annonce particulière avec dès ce début avril des jours et des nuits très chauds. Une vague de chaleur qui devrait se poursuivre jusqu’en fin de semaine avec des températures au-dessus de 40°C partout au Mali. Ces températures extrêmes, qui concernent l’Afrique et au-delà, s’expliquent selon les experts par le changement climatique.

Déjà signalée par la World Weather Attribution (WWA), la « chaleur anormale » enregistrée dans la zone sud de l’Afrique de l’Ouest début février est selon les observations l’une des conséquences du changement climatique induit par l’homme. « L’indice de chaleur moyen par zone est aujourd’hui environ 4°C plus élevé dans le climat actuel, plus chaud de 1,2°C. En outre, une telle chaleur humide est devenue beaucoup plus probable. Elle est au moins 10 fois plus probable dans le monde d’aujourd’hui », note le rapport de WWA.

Absence d’anticipation

Alors que le coût de l’adaptation pour les pays en développement se situe entre 215 et 387 milliards de dollars par an au cours de cette décennie, les données et les recherches, limitées, des services de météorologie dans la zone concernée semblent caractériser la situation. Ainsi, beaucoup de pays « ne semblent pas avoir procédé à une planification en cas de chaleur extrême ». Or « des investissements majeurs sont nécessaires en Afrique pour renforcer la résilience face aux chaleurs dangereuses ».

Au Mali, la période coïncide cette année avec le mois de Ramadan et une crise énergétique qui complique davantage la situation. Avec des températures minimales d’environ 30°C, les premières heures de la matinée sont déjà éprouvantes pour les individus. Avec des maximales prévues à 44°C, notamment à Bamako, les nuits, habituellement plus douces, enregistrent aussi des pics.

L’épisode de cette année sera plus intense et plus fort que durant les 30 dernières années, avaient expliqué les services de la météorologie début mars. Un mois d’avril  où les nuits seront aussi chaudes que la journée, surtout dans les régions de l’ouest (Kayes), où la température a atteint 46°C le 2 avril, et dans les régions du nord. Cette augmentation de la chaleur, due à un dérèglement climatique mondial entraînant une hausse globale des températures, est aussi liée à une forte urbanisation, notamment dans la capitale malienne. L’augmentation des émissions de gaz à effets de serre contribuant au réchauffement de l’atmosphère et la « saharisation » de Bamako, avec la diminution significative des arbres, sont aussi des causes évoquées par les spécialistes.

Choguel Maïga – Classe politique : Un malaise grandissant

Affaibli politiquement depuis sa destitution de la présidence du Comité stratégique du M5-RFP, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga multiplie  les rencontres avec la classe politique, qu’il tente de rallier à sa cause. Mais la plupart des partis représentatifs de l’échiquier politique national ne répondent pas à l’appel du Chef du gouvernement. Entre le Premier ministre et la classe politique, dont il s’était déjà mis à dos une partie depuis sa nomination à la primature,  le courant passe de moins en moins.

7 mars, 18 mars, 25 mars 2024. En moins d’un mois, le Premier ministre a initié trois rencontres avec la classe politique pour échanger avec elle. Mais à chacune de ces rencontres le constat était le même : la quasi-totalité des grands partis de la scène politique nationale était aux abonnés absents.

Si lors de la première rencontre, le 7 mars au CICB, on pouvait noter la participation, entre autres, de l’URD et de l’EDR, représentés respectivement par leurs Présidents, Gouagnon Coulibaly et Salikou Sanogo, les deux autres qui ont suivi ont été presque réduites à des réunions entre le Chef du gouvernement, les membres de son cabinet et quelques représentants des mouvements du M5 qui lui sont restés fidèles.

Le 18 mars, le Premier ministre a expliqué le manque d’engouement de la classe politique pour la première rencontre par une « maldonne ». « Quand j’ai demandé de convoquer la réunion, mon cabinet a fait juste un communiqué. Quand je m’en suis rendu compte, je leur ai dit que ce n’est pas comme cela qu’il fallait faire. Les chefs de partis sont ceux qui sont appelés à diriger ce pays. Il faut dès le départ souligner en rouge la considération qui leur est due. J’ai donc demandé à mon cabinet de faire une invitation que je vais moi-même signer », a-t-il expliqué à l’entame de ses propos.

Ordre du jour imprécis

Bien que l’invitation signée par le Chef du gouvernement soit par la suite parvenue en bonne et due forme aux partis politiques, cela n’a pas pour autant permis de rehausser leur présence au nouveau rendez-vous avec le Premier ministre.

Le RPM, l’URD, l’Adema-PASJ, l’ASMA-CFP, la CODEM, le parti Yelema, entre autres, sont toujours restés aux abonnés absents lors de la rencontre d’échanges du 18 mars à la Primature. La CODEM, de son côté, a participé à la rencontre du 25 mars pour ne pas « mener la politique de la chaise vide », comme l’explique son Secrétaire général, Alassane Abba. « Nous nous sommes dits que c’est le Premier ministre du Mali qui demande une rencontre avec les partis politiques et que c’est normal pour nous d’aller écouter ce qu’il a à nous dire, même si nous n’attendons rien de ses déclarations », confie-t-il.

Au RPM, plusieurs raisons sont évoquées pour justifier le « boycott ». « Nous avons décliné l’offre parce que d’abord, dans un premier temps, il n’est pas de coutume au Mali que le Premier ministre rencontre la classe politique. Par le passé, c’est le ministère de l’Administration territoriale qui était chargé de l’organisation du Cadre de concertation entre les forces vives de la Nation », affirme le Chargé de communication Sékou Niamé Bathily.

« Il y a aussi une mauvaise préparation de la rencontre, parce que dans la correspondance l’ordre du jour n’est pas précis et clair », poursuit-il, avant de révéler que le RPM avait adressé dès le 24 août 2021 une correspondance au Premier ministre pour échanger mais que cette lettre est restée sans réponse jusqu’à nos jours. « Nous sommes donc étonnés que lui, qui ne répondait pas à nos demandes d’audience, nous sollicite aujourd’hui et se pose en rassembleur ».

Par ailleurs, le parti Yelema de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, dans un courrier adressé à Choguel Kokalla Maïga en réponse à son invitation, a également pointé du doigt l’absence d’un ordre du jour précis des échanges. « Après examen attentif de votre invitation, nous sommes au regret de vous informer que nous ne pourrons y participer. Notre décision repose sur l’absence d’un ordre du jour clairement défini pour cette réunion », indique la note en date du 23 mars 2024, signée du Président du parti, le Dr Youssouf Diawara.

« Il est aussi utile de rappeler que pendant plus de deux ans les partis politiques n’ont fait l’objet d’aucune forme de considération de votre part. Pire, ils ont été continuellement accusés par vous de tous les maux lors de vos nombreuses sorties médiatiques », poursuit la note à l’endroit du Premier ministre.

Monologue

Pour sa part, le Président de l’URD, Gouagnon Coulibaly, évoque des rencontres sans intérêt. « Dans un premier temps, moi je suis allé à la rencontre du CICB. Pour nous, c’était pour parler du pays, ainsi que des relations avec les partis et autres. Mais on s’est vite rendu compte que le Premier ministre était dans un monologue, sans véritable sujet pertinent », déplore le Numéro 1 de l’URD, qui précise que son parti, par la suite, n’a pas été invité aux rencontres qui ont suivi.

« Nous avons vu des invitations sur les réseaux sociaux. Mais l’URD n’est pas un petit parti politique, encore moins la caisse de résonance de quelqu’un, pour se précipiter dans des rencontres où elle n’est pas dûment invitée », clarifie-t-il, avant de fustiger lui aussi le manque d’ordre du jour lors des différentes rencontres.

« Dans les invitations, il n’y a aucun ordre du jour. Notre interlocuteur habituel, c’est le ministre de l’Administration territoriale, mais si le Premier ministre nous appelle, cela veut normalement dire qu’il a quelque chose de très important à discuter avec les partis. Mais si on ne discute de rien et que le Premier ministre fait son monologue et s’en va, je pense que ce n’est pas la peine », se désole l’ancien député.

Quête de soutiens ?

La première rencontre initiée par le Premier ministre avec la classe politique a eu lieu le 7 mars 2024, deux jours seulement après qu’il ait été révoqué de la tête du Comité stratégique du M5-RFP par la tendance dirigée par l’ancien ministre Imam Oumarou Diarra. Pour certains analystes, ce timing est justifié par un besoin pour Choguel Kokalla Maïga d’avoir l’accompagnement de la classe politique alors même qu’il semble de plus en plus isolé.

« Après la dislocation du M5, le Premier ministre a voulu rebattre les cartes en s’appuyant sur les partis politiques. Mais les chefs des grands partis politiques l’ont compris et c’est la raison pour laquelle ils ne se sont pas déplacés », estime le journaliste et analyste Badou S. Koba.

Issa Kaou Ndjim, Président de l’ACRT Faso Ka Welé, abonde dans le même sens. « Je pense que Choguel Maïga veut juste faire oublier ses déboires dans son propre camp, qui s’est disloqué. Il appelle les partis politiques pour essayer de se refaire une santé », accuse l’ancien 4ème Vice-président du CNT.

Des accusations que le Premier ministre balaie du revers de la main. « Certains ont pensé que c’était pour chercher des appuis auprès des partis parce que le Premier ministre serait en difficulté. En fait, ce n’était pas cela. L’objectif de cette rencontre, c’est de vous permettre en tant que futurs dirigeants de savoir ce qui s’est passé réellement pendant ces deux années », a-t-il déclaré lors de la rencontre du 18 mars.

Malgré tout, à l’Adema-Pasj également des doutes sont émis sur les vraies motivations du Premier ministre. « Depuis qu’il a accédé à la Primature, le Premier ministre a snobé les partis politiques. Pourquoi est-ce maintenant qu’il a été destitué de la présidence son mouvement qu’il veut s’entretenir avec eux ? », s’interroge le Secrétaire général Yaya Sangaré.

« Ce n’était pas de la négligence si je ne parlais pas souvent aux chefs de partis politiques. C’est parce que nous étions sur quelque chose d’ultra stratégique », s’est justifié le Chef du gouvernement devant une partie de la classe politique.

Pour autant, la plupart des dirigeants politiques ne sont pas prêts à « avaler » ce discours. Loin s’en faut. Et la « réconciliation » entre le Chef du gouvernement et la classe politique, dont il est par ailleurs issu, n’est visiblement pas pour demain.

« Djenné clean water initiative » : le projet prend fin

Mise en œuvre depuis 3 ans par les anciens du programme  Mandela Washington Fellowship, l’initiative « Djenné Clean Water »  s’est achevée le 21 mars 2024 lors d’une cérémonie de clôture tenue à Bamako. Son objectif était d’atténuer les effets du changement climatique et de renforcer les capacités locales à Djenné par le biais de solutions innovantes telles que les filtres Biosand .

Le projet  a permis de déployer 20 filtres Biosand dans 4 villages et dans la ville de Djenné ainsi que le développement de  35 autres par la suite par les communautés locales elles-mêmes. Ces filtres, selon Bilaly Dicko, Directeur exécutif du projet,  ont non seulement répondu aux préoccupations sanitaires liées aux sources d’eau contaminées, mais ont également favorisé la protection de l’environnement en réduisant la dépendance aux ressources non renouvelables.

« L’initiative Djenne Clean Water a aussi permis une large diffusion d’informations sur l’adaptation au changement climatique, touchant des milliers de personnes à travers les émissions de radio et le matériel distribué, renforçant l’engagement communautaire face aux défis environnementaux », a-t-il indiqué.

« L’accès à l’eau potable n’est pas seulement une nécessité humaine de base, mais aussi un élément essentiel du développement durable. En fournissant de l’eau propre aux communautés dans le besoin, nous améliorons non seulement  la santé publique , mais nous autonomisons également les individus pour prospérer », a souligné pour sa part Rachna Korhonen, ambassadrice des Etats Unis au Mali.

Impact positifs

A en croire Abdrahamane Dembélé, adjoint au maire de la commune urbaine de Djenné, le déploiement de filtres Biosand dans les 4 villages et dans la ville de Djenné,  a permis la réduction considérable du taux de maladie liées à la consommation de l’eau.

« Ces maladies ont beaucoup baissé avec l’utilisation de ce système. Contrairement aux années précédentes, les statistiques de nos centres de santé montrent que le nombre de personnes atteintes est à la baisse », a-t-il témoigné.

Par ailleurs, les femmes formées, peuvent désormais mettre sur pied elles-mêmes les filtres, même après la fin du projet.  « Nous avons beaucoup appris à travers ce projet. En tant que femmes nous ne savions pas que nous pouvons traiter l’eau et la rendre potable sans recourir à des traitements en laboratoire. Nous avons découvert qu’il est possible de purifier l’eau en utilisant simplement du sable, du gravier et du charbon, des matériaux que nous avons tous à notre disposition chez nous », a confié Mme Maiga Begna Maiga, représentante des femmes participantes du projet.

Soutenue par le département d’Etat des Etats-Unis à hauteur de 22 millions FCFA, l’initiative « Djenné Clean Water » a réalisé d’importantes avancées dans l’autonomisation des communautés et à la promotion de la résilience environnementale.

 

 

 

Tidji fô damé : Le conte, facteur de transmission culturelle

À Tombouctou a débuté le 15 mars la 4ème édition de la traditionnelle Tidji fô damé (La nuit du conte). Une initiative de la troupe théâtrale locale Sababou Bangou qui vise à « perpétuer la culture tombouctienne » à travers des contes, des chants traditionnels, du slam…

Dans la Cité des 333 Saints, Ramadan rime avec jeûne et prière, mais aussi avec activités culturelles. Chaque année, durant tout le mois sacré des Musulmans, est organisé l’événement Tidji fô damé.

Il est une création de Sababou Bangou, une association locale à vocation culturelle qui se donne comme objectif le vivre ensemble, à travers la mise en œuvre d’activités théâtrales et de sensibilisation sur des thématiques de cohésion sociale et de développement. « Spécifiquement, l’association veut être un cadre idéal permettant aux jeunes de la région de s’informer, de se former et de sensibiliser pour un changement de comportement positif et un développement humain durable », explique Ibrahim Dicko, Secrétaire général de Sababou Bangou.

C’est dans cet élan que la troupe a lancé le 15 mars dernier la 4ème édition de l’activité, sur le thème « Conte, un mode de transmission de nos valeurs culturelles ». Le lancement officiel a eu lieu dans le quartier de Badjindé, avec un programme riche et varié mêlant contes, poésies, danses et chants traditionnels liés au Ramadan. Il se poursuivra jusqu’au 7 avril, avec au menu des activités dans tous les autres quartiers de Tombouctou.

« Tidji fo damé, ce sont des séances populaires de contes et légendes dans les quartiers de la ville de Tombouctou à l’intention d’un public jeune. Nous faisons appel à des personnes ressources (conteurs) désignées dans le quartier même pour animer ces séances. Avec leur aide, la troupe organise des activités durant toutes les nuits du Ramadan dans les 8 quartiers de Tombouctou, à raison de 2 quartiers par semaine) », fait savoir Hameye Mahamane Touré, Président de l’Association culturelle Sababou Bangou.

Selon lui, Tjidi fo damé vise à consolider les valeurs et principes moraux de la société tombouctienne, à contribuer au renforcement de la cohésion sociale entre les populations de la ville et à exhorter les jeunes « à adopter des comportements favorisant le vivre ensemble ».

En outre, Tjidi fo damé est aussi devenu un moyen pour les populations de la ville de Tombouctou « de se procurer de la joie et de resserrer leurs liens ». Oubliant ainsi, le temps d’une soirée, les affres du terrorisme auxquelles elles font face depuis 2012.

CSP-PSD : Un retour au combat en vue 

Le 12 mars 2024, le Président du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), Alghabass Ag Intalla, a procédé à la nomination de nouveaux Commandants de zone dans les régions du nord. Muets depuis leur défaite à Kidal, les groupes armés rebelles préparent leur retour au combat  contre l’armée malienne.

Ils sont au total 10 officiers à avoir été nommés aux postes de Commandant de zone et Commandant de zone adjoint dans les régions de Kidal, Gao, Tombouctou, Ménaka et Taoudéni et un 1er Adjoint chargé des questions de Défense auprès du 1er Vice-président chargé des questions de Défense et de sécurité.

Depuis leur « repli stratégique » suite à la bataille de Kidal, qu’ils ont perdue en novembre 2023, c’est la première fois que les groupes armés du CSP s’activent de nouveau sur le terrain. « Cela entre dans le cadre de la réorganisation de l’État-major militaire pour faire face à plusieurs défis. Normalement c’est la routine, mais comme depuis un certain temps nous sommes dans la guerre, nous n’avons pas eu le temps de nous réorganiser », confie Mohamed Elmaouloud Ramadane, Porte-parole du CSP.

Mais dans des régions essentiellement contrôlées par l’armée malienne et où la marge de manœuvre du CSP est relativement réduite, peut-il encore s’affirmer militairement et poursuivre ses objectifs ? Si cela ne semble pas a priori évident, le Porte-parole du Cadre y  croit. « Les Fama et Wagner ne contrôlent que les zones urbaines. Nous, nous avons une présence militaire dans toutes ces régions en dehors des villes. Nos hommes sont bien présents », affirme-t-il.

Nouveaux affrontements ?

La réorganisation en cours du CSP-PSD semble s’inscrire dans l’optique d’une reprise imminente des combats avec les Forces armées maliennes. À en croire M. Ramadane « ce n’est qu’une question de temps ». « Nous sommes sur le terrain. Nous ne pouvons pas mener des actions isolées sans une bonne planification. Nous attendons le moment opportun. C’est une guerre qui nous a été imposée et nous sommes dedans. Au moment opportun les opérations seront déclenchées », clame le Porte-parole du CSP.

Pour autant, selon certains spécialistes sécuritaires, les groupes armés du CSP pourraient difficilement prendre le dessus sur l’armée malienne dans d’éventuels futurs combats entre les deux parties. « Aujourd’hui, en terme de moyens et de présence sur le terrain, l’armée malienne est clairement en position de force. Je pense que tout affrontement dans l’immédiat serait à nouveau synonyme de défaite pour le CSP, même s’il est possible qu’il se soit renforcé pendant son repli », glisse un analyste.

AEEM : Oser la reconstruction

Le 28 février 2024, dans le cadre du renouvellement des instances du Bureau de coordination de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), de violents affrontements opposent des camps rivaux. Un étudiant trouve la mort et de nombreux autres sont blessés. Une énième scène de violence dans l’espace scolaire qui aboutit à la suspension des activités de l’organisation, puis à sa dissolution le 13 mars 2024 par les autorités. Salutaire pour les uns, liberticide pour les autres, la décision doit permettre une réinvention du mouvement scolaire, qui s’est détourné de ses objectifs depuis trop longtemps.

« Après la suspension, je m’attendais plutôt à des réformes au sein de l’association, qui a beaucoup contribué à l’avènement de la démocratie au Mali. Elle fait partie des acquis », regrette Moussa Niangaly, Secrétaire général de l’AEEM de 2018 à 2021. Sans nier les actes de violence qui caractérisent « actuellement » l’association, il estime que les réformes effectuées par le passé ont « contribué à diminuer le phénomène ». Il fallait donc continuer dans ce sens. D’ailleurs, plusieurs anciens de l’AEEM avaient salué la suspension, espérant que cela serait « l’occasion de penser un cadre de réflexion », poursuit-il. Un espace pour réorganiser l’association et éviter les violences en milieu scolaire. Au-delà de la « surprise » qu’elle a créée, selon M. Niangaly, « la dissolution n’est pas la solution », car elle pourrait permettre, comme par le passé, à l’organisation de renaître. C’est après la dissolution de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (UNEEM) que l’AEEM est née. Il vaut mieux donc « réparer et réorganiser ce que nous avons » et assurer un suivi afin d’éviter toute dérive.

Dépolitiser l’école

C’est la question cruciale qui préoccupe à présent les acteurs de l’école. Comment remettre dans son rôle une organisation de défense des intérêts des élèves et étudiants qui, depuis sa création, a été associée à la gestion du pouvoir, jusqu’au plus haut niveau ? Un instrument politique et « un électorat » ménagé par les pouvoirs successifs, car « personne n’avait intérêt à avoir une école bouillante », nous confiait un analyste en 2020.

À cette gestion du pouvoir s’est ajoutée la gestion des œuvres universitaires lors de la création de l’université en 1993 et en l’absence du Centre national des œuvres universitaires (CENOU), qui ne verra le jour qu’en 1996. Après la création de cette structure, des conventions instituant une collaboration entre cet établissement public et l’AEEM ont été instaurées. Jusqu’en 2020, où le 12 octobre un autre incident, toujours dans le contexte du renouvellement des instances de l’organisation, a causé la mort d’un étudiant et fait de nombreux blessés. Une mort de trop, qui a indigné le monde scolaire et les parents d’élèves, singulièrement les femmes, qui ont alors interpellé fortement les autorités.

Dans une déclaration signée le 20 novembre 2020 et remise aux autorités, les femmes du Mali, réunies au sein d’un Collectif, ont d’abord demandé la « suspension immédiate de l’AEEM » et la fin de toutes les conventions et engagements qui liaient l’État à l’association. Avant de souhaiter la mise en place d’une Commission de suivi pour la mise en œuvre de ces mesures. À l’issue d’une journée de concertations organisée par le Premier ministre de l’époque, des recommandations ont été formulées et un début de mise en œuvre s’est concrétisé avec l’assèchement des sources de financement de l’AEEM.

Mais le renouvellement des instances a continué d’être le théâtre de scènes de violences et « d’affrontements toujours soldés par des morts d’hommes », regrette Mme Gakou Salamata Fofana, membre du Collectif. Les différentes commissions ont donc été déployées pour accompagner les processus de renouvellement. Malgré le climat délétère et le danger auquel ils étaient exposés, les membres ont, avec l’appui des forces de l’ordre dans bien des cas, suivi les renouvellements, qui se sont bien déroulés. Elle se réjouit donc, « en tant que mère de famille de cette dissolution, car « les enfants ne sont pas envoyés à l’école pour se faire tuer ».

Comment réorganiser l’AEEM ?

« Pour le moment, il faut faire table rase » et trouver une solution à la violence et  aux étudiants qui refusent de quitter l’université pour ne pas quitter leurs postes au Bureau de l’AEEM, estime Mme Gakou. Une attitude qui ne doit rien au hasard, puisque l’AEEM est une source de pouvoir « économique et politique » dont les responsables ont appris à jouir « sans jamais avoir travaillé », déplore Elhadj Seydou Patrice Dembélé, Secrétaire général de l’Amicale des Anciens et sympathisants de l’UNEEM (AMSUNEEM).

Pourtant, les sources de financement de l’organisation avaient été coupées suite aux concertations de 2021. Malheureusement cela n’a pas arrêté la violence, relève l’ancien Secrétaire général. « Il faut sécuriser le milieu universitaire », suggère-t-il, et c’est l’État qui doit y veiller. « Souvent, les violences n’émanent même pas des militants de l’AEEM. Certains ont fini leur formation universitaire mais sont encore sur la colline », ajoute-t-il.

Mais « sans moyens », comment les étudiants se procurent-ils toutes ces armes ? Une question qui mérité d’être posée et à laquelle il y a désormais un début de réponse. « Pour avoir de l’argent, ils vont voir les écoles privées et font du chantage ». Ils ont ainsi «  eu des sous sans l’État, qui est resté silencieux », note M. Dembélé.

Ayant déjà soutenu la suspension, l’AMSUNEEM s’est prononcée majoritairement en faveur de la dissolution. Parce que l’espace universitaire ne doit pas être « criminogène ». L’État doit « continuer à nettoyer les écuries dans l’espace universitaire », préconise le Secrétaire général de l’AMSUNEEM. Il faut que les acteurs du 26 mars acceptent de se remettre en cause. « Tout n’a pas été mauvais, mais ayons le courage de faire notre mea culpa ». L’État doit mettre à profit ce temps pour restructurer l’AEEM et si une autre association doit voir le jour elle sera mise en place sous les regards vigilants de l’État, des partenaires de l’école et des étudiants.

Au-delà de la dissolution

Pour Mahamane Mariko, ancien membre de l’AEEM (1998 – 2000), la dissolution de l’organisation, qui s’était éloignée de ses objectifs, n’est pas une surprise. Elle s’était retrouvée dans une situation qui « n’honore point l’espace scolaire ». Mais il faut « pousser les investigations » et aller au-delà des « acteurs apparents » qu’étaient devenus les élèves et étudiants. Il faut chercher à « savoir qui manipulait les enfants » afin que l’espace scolaire et universitaire soit troublé. Il s’agit pour lui d’une question de justice, afin de donner le temps à la jeunesse de trouver la meilleure voie ».

Pour réformer l’association estudiantine, le Dr Almamy Ismaïla Koïta, ancien Secrétaire général de la Faculté de médecine (201 – 2013), propose de s’inspirer de la « spécificité » des comités de cette école, considérés comme des modèles. Il faut une nouvelle entité qui sera financée par les élèves et dont les organes seront élus sous l’égide d’autorités reconnues pour ce faire. Mais tout cela dépendra des étudiants, qui doivent prendre leur responsabilité, soutient-il.

Guère surpris par la dissolution, vu la tendance adoptée par l’association, Seydou Cissé, enseignant du Supérieur, préconise que la future organisation tire les leçons du passé et soit dirigée à l’issue d’une sélection rigoureuse et d’un choix démocratique pour éviter les dérives « qui ont fait plonger l’AEEM ».

Farouchement opposés à la dissolution de l’AEEM, les anciens de l’organisation « rejettent cette annonce et accompagneront les cadets pour faire annuler sans violence cette décision des autorités de la Transition », annonce Ibrahima Taméga, leur porte-parole.

Pour Amadou Koïta, ancien ministre et ancien membre de l’AEEM, « rien ne justifie cette dissolution ». Et il se demande si « certains ne veulent pas réécrire l’histoire du 26 mars ».

Création de l’AEEM : 1990

Suspension des activités de l’AEEM : 29 février 2024

Dissolution de l’AEEM : 13 mars 2024

« Sounkalo Solidarité » : le ministre Abdoul Kassim Fomba échange avec les jeunes de la commune VI

Le ministre de la Jeunesse et des Sports, de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne, Abdoul Kassim Fomba, était en commune VI du district de Bamako ce jeudi 14 mars 2024 pour échanger avec les jeunes, dans le cadre des activités de l’opération « Sounkalo Solidarité ».

La rencontre qui a été marquée par une rupture collective suivie de la prière, s’est tenue sur le terrain ASCB de Magnambougou. Occasion pour le ministre  d’édifier ses interlocuteurs du jour sur les missions de son département  ainsi que  les réalisations en cours d’exécution, et de les inviter à l’union et au labeur.

« Nous avons échangé avec les jeunes sur leur compréhension de l’union de la jeunesse , de la citoyenneté en communion avec tous les autres acteurs de la jeunesse au niveau des communautés. Nous avons également  parlé de nos réalisations. Mais également cela nous permet de recueillir les préoccupations des jeunes », a expliqué le ministre Abdoul Kassim Fomba.

« Lorsqu’on échange aujourd’hui avec la jeunesse, il y a des préoccupations qui sont là mais on sent aussi qu’il y a une détermination à vouloir avancer, et à aider dans le cadre des changements en cours par rapport à la reconstruction du pays », a-t-il ajouté.

L’opération Sounkalo Solidarité 2024, placée sous le thème « Partageons ensemble dans la communion », a été lancée par le gouvernement le 12 mars dernier. L’ initiative du président de la transition à travers le ministère de la Santé et du Développement social, et celui des affaires religieuses, vise à renforcer la cohésion sociale et l’esprit de solidarité entre les Maliens.

Elle prévoit entre, autres, des ruptures collectives dans les mosquées, la distribution de kits de rupture de jeûne et de vivres secs, la subvention de 50% sur les produits alimentaires ou encore la distribution de kits pour la fête du Ramadan.

 

 

 

 

Force conjointe AES : Un nouveau tournant dans la lutte contre le terrorisme ?

Réunis à Niamey le 6 mars 2024, les Chefs d’état-major des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont annoncé la mise en place d’une force conjointe pour la lutte contre le terrorisme dans l’espace. Après l’échec de celle du G5 Sahel, auquel appartenaient les 3 pays, cette nouvelle force est attendue pour mieux faire face à l’expansion terroriste au Sahel.

« Nous sommes arrivés à concevoir une force conjointe des pays de l’AES qui sera opérationnelle dans les plus brefs délais pour prendre en compte les défis sécuritaires dans notre espace », a déclaré le général de brigade Moussa Salaou Barmou, Chef d’état-major des armées du Niger, à l’issue de la première réunion avec ses pairs de l’AES tenue le 6 mars dernier à Niamey.

« Nous sommes convaincus qu’avec les efforts conjugués de nos trois pays nous parviendrons à créer les conditions d’une sécurité partagée, un objectif au centre des préoccupations de nos États et de nos vaillantes populations, en quête de paix et de stabilité », a-t-il ajouté.

Si la création de cette nouvelle force est ainsi actée entre les 3 pays, dont les armées menaient déjà des opérations militaires conjointes par moments, les contours de son opérationnalisation restent encore flous. Ni le niveau des financements ni les effectifs qui vont composer la force, encore moins les modalités administratives et logistiques de sa mise en place n’ont pas été précisés.

Nouveau pas contre le terrorisme

Pour plusieurs analystes, la création de cette nouvelle  force conjointe symbolise non seulement la volonté des trois pays de s’unir et de faire front commun face au terrorisme, mais marque également un nouveau chapitre dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, conformément à l’objectif de l’AES d’établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle et de lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et la criminalité en bandes organisées dans l’espace commun de l’Alliance.

« Les forces conjointes sont faites pour faire face à des problèmes communs sur des zones communes, pour exploiter une mutualisation d’armes et c’est ce qui est l’urgence aujourd’hui. Au lieu que chaque pays utilise ses moyens pour sa zone simplement, la mutualisation dans le cadre d’une force conjointe permettra d’optimiser leur utilisation sans avoir besoin d’aller chercher encore plus », salue Gervais Marie Raoul Nadembega, consultant indépendant burkinabé.

« Avec ces 3  États qui se mettent ensemble pour créer un espace commun où les informations sont échangées et où on pourra traquer les terroristes de part et d’autre, on peut espérer un résultat probant, parce que les terroristes n’auront plus de cachettes ou de refuges », appuie l’analyste politique Luc Abaki.

Quel financement ?

Alors que la force conjointe du G5 Sahel, mise en place en 2017, s’est toujours trouvée confrontée à des problèmes de financement, la nouvelle force annoncée par les pays de l’Alliance des États du Sahel, pourra-t-elle mieux s’en sortir ?

Même si les modalités de financement de cette force n’ont pas été encore dévoilées, tout porte à croire que les charges financières nécessaires à son opérationnalisation seront endossées par les différents pays de l’Alliance. En effet, l’article 10 de la Charte du Liptako-gourma instituant l’alliance des États du Sahel stipule que « le financement de l’Alliance est assuré par les contributions des États parties ».

Au-delà de ces financements provenant des États eux-mêmes, certains analystes estiment que même les citoyens de ces 3 pays pourront contribuer à l’opérationnalisation de cette nouvelle force conjointe.

« Aujourd’hui avec la mise en place de cette nouvelle force, galvanisée par l’état d’esprit de dirigeants engagés pour une cause commune, même si on demande à chaque citoyen nigérien, malien ou burkinabé d’y contribuer volontairement, je pense qu’il y a aura assez de ressources », estime M. Abaki.

Délestages : Un programme aléatoire

Malgré les annonces, la société EDM-SA peine à rassurer les consommateurs. Rendu public à la veille du début du mois de Ramadan, son programme de délestages fait couler beaucoup d’encre. Entre incompréhension et non respect, l’amélioration espérée n’est pas encore au rendez-vous.

« Nous attendons d’y voir plus clair pour pouvoir nous prononcer », déclare le responsable d’une association de consommateurs. Dans un communiqué rendu public le 12 mars 2024, la société EDM-SA est montée au créneau pour dénoncer une fausse annonce, via les réseaux sociaux, d’un nouveau programme de délestages concernant le mois de Ramadan. En invitant les consommateurs à s’en tenir au programme déjà publié via son site ou la chaîne nationale ou l’AMAP, elle se réserve le droit de poursuivre les auteurs de tels actes.

Dans une dynamique de communication pour tenter de rassurer sa clientèle, la société de fourniture d’électricité n’a cependant pas convaincu concernant sa capacité à juguler la crise dans un avenir proche.

Constat d’impuissance

En effet, le programme annoncé est loin de la réalité sur le terrain. De la promesse de 12 heures d’électricité en 2 tranches de 6 heures, nous sommes passés à une fourniture très aléatoire. Faisant dire à certains qu’ils préfèrent l’ancien système. C’est-à-dire pas de programme, l’électricité par moments en attendant une sortie du tunnel.

Dans un point de presse organisé le 7 mars 2024, le Directeur Général de la société a expliqué les causes profondes de la crise. Revenant sur les enjeux de la crise actuelle et les mesures prises pour l’atténuer, il a fait un état des lieux plutôt alarmant. Avec un doublement des besoins tous les 7 ans et les « retards » dans les investissements, le décalage entre la demande et la disponibilité de l’énergie s’est amplifié au fil des ans, avec des déficits dans tous les domaines.

En 2002, alors que les besoins en électricité étaient estimés à 600 millions de Kwh, aujourd’hui ils s’élèvent à 3 milliards 200 millions de Kwh, selon le Directeur Général d’EDM-SA. Dans le même temps, et contrairement à la croissance des besoins, les investissements n’ont pas suivi et le mix énergétique a migré vers un système dépendant des hydrocarbures, dont les coûts, que nous ne maîtrisons point, sont aussi en nette augmentation. Ainsi, il y a 20 ans la production hydroélectrique représentait 83%, contre 17% pour la thermique. Mais, à ce jour, la part de la thermique est de 70%.

Outre la résolution de ses problèmes financiers, EDM-SA envisage une révision de la politique tarifaire, une perspective que les clients appréhendent fortement.

Chiffres

Déficit : 27 millions de Kwh

Besoins en carburant 2024 : 500 millions de litres

Coûts : 309 milliards de francs CFA

Mahmoud Dicko : Un retour au Mali compromis

Le gouvernement de transition a annoncé le 6 mars 2024 la dissolution de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de l’Imam Mahmoud Dicko, quelques jours seulement après l’annonce de son retour imminent de l’Algérie, où il séjourne depuis plusieurs semaines. Directement dans le viseur des autorités de transition, pour lesquelles ses « activités subversives » sont susceptibles de troubler l’ordre public, l’Imam de Badalabougou pourrait être contraint de repousser son « come-back » au Mali.

S’il fallait encore un épisode pour confirmer la rupture totale entre les autorités actuelles de la Transition et l’Imam Mahmoud Dicko, il est assurément là. Après le 14 janvier 2023, quand le cortège venu l’accueillir à son retour d’Arabie Saoudite avait été pris pour cible par les forces de l’ordre, et le retrait de son passeport diplomatique le 22 juin 2023, la dissolution annoncée le 6 mars dernier en Conseil des ministres  de la Coordination, mouvements, associations et sympathisants de l’ancienne « autorité morale » du M5-FP, a définitivement sonné le glas du « poumon politique » de l’Imam.

Créée en 2019 pour, entre autres, promouvoir le renforcement de la démocratie, la promotion de la bonne gouvernance, de la paix et de la cohésion sociale et la consolidation de la paix, la CMAS était devenue en effet au fil des années un regroupement de poids, qui conférait à Mahmoud Dicko une grande légitimité dans l’arène politico-sociale. Pour justifier sa décision de dissolution, le gouvernement de transition a non seulement mis en avant certains manquements de l’association mais aussi incriminé son parrain, Mahmoud Dicko.

« La CMAS, créée en vue d’œuvrer pour la stabilité et la paix sociales, s’est transformée en un véritable organe politique de déstabilisation et de menace pour la sécurité publique, comme en témoignent la sortie médiatique de son Coordinateur général le 7 octobre 2023, suite à l’annonce du léger report de l’élection présidentielle, et la tenue de propos de dénigrement des autorités de la transition sur une chaîne de télévision privée », a indiqué le communiqué du Conseil des ministres.

« En outre, le parrain de la CMAS s’adonne clairement à des activités subversives susceptibles de troubler l’ordre public, notamment à travers ses récentes visites à l’extérieur et ses rencontres officielles avec des personnalités de puissances étrangères sur des questions d’intérêt national sans l’autorisation des autorités du Mali », poursuivait le communiqué.

La CMAS, de son côté, a indiqué le 11 mars 2024 surseoir à toutes activités politiques, sociales et humanitaires jusqu’à nouvel ordre à compter du 12 mars 2024 et se réserver « le droit d’user de tous les moyens juridiques et légaux pour l’annulation de sa dissolution, qui s’inscrit dans une violation flagrante de la loi N°04-038 du 5 août 2004 relative aux associations ».

Avertissement ?

Déjà taxé « d’hostile » à la Transition et accusé de « trahison » par les autorités de Bamako après sa rencontre le 19 décembre 2023 avec le Président algérien Abdelmadjid Tebboune, l’Imam Dicko serait-il menacé d’éventuelles prochaines poursuites judiciaires à son retour au Mali ?  La dissolution de la CMAS est-elle un avertissement dans ce sens pour le parrain de l’association ?

« Je ne pense pas en tant que tel. La dissolution, c’est juste pour mettre un frein à l’activité de la  CMAS », répond Boubacar Bocoum, analyste politique. « Je pense que cette dissolution n’est pas totalement liée à la posture de Dicko et n’est pas forcément un avertissement à son égard. Si les autorités ont pris une telle décision, c’est qu’elles ont suffisamment d’informations, en dehors de l’aspect visible, notamment via les services de renseignement à leur niveau », soutient-il.

Le politologue Bréhima Mamadou Koné partage le même avis. Pour lui, on ne peut pas établir de lien direct entre cette dissolution de la CMAS et les  rencontres de l’Imam Dicko en Algérie, non appréciées pas les autorités de transition. « Mais ce qui est évident, c’est que beaucoup d’observateurs, aussi bien que les autorités de la Transition, se sont  interrogés sur les réelles motivations qui ont fait que l’Imam, qui  n’est ni une autorité politique, ni administrative du Mali, ait été reçu par les autorités algérienne pour parler du Mali », glisse-t-il.

Dans une vidéo enregistrée le 25 décembre 2023, Mahmoud Dicko avait démenti toutes les accusations portées sur lui dans le cadre de son déplacement en Algérie, expliquant que les groupes armés rebelles ainsi que les autorités de transition avaient été tous conviés en même temps que lui par le Président algérien.

« J’ai compris à mon arrivée en Algérie que les représentants de Bamako devaient aussi venir. Mais ayant appris que j’étais invité et que je venais aussi, ils ont donc annulé leur déplacement pour ensuite me tendre un piège. À mon arrivée, ils ont annoncé qu’un imam du pays était actuellement en Algérie, qu’il s’entretenait avec les groupes armés rebelles et leur distribuait de l’argent », avait révélé l’Imam Dicko.

« Moi, je ne peux pas être de ceux qui trahissent notre pays. Pour quel intérêt trahirais-je le Mali ? (…) Dieu sait que je ne trahirai jamais mon pays, car je lui dois tout ce que je possède », avait-il ajouté.

Retour « avorté » ?

Même si dans sa vidéo du 25 février 2024, où il annonçait son retour imminent au Mali, l’Imam Mahmoud Dicko n’avait pas précisé de date, le fait qu’il soit directement  incriminé dans la dissolution récente de la CMAS pourrait l’amener à revoir ses plans de retour au pays, au risque, selon certains analystes, de se « jeter dans la gueule du loup ».

« Il me semble clair que par prudence l’Imam ne reviendra pas dans ce contexte aujourd’hui, quand on sait que les militaires peuvent l’interpeller à tout moment. À mon avis, il risque de prolonger encore son séjour algérien un certain temps », confie un analyste qui a requis l’anonymat.

Mais pour Bréhima Mamadou Koné, le retour annoncé au Mali de l’Imam Dicko n’est pas pour autant compromis, parce que « malgré tout ce qui peut être dit, aujourd’hui aucun mandat d’arrêt international n’a été émis contre lui et les autorités n’ont jamais signifié dans leur communication qu’il serait poursuivi par la justice dès son retour au Mali ».

Toutefois, nuance le politologue, l’Imam Dicko  pourrait être entendu par la justice sur  les contours de son séjour en Algérie, où il a été reçu par les autorités algériennes pour parler de l’Accord pour la paix « alors qu’il n’est pas une autorité officielle pour aller porter la voix du Mali ». « Cela peut constituer une charge contre lui, mais pour le moment le gouvernement ne s’est pas prononcé sur la question ».

Timing interrogateur

La décision de dissolution de la CMAS est intervenue 10 jours après l’annonce du retour de l’Imam Mahmoud Dicko au pays, alors que cette association, qui est entre-temps devenue d’ailleurs le fer de lance de la « Synergie d’action pour le Mali », qui s’oppose clairement à la transition, s’apprêtait à lui réserver un accueil en grande pompe.

Les autorités de transition ont-elles voulu couper l’herbe sous les pieds de toute contestation populaire naissant avec la « bénédiction » de l’Imam Dicko, principale figure de proue de la chute du précédent régime ? Pour notre interlocuteur, la réponse est positive. « La Synergie d’action pour le Mali projetait d’organiser des manifestations pour demander une transition civile. Si l’Imam revenait et se mêlait à la danse en appelant à la mobilisation aujourd’hui, dans un contexte où de plus en plus de Maliens semblent à bout par rapport à la crise énergétique que les autorités de transition n’arrivent pas à résoudre, cela risquerait de troubler le sommeil des autorités actuelles. Je pense que tout cela a plus ou moins pesé dans le timing de l’annonce de la dissolution de la CMAS », avance-t-il.

VBG : de plus en plus de victimes

En 20 ans, entre 2002 et 2022,  le nombre de  victimes de violences basées sur le Genre (VBG), très majoritairement des femmes, a explosé, passant de 2 283 à 14 264 cas, selon les chiffres du ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. Une tendance alarmante qui souligne l’ampleur croissante de ce fléau social au Mali.

Il existe 6 différents types de VBG : le viol, l’agression sexuelle, le mariage d’enfants,  le déni de ressources, d’opportunités ou de services et les violences psychologiques ou émotionnelles. Selon le Bulletin statistique annuel 2021 de la Direction nationale de la population (DNP), parmi les types de VBG rapportés en 2021, les données montrent une prédominance des violences sexuelles (38%), dont 23% de viols. Pour le reste, 20% sont des agressions physiques et des violences psychologiques, 15% sont des agressions sexuelles, 12%, des dénis de ressources et 10% des mariages précoces.

Parmi les 14 264 cas de VBG enregistrées au Mali en 2022, 14% étaient des violences sexuelles et 12% des victimes étaient des enfants de 12 à 17 ans. Si les statistiques de l’année 2023 ne sont pas encore publiées, au Programme national pour l’abandon des VBG on craint des chiffres plus élevés que ceux de 2022. Selon une source au sein de la structure, entre janvier et juin 2023 plus de 7000 cas avaient été déjà enregistrés.

Les agressions sexuelles en hausse

Selon le Bulletin annuel de la DNP, les statistiques de 2021 montrent une tendance à la réduction des cas de violences sexuelles de 3% (23% en 2020 contre 20% en 2021). Par contre, les cas d’agressions sexuelles sont passés de 15% en 2020 à 34% en 2021. La même tendance à la hausse se poursuit pour les cas de violences physiques, qui sont passés de 20% en 2020 à 27% en 2021, soit un taux d’augmentation de 7%.

« Pour le mariage d’enfants, le taux est resté inchangé (de 10% à 2020 il est resté le même en 2021). Le déni de ressources, d’opportunités ou de services a connu aussi une évolution de 6%. De 12% en 2020 il est passé à 18% en 2021. Seules les violences psychologiques ou émotionnelles ont connu une baisse significative : elles passent de 20% en 2020 à 11% en 2021 », indique le bulletin.

Si les VBG se multiplient au fil des années au Mali, il n’existe toujours pas de loi spécifique pour lutter contre le fléau. Plusieurs tentatives d’adoption d’une loi spécifique ont échoué par le passé, mais la réforme du Code pénal en cours devrait permettre de prendre les VBG en compte dans le nouveau texte.

Femmes dans la transition : encore du chemin à faire

Malgré certaines avancées dans  la promotion du Genre ces dernières années, les femmes restent peu représentées dans les organes de prise de décision sous la transition. Si elles ne sont pas complètement en marge du processus de refondation, elles peinent à peser dans les différentes instances.

La faible représentativité des femmes au sein du Comité de pilotage du Dialogue inter-Maliens, mis en place le 31 janvier 2024, est venue confirmer une tendance globale depuis le début de la Transition. La loi  N°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant les mesures pour promouvoir le Genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives peine à être respectée lors des nominations aux postes de responsabilité. Sur 140 membres qui composent ce comité, seulement 28 sont des femmes.

À l’instar du Comité de pilotage du dialogue inter-Maliens, les femmes restent sous-représentées dans toutes les organes de la Transition et au niveau d’autres importantes instances, à commencer par le Gouvernement, où elles ne sont que 6 membres sur 28, soit une représentativité de 21,42%. Plus alarmant, seule une femme est Secrétaire générale au niveau des différents départements ministériels, selon le Réseau des femmes africaines ministres et parlementaires ( REFAMP).

Le Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif de la Transition, ne compte de 42 femmes sur 147 membres (28, 57%) et dans la Commission de finalisation de l’avant-projet de nouvelle Constitution mise en place en janvier 2023, les femmes n’étaient que 11 sur les 69 personnes désignées (15,94%). Même constat à  l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), installée le 10 janvier 2023 et qui ne compte que 4 femmes sur ses 15 membres, soit une représentativité féminine de 26,66 %. Au Conseil économique, social, environnemental et culturel, seulement 15 femmes sont présentes sur 68 membres. Par ailleurs, à en croire les données de l’Institut d’études de sécurité (ISS), au sein de l’Administration générale en 2021, lors du début de la 2ème phase de la Transition, les femmes constituaient  15% seulement des directeurs et directrices des services centraux et 11% des ambassadeurs et ambassadrices.

« Les chiffres parlent. Nous avons encore du chemin à faire. Je pense que les femmes sont impliquées dans la conduite de la Transition, mais pas à hauteur de souhait. Le gouvernement a fourni des efforts, mais il faut encore une forte volonté politique pour améliorer la participation et la représentativité des femmes  au niveau des différents organes », souligne Mme Fomba Fatoumata Niambaly, Secrétaire générale adjointe du REFAMP.

Actives malgré tout

Malgré le tableau peu reluisant de leur représentativité au sein des instances de décision, les femmes du Mali ne sont pas restées en marge du processus de refondation enclenché depuis le début de la Transition. Tout en menant des plaidoyers pour l’application effective de la loi 052, elles se sont impliquées à divers niveaux dans les grands rendez-vous décisionnels de la Transition.

« Les femmes ont joué et continuent de jouer un rôle important dans le processus de paix et de réconciliation pour la refondation du Mali. Elles sont très impliquées dans les différents mouvements de gestion de crise, jouent des rôles stratégiques et sont très actives dans la société civile. Grâce à des organisations de femmes, leur rôle est reconnu dans la gestion des crises et elles sont présentes dans les différentes instances de la Transition », rappelle Mme Doumbia Fatoumata Koité, Présidente du Consortium des femmes leaders du Mali.

Ce consortium, constitué de la Plateforme des femmes leaders du Mali, du Réseau paix et sécurité des femmes de l’espace CEDEAO (REPSFECO), du Réseau des femmes leaders du Mali (AWLN-Mali), du Réseau des femmes africaines ministres et parlementaires (REFAMP) et du Réseau plaidoyer et médiation, a contribué à la mise en place d’un mécanisme cohérent pour la participation des femmes aux réformes de refondation du Mali.

« Nous avons travaillé entre autres pour la prise en compte des besoins spécifiques des femmes dans toutes les décisions concernant la refondation du Mali, pendant la Transition et au-delà, pour faire connaitre leur rôle incontournable dans la vie de la Nation et dans la reconstruction de la cohésion sociale et du vivre ensemble et pour exiger leur présence, à travers des expertes, dans les équipes de réflexion, de rédaction et de proposition des textes devant régir la Transition », affirme Mme Doumbia.

Loi 052, l’interminable  combat»

« À l’occasion des nominations dans les institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion de personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30% », stipule l’article 1er de la Loi N°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant les mesures pour promouvoir le Genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives.

Pour la Secrétaire générale adjointe du REFAMP, le non-respect des dispositions de cette loi ne peut s’expliquer en partie que par une absence de volonté politique, parce « qu’il y a des femmes compétentes qui peuvent mieux jouer leur rôle que certains hommes ».

Mme Maiga Oumou Dembélé est du même avis. Pour la Présidente du Cadre de concertation des femmes des partis politiques (CCFPP), également, la faible représentativité des femmes au sein des instances de prises de décisions n’est liée qu’à la volonté et à une décision politique de la part des autorités dirigeantes.

« Les décisions politiques n’émanent pas de nous. Il faut que les décideurs aient la volonté de changer les choses pour que cela bouge. Nous, en tant que femmes, nous pouvons juste mener des plaidoyers pour que la loi soit respectée », avance-t-elle.

Mais, à en croire Mme Fomba Fatoumata Niambaly, l’argument de la non disponibilité de femmes compétentes ressort souvent pour justifier leur faible représentativité dans les instances. Face à cela, le REFAMP, explique-t-elle, a initié des projets pour identifier les femmes cadres afin d’avoir un répertoire pour faire des propositions lors des nominations. « Nous allons redynamiser ce cadre d’identification pour réactualiser ce répertoire de toutes les femmes qui peuvent occuper des postes », assure-t-elle.

Si la volonté politique est remise en cause pour l’application de la loi 052, les femmes reconnaissent également des pesanteurs sociales qui freinent leur participation dans ces instances. « Il arrive que les maris s’opposent aux nominations de leurs épouses et les obligent à se désister », se désole la Secrétaire générale adjointe du REFAMP, soulignant qu’il faudrait donc agir à deux niveaux.

« Nous devons plaider d’une part au niveau du gouvernement et d’autre part agir à notre niveau en tant que femmes pour mieux nous  préparer. Il est incompréhensible que nous nous battions pour avoir des postes et que dans le même temps certaines femmes qui sont désignées se désistent », admet-elle.

« Nous sommes à pied d’œuvre pour renforcer  les capacités des femmes,  pour qu’elles puissent être à la hauteur, parce qu’il ne s’agit pas seulement de désigner, il faut savoir qui désigner. Il faut que les femmes qui sont désignées puissent bien jouer leur rôle », insiste Mme Fomba.

En attendant une totale application de la loi 052, les femmes ont plaidé et obtenu une disposition dans la nouvelle loi électorale adoptée en 2022. L’article 78 de ladite loi est sans équivoque : « les listes de candidatures présentées par les partis politiques, groupements de partis politiques ou candidats indépendants sont irrecevables lorsqu’elles présentent plus de 70% de femmes ou d’hommes ».

Primature : Choguel Kokalla Maiga sur un siège éjectable ?

La crise au sein du M5-RFP a pris de nouvelles proportions le 5 mars 2024,  avec la révocation de Choguel Kokalla Maiga de la tête du Comité stratégique par la tendance Imam Oumarou Diarra. Alors qu’il a été nommé Premier ministre en juin 2021 en tant que Président de ce Comité stratégique, le chef du gouvernement est-il désormais menacé à la Primature ?

Lors de sa conférence de presse du 2 mars 2024, le Comité stratégique du M5-RFP tendance Imam Oumarou Diarra avait donné un ultimatum de 72 heures à Choguel Kokalla Maiga pour « rassurer face aux graves accusations de manipulation qui pèsent sur lui et sur sa responsabilité éminente dans la situation actuelle ».

« À défaut, il sera purement, simplement et démocratiquement démis de ses fonctions de Président du Comité stratégique et ramené au niveau de militant à la base, sans qu’il soit besoin de suspensions ou d’exclusions, qui restent les armes des faibles », avait avertit l’Imam Oumarou Diarra, épaulé par d’autres figures du mouvementn à l’instar de Me Mountaga Tall et de Jeamille Bittar.

De la parole ils sont passés à l’acte le mardi 5 mars, après une réunion extraordinaire tard dans la nuit, à l’issue de laquelle ils ont annoncé avoir démis Choguel Maiga de ses fonctions de Président du Comité stratégique.

« Réunis en session extraordinaire ce mardi 5 mars 2024 pour examiner les suites réservées par Choguel Kokalla Maiga aux demandes l’invitant à se hisser à la hauteur de ses responsabilités, constatant l’expiration du délai qui lui a été imparti pour ramener la cohésion et la sérénité au sein du mouvement M5-RFP, regrettant au contraire les propos injurieux et diffamatoires de ses porte-voix attitrés, décident de révoquer purement, simplement et démocratiquement le mandat de Président du Comité stratégique initialement confié à Choguel Kokalla Maiga » ont-ils déclaré.

Secousses à la Primature ?

Si cette révocation de Choguel Maiga de la tête du Comité stratégique est un « non-évènement » pour le camp qu’il incarne, parce que « la plupart de ceux qui ont pris la décision ont été déjà suspendus du Comité stratégique », pourrait-elle toutefois avoir des conséquences sur le Premier ministre pour la suite de la Transition ?

Lors d’une intervention, le 1er mars dernier, le chef du gouvernement lui-même avait déclaré être la cible de certains militaires qui mettent tout en œuvre pour l’affaiblir. « Il y a des militaires qui veulent affaiblir le M5. Ils font des réunions toutes les nuits, appellent des membres du M5 et leur disent qu’ils ne savent pas si je veux devenir Président ou pas. Donc, pour m’affaiblir, il faut qu’ils disent qu’ils ne veulent plus de moi et quand je serai faible je vais me rendre », a-t-il révélé.

Pour certains observateurs, la crise au sein du M5 fragilise incontestablement le Premier ministre et cela pourrait lui coûter son départ de la Primature. « Sa base solide était le M5. Il menaçait et parlait au nom du M5. Si ce mouvement se trouve aujourd’hui en lambeaux, les militaires en face sauront que le Premier ministre n’a plus d’arrière-garde. Il est forcément plus affaibli et devient une proie facile », confie un analyste.

Mais, pour un autre analyste politique, Boubacar Bocoum, le « cinéma » de certains membres du comité stratégique du M5-RFP ne devrait pas remettre en cause le poste de Premier ministre de Choguel Kokalla Maiga. « Ce n’est pas le Comité stratégique du M5-RFP qui gère le pays, mais plutôt le Colonel Assimi Goïta et ses collègues. Tant que le Président voudra de Choguel Maiga en tant que chef du gouvernement, il va le garder », soutient-il.

Même son de cloche chez une source proche du M5-RFP, tendance Boubacar Karamoko Traoré, qui a requis l’anonymat. « Tant que les militaires reconnaitront le seul Comité stratégique qu’incarne Boubacar Traoré, le Premier ministre ne pourra pas être inquiété. La preuve, quand d’autres sont partis créer un autre mouvement, cela n’a eu aucun effet », glisse-t-elle.

Sénégal : l’élection présidentielle se tiendra finalement le 24 mars

Le président sénégalais Macky Sall a fixé la tenue de l’élection présidentielle au 24 mars, a déclaré mercredi le gouvernement dans un communiqué. Ce scrutin était initialement prévu le 24 février, et son report avait provoqué une vague de manifestations parfois violentes à travers le pays.

L’annonce de cette nouvelle date a été effectuée dans la foulée de la dissolution du gouvernement par le chef de l’Etat, qui a remplacé le premier ministre Amadou Ba par le ministre de l’Intérieur, Sidiki Kaba, afin qu’Amadou Ba, le candidat de la coalition au pouvoir pour l’élection présidentielle, puisse se focaliser sur sa campagne, a précisé le bureau de la présidence.

La journée avait déjà été marquée par le veto opposé par le Conseil constitutionnel à la proposition de la commission du dialogue national d’organiser l’élection présidentielle le 2 juin. Le Conseil a jugé que le scrutin ne pouvait avoir lieu deux mois après la fin du mandat de Macky Sall, le 2 avril. Un degré de confusion persiste cependant sur la date précise, la présidence annonçant que le 1er tour aurait lieu le 24 mars. Un deuxième tour, probable en l’état actuel des candidatures, mais pour lequel aucune date n’a été communiquée, se tiendrait avant ou après le 2. Cependant, une décision du Conseil constitutionnel publiée mercredi dit que, dans la mesure où le premier tour aurait lieu avant la fin du mandat, le président Sall resterait à son poste jusqu’à l’installation de son successeur.

Par ailleurs, mercredi soir, le Parlement a approuvé un projet de loi d’amnistie voulu par Macky Sall dans le but d’apaiser les tensions politiques causées notamment par l’annonce du report des élections.

Le projet amnistie tous les délits ou crimes, jugés ou non, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 et « se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques ».

Le Sénégal a connu entre 2021 et 2023 différents épisodes d’émeutes, affrontements, saccages et pillages déclenchés notamment par le bras de fer entre l’opposant Ousmane Sonko et le pouvoir.

Ousmane Sonko, troisième de la présidentielle en 2019 et candidat déclaré en 2024, est détenu depuis juillet 2023 et a été disqualifié de la présidentielle dont il était l’un des favoris.

L’amnistie pourrait cependant ouvrir la voie à sa sortie de prison ainsi que celle de son numéro deux, Bassirou Diomaye Faye, désigné pour le suppléer par leur parti et qui pourrait mener campagne comme le réclament à cor et à cri ses partisans au nom de l’égalité entre candidats.

CMAS : le gouvernement annonce la dissolution de la coordination

Au cours du conseil des ministres de ce mercredi, le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation le Colonel Abdoulaye Maiga, a annoncé la dissolution de la « Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants de l’Imam Mahmoud DICKO (CMAS) ».

Pour cause, selon le compte rendu du conseil, depuis un certain temps, la CMAS s’adonne à des activités contraires à ses objectifs de départ et à son statut. Selon le Chef de l’Administration territoriale, la CMAS, créée en vue d’œuvrer pour la stabilité et la paix sociales, s’est transformée en un véritable organe politique de déstabilisation et de menace pour la sécurité publique suite au « léger » report de l’élection présidentielle.

Il est reproché également au parrain de la CMAS, l’imam Mahmoud Dicko, de s’adonner clairement à des activités subversives susceptibles de troubler l’ordre public.

Cette dissolution fait également suite à des récentes visites à l’extérieur de l’Imam Dicko et ses rencontres
officielles avec des personnalités de puissances étrangères sur des questions d’intérêt national sans l’autorisation des autorités du Mali. Cette circonstance, selon le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, constitue un manquement aux dispositions statutaires de la CMAS et une atteinte aux intérêts supérieurs du pays selon le communiqué.

La dissolution intervient également alors que le retour de l’imam Dicko à Alger depuis plusieurs semaines est annoncé pour bientôt. Pour certains analystes, c’est un avertissement qui lui est lancé. La CMAS a réagi dans la foulée, assurant ne pas être surprise et appelant ses membres à garder leur calme en attendant que la décision leur soit formellement notifiée. Les dissolutions d’association deviennent récurrentes.  Pour rappel, L’ Observatoire pour les Élections et la Bonne Gouvernance et l’Association  Solidarité pour le Sahel (SOLSA), ont été également dissoute.

La dissolution la plus récente est celle de, L’association Kaoural Renouveau qui a été dissoute le mercredi dernier lors du conseil des ministres. L’association est accusée d’avoir orchestré une campagne de dénigrement contre la transition en place. Le président de l’association aurait tenu des propos diffamatoires et subversifs visant à discréditer les autorités et à semer le trouble dans l’ordre public.

La commission nationale des droits de l’Homme CNDH se dit préoccupée face aux menaces sérieuses pesant sur l’exercice de certains droits civiques et politiques, notamment la liberté d’association. Elle s’indigne contre la tendance systémique de dissolution et/ou de suspension de partis politiques et/ou d’associations.

Elle a par ailleurs rappelé les responsabilités de l’État sur la protection des citoyens, et sur la garantie des libertés fondamentales comme la liberté d’association, conformément à la réglementation, en tout temps, en tout lieu et en toute circonstance.

M5-RFP : La guerre des clans bat son plein

Le M5-RFP est au bord de l’implosion. Déjà diminué par le  départ de certains de ses cadres, réunis depuis au sein du M5-RFP Malikura, le mouvement continue de traverser des remous internes. Depuis  quelques semaines, deux tendances opposées à l’intérieur du Comité stratégique se battent pour son contrôle.

Le malaise interne au M5-RFP depuis plusieurs semaines a fini par se révéler au grand jour le 22 février 2024, lors de la réunion ordinaire hebdomadaire marquée par des invitées inhabituelles : les forces de l’ordre.

Si cette présence de la police à une réunion ordinaire du Comité stratégique n’a pas été du goût de certains membres opposés à la gestion du Vice-président Boubacar Karamoko Traoré, qui l’ont donc boycottée, pour les partisans de ce dernier elle est était justifiée.

« C’est parce que le Vice-président a reçu des informations selon lesquelles les jeunes se préparaient à venir le faire sortir de force qu’il a demandé à la police de venir sécuriser la réunion », confie un membre du Comité stratégique proche de lui.

Deux « Présidents » à bord

Suite aux évènements du 22 février, le Comité stratégique présidé par Boubacar Karamoko Traoré a décidé dans la foulée de suspendre « jusqu’à nouvel ordre » certains membres dudit Comité pour, entre autres, la « gravité des incidents et des agissements » qu’ils ont posés lors de la réunion, les « atteintes graves à la cohésion et la violation de l’esprit d’union sacrée autour des idéaux du peuple malien portés par le M5-RFP » et « leur mépris à l’endroit des forces de l’ordre ».

Parmi les membres du Comité stratégique suspendus figurent entre autres le Coordinateur du mouvement EMK, Tiémoko Maïga, le Président du Pôle politique du consensus (PPC) et Porte-parole du M5, Jeamille Bittar, Paul Ismaël Boro, membre du FSD ou encore Ibrahim Traoré dit Jack Bauer, membre de la Coordination des jeunes du M5.

Mais ces derniers et d’autres membres du Comité stratégique issus de diverses entités ont également annoncé le 23 février avoir mis « un terme, avec effet immédiat, à la mission de Boubacar K. Traoré comme Vice-président du Comité stratégique du M5-RFP » et désigné « à titre d’intérimaire l’Imam Oumarou Diarra, 3ème Vice-président, en qualité de Vice-président du Comité stratégique jusqu’à  nouvel ordre ».

Pour le camp Traoré, la destitution du Vice-président est sans effet. « Ils ont tenté de destituer Boubacar Karamoko Traoré mais ils ne le peuvent pas. Non seulement ils n’ont pas la majorité, mais ils ne peuvent pas destituer quelqu’un étant suspendus », argue une source interne du Comité stratégique.

Mais, dans une déclaration en date du 26 février 2024 signée du Président par intérim désigné, l’Imam Oumarou Diarra, cette tendance du M5 a qualifié de « puéril, enfantin et dérisoire » le communiqué de « l’ancien Vice-président » portant  suspension de certains membres du Comité stratégique.

Elle a également demandé au Premier ministre, Président du Comité stratégique, de « sortir sans délai de son mutisme pour rassurer face aux graves accusations de manipulation qui pèsent sur lui »

Quête d’intérêts ?

À en croire des membres du Comité stratégique que nous avons approchés, la situation actuelle au sein du M5-RFP résulte de la quête d’intérêts personnels de certains. « Certains responsables du M5 qui étaient nommés comme chargés de mission dans certains ministères ont perdu leurs fonctions ces derniers temps. C’est eux qui sont en train de nourrir la protestation », accuse un membre du Comité stratégique proche de Boubacar Karamoko Traoré.

« Si vous regardez bien les visages, ce sont des gens soit qui ont été limogés, soit qui voulaient des postes ou des marchés, en plus de quelques jeunes qui demandaient à avoir du boulot mais qui n’en ont pas eu », appuie pour sa part un autre proche du Premier ministre.

Des accusations que Jeamille Bittar réfute. Lors de la lecture de la déclaration destituant le Vice-président, le Porte-parole du M5 a affirmé que ni les questions de poste ni les calculs politiques ne motivaient leur démarche.

Toutes nos tentatives pour avoir les versions de cette tendance sur les causes de la situation actuelle au sein du M5-RFP ont été sans suite. Elle prévoit une conférence de presse ce jeudi 29 février, où « aucune question ne sera taboue », assure M. Bittar.

13ème conférence ministérielle : l’OMC joue les prolongations

Alors que la cérémonie de clôture était prévue hier jeudi 29 février à 20h (locale-16h GMT), l’organisation mondiale du commerce joue les prolongations afin que les membres parviennent à un accord. Ainsi, la clôture de la conférence ministérielle a été repoussée une première fois à minuit, heure des Emirats Arabes Unis. Les traits déjà tirés face à l’intensité des négociations, délégués et journalistes ont été informés quelques heures avant minuit d’un nouveau report pour le vendredi 1er mars à 14h locale. « Les ministres continuent d’être engagés dans d’intenses discussions sur un ensemble d’accords à adopter lors de la CM13. En conséquence, afin de donner plus de temps aux négociations, la séance de clôture officielle de la CM13 a été reportée au vendredi 1er mars à 17 heures (heure des Émirats arabes unis) » a déclaré durant la journée Ismaila Dieng, le porte-parole de l’OMC. Deux autres reports ont suivi cette annonce, la cérémonie est pour l’heure programmée à 22h locale. Si ces reports incessants en déconcertent plus d’un, d’après des responsables de l’OMC qui rappellent que les précédentes conférences se sont poursuivies au-delà de la date de clôture convenue, c’est le « fonctionnement » normal. Les positions divergentes, le manque d’accord expliquent en grande partie les reports. Les négociations se poursuivent entre les délégations. D’après un expert « les thématiques sont liées. Si un Etat est prêt à lâcher du lest sur un dossier, il veut une garantie sur un autre » ce qui complexifie les discussions. L’Inde par exemple dont la présence est très remarquée durant cette conférence a fait savoir par la voix de son ministre du Commerce, Piyush Goyal, son pays n’envisage pas de « finaliser » de nouveaux accords tant que les Etats-Unis bloquent l’organe d’appel du mécanisme de règlement des différends. Washington est également pointé du doigt pour bloquer des accords sur l’agriculture, notamment le coton. Les pays du C4+ (Mali, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire) militent pour réforme des subventions de l’or blanc. Ces subventions accordées en « masse » par les Etats-Unis, ou encore la Chine permettent à ces derniers de proposer des prix plus bas sur le marché ce qui plombe le groupe du C4+ qui dénonce une distorsion et une concurrence déloyale. En cette année électorale, de l’analyse d’un des experts qui prend part aux discussions, il semble peu probable que les Etats-Unis acceptent un compromis sur une fin des subventions. « Le lobby des farmers est très puissant » aux Etats-Unis, précise-t-il. A défaut donc d’un abandon, les pays du C4+ seraient dans la dynamique de proposer aux Américains de réduire les subventions. Mais, pour l’heure, rien n’est encore gagné.

France – Mali : les conséquences de la dénonciation de la convention fiscale

Le 5 décembre 2023, le Mali a dénoncé la convention fiscale qui le liait à la France depuis le 22 septembre 1972. Une convention qui visait à éviter notamment la double imposition des personnes et des entreprises dans chacun des deux États. La fin de cette convention fait donc de lourdes conséquences pour certains.

Dans un communiqué conjoint, les deux gouvernements du Mali et du Niger ont dénoncé les conventions tendant à éviter la double imposition signées respectivement entre le Mali et la France le 22 septembre 1972 et entre le Niger et la France en 1965. Les deux pays dénoncent l’attitude hostile du gouvernement français et le déséquilibre découlant de ces conventions « causant un manque à gagner important » pour eux. Cette dénonciation intervient dans un contexte de tension exacerbée entre la France et ces pays, réunis depuis le 16 septembre 2023 au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES) avec le Burkina, qui a lui aussi dénoncé en août 2023 une convention de même type signée avec la France en 1965.

Ces conventions de non double imposition visent en principe à éviter la double imposition sur le même revenu ou les mêmes actifs pour une personne ou une entreprise résidant dans l’un des pays. Un outil qui permet donc a priori de faciliter le développement des échanges internationaux et de favoriser les investissements, notent les spécialistes.

Pour le Mali et le Niger, ces conventions, qui visaient à renforcer les liens de coopération, ne répondaient plus à leurs objectifs et n’étaient plus compatibles avec la défense des intérêts de leurs peuples. En décidant de mettre fin à ces conventions dans « un délai de trois mois », le Mali et le Niger entendent « préserver les intérêts des deux pays ».

Démarche politique ?

Aux termes de l’article 44 de la Convention fiscale Mali – France, à partir du 1er janvier de la sixième année suivant l’entrée en vigueur de la convention, celle-ci peut être dénoncée par l’un ou l’autre Gouvernement entre le 1er janvier et le 30 juin de chaque année, par notification écrite transmise par la voie diplomatique. La convention cessera alors de s’appliquer à partir du 1er janvier de l’année suivante. La dénonciation de la convention ayant été communiquée courant décembre semble donc être hors de l’intervalle temporel prévu par le dispositif, relèvent les spécialistes. Son effectivité à partir de janvier 2024 pose donc problème d’après eux.

S’il semble logique que des conventions qui ont plus de 40 ans d’existence fassent l’objet de relecture, la démarche choisie par le Mali et le Niger, dont les conventions n’ont pas été signées aux mêmes dates, interroge. Pour certains observateurs, elle relève plus d’une démarche politique que d’une mesure fiscale ou économique. Mais cette dénonciation pourrait être un couteau à double tranchant pour les deux pays. En effet, les investisseurs potentiels pourraient se demander s’ils ne seraient pas doublement imposés en y investissant. Pourtant, la possibilité de revoir certaines dispositions de l’accord qui ne correspondaient plus à la réalité, existait, selon les observateurs. Elle aurait pu permettre aux différentes parties de prendre des dispositions afin de communiquer sur des situations précises, d’échanger des informations ou encore de prendre des décisions concernant les contribuables, personnes physiques ou morales.

Outre le ralentissement des installations réciproques d’entreprises dans les pays, suite à des conditions qui n’inciteraient pas les investisseurs, la fin de cette convention pourrait impacter les particuliers. Pour les Maliens, visiblement plus nombreux à s’installer en France que les ressortissants français au Mali, les bénéficiaires de rentes viagères ou les étudiants recevant de l’argent de leurs proches installés au Mali, dont les revenus n’étaient pas taxés, pourraient perdre ce privilège en raison de la fin de la non double imposition. La fin de la convention impliquera aussi la fin de la coopération en matière fiscale ainsi que dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale.

Faibles impacts ?

La conséquence principale et la plus immédiate d’une telle dénonciation est l’application sans restriction des règles de droit commun, en l’occurrence les dispositions du Code général des impôts (CGI) aux contribuables percevant des revenus dans l’un et l’autre des États parties, note Fatoumata Diarra, fiscaliste. Ainsi, en ce qui concerne le Mali, vont s’appliquer pleinement les dispositions de l’article 44 du CGI qui dit : « sous réserve des dispositions des conventions internationales dûment ratifiées par le Mali et relatives aux non doubles impositions, l’impôt est dû à raison des bénéfices réalisés au Mali par les personnes physiques ou morales y exerçant une activité, quel que soit leur statut juridique et quelle que soit la validité des opérations réalisée au regard de la législation autre que fiscale ».

Face au constat que la législation fiscale malienne réduit les bénéfices passibles de l’impôt à ceux réalisés dans les entreprises exploitées au Mali, ainsi que ceux dont l’imposition est attribuée au Mali par une convention internationale relative aux non doubles impositions, « concernant cet impôt en particulier, la convention a eu probablement peu d’impact sur les recettes fiscales, à l’exception notable de la situation des compagnies aériennes de l’un et de l’autre État ». L’article 12 de la convention Mali – France dit que les revenus provenant de l’exploitation en trafic international de navires ou d’aéronefs ne sont imposables que dans l’État contractant où se trouve le domicile fiscal de l’entreprise.

Par contre, les redevances et autres rémunérations de prestations de services échappaient, du fait de l’application de la convention, à la retenue à la source applicable suivant le droit commun (au taux effectif actuel de 15%). Ainsi, avec la dénonciation de la convention, ces exemptions sont supprimées.

Dans la pratique, malgré la dénonciation, la convention devrait continuer à produire effet en ce qui concerne les revenus dont le fait générateur est antérieur à l’effectivité de la dénonciation. En clair, en ce qui concerne les redevances et rémunérations de prestations de services, les revenus inscrits au crédit des comptes de résidents français jusqu’au 31 décembre 2023 ne devraient supporter aucune retenue à la source au Mali, même si le paiement effectif des revenus concernés intervient dans les années à venir.

Revoir toutes les conventions

Dans la foulée de la dénonciation de cette convention fiscale entre le Mali et la France, certains observateurs ont attiré l’attention sur le contenu des différentes conventions que notre pays a signées. En effet, outre la France, le Mali a diverses conventions avec d’autres pays, dont la Tunisie, le Maroc, la Russie, Monaco ou encore les pays membres de l’UEMOA.

Si l’on peut signaler les incohérences et l’inadaptation des dispositions de cette convention aux réalités actuelles, il faut regarder au-delà et revoir toutes les conventions qui lient le Mali à d’autres pays pour remettre au centre la sauvegarde de nos intérêts économiques, suggère un analyste.

Il faut signaler qu’il existe dans plusieurs conventions d’investissement dans les domaines des mines, du pétrole ou des infrastructures des clauses de stabilisation qui garantissent les avantages fiscaux, en dérogation aux règles existantes, consentis aux sociétés au moment de la signature des conventions. Des dispositions qui protègent les investisseurs contre d’éventuels changements des règles applicables. Ces dispositions pourront-elles servir pour protéger des effets de la dénonciation ? C’est l’une des interrogations posées par les observateurs. Des réponses pourraient découler des éclairages futurs que les autorités fiscales devront apporter sur les conséquences de la dénonciation.

Certains acteurs du secteur minier suggèrent ainsi qu’en lieu et place d’exonérations fiscales l’État prévoie des investissements pérennes, issus des revenus de l’exploitation. Des investissements durables qui pourront servir les communautés après l’arrêt des exploitations.